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19/04/2022 | FRANCE | N°19/07509

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 19 avril 2022, 19/07509


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 19 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07509 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OM37



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 18-001859





APPELANTE :



Madame [D] [T] [U]

née le 25 Août 1958 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité

4]

Représentée par Me Fiona GIL de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Ouiça MOUFADIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant







INTIMEE :



SCI...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 19 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07509 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OM37

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 SEPTEMBRE 2019

TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 18-001859

APPELANTE :

Madame [D] [T] [U]

née le 25 Août 1958 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Fiona GIL de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Ouiça MOUFADIL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

SCI NOUJO

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Mélanie SARRAN, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et non plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

[D] [T] est propriétaire d'une résidence secondaire au sein de la résidence [6], sur la commune de [Localité 5].

Suite à plusieurs dégâts causés sur sa terrasse par la chute d'éléments en provenance de la terrasse située juste au-dessus de son logement, dont la SCI Noujo est propriétaire, un constat amiable a été dressé.

Le 30 mars 2015, la société Foncia Sogegolfe, syndic de copropriété de l'immeuble, a mis en demeure la SCI Noujo de procéder aux travaux de réfection du garde-corps de sa terrasse, sans succès.

Le 5 juin 2015, par ordonnance portant injonction de faire, la SCI Noujo a été condamnée par le juge de proximité à effectuer les travaux de reprise du garde-corps de son appartement.

En avril 2015, [D] [T] a fait procéder à la réfection complète du carrelage de sa terrasse.

En juin 2016, [D] [T] a constaté des désordres au niveau d'un carreau de sa terrasse et a déclaré ce sinistre à son assureur.

Le 24 février 2017, une expertise amiable est réalisée par Elex.

En 2018, des travaux ont été réalisés par la copropriété afin de procéder à la réfection totale des étanchéités et des carrelages des différentes terrasses.

Le 24 janvier 2018, suite à sa saisine par [D] [T], le juge des référés a ordonné une expertise et a désigné [K] [C] en qualité d'expert, ce dernier ayant déposé son rapport le 13 août 2018.

Le 18 décembre 2018, [D] [T] a assigné la SCI Noujo aux fins de la voir condamnée à lui payer notamment la somme de 7 500 euros au titre du préjudice de jouissance et de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en faisant valoir que les moyens utilisés par la SCI Noujo pour protéger sa terrasse au moment des travaux de reprise du garde-corps n'étaient pas suffisants et qu'aucune autorisation ne lui avait été demandée pour l'installation du dispositif, ce qui constituait une faute.

La SCI Noujo a contesté la possibilité d'engager sa responsabilité contractuelle alors que les expertises n'avaient pas établi qu'elle était à l'origine du désordre et, qu'en tout état de cause, les deux expertises effectuées se contredisaient sur la nature du désordre.

Le jugement rendu le 6 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

Condamne la SCI Noujo à payer à [D] [T] la somme de 400 euros en réparation du préjudice esthétique ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par [D] [T] à hauteur de 95 % et par la SCI Noujo à hauteur de 5 % ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Le jugement expose que la faute commise par la SCI Noujo est caractérisée par l'absence de précautions prises lors des travaux, notamment en terme d'autorisations et de protections. Il relève en effet que l'expert a constaté que la SCI Noujo affirmait avoir été autorisée à mettre en place un échafaudage sur la terrasse de [D] [T], alors que cette dernière contestait avoir donné une telle autorisation et que l'expertise Elex du 24 février 2017 avait établi qu'en toutes hypothèses, l'installation effectuée ne permettait pas de protéger effectivement la terrasse.

Le jugement expose que le dommage est caractérisé de manière certaine par l'expert qui a noté que le carrelage de la terrasse de [D] [T] avait été dégradé, soit par la mise en place de l'échafaudage, soit par la chute de gravats. L'expert constatait également que les désordres relevés étaient opposables à la SCI Noujo, ce qui était confirmé par l'expertise Elex.

Le jugement relève que l'expert a indiqué que [D] [T] a bien subi un préjudice mais qu'il en laisse l'appréciation au magistrat. Le préjudice n'est fondé que sur des photographies non datées, ce qui permet uniquement d'analyser le désordre en un préjudice esthétique du fait de la présence de gravats et non de faire droit à l'allégation de [D] [T] visant à affirmer qu'elle n'avait pu profiter de sa terrasse pendant 195 jours. Il n'y a pas non plus eu de préjudice de jouissance en janvier 2016 puisque [D] [T] n'était pas présente au moment des travaux.

[D] [T] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 18 novembre 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 21 février 2022.

Les dernières écritures pour [D] [T] ont été déposées le 18 février 2022.

Les dernières écritures pour la SCI Noujo ont été déposées le 7 mai 2020.

Le dispositif des écritures pour [D] [T] énonce :

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Noujo à lui payer la somme de 400 euros en réparation du préjudice esthétique, fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par elle à hauteur de 95 % et par la SCI Noujo à hauteur de 5 % et débouté les parties de leurs autres demandes ;

Condamner la SCI Noujo à verser à [D] [T] la somme de 9 750 euros au titre du préjudice de jouissance et de 1 950 euros au titre du préjudice esthétique (« préjudice de jouissance » dans le dispositif) outre les entiers dépens ;

Condamner la SCI Noujo à verser à [D] [T] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

[D] [T] conteste la motivation du premier juge visant à écarter son préjudice de jouissance. Elle fait valoir que l'expert a bien confirmé la réalité du préjudice subi sans se fonder uniquement sur les photographies versées aux débats mais également sur le rapport Elex pour lequel l'expert amiable a pu constater l'état de la terrasse au moment des faits. Elle souligne que le sinistre de sa terrasse a été daté au 30 juillet 2016 et que la visite de l'expert amiable s'est effectuée le 14 septembre 2016. [D] [T] soutient que le désordre induit par les travaux est minime en comparaison avec les désordres subis en 2014, notamment du fait des chutes d'éléments divers en provenance de la terrasse de la SCI Noujo, ce que l'ordonnance du 5 juin 2015 établit sans aucun doute. Elle ajoute que suite à ces désordres, elle a fait refaire tout le carrelage mais que moins d'un an après, le carrelage a de nouveau été endommagé du fait des travaux de l'intimée. [D] [T] soutient que ces désordres sont de nature à empêcher l'utilisation de la terrasse et souligne que l'expert a bien relevé un préjudice de jouissance distinct du préjudice esthétique. Il n'est pas possible de faire usage d'une terrasse couverte de gravats et d'impacts au sol. [D] [T] fait valoir qu'il n'y a pas, contrairement à ce que le premier juge a retenu, disproportion entre l'endommagement du carrelage de la terrasse et le chiffrage du préjudice puisque le juge n'a pas tenu compte des difficultés pratiques entraînées par un éventuel enlèvement des gravats et ce d'autant plus que son appartement ne se situe pas au rez-de-chaussée. Elle fait valoir qu'elle n'a donc pu faire face à un tel coût et a dû attendre 195 jours que des travaux de réfection complets soient effectués par le syndicat de copropriété.

[D] [T] conteste le montant alloué au titre de son préjudice esthétique. Elle rappelle que l'expert a parfaitement établi l'existence de désordre en se fondant sur le rapport Elex. Il n'est pas possible de diminuer le montant de son indemnisation sous le seul prétexte qu'il s'agit d'une résidence secondaire alors même que sa demande tenait déjà compte des périodes réelles d'occupations des biens, soit les jours fériés et les vacances.

[D] [T] soutient que le juge n'a pas motivé sa décision de mettre à sa charge 95% des dépens en opposition avec l'article 696 du code de procédure civile. En tout état de cause, elle rappelle que l'entière responsabilité de la SCI Noujo a été retenue et ce d'autant plus qu'il s'agit du troisième sinistre subi qui lui est imputable.

Le dispositif des écritures pour la SCI Noujo énonce :

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCI Noujo à la somme de 400 euros au titre d'un préjudice esthétique ;

Débouter [D] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCI Noujo à supporter 5% des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

Condamner [D] [T] à supporter les entiers dépens et à payer à la SCI Noujo la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Noujo conteste la réalité du dommage dès lors que les deux expertises sur lesquelles se fonde [D] [T] ne sont pas concordantes. Le rapport Elex conclut que l'ébréchure du carreau est la conséquence d'un impact et qu'une forte présomption d'imputabilité pèse sur la SCI Noujo puisqu'aucune autre intervention n'a été effectuée sur la terrasse. C'est sur ce rapport que se fonde l'expert judiciaire qui est intervenu postérieurement aux travaux de rénovation effectués par le syndicat et qui fait état de plusieurs éclats sur le carrelage. Aucun des rapports ne fait état de désaffleurement rendant la terrasse dangereuse ou de la présence de gravats. La SCI Noujo soutient que le lien de causalité entre le dommage non démontré et sa faute alléguée n'est pas démontré puisqu'aucun des rapports n'établit clairement sa responsabilité. Elle souligne que l'origine de l'impact sur le carrelage provient probablement du sinistre précédant les travaux qu'elle a effectué et rappelle qu'elle a déjà été condamnée à ce titre et [D] [T] indemnisée pour les travaux de sa terrasse. Selon la SCI Noujo, [D] [T] cherche à démontrer un autre fait générateur pour pouvoir obtenir une nouvelle prise en charge par son assurance. La SCI Noujo souligne que si le dommage est avéré, il semble provenir de la chute de gravats du garde-corps avant la réalisation des travaux. Il n'est donc démontré ni dommage ni lien de causalité.

Concernant la charge des dépens, la SCI Noujo rappelle que c'est [D] [T] qui a sollicité une expertise judiciaire alors même que les travaux de rénovation de terrasses avaient été décidés, ce qui a contraint l'expert désigné à se prononcer sur la base d'un rapport dressé par l'assureur de l'appelante et sur des photographies peu fiables.

MOTIFS

1. Sur le préjudice de jouissance

En l'état de l'argumentation de la SCI Noujo et des pièces versées par elle au soutien de sa défense, la cour considère qu'il n'y a pas matière à critique des motifs du premier juge qui a justement retenu que la faute commise par elle était caractérisée par l'absence de précautions prises lors des travaux, notamment en terme d'autorisations et de protections, et que le lien de causalité avec le dommage subi par [D] [T] pouvait être retenu en considération des constatations et des conclusions, tant de l'expert judiciaire que de l'expert amiable, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCI Noujo, préalablement à l'examen des préjudices subis par [D] [T] et dont elle demande réparation, en premier lieu du préjudice de jouissance.

S'agissant de l'évaluation de ce préjudice et du montant des dommages-intérêts pouvant lui être alloués en réparation, le premier juge a fait une juste appréciation des éléments qui lui étaient soumis pour retenir que les désordres, consistant en des carreaux brisés et des débris de petite taille, qu'il était possible d'enlever aisément, n'empêchaient aucunement à [D] [T] de jouir de sa terrasse, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il considéré qu'elle échouait à établir un quelconque préjudice de jouissance, pour rejeter sa demande d'indemnisation à ce titre.

2. Sur le préjudice esthétique

De la même façon, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le préjudice esthétique apparaissait limité, pour lui allouer la somme de 400 euros. Le jugement sera donc par conséquent confirmé de ce chef.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

[D] [T] sera condamnée aux dépens de l'appel.

[D] [T] sollicite la condamnation de la SCI Noujo à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La SCI Noujo sollicite pour sa part la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.

[D] [T], qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera en outre condamnée à payer à la SCI Noujo la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 6 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE [D] [T] à payer à la SCI Noujo la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [D] [T] aux dépens de l'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/07509
Date de la décision : 19/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-19;19.07509 ?
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