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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 21 AVRIL 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/02447 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NEQ2
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 16 mars 2017
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 13/06502
APPELANTE :
SCI MAS DE KLE
représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 8]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée à l'audience par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Société MMA IARD
RCS du MANS n°440 048 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Frédéric VERINE de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Maître [O] [E], pris en sa qualité de liquidateur de la SARL PERRIER TP
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non représenté - signification délivrée à domicile le 22/08/2017
Ordonnance de clôture du 08 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller, chargé du rapport et M. Fabrice DURAND, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021
Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- rendu par défaut.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
La SCI Mas de Kle est propriétaire de deux terrains à [Adresse 6] sur lesquels sont implantés des locaux à usage industriel et de bureaux.
Elle a confié à la SARL Perrier TP, assurée auprès de la SA Mma Assurance Iard, la réalisation des fondations de deux bâtiments en partie haute de ces terrains et la réalisation de l'enrochement et du remblaiement d'une plateforme en amont des locaux existants.
A l'automne 2011, alors que les travaux n'étaient ni réceptionnés ni payés, une partie de l'enrochement s'est effondré en direction des bâtiments en contrebas.
La SA Mma Assurance Iard a fait procéder à la mise en sécurité du site.
La SA Mma Assurance Iard a saisi le juge des référés aux fins de voir organiser une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée par ordonnance du 6 février 2012 à Monsieur [B].
L'expert a déposé son rapport le 12 juin 2013.
La SA Mma Assurance Iard a assigné les 15 et 18 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Montpellier la SCI Mas de Kle et la SARL Perrier TP en paiement du montant des travaux de mise en sécurité qu'elle avait fait réaliser.
Le 18 décembre 2014, la SARL Perrier TP a été placée en liquidation judiciaire et Maître [O] [E] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 16 mars 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- condamné la SCI Mas de Kle à payer à la SA Mma Iard la somme de 187 444,30 euros au titre des dépenses effectuées, avec intérêts au taux légal à compter de la date des paiements et capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- fixé à la somme de 187 444,30 euros la créance de la SA Mma Iard au passif de la SARL Perrier TP au titre des dépenses effectuées ;
- fixé à la somme de 75 077,44 euros la créance de la SCI Mas de Kle au passif de la SARL Perrier TP à titre de préjudice matériel ;
- rejeté toute autre demande ;
- condamné la SCI Mas de Kle à payer à la SA Mma Iard la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Mas de Kle aux dépens, y compris les frais d'expertise.
La SCI Mas de Kle a interjeté appel de ce jugement le 27 avril 2017 à l'encontre de la SA Mma Iard et de Maître [O] [E] pris en sa qualité de liquidateur de la SARL Perrier TP.
Par acte d'huissier du 22 août 2017, la SCI Mas de Kle a fait signifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant à Maître [O] [E] pris en sa qualité de liquidateur de la SARL Perrier TP, non constitué.
Vu les conclusions de la SCI Mas de Kle remises au greffe le 25 juillet 2017 ;
Vu les conclusions de la SA Mma Iard remises au greffe le 29 août 2017 ;
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur l'origine des dommages :
En l'espèce, la SCI Mas de Kle soutient que l'effondrement est un évènement accidentel causé par des précipitations anormales alors que les travaux n'étaient pas achevés, le fait générateur du sinistre ne se trouvant donc pas dans l'absence de réalisation d'études de structures supplémentaires.
Or, il ressort du rapport d'expertise que la cause du sinistre résulte :
- du sous dimensionnement de l'épaisseur du mur qui, en fait, n'est qu'un parement, posé dans un faible encastrement (30 à 40 cm),
- de la construction quasiment à la verticale de l'ouvrage sans véritable encastrement,
- de l'absence de gestion des eaux en raison d'une part de la non imperméabilisation de la plateforme et d'autre part de l'absence de gestion de la collecte des eaux du bâtiment situé en amont, l'expert considérant qu'il s'agit de l'élément déclencheur du sinistre.
L'expert expose que la destabilisation de l'ouvrage a eu pour conséquence :
- des venues d'eau qui sont venues destructurer les remblais pour entraîner les fines,
- le développement à l'arrière de l'ouvrage d'une poussée hydrostatique importante puisqu'il n'existe pas de drain,
- une chute de la cohésion de la matrice fine des remblais qui devait être déjà très limitée.
Il conclu que la stabilité de l'enrochement n'est pas justifiable compte tenu de sa géométrie, de la nature des terrains arrières et de l'absence de dispositif efficace de collecte d'évacuation des eaux pluviales.
Par conséquent, il résulte du rapport d'expertise que le sinistre trouve son origine non pas dans des précipitations anormales mais bien dans un défaut de l'ouvrage.
Sur les responsabilités :
L'expert fait état d'une part d'un problème d'exécution (sous dimensionnement de l'enrochement et absence de gestion des eaux durant la phase chantier), d'autre part d'un problème de conception résultant de l'absence d'étude indispensable à la réalisation d'un tel ouvrage.
Il indique que tant la SARL Perrier TP que la SCI Mas de Kle avaient été informées de cette nécessité lors de l'étude géotechnique faite par la société Fondasol.
Il résulte en effet de cette dernière que l'étude du mur de soutènement ne faisait pas partie de la mission qui lui avait été confiée. Elle soulignait cependant qu'il était indispensable de vérifier la stabilité d'ensemble du talus existant avec la réalisation de sondages en pied et en tête du talus.
La société Fondasol rappelait dans la suite de son rapport, au chapitre 'Travaux préparatoires', la nécessité d'effectuer des études spécifiques avec vérification de la stabilité au grand glissement.
Enfin, au chapitre ' Remarques importantes', elle rappelait une fois de plus que l'étude de l'élargissement de la plateforme, avec raidissement du talus, création d'un enrochement et remblaiement devait faire l'objet d'investigations et d'études spécifiques, avec vérification de la stabilité au grand glissement, dimensionnement de l'enrochement et procédure de mise en oeuvre des remblais.
Si la SCI Mas de Kle fait valoir qu'elle était incompétente et profane en matière de travaux de génie civil et qu'il appartenait à la SARL Perrier TP, en sa qualité de professionnelle, de prendre en compte les préconisations du rapport Fondasol, l'expert relève sur ce point qu'il n'était pas nécessaire d'avoir des compétences techniques poussées pour comprendre que la réalisation de l'enrochement était conditionnée par une étude spécifique concernant sa stabilité et qu'il suffisait que la SCI Mas de Kle passe commande à la société Fondasol.
Il conclut que l'absence d'étude spécifique ne résulte donc pas d'un problème de compréhension ou de compétence technique mais simplement d'un problème financier, la charge de l'étude complémentaire devant revenir à la SCI Mas de Kle.
En tout état de cause, et contrairement à ce que soutient cette dernière, l'étude de la société Fondasol lui permettait d'apprécier l'importance et la nécessité d'une étude spécifique qui était rappelée à plusieurs reprises dans le document.
Si l'expert a partagé la responsabilité par moitié entre la SCI Mas de Kle et la SARL Perrier TP, il convient cependant de relever que si la SCI Mas de Kle aurait dû financer l'étude spécifique préconisée par Fondasol, il appartenait à la SARL Perrier TP, en sa qualité de professionnelle chargée de la réalisation des fondations des deux bâtiments mais également de l'enrochement et du remblai d'une plateforme, d'exiger une étude définissant le principe conceptuel avant de réaliser les travaux, l'expert précisant que la SARL Perrier TP avait nécessairement connaissance de l'étude Fondasol, sans quoi elle n'aurait pu établir de devis.
Dans ces conditions, le partage de responsabilité entre les co-auteurs du dommage s'effectuera de la façon suivante :
- 30 % à la charge de la SCI Mas de Kle
- 70 % à la charge de la SARL Perrier TP
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le préjudice matériel :
L'expert a évalué le montant des préjudices matériels subis par la SCI Mas de Kle à la somme de 150 155,48 euros .
Compte tenu du partage de responsabilité retenu, il convient de fixer la créance de la SCI Mas de Kle au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Perrier TP à la somme de 105 108,83 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
En revanche, la SCI Mas de Kle, qui sollicite une somme de 1 333 033,68 euros correspondant à sa déclaration de créance, ne motive et ne justifie aucunement devant la cour l'existence de préjudice supplémentaire et le bien fondé d'une telle demande, étant rappelé que l'expert a écarté l'existence de tout préjudice immatériel.
La demande présentée à ce titre sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'obligation de la SCI Mas de Kle envers la SA Mma Assurance Iard :
En l'espèce, il résulte d'un protocole d'accord signé entre les Mma, La SCI Mas de Kle et la SARL Perrier TP que l'assureur, compte tenu de l'extrême urgence et pour éviter toute aggravation des dommages, préfinancerait les travaux de mise en sécurité pour le compte de qui il appartiendra.
Par conséquent, la SCI Mas de Kle, à qui les travaux ont profité, doit payer à la SA Mma Assurance Iard le montant des travaux réalisés par cette dernière pour le compte de qui il appartiendra et évalué par l'expert à la somme de 187 444,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date des paiements (28 décembre 2011) et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
En revanche, la SA Mma Iard ne motive aucunement sa demande aux fins de fixer sa créance au passif de la SARL Perrier TP, qui n'a pas bénéficié des travaux préfinancé par elle, à la somme de 106 474,28 euros, le montant de cette somme n'étant par ailleurs nullement explicité.
Elle sera déboutée de cette demande.
Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 187 444,30 euros la créance de la SA Mma Iard au passif de la SARL Perrier TP au titre des dépenses effectuées.
Sur la garantie de la SA Mma Iard :
La SA Mma Iard soutient que l'article 8 des conventions spéciales n° 971 exclut des garanties les murs de soutènement s'il n'a pas été effectué une étude technique préalablement à l'exécution des travaux par un ingénieur conseil spécialisé et si ceux-ci ne sont pas conformes aux préconisations résultant de cette étude.
Elle fait également valoir que l'article 42 des conventions spéciales exclut de la garantie les dommages résultant de l'inobservation inexcusable des règles de l'art telles qu'elles sont définies par la réglementation en vigueur quant ses motifs sont imputables à l'entrepreneur ou au sous-traitant.
Or, force est de constater que les articles 8 et 42 prévoyant ces exclusions de garantie ne figurent aucunement dans la pièce n° 4 versée aux débats par l'assureur et correspondant aux conditions particulières et au tableau des garanties de la police d'assurance de sorte que la cour ne peut en contrôler la réalité.
Les activités déclarées par la SARL Perrier TP correspondant aux travaux réalisés par cette dernière, la SA Mma Iard, qui ne démontre pas l'existence des clauses d'exclusion qu'elle invoque, sera condamnée à garantir la SARL Perrier TP concernant le sinistre survenu sur l'immeuble de la SCI Mas de Kle.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Enfin, la SA Buesa n'étant pas dans la cause et rien ne démontrant qu'elle ait formulé des réclamations, il y a lieu de confirmer le jugement ayant rejeté la demande de la SA Mma Iard présentée à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 187 444,30 euros la créance de la SA Mma Iard au passif de la SARL Perrier TP au titre des dépenses effectuées et fixé à la somme de 75 077,44 euros la créance de la SCI Mas de Kle au passif de la SARL Perrier TP à titre de préjudice matériel ;
Statuant à nouveau,
Dit que le partage de responsabilité entre les co-auteurs du dommage s'effectuera de la façon suivante :
- 30 % à la charge de la SCI Mas de Kle
- 70 % à la charge de la SARL Perrier TP
Fixe en conséquence la créance de la SCI Mas de Kle au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Perrier TP à la somme de 105 108,83 euros ;
Déboute la SA Mma Iard de sa demande aux fins de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Perrier TP à la somme de 106 474,28 euros ;
Condamne la SA Mma Iard à garantir la SARL Perrier TP concernant le sinistre survenu sur l'immeuble de la SCI Mas de Kle ;
Condamne la SCI Mas de Kle aux entiers dépens d'appel ;
Condamne la SCI Mas de Kle à payer à la SA Mma Iard la somme de 2 000 euros, pour ses frais engagés en appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,