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02/03/2021 | FRANCE | N°17/04382

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 02 mars 2021, 17/04382


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 02 MARS 2021



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04382 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NI6D



Décisions déférées à la Cour : Jugement du 23 JUILLET 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DRAGUIGNAN - Arrêt du 20 OCTOBRE 2015 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE - Arrêt DU 17 MAI 2017 COUR DE CASSATION



Ordonnance de jonction en date du 10 Octobre 2017 entre les procéd

ures 17/04382 et 17/03826 sous le numéro 17/04382.







DEMANDEUR A LA SAISINE :



SCEA JEAN LECOCQ

[Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal en ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 02 MARS 2021

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04382 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NI6D

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 23 JUILLET 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DRAGUIGNAN - Arrêt du 20 OCTOBRE 2015 COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE - Arrêt DU 17 MAI 2017 COUR DE CASSATION

Ordonnance de jonction en date du 10 Octobre 2017 entre les procédures 17/04382 et 17/03826 sous le numéro 17/04382.

DEMANDEUR A LA SAISINE :

SCEA JEAN LECOCQ

[Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Sophie DEBETTE, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : demandeur à la saisine dans 17/03826 (Fond), Appelant devant la 1ère cour d'appel dans 14/16437 (Fond)

DEFENDERESSE A LA SAISINE :

SARL PRIMA LIEGE immatriculée au RCS de FREJUS sous le numéro 958 512 212 représentée en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Didier NOURRIT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant

Autre(s) qualité(s) : défenderesse à la saisine dans 17/03826 (Fond), Intimé(e) devant la 1ère cour d'appel dans 14/16437 (Fond)

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 Décembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 JANVIER 2021, en audience publique, M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

La société civile d'exp1oitation agricole Jean Lecocq a commandé début 2006 à la société Prima Liège des bouchons en liège destinés au bouchage de sa production vinicole.

La société Prima Liège a émis trois factures, les 10 mars 2006, 31 mars 2006 et 16 mai 2006, d'un montant respectif de 391,09 €, 1 176,86 € et 2 124,10 €.

La société Jean Lecocq n'a pas réglé que la première de ces factures.

Par acte d'huissier en date du 19 mai 2008, la société Jean Lecocq a assigné la société Prima Liège devant le tribunal d'instance de Fréjus en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de difficultés relatives à l'ouverture des bouteilles.

Par jugement en date du 23 juin 2009, une expertise a été ordonnée portant sur les bouchons litigieux, étendue le 3 novembre 2009 à madame [T] [P], exerçant sous l'enseigne Prestavin 83, qui avait été chargée de la mise en bouteille de la production de la société Jean Lecocq.

L'expert désigné, monsieur [U] [D], a déposé son rapport en l'état le 25 août 2011.

Par jugement en date du 31 juillet 2012, le tribunal d'instance de Fréjus s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Draguignan.

Le dispositif du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 23 juillet 2014 énonce :

Dit que les bouchons livrés par la société Prima Liège à la société Jean Lecocq étaient affectés d'un désordre ;

Constate que la société Jean Lecocq ne produit pas de pièces permettant au Tribunal de chiffrer son préjudice et la déboute de sa demande de ce chef ;

Déboute la société Prima Liège de sa demande reconventionnelle en paiement ;

La condamne à payer à la société Jean Lecocq la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Jean Lecocq à payer à madame [T] [P] la somme de 3 096,75 € HT, soit 3 703,70 € TTC, avec intérêts à compter du 21 janvier 2014, lesdits intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil et 1 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Presta Vin aux dépens qui comprendront les frais d'expertise, dont distraction au bénéfice de la SCP Brunet Debaines et de maître Patricia Cheval, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire de la décision.

Sur la responsabilité de la société Prima Liège, le Tribunal a relevé que l'expert avait conclu au terme de son rapport que « le dépôt opaque dans le col de la bouteille à l'emplacement du bouchon, après débouchage, ne peut avoir pour origine que le traitement et le revêtement de surface du bouchon », que l'expert poursuivait en indiquant que « la résistance des bouchons à l'extraction est liée au dépôt du produit de traitement ou de revêtement du bouchon sur le col de la bouteille et à la composition de ces produits de revêtement et de traitement de surface des bouchons », tout en rappelant que la résistance des bouchons à l'extraction ne faisait que diminuer au fil du temps.

Le Tribunal a retenu de ses conclusions que l'expert avait pu mettre en évidence une défectuosité des bouchons fournis par la société Prima Liège, peu important que cette défectuosité n'atteigne pas nécessairement toutes les bouteilles, peu important également qu'elle soit sans incidence sur la qualité du vin, ces éléments devant être pris en considération seulement pour chiffrer le préjudice éventuel, et peu important que le dépôt litigieux n'ait pas été analysé, une analyse qui aurait certes permis de comprendre le phénomène mais qui n'aurait pas modifié le fait que ce dépôt rendait difficile le débouchage des bouteilles.

Sur le préjudice, après avoir constaté que la société Jean Lecocq ne versait aux débats aucune pièce lui permettant de chiffrer le préjudice allégué, que par ailleurs l'expert ne proposait qu'un préjudice « à titre indicatif », le Tribunal l'a déboutée de sa demande en indemnisation du préjudice subi, faute de pouvoir l'apprécier.

Sur la demande en paiement formée par [T] [P], le Tribunal a retenu que la prestation qui avait consisté à embouteiller le vin n'était remise en cause par aucune des parties, qu'elle était bien fondée et que la société Jean Lecocq ne justifiait pas lui avoir réglé les factures dont elle réclamait le paiement, pour faire droit à sa demande.

La société Jean Lecocq a relevé appel de ce jugement le 22 août 2014.

Le dispositif de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 20 octobre 2015 énonce :

Déclare 1'appe1 principal infondé ;

Déclare 1'appe1 incident de la société Primal Liège partiellement fondé ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Dit et juge que la démonstration n'est pas rapportée d'une défectuosité des bouchons ouvrant droit à dommages-intérêts, lesquels ne sont pas suffisamment justifiés dans leur lien direct et dans leur quantum ;

Condamne la société Jean Lecocq à payer à la société Prima Liège une somme de 3 300,96 €, avec intérêts de droit à compter du 23 juin 2007 ;

Confirme pour le surplus le jugement de premier ressort ;

Condamne l'appelante aux entiers dépens de premier ressort et d'appe1 dont ceux d'expertise, outre le paiement à madame [T] [P] d'une somme de 600 € et à la société Prima Liège d'une somme de 1 200 € au titre des frais inéquitablement exposés en appel, avec bénéfice pour ces deux sociétés des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur l'appel principal de la société Jean Lecocq à l'encontre de la société Prima Liège, la Cour, après avoir énoncé que le propre d'une expertise judiciaire était d'éclairer le juge après un débat contradictoire et loyal complet, a retenu qu'il suffisait de lire avec attention le rapport déposé par [U] [D] pour établir que son expertise n'avait pas été menée à son terme par suite d'un défaut de consignation supplémentaire incombant à la société Jean Lecocq.

La Cour poursuit en relevant qu'un seul accedit a été mené, dont il semble résulter que sur 20 bouteilles examinées, une bouteille s'est révélée difficile à déboucher, une autre très dure et six autres difficiles, sans qu'à aucun moment la qualité du vin ne soit mise en cause, la Cour soulignant d'ailleurs qu'aucune des pièces régulièrement communiquées par la société Jean Lecooq ne faisait état ou a fortiori ne démontrait une perte de la qualité du vin, à l'exception de l'oxydation alléguée mais non démontrée par la société Jean Lecocq sur les bouteilles qu'elle avait tenté de reboucher.

La Cour poursuit en relevant qu'en en toute hypothèse, et s'agissant du dépôt opaque, la société Jean Lecocq a ajouté qu'en matière de vin bio, le dépôt de tartre est très fréquent, qu'elle a effectué des débouchages et des rebouchages des bouteilles sans enlever ce dépôt, qui est caché par la capsule, pour limiter le préjudice commercial, le résultat du premier accedit ne l'empêchant nullement à l'époque de considérer que le préjudice portait sur 2676 bouteilles de rosé tradition et 2676 bouteilles de rosé Matisse haut de gamme.

Elle indique que ce premier accedit s'est terminé en prévoyant un deuxième accedit, l'expert demandant les éléments comptables de la société Jean Lecocq sur les années 2003-2007, les factures de 2006 pour les achats d'étiquettes, achats de capsules, achats de cartons de transport et d'expédition, le nombre de restaurateurs et les livraisons effectuées du lot incriminé, les tarifs de vente des bouteilles de vin 2006, le mode de commercialisation de la société Jean Lecocq en vente directe, ou restauration, caviste ou autres réseaux commerciaux, que l'expert en page neuf de son rapport s'interrogeait sur les 2 000 bouchons supplémentaires (6 000 livrés, avec 4 000 bouteilles litigieuses dont 2 660 vendues après changement de bouchons, sans retour), sur les justifications de ces quantités, le nombre total de bouchons achetés en 2006 et le nombre total de bouteilles produites, quelle quantité vendue, quelle quantité stockée avec traçabilité de la production de 2006.

La Cour a retenu que toutes ces questions n'étaient nullement résolues à ce stade du litige puisque le rapport avait été déposé en l'état, sans nouvel accedit, et que les pièces comptables non autrement commentées, sinon dans un sens contraire par la société Prima Liège, et non examinées par l'expert judiciaire, ne permettaient en aucun cas d'établir un lien direct entre le vice allégué des bouchons et un préjudice commercial calculé en se référant à un résultat net d'exploitation normale, que tous les paramètres d'évaluation comptable manquaient en fait.

La Cour poursuit en relevant que s'agissant de l'examen technique des bouchons, suite au premier et unique accedit, il était assez original de relever en page 13 du rapport d'expertise judiciaire que six bouteilles avaient été expédiées à un laboratoire sapiteur, le laboratoire Cevaqoe, mais que trois bouteilles s'étaient cassées durant le transport, ayant pu néanmoins être analysées car la partie haute ne s'était pas brisée ; que sur ce lot de six bouteilles, le sapiteur [V] [F] n'avait pas noté de difficulté de débouchage, que les forces d'extraction étaient normales.

Sur le dépôt blanc pouvant apparaître sur le col des bouteilles, le sapiteur indiquait que ce dépôt provenait des produits de revêtement et de traitement des surfaces des bouchons, et qu'il convenait dans un premier temps de se faire communiquer les 'ches techniques des produits employés par le bouchonnier, et dans un second temps d'analyser éventuellement au plan chimique le dépôt.

La Cour indique que ces investigations n'ont jamais eu lieu, la question n'étant nullement résolue de façon certaine à partir de l'analyse théorique produite en pages 13 et 15 par l'expert, qui estime que son avis est corroboré par celui de [V] [F] en matière de dépôt opaque, ce qui ne résulte nullement d'une lecture précise des conclusions du sapiteur.

Elle retient qu'en matière d'extraction des bouchons, aucune certitude ne se déduit des travaux de l'expert, renvoyant à la page 16, eu égard à la petitesse de l'échantillon examiné lors de l'accedit et aux résultats mêmes de cet accedit, ainsi qu'aux constatations du sapiteur, quelle que soit la lecture qui peut être faite du rapport Billy réalisé à la demande de la société Prima Liège, antérieur à l'expertise judiciaire, rapport qui n'est pas plus signi'catif que celui de 1'expert de l'assureur de la société Jean Lecocq.

Sur le préjudice, la Cour retient qu'en toute hypothèse, 1'expert a été formel en page 17 de son rapport sur impossibilité de le chiffrer, ce qui ne saurait être pallié en cause d'appe1 par quelques attestations de restaurateurs, sans aucune précision chiffrée, qui ne font d'ailleurs état que de dif'cultés de débouchage et non d'un dépôt de nature à altérer la qualité du vin ; que de même, les pièces comptables, sans aucun rapport d'un expert comptable ou d'un commissaire aux comptes, ne permettent pas de chiffrer un quelconque préjudice en relation directe avec les défauts allégués des bouchons ; qu'en'n, le procès-verbal de constat du 5 novembre 2014 ne démontre rien en termes de préjudice, ce dernier ne pouvant résulter que d'une analyse comptable contradictoirement débattue , mettant en relief une perte de résultat net de l'exploitation en relation directe avec les défauts allégués des bouchons , et donc une perte sur les bouteilles correspondantes.

La Cour conclue que c'est donc une con'rmation qui s'impose sur1'impossibi1ité de chiffrer le préjudice à tout le moins, qui n'est que le résultat, au vu des règles régissant le rapport de la preuve en matière civile, de l'incomplétude de l'expertise judiciaire, par suite d'un défaut de consignation incombant à la société Jean Lecocq.

S'agissant de la facturation réclamée par la société Prima Liège, la Cour a retenu qu'elle n'était pas contestée dans son quantum et qu'elle devait prospérer par réformation du premier jugement sur ce point.

La Cour a enfin confirmé le jugement s'agissant des condamnations prononcées au béné'ce de [T] [P], le principal consistant dans la facturation de l'embouteillage, qui n'était pas contesté.

La société Jean Lecocq a formé un pourvoi en cassation.

Le dispositif de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2017 énonce :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il juge que la démonstration n'est pas rapportée d'une défectuosité des bouchons ouvrant droit à dommages-intérêts, lesquels ne sont pas suffisamment justifiés dans leur lien direct et dans leur quantum, et en ce qu'il condamne la société Jean Lecocq à payer à la société Prima liège la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Prima liège aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Jean Lecocq la somme de 3 000 euros.

Sur la défectuosité des bouchons, la Cour de cassation, après avoir énoncé que la contradiction de motifs équivalait à un défaut de motifs, a retenu que, s'agissant de la défectuosité relative au dépôt opaque laissé sur le col des bouteilles, dont il était soutenu qu'il résultait du traitement des bouchons, c'est en se contredisant que la cour d'appel avait d'abord relevé que le sapiteur indiquait que « ce dépôt provenait des produits de revêtement et de traitement des surfaces de bouchon », pour ensuite juger que les conclusions de l'expert, qui imputaient ce dépôt au traitement et au revêtement des bouchons, n'étaient pas « corroborées » par l'avis du sapiteur, que la cour d'appel avait, par suite, violé de l'article 455 du Code de procédure civile.

La Cour de cassation retient que l'expert judiciaire, en page 16 de son rapport, avait imputé le dépôt opaque dans le col de la bouteille au traitement et au revêtement de surface du bouchon ; que M. [F] avait conclu pour sa part en ces termes : « Il apparaît un dépôt blanc sur les cols des bouteilles. Ce dépôt provient des produits de revêtements et de traitement de surface des bouchons » ; qu'en retenant qu'en matière de dépôt opaque, l'analyse de l'expert n'était pas corroborée par celle du sapiteur, la cour d'appel avait dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise et du rapport de M. [F] en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.

Elle précise que la circonstance que n'ait pas été analysé le dépôt litigieux et que les fiches techniques des produits employés par le bouchonnier n'aient pas été obtenues privait seulement de la possibilité de comprendre la nature du phénomène, mais n'ôtaient rien à la circonstance, dont l'arrêt relève qu'elle avait été constaté par le sapiteur, que le dépôt provenait du traitement et du revêtement du bouchon ; qu'en se fondant néanmoins sur ces considérations inopérantes pour juger que les bouchons n'étaient pas défectueux, la cour avait violé l'article 1641 du Code civil.

La Cour de cassation poursuit en indiquant qu'en se bornant à retenir que la qualité du vin n'avait pas été affecté, sans rechercher si, comme le soutenait l'exposante, le fait de laisser un dépôt opaque, blanchâtre, nuisant à la présentation de la bouteille, ne constituait pas un vice rendant les bouchons impropres à leur destination, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1341 du Code civil, alors que l'expert judiciaire avait clairement relevé que la résistance des bouchons à l'extraction était liée au dépôt du produit de traitement ou de revêtement sur le col de la bouteille et à la composition de ces produits de revêtement et de traitement de surface des bouchons, en page 16 de son rapport ; qu'en jugeant qu'aucune certitude ne se déduisait des travaux de l'expert, eu égard notamment aux résultats mêmes de l'accedit, la cour d'appel avait violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.

Elle retient qu'il était soutenu par la société Jean Lecocq que la résistance des bouchons à l'extraction ne faisait que diminuer au fil du temps ; qu'une telle circonstance pouvait notamment expliquer pourquoi, cinq ans après la mise en bouteille, le sapiteur n'avait pas rencontré de difficulté au débouchage et que certaines des bouteilles analysées par l'expert n'avait pas montré de résistance ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel avait violé l'article 455 du code de procédure civile.

Enfin, sur la défectuosité des bouchons, la Cour de cassation retient que les circonstances que la qualité du vin n'ait pas été affectée et qu'aucune oxydation n'ait été démontrée étaient sans incidence sur l'existence d'un vice caché des bouchons rendant leur usage impropre à leur destination en raison du dépôt opaque, blanchâtre, nuisant à la présentation de la bouteille ; qu'en se fondant sur ces circonstances inopérantes pour écarter toute défectuosité, la cour d'appel avait violé l'article 1641 du Code civil.

Sur l'indemnisation du préjudice en résultant, la Cour de cassation a énoncé que les juges du fond ne pouvaient refuser d'évaluer le dommage dont ils avaient constaté l'existence en son principe ; qu'en l'espèce, en refusant d'évaluer elle-même le préjudice dont elle ne contestait pas l'existence, la cour d'appel avait violé l'article 4 du Code civil alors que la société Jean Lecocq soutenait que les défectuosités litigieuses l'avaient conduite à exposer des frais pour procéder au remplacement des capsules des bouteilles qu'il avait fallu déboucher ; qu'elle soutenait que le constat d'huissier dressé le 5 novembre 2014 avait recensé 532 capsules ainsi ôtées qu'il fallait remplacer et produisait en appel, en pièce n° 12, une facture pour chiffrer ce préjudice ; qu'en jugeant que les dommages et intérêt invoqués n'étaient pas suffisamment justifiés dans leur lien direct et dans leur quantum, sans se prononcer sur les éléments ainsi fournis, la cour d'appel avait violé l'article 455 du Code de procédure civile.

La société Jean Lecocq a saisi la cour d'appel de Montpellier par déclaration en date du 6 juillet 2017 dans le RG 2017/3826 et le 3 août 2017 dans le RG 2017/4382.

Les procédures RG 17/04382 et RG 17/03826 ont été jointe par ordonnance de jonction en date du 10 Octobre 2017 sous le numéro RG 17/04382.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 23 décembre 2020.

Les dernières écritures pour le compte de la société Jean Lecocq ont été déposées le 26 juillet 2018.

Les dernières écritures pour la société Prima Liège ont été déposées le 30 octobre 2017.

Le dispositif des écritures de la société Jean Lecocq énonce :

Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 22 juillet 2014 ;

Dire et juger irrecevable la demande en nullité du rapport d'expertise formé par la société Prima Liège ;

Dire et juger la société Prima Liège responsable des désordres affectant les bouteilles commercialisées par la société Jean Lecocq, les bouchons fournis par ses soins étant affectés d'un défaut et rendant impropre à leur destination ;

En conséquence, vu les dispositions des articles 1147, 1641 et suivants du Code civil ;

Dire et juger que la société Prima Liège doit indemniser la société Jean Lecocq des différents chefs de préjudice qu'elle a subis du fait des défauts des bouchons ;

Condamner, en conséquence, la société Prima Liège à payer à la société Jean Lecocq les sommes suivantes :

Perte des bouteilles (1 340 bouteilles x 7,50 €) : 10 050 €,

Débouchage et rebouchage : 871,74 €,

Échange : 1 112,53 €,

Préjudice commercial : 5 000 €,

Article 700 du Code de procédure civile : 5 000 € ;

Débouter la société Prima Liège de l'ensemble de ses demandes devant la Cour ;

La condamner en tous les dépens comprenant les frais d'expertise de monsieur [U] [D].

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise formée par la société Prima Liège pour violation des règles du contradictoire, au motif que l'expert judiciaire aurait procédé à des investigations techniques sans avoir soumis les résultats de ses investigations, la société Jean Lecocq indique qu'elle est soulevée pour la première fois devant la cour d'appel de renvoi, que cette demande en nullité est irrecevable pour être tardive, la demande en nullité d'une expertise ne constituant pas une exception de procédure mais une défense au fond qui doit être soulevée in limine litis, selon l'article 175 du Code de procédure civile.

Sur le fond et sur le lien de causalité, la société Jean Lecoq soutient que le rapport d'expertise est particulièrement clair sur la question, qu'il est indiqué en page 16 qu'« Il résulte de l'ensemble de ces observations que le dépôt opaque dans le col de la bouteille, à l'emplacement du bouchon, après débouchage, ne peut avoir pour origine que le traitement et le revêtement de surface du bouchon. Mon avis est corroboré par la conclusion de l'analyse réalisée par Monsieur [V] [F] du Laboratoire CEVAQOE. » ; que l'expert indique par ailleurs que « Cette résistance des bouchons à l'extraction est liée au dépôt du produit de traitement ou du revêtement sur le col de la bouteille et à la composition de ces produits de revêtement et de traitement de surface des bouchons. Effet confirmé par la remarque faite dans la charte des Bouchonniers Liégeurs, à la page 28, indiquant que le traitement de surface du bouchon (nature et quantité, a une incidence sur la force d'extraction de ce bouchon. ».

La société Jean Lecocq soutient que tant la résistance à l'extraction que l'existence du dépôt blanchâtre ont été constatés par l'ensemble des parties à l'occasion de l'expertise judiciaire, l'expert indiquant en page 12 de son rapport que « Lors de l'accedit, toutes les parties en présence ont pu constater cette résistance du bouchon pour une bouteille sur 2 environ » et en page 15 qu'« après débouchage, on observe un dépôt opaque sur le col de la bouteille. ».

La société Jean Lecocq reprend enfin le rapport du laboratoire Billy, qui indique dans ses conclusions que « Nous avons constaté que 5 échantillons sur les 6 fournis présentent un débouchage très difficile, voire impossible manuellement. », pour conclure qu'il existe donc bien un lien de causalité établi entre les désordres constatés et les bouchons fournis.

Sur le préjudice en résultant, la société Jean Lecocq estime que la lecture du rapport de l'expert judiciaire, notamment la page 17, permet parfaitement de chiffrer le préjudice subi par elle, que les difficultés de débouchage des bouteilles liées aux bouchons et plus particulièrement au produit dont sont enduits ces bouchons, ont entraîné des retours et la perte de 1 340 bouteilles, ce qui n'était pas contesté par les parties devant l'expert.

Le dispositif des écritures pour la société Prima Liège énonce :

Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

Vu l'article 16 du Code de procédure civile ;

Prononcer la nullité du rapport pour violation des règles du contradictoire ;

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 23 juillet 2014 en ce qu'il a débouté la société Jean Lecocq de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

Dire et juger qu'il n'est justifié d'aucun préjudice rattachable ni à une difficulté d'extraction des bouchons, ni à la présence d'un dépôt sur le col des bouteilles ;

Constater que l'arrêt de la Cour de cassation n'a pas remis en cause la condamnation de la société Jean Lecocq à payer à la société Prima Liège la somme de 3 300,96 €, avec intérêts de droit à compter du 23 juin 2017 et qu'en conséquence il n'y a pas lieu de statuer sur ce point ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner à la société Jean Lecocq à payer à la société Prima Liège une somme de 5 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel de Montpellier ;

Constater que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas été remis en cause par l'arrêt de la Cour de cassation s'agissant de la condamnation de la société Jean Lecocq aux dépens y compris les frais d'expertise ;

Condamner la société Jean Lecocq aux dépens de la procédure d'appel sur renvoi de cassation partielle, dont distraction au profit de la SELARL d'avocats postulants avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Sur la défectuosité des bouchons, la société Prima Liège souligne que la Cour se trouve en l'état d'un rapport inachevé, qu'en effet, seule une réunion d'expertise s'est tenue au contradictoire de l'ensemble des parties et l'expert a déposé son rapport en l'état, à la demande du magistrat chargé de la surveillance des expertises, en raison d'un défaut de consignation de la provision complémentaire refusée.

L'expert n'ayant pas achevé sa mission au contradictoire des parties, il était hasardeux de sa part, selon la société Prima Liège, d'émettre une conclusion dans des termes aussi affirmatifs. Elle estime que pour la même raison, le Tribunal n'était pas tenu par ses conclusions en l'état des carences du rapport.

La société Prima Liège relève que l'expert judiciaire n'a pas été répondu à certaines contestations, par exemple, alors qu'il avait été démontré que les bouchons avaient été traités au silicone et non à la paraffine dont l'expert a pu dire en page 14 que « Le silicone n'est pas collant, et au contraire facilite la rotation du bouchon ou l'enfoncement. Par contre la paraffine en excès se retrouve fréquemment au niveau du col de la bouteille avec un bouchon plutôt collant et résistant au débouchage. », les analyses annoncées par lui n'ont pas pu être réalisées en raison du défaut de consignation complémentaire imputable à la société Jean Lecocq.

La société Prima Liège expose que cela n'a pas empêché l'expert judiciaire de conclure en page 16 de son rapport, qu'« En conclusion, à mon avis, il résulte de l'ensemble de ces observations que le dépôt opaque dans le col de la bouteille à l'emplacement du bouchon, après débouchage, ne peut avoir pour origine que le traitement et le revêtement de surface du bouchon. Mon avis est corroboré par la conclusion de l'analyse réalisée par M. [V] [F], du laboratoire CEVAQOE ».

S'agissant de l'expertise réalisée par le sapiteur, la société Prima Liège relève que lors de l'unique réunion d'expertise, le test opéré au contradictoire de toutes les parties, a porté sur une bouteille prise au hasard dont il était certain qu'elle n'avait pas été bouchée au moyen des bouchons litigieux, et qui cependant, s'est avérée très difficile à déboucher.

Elle souligne que les sept autres bouteilles ont été prises dans le lot de bouteilles que la société Jean Lecocq a déclaré avoir déjà débouchées puis rebouchées avec d'autres bouchons que ceux de la société Prima Liège et trouve singulier que l'expert n'effectue pas un test sur des bouteilles intactes de la production Matisse 2005 invendues, et bouchées depuis l'origine avec des bouchons Prima Liège.

La société Prima Liège expose que le jour de l'unique réunion d'expertise, l'expert a prélevé 24 des bouteilles litigieuses, qu'il a lui-même débouchées dans son cabinet, et n'en a expédié que 6 chez son sapiteur pour analyse, dont 3 seront cassées durant le transport. Le sapiteur a déposé son rapport le 16 juin 2011, or par lettre en date du 8 février 2011, le juge du tribunal d'instance avait enjoint à l'expert de déposer son rapport en l'état. C'est dans ces conditions que le rapport a été déposé à la date du 16 août 2011, sans que les parties n'aient été à nouveau réunies, et sans que le rapport du sapiteur ait été discuté de manière contradictoire.

La société Prima Liège soutient que le fait que le juge ait invité l'expert à déposer son rapport ne dispensait pas celui-ci du respect du contradictoire, en sorte que toutes les opérations menées hors la présence des parties, et sans qu'elles aient été invitées à faire part de leurs observations, doivent être déclarées nulles dès lors que le grief est établi.

Selon elle, le grief est évident en ce qu'il est acquis que le sapiteur n'a jamais convoqué personne, qu'il a travaillé sans même que les parties aient su qu'il menait des opérations, puisque depuis quatre mois, les parties savaient qu'en raison du défaut de consignation, le juge avait demandé à l'expert de stopper ses opérations et de déposer un rapport en l'état.

Elle indique que lorsque l'expert a reçu le compte rendu de son sapiteur, il savait depuis longtemps qu'il devait stopper sa mission, et il n'a donc même pas pris la peine de le communiquer aux parties. Elle soutient qu'il en a toutefois tenu compte pour rédiger son rapport, deux mois plus tard, ce qui lui laissait le temps de le communiquer, sans analyse critique, vu les circonstances. Or, le fait que trois bouteilles sur six avaient été cassées pendant le transport, et que l'absence de consignation avait interdit l'analyse du produit incriminé, restreignant ainsi les analyses au néant, était un élément d'importance majeure qui exigeait de discuter sur le sens et la portée de mesures aussi peu représentatives, et en résumé, dépourvues de pertinence.

Au final, sur la validité du rapport, la société Prima Liège soutient que s'il peut être admis que le sapiteur peut réaliser des investigations sans contradictoire, il est en revanche indispensable de communiquer les conclusions aux parties pour qu'elles puissent en discuter. Reprenant la jurisprudence en la matière, elle indique que les parties doivent ensuite être réunies pour que l'expert leur fasse part des constatations effectuées en leur absence et qu'elles puissent en débattre contradictoirement, avant le dépôt du rapport d'expertise ; qu'ainsi, un rapport d'expertise est entaché de nullité si, ayant procédé à des investigations techniques hors la présence des parties, l'expert ne leur a pas soumis les résultats de ses investigations. Elle souligne que la Cour de cassation est intransigeante sur ce point, qu'elle a pu juger par exemple qu'une cour d'appel qui, pour rejeter la demande de nullité de l'expertise, retient que « ce nouveau transport n'avait eu pour effet que de procéder à des vérifications purement matérielles et que l'absence de communication aux parties, par l'expert, des résultats de ses constatations n'avait pas porté atteinte au principe du contradictoire dès lors que les parties pouvaient en débattre devant le juge, viole le principe de la contradiction, dans la mesure où l'expert n'avait pas soumis aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il avait procédé, hors leur présence, afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport. ».

La société Prima Liège estime qu'elle démontre largement le grief que cette désinvolture lui a causé en ce que si elle avait reçu le compte rendu du sapiteur, il est évident qu'elle aurait pu faire valoir les points ci-dessus exposés, qui sont déterminants.

Sur le lien de causalité, elle expose que l'expert a conclu à tort que la difficulté d'extraction des bouchons, seul grief allégué par les clients de la société Jean Lecocq, provenait de la présence du dépôt blanchâtre sur le col des bouteilles alors que cette conclusion est en contradiction avec l'affirmation rappelée plus haut selon laquelle l'expert a relevé que le silicone avait pour effet tout au contraire de faciliter la glisse du bouchon.

Selon elle, il ne s'agit donc que d'un avis non-étayé par des constatations techniques et même contraire aux constatations faites au contradictoire, qu'elle conteste donc vigoureusement. Elle indique qu'il n'est pas seulement demandé à un expert seulement son avis, il lui est demandé d'en justifier. Or, en l'espèce, non seulement il n'en justifie pas mais sa conclusion est contradictoire avec ses propres explications techniques.

Au final, la société Prima Liège estime que c'est à juste titre que le tribunal de grande instance de Draguignan a estimé que l'expertise n'avait pas permis d'établir l'existence d'une défectuosité des bouchons.

En réplique à l'argumentation de la société Jean Lecocq, qui soutiendrait désormais que son préjudice commercial proviendrait essentiellement de la présence d'un dépôt blanchâtre, dont il est désormais indiqué qu'il nuirait à la présentation des bouteilles, ce qui aurait pour effet de rendre les bouchons impropres à leur destination, sans qu'elle n'apporte la moindre preuve d'une quelconque réclamation de ses clients en la présence de ce dépôt, la société Prima Liège réplique qu'elle soutient ce moyen car les tests au dynamomètre, seule mesure objective valable, ont établi que la force d'extraction était normale.

Sur le préjudice en résultant, la société Prima Liège entend faire observer à la Cour que les pièces comptables qui avaient été demandées par l'expert judiciaire n'ont jamais été produites par la société Jean Lecocq, ni au cours de l'expertise, ni en première instance, ni devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, que les pièces désormais produites dans le cadre de la présente instance n'ont aucune valeur probante, que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Jean Lecocq au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un préjudice rattachable au vice allégué.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire au motif de la violation des règles du contradictoire

Si la demande de nullité d'une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond, elle demeure néanmoins soumise, en application de l'article 175 du Code de procédure civile, aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

La nullité du rapport d'expertise doit ainsi être soulevée in limine litis, avant toute défense au fond, conformément aux dispositions de l'article 112 du Code de procédure civile.

La nullité de l'acte de procédure ne pouvant pas être valablement soulevée pour la première fois en cause d'appel dès lors que la partie a conclu au fond en première instance, la société Prima Liège est en conséquence irrecevable à soulever pour la première fois devant la présente cour d'appel de renvoi la nullité du rapport d'expertise déposé par [U] [D], pour non-respect du principe du contradictoire, alors qu'elle a conclu au fond en première instance, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Jean Lecocq en réparation de son préjudice

La Cour retient que, bien qu'elle vise également l'article 1147 ancien du Code civil, la société Jean Lecocq fonde en réalité son action sur l'article 1641 ancien du même Code qui dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'acheteur qui exerce une action en garantie des vices cachés a la charge de la preuve de l'existence des conditions d'engagement de cette garantie.

S'agissant de la difficulté d'extraction des bouchons, la société Jean Lecocq se fonde pour l'essentiel sur le rapport de l'expert judiciaire, [U] [D].

Or, comme celui-ci l'indique en page 14 de son rapport, le laboratoire Cevaqoe, qui a effectué en 2011 des mesures dynamométriques sur six bouteilles, a relevé des forces d'extraction comprises en 13,2 et 26,4 daN, soit une force d'extraction dans la norme en référence à la charte des bouchonniers liègeurs, qui prévoit des valeurs comprises entre 15 et 40 daN.

Malgré ces mesures scientifiques réalisées par le sapiteur, lequel indique en conclusion de son rapport qu'il n'existe pas de difficulté de débouchage, que les forces d'extraction sont normales, l'expert judiciaire va pourtant considérer, sans aucune justification et sans que les résultats du sapiteur aient été discuté de manière contradictoire, que la force d'extraction diminuant au fil du temps, si le laboratoire Cevaqoe a pu relever des forces d'extraction dans la norme quatre ans et demi après l'embouteillage, en 2006-2007, les forces d'extraction devaient être très supérieures à celles relevées en 2011.

Ainsi, l'avis de l'expert judiciaire ne saurait permettre à la société Jean Lecocq d'établir de façon objective et non contestable une quelconque difficulté d'extraction des bouchons fournis plusieurs années auparavant, en 2006, par la société Prima Liège.

S'agissant des dépôts blanchâtres constatés à l'intérieur du col des bouteilles, outre le fait que l'expert judiciaire n'a pu établir leur nature exacte en l'absence d'analyse chimique par suite d'un défaut de consignation supplémentaire incombant à la société Jean Lecocq, il convient de relever que cette dernière, qui a pu déclarer qu'en matière de vin bio le dépôt de tartre était très fréquent, a indiqué que pour limiter le préjudice commercial, elle avait effectué des débouchages et des rebouchages des bouteilles, sans enlever ce dépôt puisque caché par la capsule, de sorte qu'elle échoue à démontrer un quelconque préjudice, ses allégations selon lesquelles elle aurait eu à reprendre des stocks de bouteilles se heurtant à un défaut de preuve.

En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Jean Lecocq de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Sur les dépens et les frais non remboursables

La société Jean Lecocq sera condamnée aux dépens de l'appel, avec recouvrement direct au bénéfice des avocats de la cause qui peuvent y prétendre.

La société Jean Lecocq, qui échoue en cause appel, sera condamnée aux surplus à payer à la société Prima Liège la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 23 juillet 2014, en ce qu'il a débouté la société Jean Lecocq de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;

CONDAMNE la société Jean Lecocq à payer à la société Prima Liège la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE la société Jean Lecocq aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E. G.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/04382
Date de la décision : 02/03/2021

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°17/04382 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-03-02;17.04382 ?
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