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20/04/2022 | FRANCE | N°18/00193

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 20 avril 2022, 18/00193


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00193 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NRPP



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JANVIER 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F14/00681





APPELANT :



Monsieur [L] [V]

Chez [I] [V] 111 Rue des Micocouliers, villa n°9

34160 SAINT GENIES

DES MOURGUES

Représenté par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Alexia COMBE, avocat au barreau de NIMES ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00193 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NRPP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 JANVIER 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F14/00681

APPELANT :

Monsieur [L] [V]

Chez [I] [V] 111 Rue des Micocouliers, villa n°9

34160 SAINT GENIES DES MOURGUES

Représenté par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Alexia COMBE, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Justine FAGES avocat au barreau de NIMES

INTIMEE :

SASU LOOMIS

20 Rue Marcel Carne ZAC du Marcreux

93300 AUBERVILLIERS

Représentée par Me Arnaud DE SAINT LEGER de la SELARL ALEXIAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Ordonnance de clôture du 23/02/2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport, et M.FOURNIE Conseiller.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, CONSEILLER

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [V] a été engagé à compter du 6 octobre 2008 par la société Lommis France exerçant une activité de transport de fonds, en qualité de responsable d'agence de Lunel, catégorie cadre, groupe 2, coefficient 106,50 régi par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport moyennant une rémunération annuelle brute de 39 000 €, une prime variable brute de 6000 € maximum pour une durée annuelle maximale de 212 jours travaillés.

Le 13 décembre 2012, Monsieur [L] [V] déclarait avoir été victime d'un accident du travail consécutif à une chute dans les escaliers de l'agence.

Le 3 avril 2013, la caisse primaire d'assurance-maladie du Gard rejetait la demande de prise en charge formée par le salarié au motif que la preuve d'un accident survenu au temps et au lieu de travail n'avait pu être établie.

Placé en arrêt de travail à compter du 14 décembre 2012, le salarié reprenait ses fonctions au sein de l'agence de Lunel à compter du 2 septembre 2013.

Le même jour il était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 16 septembre 2013 et dispensé d'activité jusqu'à la décision à intervenir.

Le 9 septembre 2013, le salarié était déclaré inapte temporairement par le médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 septembre 2013 le salarié était licencié pour cause réelle et sérieuse.

En suite du refus de prise en charge opposé par la caisse primaire d'assurance-maladie du Gard, le salarié saisissait le 19 août 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de son accident, lequel par jugement du 17 février 2015 infirmait la décision de la commission de recours amiable du 26 juin 2013, et, constatant que la caisse primaire d'assurance-maladie n'avait pas informé [L] [V] dans le délai de 30 jours suivant la date à laquelle elle avait eu connaissance de la déclaration d'accident, de la nécessité d'une enquête complémentaire, il déclarait sur ce fondement que l'accident du 13 décembre 2012 était un accident du travail.

Selon arrêt du 15 novembre 2016 devenu définitif à ce jour, la cour d'appel de Nîmes, considérant que Monsieur [V] ne rapportait pas la preuve de l'accident dont il se prévalait l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions.

Par requête du 10 mars 2014, Monsieur [L] [V] a également saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de nullité de son licenciement et subsidiairement de voir celui-ci jugé abusif ainsi que de condamnation de l'employeur, quelle que soit l'hypothèse retenue, à lui payer les sommes suivantes :

'85 110 € à titre de dommages-intérêts,

'3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement du 29 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté Monsieur [L] [V] de l'ensemble de ses demandes et il l'a condamné à payer à la SASU Loomis France une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 21 février 2018, le salarié a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 2 novembre 2021, Monsieur [L] [V], faisant valoir d'une part qu'il avait en réalité été licencié à raison de son état de santé et alors que l'employeur avait connaissance du caractère professionnel de l'accident ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail, d'autre part, que le licenciement intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une impossibilité de maintenir le contrat, conclut à la réformation du jugement attaqué et, à titre principal, à la nullité de son licenciement. Subsidiairement, il soutient que les faits qui lui sont reprochées sont prescrits et ne présentent par ailleurs aucun caractère réel et sérieux, si bien qu'en tout état de cause le licenciement est abusif. Il sollicite par conséquent, quelle que soit l'hypothèse retenue, la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

'85 110 € à titre de dommages-intérêts,

'3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture était initialement prononcée le 3 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 3 décembre 2021, la SASU Loomis France fait valoir, à titre principal, que le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir été victime sur le lieu et le temps de travail d'un accident, si bien, qu'au moment du licenciement, il ne bénéficiait pas de la protection prévue aux articles L 1226-7 et suivants du code du travail, que par ailleurs les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont établis et constituaient des motifs réels et sérieux justifiant son licenciement pour motif personnel et le débouté de Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes. De manière infiniment subsidiaire, la SASU Loomis France expose que Monsieur [V] ne justifie d'aucun préjudice particulier qui ne soit déjà suffisamment réparé par l'indemnité éventuellement allouée en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail qui ne saurait dépasser la somme de 21 666,24 euros représentant 6 mois de salaire. Elle demande en définitive la condamnation du salarié à lui payer une somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était révoquée le 23 février 2022 et une nouvelle clôture était ordonnée à cette même date.

SUR QUOI

$gt; Sur la protection revendiquée par le salarié

Si les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que le licenciement est intervenu pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail et qu'il ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une impossibilité de maintenir le contrat, il convient toutefois qu'un lien de causalité même partiel soit établi la pathologie à l'origine de l'arrêt de travail et un accident qui se serait produit au temps et au lieu de travail.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [V] fait valoir qu'il a informé l'employeur le jour même de l'accident survenu au temps et au lieu de travail et qu'il a aussitôt avisé deux salariés, que sa chute dans les escaliers de l'agence le 13 décembre 2012 entre 6h45 et 7 heures était notamment à l'origine d'une lombosciatique gauche et d'une lombalgie constatée par son médecin qui lui prescrivait un arrêt de travail du 14 décembre 2012 au 24 janvier 2013, que l'I.R.M. du rachis lombaire réalisée un mois après l'accident confirmait ces lésions. Il ajoute que si l'agent enquêteur de la caisse primaire d'assurance-maladie avait noté suite au visionnage de vidéo-surveillance que Monsieur [V] portait ses lunettes alors qu'il avait indiqué les avoir cassées dans sa chute, il avait une paire de lunettes de rechange dans son bureau, si bien qu'il avait remplacé les lunettes cassées par sa paire de lunettes de rechange, qu'ensuite Monsieur [V] avait chuté au premier étage et que l'agent enquêteur de la caisse primaire d'assurance-maladie relève que la caméra du rez de chaussée ne couvrait pas toutes les marches puisqu'il en manque 5 environ. Exposant qu'il avait chuté sur les premières marches, il fait valoir que cet enregistrement ne peut suffire à écarter la chute.

Or, s'il ressort du rapport d'accident que Monsieur [V] déclarait avoir chuté puis glissé sur les marches en cassant ses lunettes dans sa chute, et s'il produit trois factures de lunettes acquises respectivement en 2009, 2010 et 2011 ainsi qu'une facture de lunettes acquise sur prescription du 14 décembre 2012 ces éléments sont insuffisants à corroborer un bris occasionné par une chute suivie d'une glissade dans l'escalier alors qu'ils sont en contradiction avec le procès-verbal de constatation établi par l'agent assermenté de la caisse primaire d'assurance-maladie lequel relève que le salarié monte une première fois les escaliers à 6h45 avant de les redescendre aussitôt sans que ne puisse être visualisé un signe apparent de chute ou de lésion quelconque, qu'il les remonte à 6h50 avant de les redescendre vers 6h52 pour se diriger vers le cahier de planning sans que ne puisse être davantage visualisé un signe quelconque de chute ou de lésion, que par la suite à diverses reprises on voit Monsieur [V] se déplacer sans présenter de difficultés ou de signe apparent d'une quelconque lésion. Si le salarié soutient ensuite avoir avisé deux personnes présentes dans l'entreprise, ces dernières ne peuvent être témoins que de ses dires, et il n'est pas justifié d'une attestation de ces derniers. De plus, aucun des éléments médicaux produits aux débats ne permet d'établir l'existence d'un traumatisme quelconque survenu le 13 décembre 2012 dès lors qu'ils ne font état que de pathologies dégénératives d'évolution lente dont la lombalgie relevée n'est en réalité que le symptôme. C'est pourquoi l'hypothèse d'une chute suivie d'une glissade telle que décrite dans le rapport d'accident survenue sur la portion de cinq marches échappant à la vidéosurveillance, non corroborée par le moindre élément objectif ne permet pas davantage d'établir l'existence de présomptions graves, précises et concordantes des faits allégués par monsieur [V].

Aucun élément ne permet par conséquent de conclure à l'existence d'un lien de causalité entre un arrêt de travail et un accident du travail antérieur alors même que les pièces produites par l'employeur suffisent à établir l'absence de chute du salarié dans les locaux de l'agence le 13 décembre 2012, mais qu'au contraire les éléments produits aux débats démontrent l'existence d'une cause étrangère et l'absence de rôle causal du travail dans la survenance de la pathologie constatée.

Aussi convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande aux fins de nullité du licenciement sur ce fondement.

$gt; Sur le motif du licenciement

Monsieur [V] soutient qu'il aurait été en réalité licencié à raison de son état de santé.

Au titre des éléments de fait dont il se prévaut, il fait valoir que la lettre de licenciement qu'il verse aux débats indique:

-En son 1er paragraphe de la page 2 : « à la date de votre arrêt, c'est-à-dire au mois de décembre 2012, nous nous apprêtions à faire un point avec vous pour vous faire part de notre insatisfaction quant à un certain nombre de sujets que vous aviez pas ou mal gérés, ce qui se ressentait d'ailleurs très fortement sur les résultats de votre agence. Cette réunion qui devait se tenir le 14 décembre n'a pu se tenir en raison de votre arrêt de travail débuté le même jour ».

-En page 2 : « ni le 14 décembre 2012, date à laquelle vous avez fort opportunément été placé en arrêt de travail alors que cette réunion était cruciale et programmée de longue date, vous avez été dans l'incapacité de faire face à vos engagements et responsabilités».

-En page 3 dernier paragraphe: « suite à cela, nous avons souhaité que vous participiez à la réunion des délégués du personnel du mois de décembre pour apaiser les esprits, ce qui n'a pas pu se faire compte tenu là encore de votre arrêt travail ».

-En page 5, 4e paragraphe : « vous avez fait une fausse déclaration d'accident du travail pour un accident que vous auriez prétendument subi le 13 décembre 2012, soit la veille de votre arrêt de travail et la veille de votre réunion programmée de longue date avec Monsieur [S] ».

La première des citations relevées n'évoque la maladie qu'au soutien de l'impossibilité d'organiser une réunion et constitue seulement un exposé du contexte, tandis que la deuxième occulte la première proposition du paragraphe de la lettre de licenciement se référant à la présentation d'un plan d'optimisation demandé pour le 19 septembre 2012, le grief retenu par la lettre de licenciement résidant en réalité en une incapacité à mettre en place les mesures de gestion et d'organisation appropriées. La 3e citation est extraite d'un paragraphe faisant état d'une dégradation du climat social à propos de laquelle la directrice des ressources humaines avait alerté le salarié le 21 novembre 2012 et avait prévu sa participation à une réunion de délégués du personnel qui n'avait pu se tenir du fait de l'absence pour maladie de monsieur [V], le grief retenu par la lettre de licenciement résidant en réalité en une dégradation du climat social due à l'incapacité du salarié à communiquer. Enfin, la 4e citation relevée se réfère à une fausse déclaration susceptible de caractériser notamment un manquement au devoir de loyauté.

Partant, les éléments évoqués par le salarié, pris dans leur ensemble ne permettent pas de laisser supposer que les faits reprochés au soutien du licenciement de Monsieur [V] étaient en rapport avec sa maladie ou que le licenciement de Monsieur [V] ait pu être fondé sur son état de santé.

Aussi, dès lors par ailleurs qu'il n'existait aucun lien de causalité entre l'arrêt de travail et un accident du travail antérieur, convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande aux fins de nullité du licenciement sur ce fondement.

$gt; Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs fait grief au salarié d'une insuffisance professionnelle se traduisant notamment par une nette dégradation des résultats du transport de l'agence pour l'année 2012 consécutive à une incapacité à mettre en place les mesures de gestion et d'organisation appropriées, une dégradation du climat social due à l'incapacité du salarié à communiquer, une incapacité à organiser et à tenir à jour les différentes obligations réglementaires, et/ou internes de toute nature. La lettre de licenciement reproche également au salarié une fausse déclaration d'accident du travail pour un accident prétendument subi le 13 décembre 2012, une utilisation abusive de la carte carburant à des fins personnelles pendant l'arrêt de travail en violation des règles relatives à l'utilisation des véhicules de fonction, une utilisation du téléphone professionnel pendant l'arrêt de travail dépassant le cadre de l'utilisation personnelle tolérée.

La lettre de licenciement invoque très précisément le motif d'insuffisance professionnelle mais également des comportements fautifs constitués par une fausse déclaration d'accident du travail, une utilisation abusive de la carte carburant et de la carte de télé péage à des fins personnelles pendant l'arrêt de travail et les week-ends en violation des règles relatives à l'utilisation des véhicules de fonction, une utilisation du téléphone professionnel pendant l'arrêt de travail dépassant le cadre de l'utilisation personnelle tolérée.

$gt;

Le motif d'insuffisance professionnelle échappe quant à lui à la prescription de l'article L 1332-4 du code du travail si bien que le moyen soulevé ne peut être utilement invoqué à cet égard.

En l'espèce, Monsieur [L] [V] a été engagé à compter du 6 octobre 2008 par la société Lommis France exerçant une activité de transport de fonds, en qualité de responsable d'agence de Lunel. À la date de son recrutement, il justifiait d'une expérience diversifiée de directeur d'agence de transport ou de directeur d'exploitation dans des sociétés de transport depuis 20 ans. L'employeur lui avait consenti une subdélégation de pouvoirs la plus large en matière sociale et légale ainsi qu'en matière d'hygiène et de sécurité du travail, de gestion du personnel, de gestion et protection des biens meuble et immeubles.

S'agissant de la dégradation des résultats du transport de l'agence pour l'année 2012 consécutive à une incapacité à mettre en place les mesures de gestion et d'organisation appropriées, l'employeur justifie d'une dégradation des marges de l'activité transport sur les 3 premiers mois de l'année 2012 le conduisant dans un courrier du 12 avril 2012 à alerter le salarié sur la nécessité de réorganiser l'activité dès lors qu'en dépit d'une augmentation des effectifs de 2 salariés le volume des heures supplémentaires augmentait si bien qu'il lui demandait de mettre en place pour le 22 avril des plans d'action afin que la situation de l'effectif soit en phase avec l'activité. Par courriel du 20 juin 2012 le salarié était alerté sur le traitement de l'absentéisme et il lui était demandé par l'employeur de ne pas jouer avec la santé et le moral du personnel. Au demeurant le 16 juillet 2012 le salarié reconnaissait ce retard dans les résultats puisqu'il indiquait dans le compte-rendu d'analyse des résultats de l'agence de Lunel pour le mois de juin 2012, qu'à cette date il manquait en cumul depuis le début de l'année 54 000 €. Aux termes de ce même courrier, Monsieur [V] s'engageait à mettre en place un nouveau plan de transport pour le début du mois de septembre 2012 afin de minimiser les passages sur les clients excentrés et d'équilibrer le nombre de clients par jour sur les villes principales. Cependant, au 3 septembre 2012 l'employeur justifie encore de dysfonctionnements répétés avec les agences bancaires susceptibles d'appliquer des pénalités de 200 € par jour en cas de non-respect du contrat. Par courriel du 17 septembre 2012, l'employeur justifie avoir demandé au salarié d'optimiser le plan des tournées, et celui-ci s'engageait à venir au siège à cet effet pour le 19 septembre 2012. Or, l'employeur justifie également du report au 14 décembre 2012 de la remise de ces plans d'action ainsi que de leur absence de réalisation pendant huit mois. Pour autant le salarié démontre que les résultats de l'agence de Lunel étaient estimés comme corrects à l'occasion du comité d'établissement du 20 février 2013 alors que plusieurs autres agences avaient des résultats faibles et que par ailleurs il était rémunéré d'un bonus sur objectifs de 2362 € au 31 mars 2013.

Relativement à l'incapacité à organiser et à tenir à jour les différentes obligations réglementaires, et/ou internes de toute nature, le salarié, qui, avait bénéficié d'une formation au management de la prévention en 2012, et qui, aux termes de la sudélégation de pouvoirs qui lui avait été consentie disposait de « tous pouvoirs de façon effective et permanente d'assumer de façon éclairée l'entière responsabilité des missions liées (notamment) à l'hygiène et à la sécurité de l'agence placée sous son autorité » ainsi que de «tous pouvoirs de façon effective et permanente d'assumer de façon éclairée l'entière responsabilité des missions liées (notamment) à la gestion du personnel de l'agence de Lunel, à la gestion et protection, des biens meubles et immeubles de Loomis France » ne peut utilement prétendre que la mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels dont il ne conteste pas qu'elle n'ait pas été effectuée entre 2008 et 2013, incombait au service ressources humaines alors même que le tableau synoptique des actions à mener en agence prévoyait sa mise à jour annuelle au 5 septembre de chaque année. S'il soutient par ailleurs que la planification des séances de tir ne lui incombait pas, le suivi des tirs accomplis conformément aux objectifs fixés était en revanche de sa responsabilité comme le confirme le document synoptique sur lequel il appuie lui-même sa contestation. Or, il est constant que la réalisation des quatre séances annuelles de tir obligatoire n'avait pas été atteinte pour 24 % des personnels au 31 décembre 2011 et pour 18 % des personnels au 31 décembre 2012 sans qu'il ne justifie d'une impossibilité pour certains personnels de participer aux séances planifiées. Ensuite, si certains des manquements relevés par la lettre de licenciement auraient dû être exécutés par le chef de mouvement, dont notamment le contrôle des permis des salariés, le chef de mouvement était placé sous sa subordination et il lui appartenait de s'assurer de la réalisation de ces tâches par son subordonné. Par ailleurs, si un marché d'entretien avait été conclu entre la société Loomis et une entreprise prestataire de services relativement à la maintenance des systèmes d'aération, d'extraction, et de ventilation sur l'agence, il appartenait au salarié de s'assurer de la réalisation de ces tâches par l'entreprise prestataire. De la même manière, le salarié ne peut se retrancher derrière la mauvaise utilisation du dispositif Tim's (anciennement chrono tachygraphe) par certains convoyeurs pour expliquer les carences reprochées dans la gestion des cartes Tim's alors qu'il lui appartenait de réaliser mensuellement un suivi de ces documents comme spécifié par le synoptique des actions à mener en agence.

Enfin, l'employeur justifie de la dégradation du climat social due à l'incapacité du salarié à communiquer dont il était alerté par la directrice des ressources humaines consécutivement à la réunion des délégués du personnel du 22 novembre 2012, les éléments produits par l'employeur démontrant que les problèmes courants n'étaient évoqués qu'en réunion de délégués du personnel et non au sein de l'agence ce qui empêchait un fonctionnement normal de celle-ci, que le responsable d'agence reconnaissait lui-même dans son courriel du 23 novembre 2012 adressé à la directrice des ressources humaines sans pour autant rechercher une solution constructive. Le défaut de communication conduisant même en décembre 2012 à empêcher la mise en oeuvre d'une garantie par l'assurance à la suite d'un sinistre dont le salarié expliquait à l'employeur ne pas être au courant.

$gt;

Si le motif d'insuffisance professionnelle échappe à la prescription de l'article L 1332-4 du code du travail, il en va différemment pour les comportements fautifs par ailleurs invoqués à l'appui du licenciement.

Tandis qu'il ressort des pièces produites que dès le 4 janvier 2013 l'employeur avait visionné l'enregistrement de vidéosurveillance et avait constaté l'absence de chute de monsieur [V] dans l'escalier, que dans un courrier du 11 février 2013 adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie il déclarait « nous tenons également à vous rappeler' qu'après visionnage de la caméra de surveillance de l'agence, à aucun moment Monsieur [V] n'a chuté dans l'escalier », qu'il ne justifie pas davantage de l'engagement d'une procédure pénale, il est défaillant à rapporter la preuve qu'il ait eu connaissance de la fausse déclaration du salarié dans le délai de deux mois d'engagement de la procédure disciplinaire intervenu le 2 septembre 2013.

Si l'employeur justifie ensuite de l'utilisation du téléphone professionnel pendant la période de suspension du contrat de travail notamment pour appeler des numéros surtaxés, il ne produit toutefois pas d'élément relatif aux conditions de l'utilisation de ce téléphone par le salarié, et ne justifie pas non plus avoir eu connaissance de ces faits dans le délai de 2 mois d'engagement de la procédure disciplinaire dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve de la date de réception de la facture émise le 30 juin 2013.

En revanche, monsieur [V] a signé le 2 octobre 2008 un engagement individuel d'utilisation du véhicule de fonction, lequel prévoit en son article 10 de « ne pas utiliser la carte carburant et autoroute durant le week-end et les congés ». Il a également signé le 14 février 2011 un document lui rappelant que l'usage de la carte carburant « est strictement réservé à l'usage professionnel ». Son contrat de travail était suspendu en raison d'un arrêt de travail du 14 décembre 2012 au 2 septembre 2013. Or, il ressort du tableau récapitulatif des dépenses d'essence et de péage au cours de la période, que la carte carburant a été régulièrement utilisée pendant la période de suspension du contrat de travail pour un montant de 925,15 euros, et au cours des week-ends, à au moins dix reprises, engageant des dépenses de carburant pour un montant de 378,97 € et de télépéage pour 22,75 €. Cette utilisation s'étant poursuivie jusqu'au dimanche 18 août 2013 en violation des obligations contractuelles, elle échappe par conséquent à la prescription. Partant, et alors que les éléments probants versés aux débats par l'employeur ne sont contredits que par les seules dénégations du salarié, le grief est établi.

Si l'employeur ne peut pas prendre en considération les agissements antérieurs prescrits qui ne sont pas de même nature que ceux commis dans le délai de prescription, l'usage abusif de la carte carburant par le salarié en violation de ses obligations contractuelles dans les proportions constatées, doublé d'une insuffisance professionnelle caractérisée à la fois par une incapacité démontrée à organiser et à tenir à jour les différentes obligations réglementaires et par une dégradation du climat social due à une incapacité à communiquer imputable à monsieur [V], suffisaient à fonder la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement pour motif personnel de Monsieur [V] était justifié et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes subséquentes à un licenciement abusif.

$gt; Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, il convient de laisser les dépens à charge de l'appelant qui sera également condamné à payer à la société Loomis France une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 29 janvier 2018 en toutes ses dispositions;

Condamne Monsieur [L] [V] à payer à la société Loomis France une somme de 1000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Monsieur [L] [V] aux dépens;

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00193
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;18.00193 ?
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