La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2021 | FRANCE | N°20/02026

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 23 février 2021, 20/02026


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 23 FEVRIER 2021



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02026 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSTS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MARS 2020

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE PERPIGNAN

N° RG51 18 0005





APPELANTS :



Monsieur [Y] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SE

LARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Olivier MASSOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substituant Me Patrick SAGARD,...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 23 FEVRIER 2021

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02026 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSTS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MARS 2020

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE PERPIGNAN

N° RG51 18 0005

APPELANTS :

Monsieur [Y] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Olivier MASSOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substituant Me Patrick SAGARD, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Monsieur [L] [H]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Olivier MASSOT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substituant Me Patrick SAGARD, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [T] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur [G] [W]

[Adresse 13]

[Localité 8]

représenté par Me Séverine VALLET de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 JANVIER 2021,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant bail verbal d'avril 1968, [P] [H] et [C] [E], épouse [H], ont donné en fermage à [P] [E], frère de [C] [H], des parcelles de terre, dont la parcelle située sur la commune de [Localité 14] (66), cadastrée sous le numéro [Cadastre 6] de la section A.

En 1998, [U] [J], épouse de [P] [E], a repris le fermage à l'exception de la parcelle [Cadastre 12], reprise par [T] [E], leur fils.

Les 23 mars et 26 octobre 2011, après le décès de [P] [H], [C] [H], usufruitière, et [L] [H], nu-propriétaire, ont donné congé par actes d'huissier à [U] [E] et à [T] [E] afin de ne pas renouveler les baux à leur échéance le 1er mai 2013, [L] [H] reprenant l'exploitation.

[T] [E] a contesté la validité de ce congé. Le 19 septembre 2013, le tribunal paritaire des baux ruraux a validé le congé, ce que la cour d'appel confirmera le 10 décembre 2015.

Le 15 décembre 2015, [C] [H] et [L] [H] ont fait donation de leurs terres de [Localité 14] à leurs fils et petit-fils, [Y] [H].

En 2018, [Y] [H], a entamé une procédure en référé afin d'expulser [T] [E] de la parcelle [Cadastre 12]. Le 27 février 2019, le juge des référés a ordonné l'expulsion et le 10 juillet 2019, un procès-verbal d'expulsion a été dressé. Le 7 octobre 2019, le juge de l'exécution a mis à la charge de [T] [E] l'évacuation des biens situés sur le terrain. [T] [E] a fait appel de ces deux décisions.

Suivant requêtes des 14 septembre et 9 octobre 2018, [T] [E] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux contre [C] [H], [L] [H], [Y] [H] et [G] [W], pour s'entendre rétablir dans ses droits en raison du caractère frauduleux du congé du 26 octobre 2011, puisque le bailleur n'a pas repris la parcelle pour l'exploiter mais l'a donnée à bail à [G] [W].

Le 20 décembre 2018, un procès- verbal de non conciliation a été dressé.

[C] [E] est décédée en [Date décès 15].

Le jugement rendu le 19 mars 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Perpignan énonce dans son dispositif :

Prononce l'annulation du congé délivré le 26 octobre 2011 visant au non renouvellement du bail à ferme liant les parties et portant sur la parcelle [Cadastre 12] ;

Dit en conséquence que [Y] [H] est tenu de laisser [T] [E] reprendre l'exploitation de cette parcelle en qualité de fermier dans les conditions du bail pré-cité, sous la seule réserve que [T] [E] justifie auprès du bailleur que son exploitation agricole n'excède pas le seuil défini en application de l'article L.331-2 du Code rural ;

Dit qu'en cas d'obstacle opposé par [Y] [H], ou tout ayant droit de son chef, [Y] [H] sera tenu de payer à [T] [E], une astreinte comminatoire de 100 € par jour de durée de l'infraction ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum [L] [H] et [Y] [H] à payer à [T] [E] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à une autre application de ce texte ;

Condamne in solidum [L] [H] et [Y] [H] aux dépens ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Le jugement retient qu'il n'y a pas prescription quinquennale puisque les faits qui fondent l'action, c'est à dire l'exploitation de la parcelle par [G] [W], ne sont pas antérieurs de plus de 5 ans à la saisine du Tribunal. Il n'y a pas non plus lieu d'invoquer l'autorité de la chose jugée puisque le jugement de 2013 concernait la validité du congé tandis qu'il est ici question du non respect du motif du congé résultant de faits postérieurs au jugement.

Le jugement expose que les articles L.411-59 et L.411-66 du Code rural disposent que si le bailleur a donné congé pour reprise afin d'exploitation directe et personnelle par lui même d'un terrain et qu'il n'effectue pas une telle reprise, le preneur peut obtenir la reprise à son profit de l'exploitation. Ici, le bail à ferme consenti à [G] [W] ne mentionne pas la parcelle litigieuse mais seulement les terrains voisins, de même nature que cette parcelle. Cependant, [G] [W] a inclus la parcelle litigieuse dans sa déclaration d'exploitation en vue de la perception des subventions européennes alors que [L] [H] et [Y] [H] n'exercent aucune activité agricole sur cette parcelle.

Le jugement constate que le terrain ne semble pas faire l'objet d'une exploitation précise et que, sinon dans les faits, du moins dans l'intention, le bailleur en confie l'exploitation à [G] [W]. Le motif de congé n'est donc pas respecté et le preneur est en droit d'obtenir la reprise du bail à ferme sous réserve de ne pas excéder le seuil de superficie défini par l'article L.331-2 du Code rural. Le jugement retient que les demandes de dommages et intérêts ne sont pas suffisamment justifiées.

[Y] [H] et [L] [H] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 25 mai 2020.

[Y] [H] et [L] [H] demandent à la Cour :

Déclarer irrecevables les conclusions de [T] [E] qui n'indiquent pas son adresse réelle ;

A titre principal, déclarer irrecevable la demande formulée par [T] [E], tendant à voir annuler le congé qui lui a été signifié le 26 octobre 2011, au motif qu'elle se heurte à la prescription quinquennale et à l'autorité de la chose jugée ;

A titre subsidiaire, constater que la reprise de l'exploitation agricole de la parcelle [Cadastre 12] par [L] [H] a été rendue impossible du fait du comportement fautif de [T] [E], qui n'a jamais libéré les lieux, et déclarer que le congé pour reprise, qui a été signifié à [T] [E] le 26 octobre 2011, est valable et régulier ;

Si les conclusions de l'appelant étaient déclarées recevables :

- à titre principal, déclarer irrecevable la demande formulée par [T] [E], tendant à voir annuler le congé qui lui a été signifié le 26 octobre 2011, au motif qu'elle se heurte à la prescription quinquennale et à l'autorité de la chose jugée,

- à titre subsidiaire, constater que la reprise de l'exploitation agricole de la parcelle [Cadastre 12] par [L] [H] a été rendue impossible du fait du comportement fautif de [T] [E], qui n'a jamais libéré les lieux, et déclarer que le congé pour reprise, qui a été signifié à [T] [E] le 26 octobre2011 est valable et régulier,

- prononcer la nullité du bailleur ;

Condamner [T] [E] à payer à [Y] [H] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

[Y] [H] et [L] [H] soutiennent que les conclusions de [T] [E] sont irrecevables car l'adresse mentionnée est erronée, les actes d'huissier devant y être signifiés ayant été transformés en procès-verbaux « recherches infructueuses » ou « destinataire inconnu à cette adresse ».

[Y] [H] et [L] [H] maintiennent que le point de départ du délai de prescription quinquennale est le 1er mai 2013, date où [L] [H] devait reprendre l'exploitation agricole. [T] [E] ne pouvait ignorer que [L] [H] ne reprendrait pas l'exploitation à cette date puisqu'il s'est maintenu dans les lieux de façon abusive. Sa saisine du tribunal, le 13 septembre 2018, intervient 3 mois après l'extinction du délai d'action. L'action qu'il a engagée concerne en effet la non exploitation par [L] [H] de la parcelle à la date du 1er mai 2013 et non pas l'exploitation des parcelles par [G] [W] à compter du 19 mars 2015. Le délai de 9 ans concernant la durée minimum d'exploitation par le bénéficiaire de la reprise du bien repris n'est pas cumulable avec les 5 ans de la prescription extinctive.

[Y] [H] et [L] [H] précisent que la parcelle litigieuse n'a jamais été louée à [G] [W] comme le montre son bail et qu'à cette date, [T] [E] n'a toujours pas libéré la parcelle. Il n'y a ni preuve de l'intention de confier l'exploitation à [G] [W] ni preuve de son exploitation depuis moins de 5 ans, ce que démontre le constat fait le 19 juin 2018, des matériels jonchant la parcelle et empêchant son exploitation normale. La déclaration d'[G] [W] pour bénéficier des aides de la politique agricole commune ne fait mention d'aucune référence cadastrale. Le plan cadastral produit par [T] [E] et [G] [W] est imprécis, ce qui est courant dans ce domaine et justifie que soit admis une marge d'erreur. Ils soutiennent qu'[G] [W] a inclus dans sa déclaration plusieurs parcelles à tort puisqu'il déclare des prairies permanentes herbacées et des surfaces pastorales herbacées alors que pour prétendre à cette qualification, le couvert herbacé doit être présent depuis au moins 5 ans, ce qui impliquerait qu'elles soient exploitées depuis 2010. Or, [T] [E] n'est plus agriculteur depuis 2003.

[Y] [H] et [L] [H] soutiennent qu'il y a identité de parties et d'objet entre l'action entreprise en 2012 et celle de 2018 puisque l'objet de la demande demeure l'annulation du congé pour reprise. [T] [E] a certes saisi le tribunal le 22 février 2012, soit avant d'avoir connaissance de l'absence de reprise de l'exploitation de la parcelle par le bailleur mais l'affaire n'a été débattue que le 20 juin 2013, soit plus d'un mois et demi après la date à laquelle [L] [H] était supposé reprendre l'exploitation. [Y] [H] et [L] [H] affirment donc que [T] [E] avait déjà connaissance de l'absence de reprise de l'exploitation de la parcelle lors de la première instance, il doit donc se soumettre à l'autorité de la chose jugée.

[Y] [H] et [L] [H] soutiennent que la seule raison pour laquelle ils n'ont pu exploiter personnellement la parcelle litigieuse est le maintien sur les lieux, sans droit ni titre, de [T] [E]. [T] [E] connaissait nécessairement l'inobservation par [Y] [H] et [L] [H] de leurs obligations, il est donc forclos à cette date. La contestation du congé en justice n'a pas d'effet suspensif quant à la date d'effet du congé. Ils soutiennent que le tribunal paritaire des baux ruraux a validé le congé dans son jugement du 19 septembre 2013, confirmé en appel le 10 décembre 2015, et qu'il a nécessairement à ce moment, apprécié le motif du congé, à savoir la reprise d'exploitation par le bailleur.

Subsidiairement, [Y] [H] et [L] [H] soutiennent que [T] [E] ne peut pas contester la validité du congé donné à lui ainsi qu'à sa mère, notamment car sa mère n'a pas contesté son congé et qu'il ne peut le faire à sa place, mais aussi car l'arrêt du 10 décembre 2015 confirme sa validité. Ils rappellent que le bail confié à [G] [W] ne mentionne pas la parcelle litigieuse et qu'ils n'ont d'ailleurs jamais perçu de loyer pour elle. Ils ajoutent que si [G] [W] a mentionné cette parcelle sur des documents, cela n'engage que lui. Le procès verbal du 7 juillet 2020 ne précise pas si la parcelle [Cadastre 12] et la parcelle [Cadastre 11] sont clôturées contrairement à l'affirmation de [T] [E] qui soutient que [G] [W] fait paître ses troupeaux sur la parcelle [Cadastre 12] alors même que le procès verbal indique que les vaches présentes sur la parcelle litigieuse ne sont pas la propriété de [G] [W].

[Y] [H] et [L] [H] affirment que la fraude ne se présumant pas, il n'est pas possible de se fonder sur leur « intention » sans la démontrer par des faits pour justifier qu'ils aient effectivement confié l'exploitation de la parcelle à [G] [W].

Ils maintiennent que depuis 2013, ils n'ont pu récupérer la parcelle et que de nombreux meubles appartenant à [T] [E] sont encore présents sur les lieux, comme le montre l'ordre d'expulsion donné par le jugement du 27 février 2019. Il n'a jamais quitté les lieux depuis 2013 et laisse à l'abandon la parcelle alors même qu'il n'est plus agriculteur depuis 2003.

[Y] [H] et [L] [H] soutiennent que [T] [E] ne démontre pas pouvoir par sa réintégration mettre en valeur une exploitation excédant le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles et qu'au contraire, il n'est plus agriculteur depuis 2003. La perte d'exploitation qu'il invoque n'a donc pas lieu d'être. [Y] [H] et [L] [H] affirment qu'il y a nullité du bail conclu avec [T] [E] puisqu'il n'est pas immatriculé au registre de l'agriculture et qu'il n'a pas demandé une autorisation d'exploitation.

[Y] [H] et [L] [H] affirment avoir subi un préjudice du fait de la résistance abusive de [T] [E] pour libérer la parcelle et de l'impossibilité qui en a résulté d'exploiter la parcelle.

[T] [E] demande à la Cour :

Rejeter les demandes de [Y] [H] et [L] [H], et [G] [W], visant à voir reconnaître la prescription de l'action de [T] [E], le point de départ de la prescription de pouvant en aucune manière être fixé à la date d'effet du congé ;

Dire et juger que le comportement de [Y] [H] et [L] [H], qui ont donné à bail l'ensemble des parcelles reprises la suite du congé délivré à [U] [E], et les ont jamais exploitées personnellement, démontre que le congé délivré à [T] [E] n'a pas été délivré dans l'intention de reprendre personnellement l'exploitation de la parcelle [Cadastre 9] ;

Dire et juger que [Y] [H] et [L] [H] ne font pas la preuve de leur capacité professionnelle à la reprise effective des parcelles exploitées par [T] [E] ;

Dire et juger que la preuve de l'exploitation en pratique des prairies de la parcelle [Cadastre 9] par [G] [W] se déduit des déclarations d'exploitation qu'il a lui-même effectuées auprès de l'Administration ;

Dire et juger que la preuve d'un concert frauduleux entre [Y] [H] et [L] [H], et [G] [W] est rapporté au regard du fait que [G] [W] est exploitant de l'ensemble des parcelles des consorts [H] y compris la parcelle [Cadastre 9] nonobstant le fait qu'elle ne figure pas expressément dans le bail établi entre eux ;

Dire et juger que [T] [E] démontre que [Y] [H] et [L] [H] n'ont pas respecté les obligations de repreneur s'imposant à eux par l'effet du Code rural et de la pêche maritime ;

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé les effets du congé pour reprise signifié à [T] [E] ;

Dire et juger que le bail à ferme entre [T] [E] et [Y] [H], et [L] [H] s'est trouvé renouvelé à la date d'effet du congé annulé soit la 1er mai 2013 ;

Ordonner la reprise en jouissance par [T] [E] de la parcelle [Cadastre 12] ;

Ordonner l'expulsion de [G] [W] et de tous occupants de son chef de la parcelle, au besoin avec recours de la force publique ;

Assortir ces obligations d'une astreinte définitive de 500 € par jour de retard suivant le huitième jour de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

A titre incident, condamner in solidum [Y] [H] et [L] [H] à payer à [T] [E] une indemnité de 50 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la privation de jouissance de la parcelle [Cadastre 9] depuis le 1er mai 2013 ;

Condamner in solidum [Y] [H] et [L] [H] à payer à [T] [E] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens d'instance, incluant les dépens de première instance.

[T] [E] soutient que cette instance n'a ni la même cause ni le même objet que la précédente, puisque la loi prévoit un double contrôle des congés délivrés par les bailleurs. Il affirme qu'il existe d'abord un contrôle a priori visant à établir la validité du congé et ayant fait l'objet de sa première action et ensuite un contrôle a posteriori, visant à vérifier que les conditions de la reprise du bail par le bénéficiaire sont bien remplies. Les obligations du bénéficiaire de la reprise ne peuvent naître qu'à la date d'effet du congé et pas avant et elles ne se confondent donc pas avec la contestation de la validité du congé. Les droits et obligations du repreneur ne naissant que lorsque la décision judiciaire va valider le congé, il n'y avait pas d'obligation qu'il l'invoque lors de sa première instance.

[T] [E] affirme que son instance n'est pas prescrite puisque la date d'effet du congé marque le point de départ de la prescription de l'action en validité du congé mais pas celui de l'action pour le manquement du repreneur à ses obligations. Il soutient que son action court au moins pendant les 9 ans d'exploitations obligatoires s'imposant au repreneur désigné dans le congé auquel les 5 années de prescription de droit commun s'ajoutent.

[T] [E] maintient que le congé qui lui a été délivré est frauduleux puisque [C] [H] ne satisfait pas aux conditions posées en matière de reprise d'un bail rural, notamment concernant l'exigence de capacité ou d'expérience professionnelle et l'intention d'exploiter le fonds. Il affirme que [L] [H] et [C] [H] n'ont jamais eu l'intention d'exploiter la parcelle comme le montre, selon lui, le fait qu'ils aient donné à bail à [G] [W] les parcelles reprises à [U] [J] au motif de leur volonté d'exploiter eux mêmes ces parcelles. Il ajoute que les divers procès-verbaux établissent qu'il n'exploite plus les lieux et qu'en conséquent, [L] [H] et [C] [H] auraient pu satisfaire leur obligation d'exploitation personnelle des lieux.

[T] [E] affirme que dans les faits c'est bien [G] [W] qui exploite la parcelle litigieuse comme le montre la déclaration adressée pour obtenir des subventions européennes. La marge d'erreur de 3 %, autorisée selon [G] [W] dans ses déclarations, est bien inférieure aux erreurs contenues dans sa déclaration. [G] [W] ne justifie pas non plus d'avoir séparé ses parcelles de la parcelle [Cadastre 9] en mettant des clôtures par exemple, ses troupeaux peuvent donc passer sur la parcelle [Cadastre 9] sans obstacle. [T] [E] affirme qu'[G] [W] était nécessairement au courant de la situation.

[T] [E] soutient que du fait du congé qui lui a été délivré et les incertitudes liées aux procédures juridiques, il n'a pu exploiter normalement la parcelle litigieuse et qu'il en résulte une perte d'exploitation de 5 années.

[G] [W] demande à la Cour :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux le 19 mars 2020 en ce qu'il a prononcé l'annulation du congé du 26 octobre 2011 au motif qu'il n'y aurait pas eu de reprise effective de la parcelle mais l'intention d'en confier l'exploitation à [G] [W] ;

Dire et juger [T] [E] irrecevable en ses demandes ;

Débouter [T] [E] de ses demandes ;

Reconventionnellement,

Condamner [T] [E] à payer une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

[G] [W] affirme qu'il n'est pas preneur de la parcelle litigieuse, qui n'apparaît d'ailleurs pas dans son bail, et qu'aucun élément de fait apporté par [T] [E] n'établit le contraire.

Il soutient que la parcelle litigieuse est occupée par [T] [E] comme le montrent les procès-verbaux des 19 juin 2018 et 4 juillet 2019 qui établissement l'occupation des lieux par ce dernier au travers de matériels laissés sur place. Le procès-verbal du 7 juillet 2020 atteste que les vaches mises en pâture sur la parcelle litigieuse sont celles d'un tiers. Il maintient qu'aucun des documents fournis traduisant ses demandes de subvention ne font figurer la parcelle [Cadastre 12], même si elle figure partiellement sur la photographie cadastrale où l'exploitant est supposé dessiner la zone exploitée. C'est pourquoi une marge d'erreur de 3 % est admise. Même s'il a commis une erreur, elle n'est pas de nature à établir une exploitation par ses soins de la parcelle litigieuse.

[G] [W] soutient que les demandes de [T] [E] sont irrecevables car prescrites et soumises à l'autorité de la chose jugée. Il affirme que le point de départ de la prescription est le 1er mai 2013, date à laquelle l'éventuelle fausseté du motif du congé serait révélée. Les décisions intervenues sur la validité du congé n'ont pas changé sa prise d'effet et n'ont donc pas suspendu la prescription. Le litige ayant donné lieu à jugement du 19 septembre 2013 et du 15 décembre 2015 en appel, est le même que celui du présent litige, le principe de concentration des moyens s'oppose à la recevabilité de ses demandes. [G] [W] soutient que [T] [E] aurait pu invoquer la nullité du motif de congé depuis le 1er mai 2013, notamment lors de l'appel ayant rendu un jugement en 2015. C'est uniquement parce que [T] [E] s'est maintenu dans les lieux, que la reprise des lieux a été impossible.

Concernant la réintégration, [G] [W] maintient que [T] [E] ne fournit aucun justificatif permettant de répondre aux exigences du Code rural concernant la mise en valeur d'une exploitation excédant un certain seuil de superficie. Au contraire, il affirme que [T] [E] n'est plus agriculteur depuis 2003. Il soutient également que [T] [E] n'a subi aucun préjudice puisqu'il est occupant sans droit ni titre, que la parcelle litigieuse est jonchée de déchets, qu'il la sous-loue et qu'il n'a pas la qualité d'agriculteur.

MOTIFS

Sur la demande de [Y] [H] et [L] [H] tendant à voir déclarées irrecevables les conclusions de [T] [E]

Les dispositions des articles 960 et 961 du Code de procédure civile exigent, sous peine d'irrecevabilité, que les conclusions contiennent notamment, en en-tête, l'adresse de la partie.

S'il est exact, comme le soutiennent [Y] [H] et [L] [H], que seule la Cour et non le magistrat chargé de la mise en état peut statuer sur la recevabilité de conclusions qui omettraient cette mention, il doit être relevé que ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer à la présente procédure devant la Cour, celle-ci étant orale et non écrite, s'agissant en l'espèce d'un appel formé contre une décision d'un tribunal paritaire des baux ruraux.

Ce moyen sera donc écarté.

Sur la recevabilité de l'action de [T] [E]

L'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article L.411-66 du Code rural, qui fonde l'action de [T] [E], dispose qu'au cas où il serait établi que le bénéficiaire de la reprise ne remplit pas les conditions prévues notamment à l'article

L.411-58, qui prévoit que le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même, le preneur a droit, soit au maintien dans les lieux si la décision validant le congé n'a pas encore été exécutée, soit à la réintégration dans le fonds ou à la reprise en jouissance des parcelles avec ou sans dommages-intérêts, soit à des dommages-intérêts.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les consorts [H] ont fait délivrer à [T] [E] un congé pour reprise, au motif que [L] [H] entendait reprendre personnellement l'exploitation agricole de la parcelle section [Cadastre 10], à compter du 1er mai 2013.

A compter de cette date, [T] [E] était en capacité de s'assurer que [L] [H] ne reprenait pas personnellement l'exploitation agricole de cette parcelle ou qu'elle était reprise par [G] [W].

Dès lors, il appartenait à [T] [E] d'introduire son action fondée sur les dispositions de l'article L.411-66 du Code rural avant le 1er mai 2018, le seul fait que la décision devant statuer sur la validité du congé ne soit intervenue que le 19 septembre 2013, confirmée en appel le 10 décembre 2015, n'interrompant pas la prescription mais lui permettant uniquement de se maintenir dans les lieux, étant rappelé, au surplus, que le Tribunal, puis la Cour, ont confirmé le congé pour reprise sans changer sa date d'effet.

La Cour constate que l'action de [T] [E], introduite par suivant requêtes des 14 septembre et 9 octobre 2018, est ainsi hors délai.

En conséquence, le jugement rendu le 19 mars 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Perpignan, qui a déclaré l'action de [T] [E] recevable, sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais non remboursables

[T] [E] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

[T] [E], qui échoue en cause appel, sera condamné au surplus à payer à [Y] [H] et à [G] [W], à chacun la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 19 mars 2020 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE [T] [E] à payer à [Y] [H] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [T] [E] à payer à [G] [W] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [T] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02026
Date de la décision : 23/02/2021

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°20/02026 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-23;20.02026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award