La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/2022 | FRANCE | N°18/01107

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 20 avril 2022, 18/01107


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01107 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4E7



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F16/00294



APPELANT :



Monsieur [P] [Y]

49 rue de la barbacane

11130 SIGEAN / FRANCE

Représenté par Me Xavier L

AFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS







INTIMEE :



SAS TRANSPORTS CHABAS FRAICHEUR

42 Quartier La Crau Route d'Avignon

84300 CAVAILLON

Représentée par Me GUILLEMAIN a...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01107 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4E7

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 OCTOBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F16/00294

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

49 rue de la barbacane

11130 SIGEAN / FRANCE

Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

SAS TRANSPORTS CHABAS FRAICHEUR

42 Quartier La Crau Route d'Avignon

84300 CAVAILLON

Représentée par Me GUILLEMAIN avocat de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, et M.FOURNIE Conseiller, le rapport fait.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Le 17 octobre 2006, Monsieur [P] [Y] a été engagé par la Sas Transports Chabas Fraicheur en qualité de manutentionnaire spécialisé en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et moyennant une rémunération mensuelle brute de 1254,31 €.

Par avenant du 25 février 2015, Monsieur [P] [Y] a été classé dans la catégorie 'employé de service et d'exploitation' à compter du 1er mars 2015.

Le 31 août 2016, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 9 septembre 2016.

Par lettre du 14 septembre 2016, il a été licencié pour cause réelle sérieuse.

Le 21 novembre 2016, il a saisi le conseil de prud'hommes de Narbonne pour faire requalifier son licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamer des indemnités.

Par jugement du 15 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Narbonne a :

-confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-débouté Monsieur [P] [Y] de toutes ses demandes,

-débouté la Sas Transports Chabas Fraicheur de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Monsieur [P] [Y] aux dépens.

C'est le jugement dont Monsieur [P] [Y] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 6 février 2019, Monsieur [P] [Y] demande à la cour de :

REFORMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

STATUANT A NOUVEAU :

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [Y] est dépourvu de cause

économique réelle et sérieuse

Condamner en conséquence la SAS TRANSPORTS CHABAS FRAICHEUR à payer à

Monsieur [P] [Y] la somme de 20 000 € nets de CSG CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail.

Condamner la SAS TRANSPORTS CHABAS FRAICHEUR à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 2 808,42 € à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis outre

280,88 € au titre des congés payés afférents.

Condamner la SAS TRANSPORTS CHABAS à remettre à Monsieur [P] [Y] une attestation Pole Emploi rectifiée et conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la signification dudit arrêt.

Dire et juger que les sommes ayant une nature salariale porteront intérêts au légal à compter du jour de la réception par la société SAS TRANSPORTS CHABAS de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de NARBONNE, celle-ci valant sommation de payer et ce en application des dispositions de l'article 1344-1 du code civil.

Condamner la SAS TRANSPORTS CHABAS à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dire que les frais d'exécution éventuels, et notamment le droit prévu au profit des huissiers par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, resteront à la charge de la société défenderesse.

Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 3 mai 2019, la Sas Transports Chabas Fraicheur demande à la cour de :

Confirmer le jugement déféré ;

Débouter Monsieur [Y] de ses prétentions ;

Le condamner à verser à la Société TRANSPORTS CHABAS 1.200 € au titre des frais

irrépétibles.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2022.

MOTIFS

Sur licenciement pour cause réelle et sérieuse

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La lettre de licenciement du 14 septembre 2016, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'A la suite de votre entretien préalable du 09/09/2016, nous sommes au regret de prononcer votre licenciement en raison des faits suivants :

- le 24/08/2016, vous avez tenu à M. [E], membre du Comité Central d'Entreprise, les propos suivants :'Depuis que [J] (le chef d'agence) est là, c'est le bordel. [B] [C] est un délégué de merde, les chauffeurs ne le supportent pas. Je vais tous les faire plonger'.

Nous jugeons ces propos inadmissibles au motif que vous jetez le discrédit d'une part, sur la Direction d'agence de Narbonne, d'autre part, sur un représentant élu du personnel, en portant atteinte à leur image, à leur fonction ou à leur autorité.

-En outre, vous rapportez à la même personne que 'M. [S] [K] a refusé d'appeler les pompiers suite à votre accident du travail du 20/06/2016".

Ces propos sont mensongers et contribuent, là aussi, à discréditer votre hiérarchie.

Nous ajoutons que le personnel s'est déjà plaint à plusieurs reprises de votre comportement agressif. Il ne s'agit donc pas d'un fait isolé.

Aujourd'hui, au regard des propos rapportés par un représentant du personnel, le doute n'est plus permis et nous avons décidé de sanctionner votre comportement par un licenciement.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation (...)'.

La cour relève que l'employeur verse aux débats les éléments suivants :

-L'attestation de Monsieur [U] [E], directeur de l'agence de Toulouse, membre du CE de Toulouse et membre du comité central de l'entreprise, qui déclare que lors d'une conversation téléphonique professionnelle avec Monsieur [P] [Y], le 24 août 2016, celui-ci a tenu les propos suivants :

'Depuis que [J] est là c'est le bordel'.

'[B] [C] est délégué de merde, que les chauffeurs ne le supportaient pas'.

'Qu'il va tous les faire plonger'.

'Le soir de mon accident de travail, [K] n'a pas voulu appeler les pompiers.'

- Une pétition signée par neuf membres du personnel des Transports Chabas, signalant 'le comportement agressif de Monsieur [P] [Y] et ce envers les chauffeurs et les salariés' et demandant à la direction de prendre en compte ce problème et de trouver une solution dans les plus brefs délais.

- L'attestation de Monsieur [R] [F], collègue de travail, qui déclare : 'Monsieur [I] [V] m'a proposé de sortir dehors afin de nous bagarrer en mentionnant les propos suivants : de toutes façons, tu n'as pas de couilles, craignant d'éventuelles représailles de celui-ci je me permets de vous adresser ce courrier afin de trouver une solution'.

L'appelant qui conteste avoir eu un tel comportement et tenu de tels propos, fait valoir que la lettre de licenciement ne lui reproche que deux griefs et que le conseil de prud'hommes ne pouvait retenir l'attestation de Monsieur [F].

Il y a lieu toutefois de rappeler que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

En outre, en l'espèce la lettre précise bien que le personnel s'est déjà plaint à plusieurs reprises du comportement agressif du salarié et qu'il ne s'agit pas d'un fait isolé. L'attestation de Monsieur [F] comme d'ailleurs la pétition produite ne font qu'étayer les griefs.

S'agissant de la valeur probante des attestations, si effectivement Monsieur [B] [C] n'est pas témoin direct puisqu'il reprend les propos rapportés par Monsieur [U] [E], l'attestation de ce dernier ne saurait être écartée du seul fait qu'elle n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, dès lors que le témoin relate des faits dont il a personnellement eu connaissance (une conversation téléphonique avec Monsieur [I] [X]), conformément à l'article 199 du même code.

L'appelant oppose également la liberté d'expression et le caractère confidentiel de la conversation avec Monsieur [E], membre du comité central d'entreprise.

Or, Monsieur [E] précise qu'il s'agissait d'une conversation professionnelle, alors en outre que les propos tenus ne sont pas de simples critiques mais bien des injures et des menaces.

Quant à la 'pétition', elle comporte bien neuf signatures. Contrairement à ce qu'indique l'appelant, elle n'a pas été signée uniquement par quatre salariés mais manifestement établie par Messieurs [B] [C], [R] [F], [G] [A] et [D] [W] puis signée également par cinq autres membres du personnel.

Enfin, s'agissant du grief concernant Monsieur [K] [S], Monsieur [P] [Y], lui même reconnaissait dans son courrier du 22 septembre 2016 avoir tenu ces propos puisqu'il indiquait 'En ce qui concerne le refus d'appeler les pompiers, je tiens à votre disposition la preuve de cette réalité', ce qui est en contradiction avec ce qu'il soutient aujourd'hui dans ses conclusions ('Monsieur [P] [Y] n'a pas dit qu'il avait refusé de les appeler, il a simplement dit qu'il ne l'avait pas fait'). Ainsi, manifestement, Monsieur [O], sans fournir dans la procédure aucune preuve, accusait un collègue de n'avoir pas volontairement appelé les pompiers lors de son accident et donc d'avoir mis en danger sa sécurité.

La cour considère donc, au vu de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis, qui ne sauraient être remis en cause par la lettre et le courriel de contestation adressés par Monsieur [P] [Y], que l'employeur a établi que le salarié a tenu des propos inadmissibles et mensongers, jetant le discrédit sur certains membres du personnel et qu'il a eu un comportement agressif envers plusieurs salariés.

Dans un tel contexte, le maintien de Monsieur [P] [Y] dans l'entreprise était impossible, de sorte que la décision du conseil de prud'hommes, par ces motifs ajoutés, sera confirmée en ce qu'elle a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande de dommages et intérêts.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié qui justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, a droit à un préavis de deux mois.

En application de l'article L. 5213-9 du même code, la durée du préavis est doublée sans qu'elle ne puisse excéder trois mois dès lors que le salarié licencié a été reconnu travailleur handicapé par la CDAPH à la date de notification du licenciement.

Il n'est pas contesté que Monsieur [P] [Y] a été reconnu travailleur handicapé le 7 janvier 2016, soit avant la notification du licenciement le 14 septembre 2016.

Le salarié n'étant pas tenu de révéler son état de santé, il importe peu que l'employeur n'ait pas été informé de cette qualité.

Monsieur [P] [Y] ne peut donc être privé pour ce motif du droit au doublement qu'il tient de l'article L. 5213-9.

Il convient donc de faire droit à la demande de paiement de la somme de 2808,42 € au titre du reliquat d'indemnité compensatrice de préavis, outre 280,84 € de congés payés afférents.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Il sera ordonné la remise de l'attestation Pôle Emploi rectifiée conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Il sera rappelé que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation).

Les dépens de l'appel seront mis à la charge de l'intimée mais il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 15 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Narbonne sauf en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis,

Et statuant à nouveau sur ce seul chef,

Condamne la Sas Transports Chabas Fraicheur à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 2 808,42 € à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis outre 280,88 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Sas Transports Chabas Fraicheur de la convocation devant le bureau de conciliation,

Condamne la Sas Transports Chabas Fraicheur à délivrer à Monsieur [P] [Y] l'attestation Pôle Emploi rectifiée conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt,

Rejette le surplus des demandes,

Dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas Transports Chabas Fraicheur aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01107
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;18.01107 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award