Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 19 AVRIL 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/02880 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OEA3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 AVRIL 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 16/01321
Jonction des procédures RG 21/6603 et RG 19/2880 sous le numéro RG 19/2880 dans le présent arrêt
APPELANTE :
S.A. CONFORAMA FRANCE pris en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Elise KOSMAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMEES :
SARL VIFOLA prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 8]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
SCP HOOGLAND
[Adresse 2] et actuellement
[Adresse 1]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Séverine GUYOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 23 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MARS 2022, en audience publique, Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
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La SARL VIFOLA a consenti un bail commercial à la SA Conforama France à compter du 27 juillet 2006 pour une activité de vente de biens d'équipement et de la maison.
Par acte du 29 juin 2015, le bailleur a fait délivrer un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2016 sans modification du bail pour le même loyer annuel hors charges et taxes de 670 000 €.
Par acte du 10 décembre 2015, Conforama accepte le renouvellement au prix proposé.
La SARL VIFOLA indique par la suite qu'il convenait de lire que le loyer annuel du renouvellement serait de 852 966 €, correspondant au loyer initial qui devait être indexé selon l'indice du coût de la construction depuis la prise de possession des locaux en 2007.
La SA Conforama considérant sa lecture des termes du congé procède au règlement du premier semestre sur la base annuelle de 670 000 €.
Le bailleur a fait délivrer au preneur par acte du 19 février 2016 un commandement visant la clause résolutoire pour le règlement de la différence avec le montant de loyer indexé.
Par acte du 10 mars 2016, la SA Conforama fait assigner la SARL VIFOLA pour faire valider le renouvellement du bail au montant de loyer mentionné dans le congé.
Une médiation ordonnée par le juge de la mise en état s'avère infructueuse.
Par ordonnance du 27 octobre 2016, le juge de la mise en état constate l'intervention volontaire de la SCP [D] l'huissier instrumentaire de la délivrance du congé avec offre de renouvellement dont la responsabilité est recherchée par le bailleur.
Le jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal de Grande instance de Perpignan énonce pour l'essentiel dans son dispositif :
Dit que le bail commercial a été renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2016, que toutes les dispositions du bail du 3 février 2005 restent applicables à l'exception de celles qui seraient contraires au statut des baux commerciaux.
Dit que le congé délivré le 29 juin 2015 concerne une offre de renouvellement du bail aux conditions antérieures, tel que pouvant résulter du loyer initial indexé selon les clauses et conditions du bail d'origine.
Dit par voie de conséquence que le loyer initial de 670 000 € hors taxes et hors charges est porté après application de l'indexation prévue contractuellement au loyer annuel de renouvellement de 852 310 €.
Déboute la SARL VIFOLA de sa demande de constatation de la résolution du bail commercial par l'effet de la clause résolutoire et d'expulsion du preneur.
Condamne la SA Conforama France à payer à la SARL VIFOLA au titre des loyers arriérés la somme de 45 577,50 € hors-taxes au titre du premier trimestre 2016, ainsi que le montant du loyer réellement dû trimestriellement à compter du deuxième trimestre, soit la somme de 211 381,25 € hors-taxes.
Déboute la SARL VIFOLA de sa demande de l'indemnité de retard contractuelle prévu à l'article 6.4 du bail à compter de chacune des échéances, de l'indemnité prévue au titre de la clause pénale, de sa demande subsidiaire d'expertise tendant à déterminer la valeur locative des locaux.
Déboute la SA Conforama France de sa demande de garantie des condamnations par la SCP Hoogland.
Condamne la SA Conforama France aux dépens.
Condamne la SA à Conforama France à payer à la SARL VIFOLA une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le fondement des dispositions légales d'interprétation du contrat d'après la commune intention des parties et que les conventions doivent être exécutées de bonne foi, le jugement considère que la mention dans le congé du 29 juin 2015 que « le bailleur n'entend pas modifier les clauses relatives au loyer soit la somme annuelle de 670 000 € ni les autres clauses et conditions du bail qui demeurent inchangées » signifie sans ambiguïté réelle une offre de maintien de la référence initiale de loyer annuel avec l'indexation contractuelle également initiale, l'intention inverse d'une réduction importante du montant du loyer contractuel à défaut d'indexation ne résultant d'aucune mention particulière de l'offre.
Il relève la mauvaise foi dans l'exécution contractuelle du preneur qui réglait au titre du bail en cours un montant annuel de 852 966 €, brusquement réduit à un montant de 670 000 € à compter du renouvellement du bail.
Le jugement retient que l'interprétation de bonne foi de la convention rend sans objet la discussion sur l'estimation d'une valeur locative par une expertise privée non contradictoire sollicitée par Conforama, ainsi que la demande d'expertise judiciaire.
Le jugement retient que le litige sur le montant du loyer renouvelé ne permet pas de valider l'application de la clause résolutoire fondée sur une interprétation de l'obligation avant l'échéance d'une décision judiciaire définitive.
Il écarte sur le même motif les demandes du bailleur d'ajouter à la part de montant de loyers impayés des indemnités de retard et clause pénale.
Il écarte la demande de garantie par l'huissier qui a délivré le congé, et de dommages-intérêts à son encontre, en ce que l'application retenue par la cour de la bonne interprétation de l'offre de renouvellement est exclusive d'un préjudice de Conforama imputable au fait de l'huissier.
La SA Conforama France a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 25 avril 2019.
Par un courrier daté du 25 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a informé les parties que la cour avait été saisie par une transmission du greffe du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Perpignan sur renvoi pour compétence par jugement du 18 octobre 2021 d'un dossier concernant la même affaire, enregistré par la cour RG 21/6603, et que les deux affaires seraient jugées ensemble en raison de leur connexité.
Il convient d'ordonner la jonction dans le dispositif de l'arrêt sur le numéro RG 19/2880.
Une ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 janvier 2021 a rejeté la demande du bailleur d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 février 2022.
Les dernières écritures pour la SA Conforama France ont été déposées le 18 février 2022.
Les dernières écritures pour la SARL VIFOLA ont été déposées le 18 février 2022.
Les dernières écritures pour la SCP Hoogland ont été déposées le 21 février 2022.
Le dispositif des écritures pour la SA Conforama France énonce en termes de prétention :
Infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de constater la résolution du bail par l'effet de la clause résolutoire et d'expulsion du preneur, la demande d'augmenter la condamnation au règlement de l'arriéré de loyer de l'indemnité contractuelle prévue à l'article 6.4 du bail, et au titre de la clause pénale, et en ce qu'il a débouté la SCP [D] de sa demande de dommages-intérêts à son encontre.
À titre subsidiaire, fixer le loyer annuel du bail renouvelé à la valeur locative pour un montant hors taxes de 577 250 €, et si nécessaire ordonner avant-dire droit une mesure d'instruction pour rechercher la valeur locative des lieux loués au 1er janvier 2016, et constater si besoin est l'absence de motif de déplafonnement.
Dans le cas d'une expertise judiciaire, fixer un loyer provisionnel à la somme de 577 250 €, et condamner à titre provisionnel le bailleur à rembourser la différence avec le montant perçu, avec les intérêts au taux légal et la capitalisation annuelle des intérêts.
À titre subsidiaire, condamner la SCP [D] à garantir Conforama de toute condamnation, et à lui verser la somme de 1 646 694 € de dommages-intérêts pour la perte du prix du loyer offert par le bailleur, et 30 000 € de dommages-intérêts.
Condamner in solidum la SARL VIFOLA et la SCP [D] au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Conforama expose qu'il a accepté l'offre de renouvellement au prix mentionné dans l'acte huissier de loyer annuel de 670 000 € en considération d'une expertise amiable de la valeur locative proposant un prix de renouvellement de 672 000 €, qu'une nouvelle expertise amiable en cours d'instance conclue à une valeur locative de 664 000 €. Elle souligne la cohérence du prix proposé avec l'évolution du marché après la crise de 2008 en relation avec le prix du bail précédent de 2005.
Elle soutient que les règles d'interprétation ou d'exécution du contrat ne peuvent pas s'appliquer à un acte unilatéral comme le congé, alors même que le contrat de bail renouvelé n'était pas encore formé.
Elle soutient que même dans une relation contractuelle l'interprétation doit se faire contre celui qui a stipulé, dans l'espèce le bailleur, que le premier juge relève à tort le motif d'une diminution du montant du loyer du bail renouvelé alors que cette diminution est parfaitement conforme à l'expertise de la valeur locative réalisée avant le congé.
Elle oppose à l'argumentation de la SCP [D] que le congé serait vicié par l'erreur commise par le bailleur dans la rédaction du congé, que les dispositions relatives au vice du consentement ne s'appliquent pas dans un acte unilatéral d'huissier, qui ne peut être affecté que par les irrégularités de fond limitativement énuméré à l'article 117 du code de procédure civile.
La proposition subsidiaire de Conforama d'un loyer annuel de 577 250 € correspond à l'application de la jurisprudence récente courant 2019 de la déduction de la taxe foncière.
La cour devra constater la réalité de l'accord des parties par l'acceptation de l'offre dans sa légitime compréhension, sauf à la cour qui peut être saisie directement de la fixation du prix du loyer d'ordonner une expertise judiciaire contradictoire de la valeur locative compte tenu des critiques des expertises amiables.
Conforama soutient que le calcul des loyers du renouvellement ne peut pas appliquer l'indice de la construction dont la référence a été supprimée par l'application de la loi du 18 juin 2014 au bénéfice de la référence au loyer initiale plafonné à l'indice des loyers commerciaux, soit un montant annuel de 770 773,80 €.
Elle conteste le calcul par le premier juge du différentiel de montant de loyer qu'elle est condamnée à payer, et le calcul d'actualisation du bailleur devant la cour, au terme d'une argumentation à laquelle la cour renvoie les parties.
Elle demande la garantie de la SCP [D] écartée à tort par le premier juge, alors que la faute de l'huissier est caractérisée par la mauvaise rédaction de l'acte en l'absence de toute précision sur l'application des dispositions contractuelles d'indexation.
Le dispositif des écritures pour la SARL VIFOLA énonce, en termes de prétention :
Confirmer le jugement déféré.
Condamner en conséquence Conforama à verser au titre des arriérés de loyer la somme trimestrielle de 213 241,50 € hors-taxes à compter du premier trimestre 2016, avec les intérêts contractuels pour chaque échéance T4M + 5 points jusqu'au second trimestre 2017, puis à compter du second trimestre 2007 jusqu'au premier trimestre 2022 la somme de 1 096 465,59 euros avec les mêmes intérêts, somme à parfaire au jour de la décision.
Constater l'application de la clause résolutoire du bail, et prononcer l'expulsion de Conforama et tout occupant de son chef.
Condamner la société Conforama à verser au titre de clause pénale les sommes dues en application de l'article 6.4 du bail.
Condamner la société Conforama à verser une somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Subsidiairement dans le cas d'une expertise condamner à titre provisionnel au paiement du loyer de 852 310 € indexés.
Subsidiairement si la cour faisait droit aux demandes de Conforama, condamner Maître [D] à verser le différentiel de loyer perdu à compter du premier trimestre 2016 jusqu'au terme du bail de neuf ans.
En tout état de cause, condamner les succombant à verser une somme de 30 000 € de dommages-intérêts, et une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
La SARL VIFOLA demande la confirmation des motifs pertinents du premier juge pour retenir l'interprétation légitime de l'offre de renouvellement dans le congé du 29 juin 2015, dont l'interprétation inverse par le preneur reviendrait à une modification des clauses et conditions du bail expressément maintenues dans les termes de l'offre, de nature à retenir une volonté étonnante d'une diminution du prix du loyer annuel de 852 966 € à 670 000 €.
Elle considère que l'interprétation évidente de la volonté des parties ne laisse place à aucun doute.
Elle soutient que les nouvelles dispositions issues de la loi du 18 juin 2014 sur la référence à l'indice des loyers commerciaux pour une révision triennale ne s'appliquent pas aux baux commerciaux comportant référence à l'indice de la construction pour indexation annuelle.
Elle expose dans les écritures les modalités du calcul de l'évolution de l'indice auquel la cour renvoie les parties au soutient de sa demande de paiement du différentiel.
Elle conteste par une argumentation à laquelle la cour renvoie les parties les modalités de calcul de l'expert privé qui ne s'est pas déplacé sur les lieux. Elle produit sa propre expertise qui conduit à une surface commerciale pondérée beaucoup plus importante et a une valeur locative qui serait de 822 868 € proche de la valeur actuelle indexée.
Elle demande d'infirmer le rejet de l'application de la clause résolutoire en relevant que le preneur ne pouvait pas se tromper sur la réalité du contenu de l'offre de renouvellement sur le prix du loyer.
Elle soutient la responsabilité de l'huissier dans les conséquences de l'erreur de rédaction du congé.
Le dispositif des écritures pour la SCP [D] énonce en termes de prétention :
Confirmer la décision déférée.
Juger irrecevables comme prescrites les demandes de Conforama de fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative et de demande d'une expertise judiciaire.
Débouter la SARL VIFOLA de sa demande de garantie et au titre de l'article 700 du code de procédure civile en l'absence de faute.
Condamner Conforama au paiement de la somme de 20 000 € au titre de l'article 1240 du Code civil, et de la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de l'avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La SCP Hoogland reprend l'argumentation du premier juge et celle du bailleur pour la confirmation de l'appréciation du contenu de l'offre, et pour constater l'absence de faute de l'huissier à l'origine d'un préjudice.
Elle soutient la prescription de deux ans des demandes sur le fondement de la valeur locative au regard de l'offre de renouvellement au 1er janvier 2016 et d'une saisine du juge des loyers commerciaux seulement le 20 septembre 2019.
Elle oppose à la demande de garantie du bailleur que celui-ci n'a pas contesté le respect du mandat donné à son huissier, qu'il n'est établi aucune faute à son encontre en l'absence de tout devoir de conseil de son mandant.
Elle oppose à la demande de garantie du preneur l'absence de faute en lien causal avec un préjudice de Conforama qui ne peut résulter de la prétendue omission dans l'acte de précision suffisante sur le montant de l'offre, alors que le litige est limité à l'interprétation du contenu de la rédaction de l'offre.
Elle observe les contradictions de Conforama qui prétend avoir compris et accepté un loyer annuel de 670 000 €, alors qu'elle produit un rapport d'expertise sur une valeur locative de 577 250 € et qu'elle a attendu plus de trois ans pour saisir le juge des loyers commerciaux, que le désaccord entre le bailleur n'est pas imputable à l'Huissier.
MOTIFS
Sur les conditions du congé
Le congé avec offre de renouvellement du bail délivré par le bailleur par acte d'huissier du 29 juin 2015 indique précisément :
Le congé est donné afin de voir s'ouvrir droit à renouvellement au locataire dans les mêmes conditions que le bail initial.
Le requérant (le bailleur) n'entend pas modifier les clauses relatives au loyer, soit la somme annuelle hors-taxes de 670 000 €, ni les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées.
La cour comme le premier juge retient une absence totale d'ambiguïté dans le contenu de l'offre résultant de la lecture des termes du congé, en ce que le bailleur ne sollicite aucune sorte de modification de la poursuite des conditions antérieures d'exécution du bail, ni à la hausse ni à la baisse.
L'offre est par conséquent la poursuite d'un montant de loyer sur la base de référence du contrat initial du 3 février 2005, dont les clauses et conditions demeurées expressément inchangées comportent l'application à un loyer annuel hors-taxes initial de 670 000 € de la clause d'indexation chaque année en fonction de l'indice trimestriel du coût de la construction, indexation en conséquence poursuivie sur la précédente révision annuelle du loyer.
Il en résulte que le bailleur était fondé dans le contenu de son courrier du 22 décembre 2015 au preneur d'explication du texte du congé « pour dissiper tout malentendu » sur l'interprétation que lui aurait donnée au téléphone le représentant du preneur que le loyer du bail renouvelé aurait été fixé à compter du 1er janvier 2016 à la somme annuelle de 670 000 €, ce qui aurait au contraire signifié une importante modification des conditions du bail initial que le congé déclarait sans ambiguïté demeurées inchangées.
La signification dépourvue d'ambiguïté de l'offre rend sans objet le débat sur l'application de règles d'interprétation de la volonté exprimée du bailleur, ou sur une erreur constitutive d'un vice du consentement.
Elle rend également sans objet le débat sur la valeur locative des locaux et l'opportunité d'une expertise judiciaire à ce titre qui ne pourrait être fondé que sur une volonté du bailleur de modification du montant des loyers qui n'est pas exprimée dans l'offre, ou du locataire qui a dans l'espèce acceptée l'offre de bailleur dans sa réponse par acte du 10 décembre 2015, et qui n'a engagé une action devant le juge des loyers commerciaux que le 20 septembre 2019, et n'ayant réclamé dans cette instance devant le premier juge une évaluation de la valeur locative que par des conclusions de mai 2018, dans les deux cas postérieurement au délai de prescription de deux ans de l'article L 145-60 du code de commerce.
Sur la résolution du bail
Le preneur ne conteste pas avoir poursuivi le paiement des loyers sur la base de sa prétention d'interprétation de l'offre que la cour a déclaré dépourvue d'ambiguïté.
Il en résulte que la cour infirme le premier juge en ce qu'il a débouté le bailleur de sa demande de constatation de l'application de la clause résolutoire, sur le motif erroné d'un litige légitime sur le montant du loyer renouvelé, alors que le montant de l'offre ne souffrait pas d'interprétation légitime.
La cour constate l'application de la clause résolutoire visée par le commandement en date du 19 février 2016 de payer le montant inchangé du loyer du bail renouvelé après la déduction en acompte de la somme effectivement réglée par le preneur, lequel ne conteste pas avoir effectivement réglé un montant limité à une base annuelle de 670 000 €.
La cour constate en conséquence la résiliation contractuelle du bail intervenu un mois après le commandement à la date du 19 mars 2016.
Sur la créance du bailleur
Il résulte de la résiliation du bail à la date du 19 mars 2016, que le preneur est redevable après cette date non plus de loyer mais d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, dont le montant relève de l'appréciation souveraine du juge, sans superposition nécessaire aux conditions contractuelles d'évaluation du montant du loyer mais en considération de l'appréciation judiciaire du préjudice d'indisponibilité des locaux par le propriétaire.
Sans avoir à statuer par conséquent sur le débat dans les écritures des parties sur les modalités de calcul de la prétention par le bailleur d'un montant d'arriérés de loyers impayés, l'appréciation de la cour fixe l'indemnité d'occupation à un montant mensuel à compter du 19 mars 2016 sur la base du montant annuel revendiqué dans la lettre du bailleur du 22 décembre 2015 de 852 310 €, dont il sera déduit les montants effectivement versés depuis le 19 mars 2016.
L'indemnité d'occupation n'est pas affectée par l'application des dispositions sur l'indice de révision conventionnelle du loyer contractuel, ni par celles concernant l'indemnité de retard « à défaut de paiement du loyer ».
Seule pourrait être en débat la clause pénale « en contrepartie du préjudice subi du fait de la résiliation de bail » incluse dans l'article 8 du contrat sur la clause résolutoire, mais la cour constate que le dispositif des écritures de la SARL VIFOLA qui fixe ses prétentions en application de l'article 954 du code de procédure civile ne porte pas mention d'une demande en paiement en application de cette clause.
Il en résulte que le paiement de l'indemnité d'occupation sera exclusivement affecté de l'application des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure.
Les paiements effectués depuis l'expiration du bail renouvelé, c'est-à-dire après le 1er janvier 2016 viendront d'abord en déduction de la dette la plus ancienne pour la période du 1er janvier au 19 mars 2016, c'est-à-dire le prorata jusqu'au 19 mars du solde de l'échéance trimestrielle au montant qui n'est pas sérieusement critiqué de 213 241,50 € (base de 852 310 € annuels), de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'application à ce reliquat de loyer jusqu'au 19 mars 2016, nécessairement couvert par les paiements effectués, des intérêts de retard ou une quelconque clause pénale.
La condamnation au titre d'indemnité d'occupation est exclusive de la demande du bailleur de condamnation dans le dispositif de ses écritures, calculée sur un montant contractuel de loyer qui n'a plus cours depuis le 19 mars 2016.
Sur la garantie de la SCP Hoogland
La SA Conforama France demande dans son subsidiaire la condamnation de la SCP d'huissier à la garantir de toute condamnation, et à lui verser la somme de 1 646 694 € de dommages-intérêts pour la perte du prix du loyer offert par le bailleur, outre 30 000 € de dommages-intérêts.
Le premier juge a retenu par des motifs pertinents que la cour adopte l'absence de preuve d'une faute à l'encontre de l'huissier rédacteur de l'acte, et l'absence d'un lien de causalité avec le préjudice invoqué qui résulte de la seule application des obligations contractuelles du preneur.
La cour confirme également le rejet de la demande de dommages-intérêts au titre d'une précarité d'exploitation, pour le même motif d'une absence de faute en lien de causalité avec un préjudice qui n'est par ailleurs pas démontré dans la même application des obligations contractuelles déclarées être sans ambiguïté par la cour.
La cour ajoute que l'huissier est le mandataire du bailleur qui pourrait seul être tenu responsable de la rédaction de l'offre de renouvellement dont il lui a seulement confié la signification au preneur.
L'argumentation de la société Conforama fondée sur les conséquences d'un manquement contractuel de l'huissier envers son mandant bailleur est inopérante. Elle ne pourrait argumenter qu'une demande de dommages-intérêts du mandant.
Sur les autres prétentions
Il est équitable de mettre à la charge de la SA Conforama France une part des frais non remboursables exposés dans l'instance d'appel par la SARL VIFOLA, pour une somme de 10 000 €, et de confirmer la condamnation prononcée à ce titre en première instance.
Il est équitable de mettre à la charge de la SA Conforama France une part des frais non remboursables exposés dans l'instance d'appel par la SCP [D], pour un montant de 5000 €.
La SARL VIFOLA justifie d'un préjudice distinct du fait du règlement partiel de loyer ou indemnité d'occupation depuis le 1er janvier 2016, qu'il convient de réparer en dommages-intérêts pour un montant de 8000 €.
Il n'est pas établi en revanche un préjudice distinct au soutien de la prétention de la SCP [D] à un montant de dommages-intérêts.
La SA Conforama France supportera les dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition greffe ;
Prononce la jonction des procédures inscrites à la cour sous le numéro RG 19/2880 et 21/6603, dans l'instance unique 19/2880 ;
Confirme le jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal de Grande instance de Perpignan, sauf en ce qu'il déboute la SARL VIFOLA de la constatation de la clause résolutoire et de l'expulsion du preneur, et en ce qu'il prononce condamnation au paiement de loyers après le 19 mars 2016 ;
Et statuant à nouveau et y ajoutant :
Constate la résolution du bail commercial par application de la clause résolutoire à la date du 19 mars 2016 ;
Ordonne l'expulsion des locaux par la SARL VIFOLA et tous occupants de son chef dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision, au besoin avec l'aide de la force publique ;
Condamne la SA Conforama France à payer à la SARL VIFOLA après déduction des montants versés le solde impayé du prorata du loyer du premier trimestre 2016 jusqu'à la date du 19 mars 2016, et ensuite jusqu'à libération effective des lieux une indemnité d'occupation mensuelle sur la base d'un montant annuel de 852 310 € hors-taxes, avec les intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure ;
Condamne la SA Conforama France à payer à la SARL VIFOLA la somme de 8000 € de dommages-intérêts ;
Condamne la SA Conforama France à payer à la SARL VIFOLA une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Condamne la SA Conforama France à payer à la SCP Hoogland une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Condamne la SA Conforama France aux dépens de l'appel.
Le GreffierLe Président
Ph. G.