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20/04/2022 | FRANCE | N°18/01210

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 20 avril 2022, 18/01210


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 20 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01210 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N5GS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 17/01130



Arrêt n°







APPELANT :



Monsieur [H] [F]

né le 05 Juin 1990 à PRETORI

A (AFRIQUE DU SUD)

de nationalité Sud-Africaine

605, Route de Fronton

64480 USTARITZ



Représenté par Me Romuald PALAO de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE











INTIMEE :



S.A. MONTPEL...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01210 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N5GS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 17/01130

Arrêt n°

APPELANT :

Monsieur [H] [F]

né le 05 Juin 1990 à PRETORIA (AFRIQUE DU SUD)

de nationalité Sud-Africaine

605, Route de Fronton

64480 USTARITZ

Représenté par Me Romuald PALAO de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A. MONTPELLIER RUGBY CLUB

500 Avenue de Vanieres

500, Avenue de Vannière

34070 MONTPELLIER

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat plaidant au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Ordonnance de clôture du 31 Janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Premier Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [H] [F] a été engagé par la sasp Club Aviron Bayonnais Rugby Pro en qualité de joueur de rugby professionnel par contrat à durée déterminée spécifique aux sportifs pour les saisons sportives 2016/2017, 2017/2018 et 2018/2019.

Le 16 février 2017, le salarié a été prêté, par convention tripartite signée entre les deux clubs sportifs et le joueur, à la sasp Club Montpellier Rugby (MHR) en tant que 'joker médical' jusqu'à la fin de la saison sportive 2016/2017.

Il était prévu, par courrier du 16 février 2017, que le salarié perçoive, outre sa rémunération mensuelle de 21530,90€, une prime d'objectif en cas de classement du club entre la 1ère et la 4ème place du top 14, une prime de jeu, le remboursement de ses vacances de février 2017 et la prise en charge de son logement.

A la fin de la saison 2016/2017, le salarié a réintégré le club bayonnais.

Sollicitant la requalification à durée indéterminée de son contrat de travail ainsi que diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat, le salarié a saisi, le 11 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Montpellier lequel, par jugement du 9 novembre 2018, a débouté le salarié de la totalité de ses demandes, condamné le salarié au versement de la somme de 900€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté le MHR de sa demande en procédure abusive et condamné le salarié aux dépens.

C'est le jugement dont Monsieur [F] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Monsieur [H] [F] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 28 janvier 2022 dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la sasp Montpellier Rugby Club de sa demande pour procédure abusive et requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ;

- à titre subsidiaire : poser les questions préjudicielles suivantes à la CJUE :

* « La Clause 5 de l'accord cadre et de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée peut-elle être interprétée comme s'opposant à l'article L 122-2-3 du code du sport en ce qu'il ne fixerait pas de critères objectifs vérifiables et transparents pour prévenir l'abus de recourir au contrat à durée déterminée ' »

* « De même, la Clause 5 de l'accord cadre et de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée peut-elle être interprétée comme s'opposant à l'article L 122-2-3 du code du sport en ce qu'elle impose un seul et même contrat à durée déterminée à l'ensemble des sportifs salariés, peu importe la durée et la raison de leur embauche ' »

* « Plus généralement, les prescriptions des articles L222-2-1 et suivants du Code du Sport relatifs au contrat à durée déterminée sont-elles conformes aux dispositions de la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ' »

- condamner la sasp Montpellier Rugby Club à lui verser les sommes suivantes :

* 16000€ nets à titre de rappel de primes outre 1920€ nets au titre des congés payés y afférents;

*21530,90€ à titre d'indemnité de requalification ;

* 21530,90€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2.583,70€ au titre des congés payés y afférents ;

*21530,90€ à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement ;

* 65000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 129185,40€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- condamner la sasp Montpellier Rugby Club à lui transmettre les bulletins de paie et documents de fin de contrats conformes au jugement, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de celui-ci, sous astreinte de 50€ par jour de retard ;

- condamner la sasp Montpellier Rugby Club à verser la somme 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la sa Montpellier Rugby Club régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 24 janvier 2022 dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié en toutes ses demandes et débouter Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société MHR de sa demande de condamnation de Monsieur [F] au paiement d'une somme de 10000€ pour procédure abusive,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société MHR de sa demande de condamnation de Monsieur [F] au paiement d'une somme de 5000,00 € au titre de l'indemnité de l'art. 700 code de procédure civile, ne le condamnant qu'à une somme de 900€ à ce titre et condamner Monsieur [F] au paiement à la société MHR d'une somme de 10000€ pour procédure abusive et le condamner au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE pour les frais non compris dans les dépens de première instance,

- y ajoutant, condamner Monsieur [F] au paiement d'une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens engagés en appel et le condamner en tous les dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2022.

SUR CE

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

L'intimé sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir communiquer sa pièce n°14 communiquée tardivement, à savoir l'attestation de M. [I], responsable juridique et RH du MHR.

Cependant, l'intimé ne justifie d'aucune cause grave susceptible d'emporter la révocation de l'ordonnance de clôture.

En conséquence, la cour rejette la demande de révocation et ne prendra en compte que les seules conclusions notifiées et déposées au RPVA le 24 janvier 2022 par l'intimé ainsi que les 13 pièces visées dans le bordereau de communication de pièces annexé auxdites conclusions.

Sur la relation juridique entre le MHR et le joueur

Le salarié soutient que son contrat de travail avec le club de Bayonne était suspendu et qu'un nouveau contrat de travail avait existé avec le MHR, ce dernier ayant assumé à son endroit les charges inhérentes à tout employeur (déclaration préalable à l'embauche, paiement du salaire et fourniture des documents de fin de contrat).

Le MHR réplique que sa relation avec le salarié ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un nouveau contrat de travail mais dans la continuité du contrat à durée déterminée que ce dernier avait signé avec le club de Bayonne, que ce contrat à durée déterminée n'avait pas fait l'objet d'une suspension, qu'il était impossible que deux contrats à durée déterminée aient pu coexister, que la convention tripartite était conforme aux accords collectifs et règlements de la profession, que la mutation temporaire d'un joueur professionnel ne requérait pas la signature d'un nouveau contrat à durée déterminée avec le club d'accueil et que la demande du salarié tendait à remettre en cause 'l'exception sportive' voulue par le législateur.

La loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015 a créé un contrat à durée déterminée spécifique au sportif professionnel et à l'entraîneur professionnel qui constitue dorénavant le droit commun du contrat de travail en matière de sport professionnel.

En application de l'article L222-2-1 du code du sport, dans sa rédaction alors applicable, le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l'entraîneur professionnel salarié, à l'exception des dispositions des articles L. 1221-2 , L. 1241-1 à L. 1242-9 , L. 1242-12 , L. 1242-13 , L. 1242-17 , L. 1243-7 à L. 1243-10 , L. 1243-13 à L. 1245-1 , L. 1246-1 et L. 1248-1 à L. 1248-11 relatives au contrat de travail à durée déterminée.

En application de l'article L222-2-3 du code du sport, afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée.

Selon l'alinéa second de l'article L222-3 du même code, 'les articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ne sont pas applicables à l'opération mentionnée au présent alinéa lorsqu'elle concerne le sportif ou l'entraîneur professionnel salarié d'une association sportive ou d'une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 du présent code muté temporairement au sein d'une autre association sportive ou d'une société et dont les modalités sont prévues par convention ou accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.'

En l'espèce, il est constant que le déploiement de Monsieur [F] au sein du MHR correspondait à une situation de mutation temporaire (aussi dénommée prêt de joueur) ayant pris effet en application de la convention du 16 février 2017 intitulée 'Avis de mutation temporaire d'un contrat de travail de joueur de rugby professionnel ou professionnel pluriactif homologué' signée par les deux clubs et le joueur. Le MHR ne soutient pas que cette convention valait contrat à durée déterminée entre lui et le joueur.

Les parties revendiquent toutes deux l'application de la convention collective du rugby professionnel laquelle stipule, s'agissant de la saison 2016/2017, à son article 2.4.2 relatif aux mutations temporaires : 'Pendant la durée de la mutation temporaire, le joueur est mis à la disposition du Club d'accueil. Cette mise à disposition est nécessairement à but non lucratif' et, plus loin, 'le Club d'accueil, qu'il soit professionnel ou qu'il évolue en Fédérale 1, assume, pendant la durée de la mutation temporaire, l'ensemble des obligations à la charge de l'employeur : versement de la rémunération et des cotisations correspondantes, prise en charge de l'assurance complémentaire dans le respect de la CCRP et des garanties existantes dans le Club prêteur (prise en charge du coût du régime de prévoyance collectif). Ces obligations doivent figurer dans l'avis de mutation temporaire correspondant.'

Cette convention collective ne précise pas la nature de la relation juridique existant entre le joueur prêté et le club d'accueil, pas plus que l'article L222-3 du code du sport qui autorise, de façon dérogatoire au droit commun, le prêt de sportif professionnel entre clubs à but lucratif.

Si le prêt de main d'oeuvre classiquement entendu se fait sans qu'un second contrat de travail soit conclu entre le salarié et l'entreprise utilisatrice, l'entreprise prêteuse continuant d'assurer les fonctions d'employeur et de verser les charges sociales et le salaire au salarié mis à disposition ensuite refacturés à l'entreprise utilisatrice, il ressort toutefois du dossier que c'était le MHR qui versait à Monsieur [F] son salaire. Il est également indiqué à la convention tripartite de mutation que le MHR avait effectué une déclaration préalable à l'embauche auprès de l'Urssaf de Montpellier.

Dès lors, la relation triangulaire ayant existé entre Monsieur [F], le club de Bayonne et le MHR doit s'analyser, non comme un prêt de main d'oeuvre, à but lucratif ou non, mais comme une véritable mutation, toutefois temporaire, ayant conduit à l'établissement d'un second contrat de travail entre le club d'accueil et le joueur et à la suspension du premier contrat de travail entre Monsieur [F] et le club de Bayonne auquel il était initialement lié par contrat à durée déterminée spécifique.

L'article 42), 5) des statuts et règlements Généraux de la LNR pour la saison 2016/2017, invoqués par l'intimé, expose d'ailleurs de façon explicite que 'les joueurs mutés temporairement sont considérés, pendant la durée de la mutation temporaire, comme joueurs sous contrat dans l'effectif du Club d'Accueil, notamment s'agissant des dispositions relatives à la composition de l'effectif du club'.

En tout état de cause, le dispositif instauré par la loi du 27 novembre 2015 ne saurait tel qu'existant tenir en échec la règle d'ordre public selon laquelle l'existence d'un contrat de travail se déduit des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Or, Monsieur [F] justifie d'un contrat de travail apparent dans la mesure où il produit les bulletins de paie et l'attestation pôle emploi établis par le MHR ainsi que le certificat de travail du MHR pour la période du 16 février au 30 juin 2017.

Le MHR, à qui il appartenait en présence d'un contrat de travail apparent d'établir son éventuel caractère fictif, se borne à soutenir que la mutation temporaire de joueur n'imposait pas la conclusion d'un second contrat à durée déterminée alors que cela ne s'évince ni des dispositions législatives ni des dispositions conventionnelles. Il importe peu que l'intimé ait rempli un formulaire d'avis de mutation préétabli par la ligue, la convention tripartite de mutation ne le dispensant de signer avec le joueur qui lui était prêté un contrat de travail.

Il est aussi soutenu que l'homologation par la ligne nationale de rugby de l'avis de mutation temporaire attestait de la régularité du prêt qui ne pouvait alors qu'être contesté devant les juridictions administratives compétentes. Cependant, la cour constate que cette homologation n'est pas établie dans la mesure où la pièce n°5 du MHR ne mentionne pas le nom de M. [F]. A supposer qu'elle l'ait été, l'homologation de la convention tripartite n'empêchait pas le club d'accueil de conclure avec le joueur un contrat de travail qui aurait également été homologué par cette instance sportive en application de l'article L222-2-6 du code du sport.

Il s'en suit que Monsieur [F] et le MHR ont été liés par un contrat de travail à compter du 16 février 2017.

L'article L222-2-5 du code du sport impose que le contrat à durée déterminée du sportif professionnel soit établi par écrit, à peine, selon l'article L222-2-8 du même code, d'être réputé à durée indéterminée.

En l'absence de contrat à durée déterminée écrit, il convient de qualifier le contrat liant Monsieur [F] et le MHR en contrat de travail à durée indéterminée, sans qu'il soit besoin d'analyser les demandes formulées par le salarié à titre subsidiaire.

La relation de travail ayant été, dès l'origine, à durée indéterminée, l'indemnité de requalification sollicitée par l'appelant n'est donc pas due.

Sur le licenciement

Il ressort du dossier, et notamment du dernier bulletin de paie et du dernier certificat de travail délivrés au salarié pour la période du 16 février au 30 juin 2017, que le MHR avait cessé de fournir du travail, de verser un salaire et avait remis un certificat de travail à son salarié. La rupture intervenue le 30 juin 2017 était donc consommée à l'initiative de l'employeur.

Tenant l'absence de lettre de rupture des relations contractuelles à cette date, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de surcroît irrégulière, qui ouvre droit au profit du salarié au paiement des indemnités liées à cette rupture et de dommages et intérêts.

Le salarié disposait d'une ancienneté de 4,5 mois dans une entreprise de plus de 11 salariés à la date de la rupture. Compte tenu de son âge (né en 1990), de sa rémunération (21530,90€) et de ce qu'il avait réintégré le club de Bayonne à l'issue de la saison sportive 2017, il convient de lui allouer les sommes de :

- 15000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5000€ à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

Le salarié n'est pas fondé à invoquer, après avoir invoqué la convention collective de rugby professionnelle, la convention collective nationale du sport pour justifier de sa demande d'indemnité compensatrice de prévis d'un mois.

La convention du rugby professionnel ne détermine pas de durée de préavis.

Dès lors, en application de l'article L1234-1, 1°, du code du travail, Monsieur [F] a droit à un préavis dont la durée est déterminée par les usages pratiqués dans la localité et la profession.

En l'espèce, aucune des parties ne rapporte cet usage, de sorte qu'il convient de fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 21530,90€, outre les congés payés y afférents.

Sur les rappels de prime

Pour demander la réformation du jugement l'ayant débouté de sa demande de rappel de primes, le salarié soutient que son employeur qui s'était engagé à lui verser 16000€ de primes individuelles et 10000€ de primes collectives ne lui avait payé à ce titre qu'une somme de 10000€.

Sur la prime de classement dans le top 4 du Top 14

Selon le courrier du 16 février 2017 du président directeur général du MHR, Monsieur [N] [X], Monsieur [F] devait percevoir 'en cas de classement du club entre la 1ère place et la 4ème place (incluse) au classement annuel du top 14 (1ère division de championnat professionnel de rugby) lors de la saison 2016/2017, une prime calculée sur l'atteinte de cet objectif d'un montant de 6000€ nets. (Le classement sportif est annuellement déterminé par la LNR/FFR selon les résultats réalisés pour la saison considérée. La saison s'entend du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante).'

L'intimé réplique au salarié, qui soutient que c'était le classement à l'issue de la phase régulière qui était visé par cette clause, que ce classement s'entend comme du classement sportif final déterminé par la ligue nationale pour la saison du 1er juillet au 30 juin 2017.

Les parties sont en litige sur la notion de classement annuel du top 14 visé dans le courrier du 16 février 2017.

Le salarié produit le classement à l'issue de la saison régulière, par ailleurs disponible sur le site internet de la ligue nationale de rugby, qui fait apparaître que le MHR avait terminé 3ème sur 14 pour la saison 2016/2017. Contrairement à ce que le MHR soutient, cette impression d'écran ne renvoie pas au classement temporaire de mars 2017 mais au classement à l'issue de la 26ème et dernière journée de match.

Le MHR produit, quant à lui, le bilan moral de la ligue qui présente deux classements :

- le classement à l'issue de la saison régulière selon lequel le MHR a terminé 3ème ;

- le classement final suite à la phase finale comprenant les matches de barrage, de demi-finales et de finale selon lequel le MHR a terminé 5ème.

Le courrier du 16 février 2017, qui précise que 'le classement sportif est annuellement déterminé par la LNR/FFR selon les résultats réalisés pour la saison considérée', doit s'interpréter comme portant sur le classement général du Top 14, celui qui fait directement suite à la saison régulière, qui est retenu tant par la ligue que par la presse spécialisée et qui conditionne la relégation en division 2, et non le classement final figurant au seul bilan moral de la LNR.

En conséquence, le MHR ayant terminé la saison régulière à la 3ème place sur 14, la prime de classement dans le top 4 du Top 14 est due au salarié auquel il sera alloué à ce titre la somme de 6000€.

Sur les primes de challenge de fin de saison

Par courriel du 10 mars 2017 dont le salarié n'était pas destinataire, le MHR avait instauré les primes suivantes :

'Ils nous restent aujourd'hui 7 matches avant les phases finales, l'objectif de début de saison était et reste de terminer le championnat dans le top 4, pour ensuite gagner le Top 14.

Aujourd'hui, nous sommes 4ème et pour accroître votre motivation, le président [X] et les coachs ont décidé de vous fixer des objectifs pour chaque match.

Pour les 4 matchs à domicile (Racing, Grenoble, Bayonne, Paris) : une prime de 1K€ sera attribuée pour chaque victoire avec bonus offensif.

Pour les 3 matches à l'extérieur (Clermont, Brive, La Rochelle) : une prime de 3K€ pour chaque victoire et une prime de 1,5K€ en cas de bonus défensif.

Ces primes seront versées aux 23 joueurs sur la feuille de match. Elles pourraient représenter un montant total maximum de 300K€.

Comme expliqué tout à l'heure en salle vidéo, ces primes ne vous seront attribuées que si nous finissons dans le Top 4.

Aussi les primes seront diminuées de 50% :

- en cas de retard ou absence non justifiée,

- en cas de non-respect du dress code,

- en cas d'absence aux 2 repas obligatoires de la brasserie chaque semaine,

- en cas de non-respect des RP'.

Au salarié qui démontre avoir joué les 7 matches visés dans ce courriel, le MHR fait valoir, d'une part, que Monsieur [F], qui n'était pas destinataire du courriel, bénéficiait déjà de primes personnalisées largement plus favorables de 1000€ nets par match que le match soit gagné ou perdu et, d'autre part, que la prime collective au courrier de mars 2014 était conditionnée à la présence dans le top 4 du Top 14 alors que le MHR avait terminé 5ème au classement final.

Ainsi que le soutient le salarié, dans la mesure où il faisait partie des effectifs du MHR et lié par contrat de travail, il pouvait prétendre, en application du principe d'égalité de traitement, à ces primes forfaitaires, au même titre que les autres joueurs de l'équipe figurant sur les feuilles des matches considérés, peu important qu'il n'ait pas été destinataire de ce courriel.

Encore faut-il, pour que le salarié puisse cumuler cette prime collective avec la prime individuelle de match de 1000€ nets qu'il percevait pour chaque inscription sur la feuille de match et entrée en jeu selon les termes du courrier du 16 février 2017, que ces avantages n'aient pas le même objet ni la même cause.

Au cas présent, le MHR n'est pas fondé à soutenir que le salarié était déjà avantageusement récompensé par sa prime individuelle dans la mesure où cette prime qui récompensait le fait de jouer ou de jouer partiellement n'avait ni le même objet ni la même cause que la prime collective qui récompensait le fait de gagner ou de perdre avec un faible écart.

S'agissant de la condition relative au classement dans le top 4 du Top 14, la cour a déjà interprété ce qu'il fallait entendre par classement, étant ajouté que le rédacteur du courriel du 10 mars 2017 avait au surplus distingué la phase régulière (' terminer le championnat dans le top 4") de la phase finale postérieure des barrages, demi-finales et finale (' pour ensuite gagner le Top 14').

Puisqu'il n'est pas contesté que le salarié avait été inscrit sur la feuille de match des 7 matches visés par le courriel du 10 mars 2017 ni que ces matches avaient donné lieu à 5 victoires et 2 bonus défensifs, il sera alloué à ce titre au salarié, dans les limites de la demande, la somme de 10000€, peu important que la directrice générale adjointe du MHR ait attesté qu'aucune prime 'au titre d'un TOP 4" n'avait été versée aux joueurs de l'effectif au titre de la saison 2016/2017.

En conséquence, le jugement qui a rejeté le rappel de primes sollicité par le salarié sera réformé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Les circonstances dans lesquelles le MHR avait pris en charge au titre de frais professionnels le coût d'hébergement du joueur ne révèlent pas une intention frauduleuse se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de sécurité sociale.

En conséquence, la demande au titre du travail dissimulé sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le MHR sera condamné à remettre au salarié une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif rectifiés et conformes au présent arrêt dans les deux mois de la signification de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette remise d'une astreinte.

Il sera alloué au salarié la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le MHR, qui succombe, sera débouté de sa demande au paiement d'une somme pour procédure abusive et sera tenu aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Rejette les conclusions de la sa Montpellier Rugby Club notifiées et déposées au RPVA le 31 janvier 2022 ainsi que la pièce n°14 figurant au bordereau annexé aux dites conclusions ;

Réforme le jugement du 9 novembre 2018 du conseil de prud'hommes de Montpellier sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [H] [F] de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé et la sa Montpellier Rugby Club de sa demande de procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant ;

Dit que la sa Montpellier Rugby Club et Monsieur [H] [F] ont été liés par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 février 2017 ;

Condamne la sa Montpellier Rugby Club à verser à Monsieur [H] [F] les sommes suivantes :

- 15000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5000€ à titre de dommages et intérêts dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

- 21530,90€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2153,09€ à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 16000€ à titre de rappel de primes,

- 1600€ à titre d'indemnité de congés payés afférents,

- 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à la sa Montpellier Rugby Club de remettre à Monsieur [H] [F] , dans les deux mois de la notification de l'arrêt, l'attestation pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie récapitulatif rectifiés et conformes ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Condamne la sa Montpellier Rugby Club aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01210
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;18.01210 ?
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