La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2022 | FRANCE | N°19/00004

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 20 avril 2022, 19/00004


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 20 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00004 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N6RO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 18/00106



Arrêt n°





APPELANTE :



UNEDI DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE

1 rue des Péniten

ts Blancs CS 81510

31015 TOULOUSE CEDEX

Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO substituée par Me Pierre CHATEL, avocat de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMES :

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00004 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N6RO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 18/00106

Arrêt n°

APPELANTE :

UNEDI DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE

1 rue des Pénitents Blancs CS 81510

31015 TOULOUSE CEDEX

Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO substituée par Me Pierre CHATEL, avocat de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Me [V] [U] - Mandataire Ad Hoc de Mr [Y] [G] ( Société BATI CONSTRUCTION)

8, rue Paul Louis Courrier

2ème étage

11100 NARBONNE

ni comparante, ni représentée

Monsieur [X] [S]

né le 30 Décembre 1977 à Oran

de nationalité Algérienne

33, Boulevard Kenedy, Résidence le Miami, porte 33

66100 Perpignan

Représenté par Me François CAULET, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/015827 du 30/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 31 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Premier Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Le 17 octobre 2012, Monsieur [X] [S] a été engagé par Monsieur [Y] [G], artisan, en qualité de maçon par le biais d'un contrat à durée indéterminée. La convention collective applicable était celle des ouvriers du bâtiment de la région du Languedoc Roussillon.

Le 13 décembre 2013, le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie et n'a plus repris le travail à compter de cette date.

Le 26 juillet 2017, Monsieur [G] a été placé en liquidation judiciaire et Maître [U] a été désignée mandataire liquidateur.

le 17 octobre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan d'un rappel d'indemnités journalières et compléments de salaire, outre des dommages et intérêts pour paiement tardif de ces sommes, et, le 26 mars 2018, il l'a saisi d'une demande de résiliation judiciaire.

Le 25 juillet 2018, l'entreprise de Monsieur [G] a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif et, le 5 septembre 2018, Maître [U] a été désignée mandataire ad'hoc.

Par jugement du 14 novembre 2018, le conseil de prud'hommes a ordonné la résiliation judiciaire du contrat à la date du 26 juillet 2017, dit que la résiliation judiciaire est imputable à l'employeur, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé la créance de Monsieur [S] au passif de la liquidation aux sommes suivantes : 10000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1769,40€ à titre de rappel des prestations maladies non reversées par le salarié, 1000€ au titre du préjudice pour l'absence de salaires entre décembre 2014 et le 26 septembre 2017, ordonné à maître [U] la remise des bulletins de salaire à compter de décembre 2014 et documents de fin de contrat, déclaré le jugement opposable au mandataire judiciaire Me [U] ainsi qu'à l'Ags-Cgea dans la limite des plafonds et garanties, débouté les parties du surplus de leurs demandes, constaté que Monsieur [S] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et laissé les dépens à la charge de la liquidation.

C'est le jugement dont l'Unédic délégation Ags-Cgea de Toulouse a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 11 avril 2019, l'Unédic délégation Ags-Cgea de Toulouse demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau : débouter Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre subsidiaire : ramener le montant de tout dommages et intérêts éventuellement dus à de plus justes proportions ;

- en tout état de cause : constater que la rupture du contrat de travail sera fixée postérieurement au seizième jour suivant la liquidation judiciaire, exclure de la garantie Ags l'ensemble des indemnités de rupture, prononcer la mise hors de cause le Cgea, constater que la garantie de I'Ags est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du code du travail et qu'en l'espèce, c'est le plafond 6 qui s'applique, exclure de la garantie Ags les sommes éventuellement fixées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens et astreinte, dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 in fine du Code du travail.

Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 10 avril 2019, Monsieur [X] [S] demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé la résiliation judiciaire imputable à l'employeur et qu'elle est intervenue le 30 juillet 2017, fixer en conséquence la créance du salarié à hauteur des sommes suivantes : 10992,72€ à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 5000€ à titre de dommages et intérêts pour l'absence de paiement des salaires et remise tardive des bulletins de paie et 6604,92€ à titre de rappel de prestations maladies non versées au salarié, inviter Me [U] à remettre les bulletins de salaire à compter du mois de décembre 2014, de l'attestation pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte et dire la décision à venir opposable à l'Ags.

Maître [U], régulièrement appelée en la cause, n' a pas constitué avocat.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2022.

SUR CE

Sur la résiliation judiciaire

Sur les manquements de l'employeur

Ainsi que le salarié le soutient, sans être contesté sur ce point par le Cgea, son employeur aurait dû lui verser, suite à son arrêt de travail pour maladie du 13 décembre 2013, les indemnités journalières dues au titre de la prévoyance du BTP.

Or, il résulte du dossier que, dès le premier jour de l'arrêt de travail, l'employeur n'avait plus versé de salaire à Monsieur [S] alors que l'organisme de prévoyance Pro BTP avait payé entre ses mains les indemnités journalières prévues au contrat collectif de prévoyance à compter du 91ème jour de l'arrêt de travail. L'employeur avait conservé ces sommes qui auraient dû être rétrocédées au salarié.

Ce manquement de Monsieur [G] à son obligation de versement des salaires ou de ses substituts est d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

En conséquence, il sera fait droit à la demande du salarié et la résiliation produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la date de la résiliation judiciaire

Il est constant qu'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors qu'à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de l'employeur.

L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'a pas d'effet sur les contrats de travail. Ceux-ci se poursuivent normalement, sauf si le liquidateur judiciaire décide de procéder à des licenciements.

En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [S] n'avait jamais fait l'objet d'une rupture à l'initiative du salarié, de Monsieur [G] ou du mandataire liquidateur de l'entreprise.

Il s'en déduit qu'à la date à laquelle le conseil de prud'hommes a statué, le contrat de travail n'avait pas été rompu et Monsieur [S] était toujours au service de son employeur.

Dès lors, il y a lieu de fixer au 14 novembre 2018 la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Le jugement est donc infirmé sur la date retenue.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire

Au vu de la taille non contestée de l'entreprise (inférieure à onze salariés), de l'âge du salarié (né en 1977), de son ancienneté (engagé le 17 octobre 2012), de sa rémunération brute (1680,50€) et de ce que le salarié ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement, il lui sera alloué la somme de 8000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

Sur le rappel des indemnités journalières

Pour demander l'infirmation du jugement qui l'a débouté d'une partie de sa demande de rappel d'indemnités journalières de prévoyance, le salarié soutient que son employeur avait tardé à déclarer son arrêt de travail auprès de la caisse de prévoyance et qu'il avait encaissé les indemnités journalières versées par cette caisse au lieu de les lui rétrocéder.

Le Cgea réplique que toutes les sommes dues avant le 26 mars 2015 étaient prescrites en application de la prescription triennale des salaires.

En application de l'article L3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, la date de rupture du contrat de travail a été fixée au 14 novembre 2018.

Or, le salarié sollicite un rappel d'indemnités journalières de prévoyance pour la période du 13 mars 2014 au 26 septembre 2015.

Dans la mesure où ces sommes ne portent pas sur les trois années précédant la rupture du contrat, elle doivent être déclarées prescrites.

La cour relève par ailleurs que le salarié ne sollicite pas le versement d'indemnités journalières pour la période postérieure au 14 novembre 2015.

En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'absence de versement des indemnités journalières et de remise des bulletins de salaire

Le salarié qui soutient avoir été privé, pendant son arrêt de travail, de ses bulletins de paie et de ses revenus par son employeur, lequel avait conservé les indemnités de prévoyance qui auraient dû être rétrocédées, justifie d'un préjudice qui sera justement évalué à la somme de 3000€.

Le jugement sera donc infirmé quant au quantum alloué au titre de ces dommages et intérêts.

Sur la garantie de l'Ags

L'article L 3253-8 du Code du travail dispose que « L'assurance mentionnée à l'article L 3253-6 couvre :

1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d'observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;

d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité ; (...)».

En conséquence, l'Ags ne garantit en l'espèce que les dommages et intérêts précédemment alloués qui trouvaient leur cause dans l'inexécution par l'employeur de son obligation de payer à son salarié les salaires ou leurs substituts.

Le contrat ayant été rompu le 14 novembre 2018, les créances résultant de la rupture du contrat de travail ne sont pas garanties par l'Ags.

Sur les autres demandes

Le mandataire ad'hoc sera condamné es qualité à remettre au salarié une attestation pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire rectificatifs conformes au présent arrêt dans les deux mois de la signification de l'arrêt.

Il sera alloué au salarié la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Cgea, qui succombe, sera tenu aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Perpignan du 14 novembre 2018 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur et a statué sur les dépens ;

Le réforme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant ;

Dit que la résiliation judiciaire prend effet au prononcé du jugement du 14 novembre 2018 ;

Dit le rappel de salaire prescrit ;

Fixe la créance de Monsieur [X] [S] au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [G], représentée par Me [U], es qualité de mandataire ad'hoc, aux sommes suivantes :

- 3000€ à titre de dommages et intérêts pour non paiement des indemnités journalières de prévoyance et défaut de remise des bulletins de salaire ;

- 8000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que ces montants seront inscrits sur l'état de créances de Monsieur [Y] [G] par Me [U] en qualité de mandataire ad'hoc ;

Dit que Me [U], es qualité de mandataire ad'hoc, devra remettre à Monsieur [X] [S], dans les deux mois de la notification de l'arrêt, l'attestation destinée à pôle-emploi, le certificat de travail et les bulletins de salaire rectifiés et conformes ;

Dit que seule la créance au titre des dommages et intérêts pour non paiement des indemnités journalières de prévoyance et défaut de remise des bulletins de salaire est garantie par l'Unédic délégation Ags-Cgea de Toulouse ;

Dit que la décision est opposable à l'Unédic délégation Ags-Cgea de Toulouse dans les limites des textes légaux et réglementaires ainsi que dans la limite du plafond légal 6 ;

Dit que les créances salariales sont fixées en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L.3253-8 in fine du code du travail ;

Rappelle que l'Unédic délégation Ags-Cgea de Toulouse ne garantit pas les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni les dépens ;

Dit que les dépens de la présente instance seront supportés par la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [G] représenté par Me [U] en qualité de mandataire ad'hoc.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00004
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;19.00004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award