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19/04/2022 | FRANCE | N°19/03404

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 19 avril 2022, 19/03404


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 19 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03404 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFAH





Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 17/00684





APPELANTS :



Monsieur [Y] [G]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5]

de nationalité Fran

çaise

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représenté par Me François Régis VERNHET de la SELARL FRANCOIS REGIS VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant





Monsieur [W] [G]

né le [Date naiss...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 19 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03404 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFAH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 17/00684

APPELANTS :

Monsieur [Y] [G]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représenté par Me François Régis VERNHET de la SELARL FRANCOIS REGIS VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [W] [G]

né le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me François Régis VERNHET de la SELARL FRANCOIS REGIS VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

SOCIÉTÉ D'ASSURANCES DES ARMATEURS PROFESSIONNELS DE LA MER (SAMAP)

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par Me François Régis VERNHET de la SELARL FRANCOIS REGIS VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [F] [J]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représenté par Me Laetitia GARCIA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Laetitia GARCIA, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'AUDE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Karine JAULIN-BARTOLINI de la SCP PECH DE LACLAUSE-JAULIN-EL HAZMI, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant

assistée de Me Linda AOUADI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Karine JAULIN-BARTOLINI, avocat au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 21 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 MARS 2022, en audience publique, Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

**

[F] [J] a été informé par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Port la nouvelle (CCI) que son voilier amarré dans le port de plaisance avait été heurté dans la nuit du 2 au 3 janvier 2013 par un autre navire.

Une enquête pénale permettait d'établir le navire en cause et son propriétaire.

Une mesure d'expertise ordonnée en référé au contradictoire du propriétaire a procédé à l'évaluation des dommages dans un rapport déposé le 23 juin 2016.

Par actes du 30, 31 mars, 3 avril 2017, [F] [J] a fait assigner aux fins d'indemnisation [Y] et [W] [G], armateur et barreur du bateau, et l'assureur société d'assurances des armateurs professionnels de la mer (SAMAP).

Le jugement rendu le 18 avril 2019 par le tribunal de Grande instance de Narbonne énonce dans son dispositif :

Dit que la prescription n'était pas acquise à la date de l'assignation.

Dit que l'abordage du bateau de [F] [J] est imputable à une faute du bateau appartenant à [Y] [G] et barré par [W] [G].

Condamne in solidum [Y] et [W] [G] et la société d'assurances des armateurs professionnels de la mer à payer à [F] [J] en réparation du préjudice subi :

23 214,20 € au titre de la perte du bateau

8184 € et 1232 €, et 227 € par mois à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la date du jugement, au titre de la privation de jouissance

758,98 €, et 25 € par mois à compter du 1er janvier 2017 jusqu'à la date du jugement, au titre des frais d'assurance

300 € au titre des frais de déplacement.

Condamne in solidum [Y] et [W] [G] et la société d'assurances des armateurs professionnels de la mer à payer à [F] [J] la somme de 6500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute [F] [J] du surplus de ses demandes indemnitaires, et de ses demandes contre la CCI.

Déboute la CCI de ses demandes contre [F] [J].

Condamne [Y] et [W] [G] et la société d'assurances des armateurs professionnels de la mer aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise.

Pour écarter la prescription, le jugement retient pour l'application du délai de deux ans de l'action en réparation des dommages du code des transports, la suspension en application de l'article 2234 du Code civil contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir, et le point de départ de l'article 2224 à compter du jour où le titulaire du droit a connu les faits lui permettant de l'exercer.

Il observe que [F] [J] n'a été informé de l'identité du bateau qui avait endommagé le sien que le 26 mai ou le 5 juin 2015, alors que l'enquête de gendarmerie montre que l'identité du navire en cause a été sciemment occultée en particulier par la CCI qui avait refusé dans un courrier du 5 février 2013 de communiquer l'identité du navire, alors que le directeur du port l'avait pourtant identifiée le jour même, qu'il ne peut lui être reproché un défaut de diligence alors que son bateau amarré avait subi les faits en son absence étant domicilié à [Localité 13].

Il ajoute la suspension de la prescription par l'assignation en référé du 9 novembre 2015 jusqu'à six mois après le dépôt du rapport d'expertise, soit le 23 décembre 2016.

Le jugement expose que le code des transports retient la responsabilité des dommages si l'abordage est causé par la faute prouvée d'un navire, exclusive de la force majeure ou du doute sur les causes de l'accident.

Il retient de l'exposé des mentions de [W] [G] sur le carnet de bord la faute du chalutier qui a présenté une panne qui n'a pas pu être maîtrisée par le barreur, alors que la panne ne caractérise par une force majeure ni un cas fortuit, alors que le voilier victime amarré à l'emplacement qui lui avait été assigné par les autorités portuaires a joué un rôle purement passif.

Le barreur sera tenu de l'indemnisation des conséquences de sa faute, ainsi que le propriétaire qui répond du dommage causé par son préposé.

Le jugement fixe les montants d'indemnisation en considération des investigations de l'expert par des motifs circonstanciés auquel la cour renvoie les parties.

Le jugement expose les éléments de nature à établir la mauvaise foi de la CCI dans un refus volontaire d'information sur le navire responsable et son propriétaire, mais écarte la demande d'indemnisation par [F] [J] en l'absence de lien de causalité entre la faute et les préjudices.

Le jugement écarte la demande de la CCI d'une redevance d'occupation du domaine public sur un terre-plein où le bateau avait été déposé, au motif de sa propre responsabilité dans le délai de résolution de l'affaire.

[Y] et [W] [G] et la compagnie SAMAP ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 16 mai 2019.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 21 février 2022.

Les dernières écritures pour [Y] et [W] [G] et la compagnie SAMAP ont été déposées le 21 novembre 2019.

Les dernières écritures pour [F] [J] ont été déposées le 18 novembre 2019.

Les dernières écritures pour la société Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Aude ont été déposées le 9 décembre 2019.

Le dispositif des écritures pour [Y] et [W] [G] et la SAMAP énonce, en termes de prétention :

Infirmer le jugement rendu le 18 avril 2019.

Et statuant à nouveau, déclarer l'action de [F] [J] prescrite.

À titre subsidiaire, écarter la responsabilité des consorts [G] en raison des doutes sur les causes de l'abordage et de la force majeure des conditions de l'abordage.

Condamner [F] [J] à payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Les consorts [G] et leur assureur exposent que les règles de prescription du code des transports énoncent notamment :

L'action en réparation des dommages se prescrit par deux ans à partir de l'événement.

Ils en déduisent que le point de départ ne dépend pas de la connaissance de l'identité du bateau impliqué, mais est constitué par l'événement de l'abordage, et constatent que l'assignation en référé le 12 novembre 2015 est postérieur à deux ans suivant l'abordage dans la nuit du 2 au 3 janvier 2013.

Ils soutiennent que la plainte n'a pas pour effet de suspendre la prescription en l'absence d'engagement de poursuites par le procureur de la république ou de constitution de partie civile recevable, alors qu'il n'y a pas eu d'avis de classement par le parquet ni d'autorisation de consignation par le doyen des juges d'instruction.

Ils soutiennent ensuite que l'impossibilité d'agir sans connaître le responsable n'avait pas un caractère absolu de nature à retarder le départ de la prescription, alors qu'il n'est pas démontré une force majeure irrésistible, que la CCI n'est que le gestionnaire des équipements du port et pas une autorité de police.

Ils soutiennent également l'exonération de responsabilité en raison des doutes sur les causes de l'abordage dans des circonstances ne permettent pas de retenir une faute prouvée, et en présence d'une force majeure caractérisée par un vent très fort qui a poussé le chalutier en direction du voilier et une panne concomitante ne permettant plus de contrôler la trajectoire.

Ils développent par ailleurs une longue argumentation sur le montant des préjudices qui n'a pas d'objet utile en l'absence de prétention subsidiaire sur une réduction des montants.

Le dispositif des écritures pour [F] [J] énonce, en termes de prétention :

Confirmer le jugement, à l'exception du rejet de l'action en responsabilité contre la CCI, et du préjudice moral de [F] [J].

En conséquence, condamner in solidum avec les consorts [G] et leur assureur la CCI de Narbonne à verser à [F] [J] la somme de 4475,14 € au titre du préjudice immatériel, outre 252 € par mois du 1er janvier 2017 jusqu'à l'exécution de la décision.

Débouter la CCI de ses demandes, et à titre subsidiaire condamner les consorts [G] et leur assureur à le garantir des condamnations éventuelles aux faits d'occupation du domaine public.

Condamner in solidum les consorts [G], leur assureur, la CCI, à verser 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement des dépens comprenant les frais de la procédure de référé et de l'expertise, donc distraction au profit de l'avocat conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

[F] [J] demande de confirmer les motifs pertinents du premier juge sur l'absence de prescription, et sur la responsabilité solidaire du propriétaire du navire et de son préposé.

Il soutient l'interruption de la prescription par la désignation de l'expert amiable d'assurances le 23 janvier 2013, par la constitution de partie civile régulière le 18 septembre 2014, et divers actes de poursuites par le procureur de la république, et du fait de l'impossibilité d'agir sans identification du navire en cause malgré de nombreuses démarches.

Il oppose à l'allégation d'un doute sur les causes de la collision le propre rapport établi par le barreur [W] [G], et l'indication par l'expert que ce n'est pas une gêne occasionnée par la présence du voilier qui est à l'origine de l'accident, et à celle de la force majeure des conditions atmosphériques qu'elle n'est pas rapportée.

Il soutient que la responsabilité de la CCI est engagée en ayant refusé de communiquer l'identité du chalutier responsable, en ayant fait perdre un temps précieux en proposant une indemnisation puis en se rétractant.

Il soutient qu'une indemnisation proposée hauteur de la valeur vénale du navire aurait permis à [F] [J] d'acheter un nouveau bateau ce qui constitue un lien de causalité entre l'absence d'indemnisation et le préjudice.

Il reprend sa prétention de première instance au bénéfice de l'indemnisation d'un préjudice moral.

Le dispositif des écritures pour la CCI de l'Aude énonce :

Confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a retenu le manquement de la CCI à son obligation générale de loyauté.

Débouter [F] [J] de ses prétentions à son encontre.

Le condamner aux dépens et à 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CCI expose que les termes de son courrier du 5 février 2013 rappelaient simplement l'impossibilité légale de montrer à l'expert d'assurance les images vidéo, et renvoyaient aux services de gendarmerie pour demander le nom du navire en cause.

Elle indique qu'elle avait cherché une voie de résolution amiable par une proposition d'indemnisation à laquelle elle n'était pas tenue, et qui n'avait pas été compatible avec les exigences du propriétaire du navire endommagé.

MOTIFS

Sur la prescription

Le code des transports énonce effectivement que l'action en réparation des dommages se prescrit par deux ans à partir de l'événement.

Le premier juge a retenu avec pertinence l'application au régime spécial de prescription des règles de droit général des dispositions des articles 2224 et 2234 du Code civil, que le point de départ de la prescription ne peut pas commencer avant que le titulaire du droit puisse connaître les faits, et que la prescription est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par une situation de force majeure.

Cependant, l'application des dispositions générales du Code civil suppose que la victime apporte la preuve qu'elle ne pouvait pas connaître les faits par une situation de force majeure.

Le premier juge ne pouvait pas affirmer que la force majeure était constituée par l'absence d'information sur l'identité du responsable de l'abordage avant le 26 mai 2015, résultant d'une « conspiration du silence » mise en évidence par le procès-verbal de synthèse de l'enquête de la gendarmerie maritime, le directeur du port ayant immédiatement identifié le protagoniste, alors que ces affirmations ne sont pas sérieusement étayées.

La cour observe que le procès-verbal de synthèse de la gendarmerie ne comporte pas de telles affirmations, alors que la clôture du procès-verbal énonce notamment « le délit de fuite ne paraît pas constitué car les protagonistes se connaissent dès le début mais ne peuvent ou ne veulent pas entrer en contact ; l'un ou l'autre ou les deux ne font pas le nécessaire pour se rencontrer ».

La clôture du procès-verbal ajoute « la CCI a voulu jouer le rôle d'intermédiaire pour la bonne entente de tous les usagers, mais n'est pas parvenu à faire entendre raison aux parties ».

La désignation d'un expert amiable par la compagnie d'assurances de la victime n'a pas un caractère interruptif de la prescription à l'égard du responsable, mais uniquement dans l'exercice du recours contre l'assureur.

La plainte pénale déposée le 31 juillet 2013 n'interrompt pas la prescription en l'absence de poursuites exercées par le procureur de la république.

La constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction le 18 septembre 2014 ne pouvait pas davantage interrompre la prescription à défaut de justification du versement d'une consignation.

Le relevé Cassiopé de la procédure de plainte pénale ne permet pas de constituer les justificatifs de l'interruption de prescription en l'absence de poursuites exercées.

[F] [J] ne justifie pas d'une interruption de la prescription avant l'expiration du délai de deux ans suivant l'événement le 3 janvier 2015.

Son action est en conséquence prescrite.

Sur les autres prétentions

Il résulte de l'acquisition de la prescription de l'action l'infirmation de toutes les dispositions du jugement déféré.

Il n'est pas inéquitable dans l'espèce de laisser à la charge des parties les frais non remboursables exposés dans l'instance.

[F] [J] supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement rendu le 18 avril 2019 par le tribunal de Grande instance de Narbonne ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [F] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Ph. G.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03404
Date de la décision : 19/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-19;19.03404 ?
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