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20/04/2022 | FRANCE | N°17/01300

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 20 avril 2022, 17/01300


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 20 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/01300 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMKC





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 OCTOBRE 2017

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F15/00895





APPELANT et INTIME



Monsieur [H] [G]

20, rue Adrien Bernard

34140 MEZE<

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Représenté par Maître Hugues SENLECQ de la SELAS ADEQUATION, avocat au barreau de DUNKERQUE





INTIMEE et APPELANTE



SAS ADREXO

1330, Avenue Guillibert de Lauzière

13592 AIX EN PROVENCE

Représentée par Me...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 20 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/01300 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMKC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 OCTOBRE 2017

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F15/00895

APPELANT et INTIME

Monsieur [H] [G]

20, rue Adrien Bernard

34140 MEZE

Représenté par Maître Hugues SENLECQ de la SELAS ADEQUATION, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMEE et APPELANTE

SAS ADREXO

1330, Avenue Guillibert de Lauzière

13592 AIX EN PROVENCE

Représentée par Me Frédéric DABIENS de l'AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER

et Maître Jonathan LAUNE de la SCP CHABAS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Maître BALESI Marianne, avocat au barreau d'AIX-en-PROVENCE

Ordonnance de clôture du 19 Mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2022, en audience publique, Monsieur Georges LEROUX ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée

de :

Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

[H] [G] a été engagé le 26 décembre 2005 par la Sas Adrexo, employant habituellement au moins onze salariés, en qualité de distributeur de journaux, d'imprimés et d'objets publicitaires dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé de 312 heures par an avec une durée indicative mensuelle de 26 heures moyennant une rémunérationn de 208,78 €.

Par avenant du 4 juillet 2006, la durée indicative mensuelle a été ramenée à 21,65 heures.

La salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Montpellier le 15 septembre 2008. L'affaire a été radiée le 1er octobre 2010.

Il a saisi de nouveau le conseil des prud'hommes le 22 juin 2015 en vue d'obtenir la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet depuis l'embauche ainsi que les rappels de salaire et accessoires y afférents et afin de voir condamner l'employeur à réparer les préjudices nés de divers manquements allégués à ses obligations.

[H] [G] a été élu délégué du personnel suppléant le 18 mars 2016.

Par jugement du 6 octobre 2017, ce conseil a :

- dit que la partie défenderesse a abandonné à la barre, lors de l'audience du bureau de jugement du 9 juin 2017, l'intégralité de ses demandes d'exceptions de procédure (péremption et unicité de l'instance) ;

- dit reprendre l'intégralité des demandes inscrites dans la saisine du salarié ;

- dit qu'au vu du délai de prescription, le salarié ne peut fonder ses demandes qu'à compter du 22 juin 2012 ;

- requalifié le contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet uniquement sur le lundi;

- condamné la Sas Adrexo à verser à [H] [G] les sommes suivantes :

$gt; 4.809,54 € à titre de rappel de salaire pour la requalification en temps complet le lundi,

$gt; 480,95 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 379,37 € à titre de rappel de salaire pour la prime d'ancienneté,

$gt; 37,93 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 300 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et périodique,

$gt; 1.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de l'occupation de son domicile privé à des fins professionnelles,

$gt; 700 € à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives au temps partiel modulé et au non paiement de l'intégralité des heures de travail ;

- dit que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- débouté [H] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de formation professionnelle et pour discrimination à la formation ;

- ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte de 30 € par jour de retard courant à compter du 30ème jour suivant le prononcé du jugement ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la Sas Adrexo aux dépens et à payer à [H] [G] la somme de 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la Sas Adrexo de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le 13 novembre 2017, [H] [G] a relevé appel des chefs du jugement ayant dit prescrites ses demandes avant le 22 juin 2012, limité la requalification à temps complet au seul lundi et les rappels de salaire y afférents, limité à la somme de 1.000 € l'indemnisation de l'utilisation de son domicile privé à des fins professionnelles et en ce qu'il a été débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour absence de formation professionnelle et pour discrimination à la formation.

Cet appel a été enrôlé sous le RG 17.1300.

Le 13 novembre 2017, la Sas Adrexo a relevé appel de tous les chefs du jugement à l'exception de ceux ayant débouté le salarié de ses prétentions.

Cet appel a été enrôlé sous le RG 17.1301.

Par mention au dossier du 9 juin 2018, ces deux appels ont été joints sous le RG 17.1300.

Le 19 janvier 2021, [H] [G] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 8 février 2021 et il a été licencié pour faute grave par une lettre du 19 février 2021.

Vu les dernières conclusions d'[H] [G] remises au greffe le 31 janvier 2022 par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les dernières conclusions de la Sas Adrexo remises au greffe le 31 janvier 2022;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er février 2022 ;

MOTIFS :

Sur la prescription de la demande de rappel de salaires:

[H] [G] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a relevé d'office la prescription de ses demandes de rappel de salaire et déclaré prescrites celles antérieures au 22 juin 2012 et demande à la cour de le dire recevable en toutes ses prétentions.

La Sas Adrexo conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Ainsi que cela résulte des termes du jugement entrepris, non contesté sur ce point, la Sas Adrexo a abandonné à l'audience du bureau de jugement ses exceptions de péremption et d'unicité d'instance qu'elle avait soulevées et motivées dans le paragraphe 'exceptions de procédure' de ses dernières conclusions déposées devant le conseil des prud'hommes.

Il ne résulte ni des conclusions prises devant le premier juge ni de l'exposé du litige figurant dans le jugement que la Sas Adrexo ait, par écrit ou oralement, soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription des rappels de salaire.

C'est par suite d'une simple erreur de plume que, dans le dispositif du jugement constatant l'abandon par Adrexo des exceptions de procédure soulevées dans ses conclusions, le conseil a confondu les termes de péremption et prescription.

Le conseil des prud'hommes a donc relevé cette fin de non-recevoir d'office, ainsi que le soutient justement l'appelant, en dépit des termes clairs de l'article 2247 du code civil qui fait interdiction au juge de suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.

Cependant, cet excès de pouvoir des premiers juges ne peut être sanctionné que par la nullité du jugement qui n'est pas demandée par l'appelant, celui-ci ayant limité la saisine de la cour à une demande d'infirmation du jugement sur ce point.

La cour doit, par conséquent, examiner le bien fondé de la prescription appliquée par le conseil des prud'hommes.

Aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, 'l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans, conformément à l'article 2224 du code civil'.

En application de l'ancien article 2244 du code civil, une citation en justice, même en référé, interrompt la prescription.

L'effet interruptif de la prescription se prolonge pendant toute la durée de l'instance.

La radiation, qui emporte, en application de l'article 377 du code de procédure civile, suspension de l'instance et non son extinction, est sans effet sur l'interruption acquise à la suite de la saisine d'une juridiction.

L'interruption de la prescription est en revanche non avenue lorsque le demandeur

laisse périmer l'instance (ancien article 2247 du code civil; nouvel article 2243).

Enfin, l'article 21V alinéa 2 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ayant réduit le délai de prescription à 3 ans dispose que : «Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation ».

En l'espèce, [H] [G], qui réclame le paiement de rappels de salaire dus depuis janvier 2006, a intenté son action le 15 septembre 2008, sous l'empire de la loi du 17 juin 2008 qui est seule applicable au litige conformément aux dispositions de l'article 21 V alinéa 2 de la loi du 14 juin 2013 précité.

Cette action en justice a interrompu le délai de prescription quinquennal qui n'avait toujours pas expiré à la date du 15 septembre 2008 (expiration en janvier 2011).

La décision de radiation prononcée le 1er octobre 2010 a été sans effet sur l'interruption de l'instance, contrairement à ce qui est soutenu.

Lorsque le salarié a saisi de nouveau le conseil des prud'hommes, le 22 juin 2015, pour reprendre l'instance (peu important que le conseil des prud'hommes n'ait pas ordonné la jonction de cette affaire avec l'affaire radiée en dépit de la demande du salarié), le délai de prescription quinquennal était toujours interrompu et cette interruption a perduré pendant toute l'instance et jusqu'au prononcé du jugement en l'absence de décision constatant la péremption.

Par conséquent, les éventuelles créances salariales dues à compter de janvier 2006 ne sont pas prescrites et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de requalification à temps complet et les demandes subséquentes :

[H] [G] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité la requalification à temps complet au seul lundi et demande à la cour de dire que le contrat doit être requalifié en temps complet sur toute la semaine dès lors que l'employeur a méconnu les exigences conventionnelles sur la durée minimale indicative mensuelle dans l'avenant du 4 juillet 2006 en prévoyant une durée inférieure à 26 heures et qu'il ne lui a jamais fait parvenir aucun planning annuel indicatif individuel à l'exception de celui remis lors de la signature de l'avenant du 4 juillet 2006.

La Sas Adrexo conclut à l'infirmation du jugement en faisant plaider que la présomption simple de temps complet ne s'applique pas en l'espèce et qu'il appartient au salarié de démontrer qu'il ne pouvait connaître la répartition de son temps de travail et devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur, ce qu'il ne fait pas. Subsidiairement, elle soutient que si la présomption devait s'appliquer, les feuilles de route et les bulletins de paie démontrent qu'il ne travaillait que quelques heures par semaine et, presque exclusivement le lundi, ce qui lui permettait d'occuper un autre emploi.

Il résulte de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, qu'en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié, le contrat est présumé à temps complet.

Il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, l'article 4 du contrat signé le 21 décembre 2015, à effet du 26 décembre 2015, relatif à la durée du travail stipule que la modulation du temps de travail 'variera en fonction d'un planning annuel indicatif individuel fixé par l'employeur et porté à la connaissance du salarié 7 jours avant sa première mise en oeuvre sauf délai plus court donné avec l'accord du salarié. Ce planning sera révisable par l'employeur moyennant communication donnée au salarié au moins trois jours à l'avance ou moins avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, notamment en cas de nécessité impérative de service, absence d'un distributeur ou surcroît exceptionnel d'activité.'

L'article 1.15 de l'accord d'entreprise Adrexo du 11 mai 2005 précise que ce planning prévoit 'les variations de l'activité pour les mois de la période annuelle de référence en cours dans le respect des minimas quotidien, hebdomadaire et mensuel et des plafonds de durée du travail quotidien, hebdomadaire et mensuel institués par la convention collective nationale.'

La société Adrexo produit aux débats un seul et unique planning indicatif individuel daté du 4 juillet 2006 (pièce 3 de l'employeur).

Outre que ce planning n'est pas annuel puisqu'il se limite à la période de juillet 2006 à janvier 2007 inclus, ce qui constitue une première violation des stipulations contractuelles précitées, la cour constate, en outre, que celui-ci a été remis à [H] [G] le 4 juillet 2006, concomitamment à la signature d'un avenant abaissant la durée moyenne mensuelle travaillée au-dessous de 26 heures et contrevenant, ainsi, à la garantie de durée du travail minimale accordée au distributeur par l'article 2.1 de l'accord d'entreprise Adrexo du 11 mai 2005.

Ce planning indicatif n'a donc pas été établi dans le respect des minimas de durée du travail institués par la convention collective, en violation de l'article 1.15 de l'accord précité.

En outre, il ne résulte d'aucune pièce produite par l'employeur que ce planning modificatif, remis au salarié le 4 juillet 2006, ait été mis en oeuvre dans le respect du délai de prévenance contractuel ou avec l'accord du salarié pour voir réduire ce délai.

Pour les périodes antérieure au 4 juillet 2006 et postérieure à janvier 2007, la Sas Adrexo ne justifie d'aucune notification au salarié d'un planning indicatif annuel individuel.

C'est donc à juste titre que [H] [G] soutient que l'employeur n'a jamais respecté les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail devait lui être communiqué par écrit ni les conditions et délais dans lesquels les horaires de travail devaient lui être notifiés par écrit.

La présomption simple de travail à temps complet doit, par conséquent, trouver à s'appliquer et il appartient à la Sas Adrexo de prouver que [H] [G] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Les programmes indicatifs globaux de mars 2016 à mars 2017 et de décembre 2016 à décembre 2017 (pièce 7 de l'employeur), dont aucun n'est revêtu de la signature du salarié, ne prouvent pas que [H] [G] connaissait à l'avance son rythme de travail alors que la lecture des bulletins de paie de janvier 2006 à février 2021 montre que le volume horaire mensuel a varié continuellement durant toute la relation de travail.

Les feuilles de route produites pour les seules années 2015 et 2016 (pièce 6 de la société Adrexo) ne permettent pas de démontrer que la Sas Adrexo a respecté les jours de disponibilité indiqués par le salarié de 2006 à 2014 et de 2017 à 2021.

Et ce, d'autant qu'il résulte de ces feuilles de route que le jour de disponibilité indiqué par [H] [G] (le lundi), enregistré par l'employeur au cours de la semaine précédente, n'a pas été respecté en août 2015 puisqu'il a travaillé le mardi 18 août 2015 ni en août 2016 puisqu'il a travaillé le mercredi 17 août 2016.

Ainsi, l'employeur échoue à établir que [H] [G] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Le contrat à temps partiel modulé doit par conséquent être requalifié en contrat à temps complet sans que ce temps complet puisse être limité à la seule journée du lundi, contrairement à ce qu'a décidé le conseil des prud'hommes dont le jugement sera infirmé sur ce point.

La Sas Adrexo est donc redevable envers [H] [G] de tous les salaires à temps complet qu'elle aurait dû lui verser depuis l'embauche et jusqu'au 19 février 2021, date de la rupture, soit la somme de 231.816€ bruts outre celle de 23.181,60 € bruts au titre des congés payés y afférents, l'exactitude du calcul (pièce 101 du salarié) n'étant pas critiquée par l'employeur.

[H] [G] a droit également à un rappel de primes d'ancienneté depuis son embauche et jusqu'à la date de la rupture d'un montant de 14.055 € bruts outre 1.405 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les diverses demandes de dommages-intérêts :

1) Sur la demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat :

La Sas Adrexo conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié une somme de 700€ à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives au temps partiel modulé et non paiement des heures de travail pendant 12 ans et demande à la cour de débouter [H] [G] de sa prétention.

[H] [G] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Il a été vu dans les motifs qui précèdent que la Sas Adrexo a délibérément méconnu les dispositions légales, contractuelles et conventionnelles relatives au temps partiel modulé qui devaient régir la relation de travail avec [H] [G] (non respect de la notification des plannings indicatifs individuels annuels, non respect de la garantie minimale de durée du travail prévu par l'accord collectif, non respect du délai de prévenance lors de la modification du planning) ce qui est constitutif d'un manquement à l'obligation de loyauté envers ce dernier.

Ce manquement a causé un préjudice au salarié puisqu'il n'a pu connaître par avance son rythme de travail, qu'il a dû se tenir constamment à la disposition de l'employeur et qu'il a été privé de la rémunération qui lui était due pendant de nombreuses années.

C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes lui a alloué une indemnité de 700 € en réparation de son préjudice et le jugement sera confirmé de ce chef.

2) Sur la demande indemnitaire pour absence de visite médicale :

La Sas Adrexo conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une indemnité de 300 € pour absence de visite médicale et demande à la cour de débouter le salarié de cette prétention.

[H] [G] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Si l'absence de visite médicale d'embauche et périodique n'est pas contestable ni contestée, force est, cependant, de constater que le salarié ne justifie d'aucun préjudice personnel en lien avec cette carence de l'employeur puisqu'il se borne à faire état d'un préjudice nécessaire, ce qui est inopérant.

Il sera par conséquent débouté de cette demande et le jugement sera infirmé sur ce point.

3) Sur la demande indemnitaire pour occupation du domicile à des fins professionnelles :

La Sas Adrexo conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à [H] [G] la somme de 1.000€ à titre de dommages-intérêts pour occupation du domicile à des fins professionnelles et demande à la cour de le débouter de sa prétention.

[H] [G] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Contrairement à ce que soutient à tort la Sas Adrexo, [H] [G] justifie en cause d'appel de l'utilisation de son domicile pour son activité professionnelle par la production d'un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 2 mars 2011dans lequel l'employeur reconnaît que, 'seuls, 5% des distributeurs préparent dans les dépôts' et que 'il en a toujours été ainsi' sauf à prendre en compte 'une décision de la Cour de cassation sur l'indemnisation du travail à domicile'.

L'employeur ne démontrant pas que [H] [G] fait partie des 5% de distributeurs à accomplir ses préparations dans un dépôt de l'entreprise, la preuve est faite qu'il utilise son domicile pour 'assembler en une poignée un exemplaire de chaque document publicitaire'.

C'est à tort que l'employeur soutient avoir déjà indemnisé [H] [G] pour cette occupation professionnelle de son domicile alors que la ligne '8170 indemn utilisation dom' n'est apparue sur les bulletins de paie du salarié qu'à compter de février 2016.

C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes a alloué à [H] [G] une indemnité de 1.000 € pour l'occupation de son domicile à des fins professionnelles sauf à limiter la période concernée de janvier 2006 à janvier 2016 inclus puisque l'employeur a indemnisé cette sujétion à compter de février 2016.

Le jugement sera confirmé et complété sur ce point.

4) Sur la demande indemnitaire pour absence de formation professionnelle :

[H] [G] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire de 5.000 € pour absence de formation professionnelle et demande à la cour de faire droit à sa prétention.

La Sas Adrexo conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 applicable en la cause, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

L'employeur ne conteste pas l'absence de formation dispensée depuis l'embauche mais soutient que la formation du salarié n'était pas obligatoire dès lors que son poste de distributeur de documents publicitaires n'a pas évolué au fil du temps et qu'il n'a jamais demandé à en bénéficier.

Mais, même si le salarié n'en forme pas la demande et que le poste occupé n'est pas soumis à des évolutions technologiques ou organisationnelles, il incombe à l'employeur de proposer au salarié des formations lui permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi, ce qu'il n'a pas fait.

La carence de la Sas Adrexo est donc établie.

Cependant, [H] [G] ne fait nullement la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un préjudice personnel en lien avec ce manquement de l'employeur puisqu'il se borne à faire état d'un préjudice nécessaire, ce qui est inopérant.

Il sera par conséquent débouté de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

5) Sur la demande indemnitaire pour défaut de paiement des sommes dues à leur échéance :

[H] [G] demande à la cour de réparer l'omission de statuer des premiers juges sur sa demande indemnitaire de 3.000 € (2.000 € en première instance) visant à réparer le retard de paiement des sommes exigibles antérieurement à l'introduction de l'instance du 15 septembre 2008.

La Sas Adrexo ne conclut pas sur ce point.

Les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consiste qu'en le versement des intérêts moratoires sauf préjudice distinct et mauvaise foi du débiteur.

Cependant, dès lors que les créances salariales ne produisent des intérêts moratoires qu'à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prud'hommes, le salarié est recevable à solliciter la réparation du préjudice né du retard dans le paiement des sommes exigibles antérieurement à l'introduction de l'instance.

Les intérêts moratoires qui s'appliquent sur les créances salariales d'[H] [G] ne courent qu'à compter de la réception par la Sas Adrexo de sa convocation devant le conseil des prud'hommes (en septembre 2008).

[H] [G] est donc fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice né du retard de paiement des créances salariales dues antérieurement au 15 septembre 2008, soit du 1er janvier 2006 au 14 septemb re 2008 inclus et la Sas Adrexo sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Le jugement sera complété sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement :

[H] [G], pour la première fois en cause d'appel, demande au juge de prononcer la nullité de son licenciement, d'ordonner sa réintégration dans son poste de travail et de condamner l'employeur à lui payer le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir depuis la rupture du contrat soit 5.400 € bruts.

La Sas Adrexo conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de cette demande qu'elle considère comme nouvelle en cause d'appel et, subsidiairement au fond, à son rejet.

Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R.1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

L'instance ayant été introduite le 15 septrembre 2008, soit antérieurement au 1er août 2016, la demande nouvelle de nullité du licenciement est recevable en cause d'appel, contrairement à ce que soutient la Sas Adrexo.

Pour fonder sa demande de nullité du licenciement, [H] [G] indique qu'il a été élu délégué du personnel suppléant à compter du 18 mars 2016 et que les faits reprochés par l'employeur dans sa lettre de licenciement auraient été commis pendant la période de protection.

Elu pour 4 ans, le mandat d'[H] [G] qui a débuté le 18 mars 2016, ce que l'employeur ne conteste pas, s'est achevé le 18 mars 2020 et au plus tard à l'issue du scrutin des élections du 27 mai 2020 ayant renouvelé les délégués du personnel.

La durée de sa protection s'est donc achevée, au plus tard, 6 mois après le 27 mai 2020 soit le 27 novembre 2020.

Or, les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont tous postérieurs à l'expiration de la protection légale puisqu'ils se seraient tous produits en janvier 2021 et il en va de même de la convocation à l'entretien préalable envoyée par l'employeur le 19 janvier 2021.

Aucune nullité du licenciement n'est donc encourue de ce chef.

[H] [G] fonde également sa demande de nullité sur l'atteinte au droit d'agir en justice, le licenciement ayant été prononcé après sa menace de saisir le conseil des prud'hommes en référé dans un courriel du 13 octobre 2020.

Cependant, le seul fait qu'une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d'une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice et la cour relève, en l'espèce, que la lettre de licenciement ne fait pas référence à l'action en justice, que la procédure de licenciement a été régulièrement suivie et que la lettre de notification est motivée et expose des faits circonstanciés à savoir le refus par [H] [G] de procéder à la distribution des documents publicitaires ou non, adressés ou non, sur les secteurs confiés par son responsable durant les semaines 1, 2 et 3 de l'année 2021.

[H] [G] sera, par conséquent débouté de sa demande visant à voir annuler le licenciement ainsi que de ses demandes subséquentes de réintégration et de paiement des salaires.

Le jugement sera complété sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l'astreinte soit nécessaire et sans qu'il soit besoin d'ordonner la remise de tous les bulletins de paie rectifiés, un bulletin de paie récapitulatif étant suffisant ; le jugement étant infirmé de ces chefs.

La Sas Adrexo qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer à [H] [G] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Dit recevable en cause d'appel la demande de nullité du licenciement et les demandes subséquentes ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit prescrite la demande de rappel de salaire antérieure au 22 juin 2012, limité la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet au seul lundi, condamné la Sas Adrexo à payer à [H] [G] les sommes suivantes :

$gt; 4.809,54 € à titre de rappel de salaire pour la requalification en temps complet le lundi,

$gt; 480,95 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 379,37 € à titre de rappel de salaire pour la prime d'ancienneté,

$gt; 37,93 € au titre des congés payés y afférents,

$gt; 300 € à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et périodique,

et sauf en ce qu'il a dit que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et dit que la remise des documents sociaux impliquera la remise de tous les bulletins de paie rectifiés et sera assortie d'une astreinte ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés, le complétant et y ajoutant ;

Dit non prescrites les créances salariales réclamées par [H] [G] depuis janvier 2006 ;

Requalifie le contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet sur toute la semaine ;

Condamne la Sas Adrexo à payer à [H] [G] les sommes suivantes :

$gt; 231.816 € bruts à titre de rappel de salaire entre janvier 2006 et le 19 février 2021,

$gt; 23.181,60 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 14.055 € bruts au titre du rappel de primes d'ancienneté entre janvier 2006 et le 19 février 2021,

$gt; 1.405 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour le retard de paiement des créances salariales dues antérieurement à l'introduction de l'instance,

Dit que l'indemnisation confirmée pour l'occupation professionnelle du domicile est due pour la période de janvier 2006 à janvier 2016 inclus ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Dit que la Sas Adrexo devra transmettre à [H] [G] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire ;

Déboute [H] [G] de sa demande indemnitaire pour défaut de visite médicale et de sa demande d'annulation du licenciement ainsi que des demandes subséquentes;

Condamne la Sas Adrexo aux dépens d'appel et à payer à [H] [G] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

la greffière, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/01300
Date de la décision : 20/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-20;17.01300 ?
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