Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 9 FEVRIER 2021
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00233 - N° Portalis DBVK-V-B7B-M7OW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 DECEMBRE 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/06440
APPELANT :
Monsieur [L] [C]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 7] - ALGÉRIE
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Charles FONTAINE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur [P] [Z]
Centre de Chirurgie Vertébrale, Clinique du [9],
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe GRILLON de la SCP GRILLON PHILIPPE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Laurence BREUCKER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTERVENANTE :
CPAM DE L'HERAULT
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Non représentée - assignée le 22 octobre 2018 à personne habilitée
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 03 Février 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2020, en audience publique, Madame Nathalie AZOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL
Le délibéré de l'affaire initialement prévu au 19 janvier 2021 a été prorogé au 9 février 2021.
ARRET :
- réputé contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier.
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EXPOSE DES FAITS
Le 16 avril 2007, [L] [C] souffrant de lombalgies persistantes et d'une discopathie arthrosique évoluée a subi une intervention chirurgicale réalisée par le docteur [P] [Z] qui a pratiqué une arthroplastie L5-S1 avec implant Prodisc.
Après une amélioration de son état il souffre à nouveau depuis le printemps 2013 des mêmes douleurs et de douleurs articulaires.
Estimant que l'indication opératoire n'a été pas correcte au motif notamment que la Haute Autorité de Santé a deux jours après l'intervention, contre-indiqué la prothèse Prodisc en cas de lésions dégénératives évoluées, [L] [C] a saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise confiée au Professeur [W].
L'expert a déposé son rapport le 30 mars 2015 excluant toute responsabilité du docteur [Z].
Par acte en date du 27 octobre 2015 [L] [C] contestant les conclusions du rapport du Professeur [W] au motif que l'expert de s'est pas adjoint un expert en biomécanique a assigné devant le tribunal de grande instance de MONTPELLIER le docteur [Z] estimant son intervention fautive quant à l'information préalable, à l'indication opératoire et à la pose et sollicitant l'indemnisation de son préjudice.
Le jugement rendu le 15 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :
Dit que le rapport d'expertise établi par le professeur [W] est complet et de nature à éclairer le tribunal.
Dit que le docteur [Z] n'a commis dans le cadre de l'intervention pratiquée le 16 avril 2007 sur [L] [C] aucune faute technique ni aucun manquement à son devoir d'information.
Déboute en conséquence [L] [C] de l'ensemble de ses demandes y compris d'expertise et de provision.
Condamne [L] [C] à verser à [P] [Z] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamne aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise.
Sur la faute imputée au médecin le tribunal rappelle l'article L 1142-1 du code de la santé publique.
Sur la supposée faute d'indication opératoire avec pose d'une prothèse le tribunal retient que l'expert judiciaire a considéré que le recours à la chirurgie était justifié en avril 2007 et que le choix était alors entre deux solutions : soit de pratiquer une arthrodèse soit de procéder à une arthroplastie.
L'expert ajoute qu'au vu des images prises avant l'intervention le patient souffrait d'une arthrose des facettes articulaires qualifiée de mineure, légère ou discrète et que l'indication retenue était alors conforme aux bonnes pratiques.
De plus selon l'expert l'appréciation de l'arthrose maladie dégénérative et donc évolutive telle qu'elle a pu être faite 7 ans après l'intervention en litige par le docteur [X] ne peut être utilement prise en compte dans l'analyse de la situation en avril 2007.
Les premiers juges retiennent qu'il ressort des éléments en débat que l'alternative entre une arthrodèse et la pose d'une prothèse a bien été envisagée et que le choix de la seconde a été fait en pleine connaissance de cause des alternatives thérapeutiques.
Enfin le consentement éclairé signé un mois après la dernière consultation du docteur [Z] et un mois et demi avant l'intervention précise que les alternatives thérapeutiques ont été mentionnées.
Pour le tribunal l'avis de la Commission d'évaluation des produits et prestations de la Haute Autorité de Santé est postérieur de deux jours à l'intervention critiquée et il ne pouvait donc être pris en compte avant d'avoir été émis et diffusé.
Le tribunal écarte par ailleurs comme n'étant pas suffisamment probants à établir valablement un défaut d'indication les documents produits par [L] [C] en annexe de son premier dire à expert.
Suivant sur ce point les conclusions de l'expert judiciaire le tribunal écarte également le reproche fait par le patient au chirurgien de ne pas avoir tenu compte du défaut d'alignement des vertèbres qui constituerait une contre indication car le « rétrolisthésis » observé est de l'ordre de 16% donc inférieur à 25% valeur maximale de référence pour le grade 1.
Les premiers juges observent également que la volonté du patient de centrer la discussion sur des considérations mécaniques et géométriques n'est pas pertinente dans le cadre d'une discussion médicale ou l'objectif est de soulager la douleur et non de corriger une morphologie.
Enfin le tribunal écarte concernant la contre indication la mesure de l'espace intervertébral réalisée par le docteur [X] sept ans après l'intervention.
Ainsi les premiers juges considèrent qu'il ne peut être retenu qu'il existait à l'époque de l'intervention une ou plusieurs contre-indication à sa réalisation susceptible de caractériser une faute.
Concernant la supposée faute dans la réalisation de l'intervention suivant les conclusions expertales le tribunal retient que la dégradation observée survenue plus de quatre ans après l'intervention n'est pas liée à la réalisation de cette dernière mais à un processus dégénératif déjà à l''uvre avant qu'elle ne soit pratiquée et qui l'a justifiée, processus qui s'est poursuivi ensuite.
Il n'y a donc pas eu de faute dans la réalisation de l'acte chirurgical qui est conforme aux recommandations et aux bonnes pratiques.
Sur le défaut d'information le tribunal rappelle les dispositions de l'article L 1111-2 et de l'article R 4127-35 du code de la santé publique et retient qu'en l'espèce la preuve de l'information est rapportée par en substance :
Les multiples consultations avant l'intervention,
Le délai écoulé entre l'IRM de mars 2005 permettant de poser le diagnostic et la date de l'intervention en avril 2007,
Le délai écoulé entre la prise de décision le 23 janvier 2007 et la signature du consentement éclairé le 28 février 2007 et enfin la date de l'intervention elle-même,
La parfaite compréhension par le patient des explications reçues en raison de son niveau culturel et de sa formation d'ingénieur mécanicien,
Les nombreuses questions posées par le patient avant l'intervention en particulier sur la mécanique rachidienne et les prothèses.
[L] [C] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 13 janvier 2017.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2020 et l'affaire fixée à l'audience du 24 février 2020.
En raison d'un mouvement national de grève des barreaux l'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 novembre 2020.
Les dernières écritures pour [L] [C] ont été déposées le 20 janvier 2020.
Les dernières écritures pour [P] [Z] ont été déposées le 6 novembre 2020 avec demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Hérault assignée à personne le 22 octobre 2018 n'a pas constitué avocat et a écrit le 13 novembre 2018 qu'elle n'entendait pas intervenir à l'instance en cours.
[P] [Z] dont les précédentes écritures étaient en date du 2 juin 2017 expose à l'appui de sa demande de rabat de clôture que l'appelant a déposé 14 jours avant la clôture du 3 février 2020 de nouvelles écritures contenant 10 nouvelles pièces, pièces auxquelles il a fallu répondre dont certaines étant produites en langue anglaise et non traduites.
Si le bordereau de pièces annexées au dernières écritures de [L] [C] mentionne 10 nouvelles pièces la cour observe que le dispositif des écritures est identique aux précédentes et que les pièces dites nouvelles ont en fait pour l'essentiel déjà été produites et donc débattues en première instance, si bien que les écritures de l'appelant déposées 14 jours avant la date de la clôture ne porte pas atteinte au principe du contradictoire.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande de rabat de clôture et la cour ne retiendra pour [P] [Z] les écritures déposées en date du 2 juin 2017.
Le dispositif des écritures de [L] [C] énonce en ses seules prétentions:
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Dire que le docteur [Z] a commis une faute en lien direct avec le préjudice de [L] [C].
Allouer à [L] [C] une indemnité provisionnelle de 20 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice.
Ordonner une contre-expertise en désignant un collège d'experts constitué par un neurochirurgien et un expert biomécanicien et /ou un chirurgien orthopédique avec mission habituelle en la matière.
Condamner [P] [Z] au paiement d'une somme provisionnelle équivalente au montant de la consignation.
Condamner [P] [Z] à verser à [L] [C] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
Ordonner une contre-expertise en désignant un collège d'experts constitué par un neurochirurgien et un expert biomécanicien et /ou un chirurgien orthopédique avec mission habituelle en la matière.
Surseoir à statuer sur la responsabilité et sur l'indemnisation du préjudice dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Statuer ce que de droit sur les dépens et les frais irrépétibles.
[L] [C] soutient tout d'abord que l'expert judiciaire n'a pas respecté la mission qui lui était confiée au regard des dispositions du code de procédure civile et n'a pas fondé ses conclusions sur des éléments objectifs et qu'il n'a pas suffisamment pris en compte les aspects mécaniques et bio-mécaniques.
Sur l'indication opératoire [L] [C] expose en premier lieu que l'arthrose des facettes articulaires est une contre-indication quel que soit le stade de cette pathologie selon la littérature médicale.
Il ajoute que de plus la notice du fabriquant mentionne comme critère d'exclusion la lésion ou la dégénérescence des articulations facettaires avec confirmation radiologique, pièce que le tribunal ne peut écarter en sous entendant qu'il n'est pas possible de savoir si ce document a été diffusé avant ou après l'intervention.
De plus le docteur [Z] qui a inventé et éprouvé la prothèse Prodisc ne peut prétendre ne pas connaître les critères d'exclusion d'indication opératoire.
Or dans le cas présent l'arthrose des facettes articulaires L5/S1 est mentionnée par le radiologue dans l'IRM de 2004 soit 3 années avant l'intervention et confirmée en 2005.
Il ajoute que la prothèse Prodisc génère des rotations et des translations et que de tels mouvements sur un patient atteint d'arthrose des facettes articulaires ne peuvent qu'accélérer le processus de dégradation.
[L] [C] expose ensuite que de façon incompréhensible l'expert mentionne que le patient avait un rétrolistésis de grade très inférieur à 1 avec un décalage de l'ordre de 16% alors que la copie de l'IRM réalisé avant l'opération et présentée lors de l'accédit permet d'objectiver une valeur de rétrolésis comprise entre 24 et 26%.
Il ajoute que les littératures médicales mettent en exergue une troisième contre-indication qu'il présentait assurément à savoir une discopathie trop prononcée soit un espace intervertébral inférieur à 5mm comme constaté par le praticien qui l'a réopéré et que cet état contrairement à ce qu'a jugé le tribunal est apprécié par rapport à l'état pathologique de 2007 et non par rapport à celui de 2014.
Sur le défaut de pose l'appelant reproche tout d'abord à l'expert de ne pas avoir répondu suffisamment sur ce point et de ne pas avoir ramené sur les documents consultés les dimensions à l'échelle 1 ce qui lui aurait permis de relever un débordement du plateau inférieur de la prothèse de 6 mm et de constater deux défauts de pose majeurs : le débordement de 6 mm au regard de S1 et l'excentrement de 20%.
Il précise que le professeur [Y] dont il a sollicité l'avis retient que l'indication de l'intervention n'était pas optimale et que par conséquent en raison de ce défaut d'appréciation l'information n'a pu à l'évidence être optimale ce que ce spécialiste analyse sous l'angle de la perte de chance de renoncer à l'intervention, perte de chance qu'il fixe à hauteur de 50%.
Sur le défaut d'information [L] [C] soutient que le point central du débat n'est pas de savoir si une information a été délivrée mais réside dans l'examen du contenu de cette information.
Il reproche ainsi au tribunal de ne pas avoir pris en compte les recommandations de la Haute Autorité de la Santé quant au contenu de l'information et à la qualité de l'intervention.
Or il soutient n'avoir été à aucun moment informé des limites et des risques spécifiques de la pose d'une prothèse.
Le seul document produit par le praticien est le document type dit consentement éclairé que le patient a signé mais qui ne lui a pas été remis et qui ne contient que les informations qui y sont mentionnées.
Le dispositif des écritures de [P] [Z] énonce :
Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions.
Condamner [L] [C] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
A titre liminaire concernant le rapport d'expertise privé du docteur [Y] qui a examiné [L] [C] en janvier 2016 [P] [Z] fait observer qu'il semble que le médecin n'était pas au courant de l'existence d'une procédure judiciaire en cours ni de l'existence du rapport d'expertise judiciaire du professeur [W] et que l'ensemble du dossier médical du patient n'aurait pas été porté à sa connaissance.
Pour soutenir l'absence de toute faute le docteur [Z] se fonde sur le rapport d'expertise judiciaire faisant observer que le professeur [W] est spécialisé en neurochirurgie qui emporte nécessairement la pose régulière de prothèses et qu'il est un chirurgien aguerri sur la technique de l'arthrodèse et la pose de prothèses.
Sur l'indication opératoire le médecin précise d'abord que [L] [C] souffrait de lombalgies depuis de nombreuses années et avait tenté à plusieurs reprises des traitements conservateurs sas aucun effet sur ses douleurs.
Il ajoute qu'alors deux choix chirurgicaux s'offraient au patient l'arthrodèse ou l'arthroplastie par prothèse discale et que le second type d'intervention a été développé afin de réduire les inconvénients du premier type d'intervention.
Il précise que de plus en tant que praticien il développe cette technique depuis de nombreuses années et dispose donc des connaissances et des compétences nécessaires et qu'il s'avère que l'indication d'une arthroplastie par prothèse discale était adaptée à l'état de [L] [C] au moment de la réalisation de l'intervention le 16 avril 2007.
En outre [L] [C] s'appuie sur le rapport du docteur [Y] pour soutenir l'existence une erreur dans l'indication opératoire alors que ce médecin lui-même ne conclut pas que la réalisation d'une arthroplastie par prothèse discale était inadaptée ou fautive mais indique seulement qu'elle n'était pas la solution optimale raisonnement adopté a posteriori.
Concernant les contre-indications alléguées le docteur [Z] répond :
Sur la dégradation des facettes articulaires que [L] [C] se fonde sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé publiées le 18 avril 2007 soit après l'intervention, sur des éléments de littérature médicale également publiés postérieurement et qu'en outre au vu des clichés analysés par l'expert le patient ne présentait pas d'arthrose sévère des facettes articulaires en 2007 et qu'il ne peut être tenu compte des évaluations à posteriori ;
Sur le défaut d'alignement des vertèbres qu'au vu des imageries versées au débat l'expert judiciaire a évalué le « rétrolisthésis » à 16% et donc inférieur à la valeur médicale de référence fixée à 25% ;
Sur l'insuffisance de l'espace intervertébral que [L] [C] ne démontre pas que celui-ci était insuffisant en 2007 et qu'il ne peut se fonder sur un courrier du docteur [X] en date du 20 janvier 2014 et procédant à une évaluation de l'espace intervertébral 7 ans après l'intervention.
Sur la réalisation de l'intervention le docteur [Z] réfute toute erreur dans la pose de la prothèse faisant observer qu'à la supposer les répercussions ne seraient apparues que 7 ans après l'intervention.
Il ajoute que [L] [C] demande pour retenir l'erreur dans la pose de la prothèse de substituer ses propres analyses et recherches à celles de trois médecins rompus à ce type de chirurgie et dont les voix sont unanimes qu'il s'agisse de l'expert judiciaire que du propre médecin conseil de [L] [C] le docteur [Y].
Sur le respect de l'obligation d'information, le docteur [Z] expose que [L] [C] a reçu une information orale exhaustive sur les risques de l'intervention au cours des trois consultations préopératoires qui se sont étalées de mai 2005 à janvier 2007.
En outre au cours de cette longue période de réflexion le patient a recueilli plusieurs avis d'autres spécialistes en consultant notamment le docteur [B] neurochirurgien ainsi que d'autres spécialistes en la matière au CHU de Montpellier.
Ainsi le choix de [L] [C] a été fait en pleine connaissance de cause et il doit aussi être tenu compte du délai conséquent entre la prise de décision lors de la consultation du 23 janvier 2007, la signature du consentement éclairé le 28 février 2007 et enfin l'intervention réalisée le 16 avril 2007.
L'intimé ajoute que dans le consentement éclairé le patient reconnaît avoir été informé des risques de l'intervention et que ce document est destiné non pas à apporter la preuve du contenu de l'information délivrée qui par essence est orale mais tend seulement à démontrer que le patient a bien reçu les informations nécessaires.
Le médecin précise que de plus devant l'expert judiciaire [L] [C] a reconnu qu'il avait bien été informé des risques de l'intervention mais qu'il ne pensait pas que cela pouvait lui arriver.
Enfin et surtout les séquelles dont fait état [L] [C] et qui sont apparus plus de 6 ans après l'intervention ne sont pas en lien avec les risques de l'intervention mais sont liées essentiellement à l'évolution de sa pathologie initiale.
MOTIFS :
La cour rappelle tout d'abord qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties, c'est à dire sur ce à quoi prétend une partie et que la formulation dans le dispositif des conclusions de voir « dire et juger », « constater », ne constitue pas une prétention et que la cour n'est donc pas tenue d'y répondre.
Sur le respect par l'expert des dispositions du code de procédure civile :
[L] [C] reproche à l'expert judiciaire de ne pas avoir respecté les dispositions du code de procédure civile sans toutefois que ces critiques se traduisent en terme de prétentions dans le dispositif de ses écritures en ce que notamment il n'est pas conclu à la nullité du rapport d'expertise.
Il sera ensuite rappelé que le juge n'est pas lié par les conclusions d'un rapport d'expertise qui peut toujours être contesté et que le juge n'a pas à homologuer.
En tout état de cause si [L] [C] est fondé à critiquer les conclusions du rapport d'expertise il ne peut valablement reprocher à l'expert de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire dans la mesure ou l'expert a établi un prè-rapport qu'il a communiqué aux parties, dans la mesure où l'expert a répondu aux dires des parties tant à ceux déposés avant le dépôt du pré-rapport qu'après le dépôt du prêt rapport, qu'il a en particulier répondu au dire du conseil de [L] [C] en date du 4 décembre 2004 contenant 23 pièces et au dire du 12 mars 2015 de plusieurs pages et contenant 4 autres pièces.
De même l'expert est libre de s'adjoindre ou non les services d'un sapiteur et il a répondu sur interrogation de [L] [C] qu'en raison de sa pratique de la chirurgie du rachis et de ses formations multiples suivies sur la biomécanique du rachis, les arthrodèses et les prothèses il estimait être en mesure de répondre aux arguments du patient sans s'adjoindre les services d'un sapiteur.
Si [L] [C] estime que l'expert devait s'adjoindre les services d'un spécialiste en biomécanique et en mécanique il pouvait en cas de refus de l'expert d'y faire droit saisir de cette question le juge en charge du contrôle des expertises, ce qu'il n'a pas fait.
Par conséquent il n'apparait pas que l'expert judiciaire contrairement à ce que soutient l'appelant n'ait pas respecté pour l'exécution de sa mission des dispositions du code de procédure civile, et le rapport de l'expert doit servir de base de discussion sur la faute imputée au docteur [Z] comme les autres pièces produites sauf à observer que [L] [C] verse au débat la pièce numéro 16 qui est un guide technique sur « The ProDisc-LTotal Disc Remplacement » de 2 pages en langue anglaise et un article pièce numéro 17 intitulé « The Influence of ProDisc-L Positioning on Mechanics of Lumbar Spine » également en langue anglaise.
Et qu'aucune traduction en langue française n'accompagne ces deux pièces.
Si aucun texte n'interdit à une juridiction de tenir compte d'une pièce rédigée en langue étrangère il revient au juge du fond dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation d'écarter ou non un écrit en langue étrangère.
Il s'agit là d'une documentation technique et médicale qui ne peut se satisfaire d'une connaissance moyenne de la langue étrangère que pourrait avoir le juge.
Par conséquent la cour n'examinera pas dans le présent débat les pièces numéros 16 et 17 produites par [L] [C].
Sur la faute imputée au docteur [Z] :
C'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé les dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique en application duquel les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
En l'espèce [L] [C] reproche au docteur [Z] une faute d'indication opératoire, une faute dans la réalisation de l'intervention et enfin un défaut d'information.
Sur l'indication opératoire :
[L] [C] reproche au chirurgien d'avoir fait le choix de la pose d'une prothèse Prodisc alors que ce choix n'était pas la solution au regard de l'état du patient en raison notamment de :
La dégradation des facettes articulaires
Le défaut d'alignement des vertèbres
L'insuffisance de l'espace intervertébral.
L'expert judicaire après avoir analysé le dossier médical de [L] [C] transmis par le docteur [Z], le certificat médical du 24 octobre 2013 du docteur [H], les scanners réalisés le 22 novembre 2004, le 15 juin 2007, le 16 août 2013, le 19 mai 2014 et le 16 octobre 2014, les IRM réalisés le 22 mars 2005, le 23 janvier 2007, et le 3 septembre 2013 et enfin les radiographie du 23 mai 2014 et après un examen clinique expose :
Au vu de l'état de [L] [C] qui présentait des lombalgies rebelles aux traitements conservateurs, invalidantes avec une discopathie isolée L5-S1la chirurgie rentrait dans les indications habituelles.
Il ajoute que la simple résection discale aurait sans doute eu un résultat médiocre en l'absence de sciatique avec compression radiculaire par hernie et qu'elle n'était donc pas indiquée.
Les deux techniques possibles étaient alors :
L'arthrodèse par voie postérieure ou antérieure en remplaçant le disque par un greffon ou une cage inter-somatique, et stabilisation par plaques ou tiges et vis,
L'arthroplastie par prothèse discale.
Selon l'expert judicaire la première technique ancienne et couramment pratiquée a pour inconvénient qu'elle bloque la mobilité du rachis et fait craindre des lombalgies résiduelles.
La seconde a été développée pour réduire les inconvénients de la première et la HAS l'a reconnue en 2007 avec des recommandations étant précisé qu'elle était déjà pratiquée par différentes équipes promotrices dans le monde dont celle du docteur [Z].
Concernant le document de la Haute Autorité de Santé en date du 18 avril 2007 et postérieur à l'intervention invoqué par [L] [C] et posant une contre-indication à une pose de prothèse en cas d'arthrose sévère ou évoluée des articulaires postérieures, l'expert répond qu'en l'absence de critères objectifs, quantifiés de l'arthrose articulaire on ne peut que se référer à l'analyse des images et dans le cas de [L] [C], les lésions ne peuvent être qualifiées de majeures, sévères et évoluées mais plutôt de mineures, légères ou discrètes.
L'expert conclut donc dans son pré-rapport que l'indication opératoire du docteur [Z] semble conforme aux bonnes pratiques.
En réponse aux dires du conseil de [L] [C] en date des 4 décembre 2014 et 12 mars 2015 et après avoir connaissance de nouvelles pièces communiquées : radiographies du 4 septembre 2013, l'interview en date du 8 octobre 2013 du docteur [O], les certificats médicaux et comptes rendus du docteur [X], de la littérature médicale publiée après l'intervention, de l'étude clinique prospective, randomisée et multicentrique de la prothèse discale Prodisc et le guide technique de la prothèse, l'expert a maintenu son évaluation de l'arthrose des articulaires de [L] [C] au moment de la pose de la prothèse considérant qu'à cette époque et non en se basant sur les constatations du docteur [X] réalisées 7 ans plus tard, le patient ne présentait pas de contre-indication à la technique opératoire.
L'expert judiciaire précise à nouveau qu'il ne peut être considéré que [L] [C] présentait une arthrose des facettes articulaires sévère.
Il ajoute aussi sur le défaut d'alignement des vertèbres invoqué par [L] [C] qu'il maintient que ce dernier ne présentait pas un « spondylolisthèsis » mais un « rétrolisthèsis » donc l'inverse de grade inférieur à 1 écartant ainsi sur ce point l'argument d'une contre-indication de la technique choisie.
Enfin sur l'argument de l'insuffisance de l'espace intervertébral l'expert répond que l'espace discal virtuel évoqué par [L] [C] est la traduction de la discopathie évoluée et ne change rien à la pose d'une prothèse discale.
En première instance comme en appel pour s'opposer aux conclusions de l'expert judiciaire qui n'a pas retenu de faute du docteur [Z] dans l'indication opératoire, [L] [C] s'appuie essentiellement sur l'expertise privée qu'il a faite réalisée en janvier 2016 par le docteur [Y], soit après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire si bien que les conclusions de cette expertise privée n'ont pu être débattues devant le spécialiste qu'est l'expert judiciaire.
Comme relevé par ailleurs par les premiers juges il ne ressort à aucun moment de la lecture du rapport [Y] que ce médecin ait eu connaissance du rapport d'expertise judiciaire et de ses conclusions qu'il ne discute donc pas.
Par ailleurs le docteur [Y] considérant au vu des documents médicaux produits que [L] [C] présentait une discopathie extrêmement évoluée à l'étage L5-S1 siège d'une rétrolisthèsis de degré 1 ce qui n'est pas contraire aux constatations de l'expert judiciaire et au vu de la littérature médicale sur les contre-indications dans ce cas à la pose d'une prothèse de disque, retient seulement que l'indication opératoire était loin d'être optimale ce qui ne suffit pas en application de l'article L 1142-1 du code de la santé publique à caractériser une faute du médecin pouvant engager sa responsabilité.
Sur la réalisation de l'intervention :
[L] [C] soutient qu'il existe un défaut de pose, reprochant à l'expert judiciaire de ne pas avoir suffisamment répondu sur ce point et soutenant que l'expert s'est trompé en mentionnant avoir constaté un débord du plateau inférieur de la prothèse sur le S1 inférieur à 3 mm environ alors que si on examine les documents à la bonne échelle le débord est de 6 mm.
La cour observe sur cet argument comme l'ont déjà fait les premiers juges que [L] [C] interprète de son propre chef en sa qualité d'ingénieur mécanique des clichés médicaux.
L'expert judiciaire a répondu de façon précise au dire du patient sur le défaut de pose :
-que le déroulement de l'opération décrit dans le compte rendu ne soulève aucune suspicion ou critique,
-que les images de contrôle ne montrent aucune complication ou déplacement de la prothèse pendant les 7 années qui ont suivi sa pose,
-que le décalage du plateau inférieur de la prothèse par rapport au corps de S1 est très faible de 3 à 5 mm et tout à fait acceptable en chirurgie du rachis et que de plus par sa hauteur et sa position plutôt postérieure la prothèse concourt à « décharger » les articulaires.
Enfin le médecin [Y] mandaté par [L] [C] lui-même retient que le geste chirurgical a été réalisé de façon conforme aux données acquises de la science en la matière à la date donnée et réalisée par un opérateur entrainé, et il ne reprend à aucun moment dans son rapport les arguments du patient sur le débord du plateau inférieur de la prothèse sur S1.
Par conséquent comme retenu par le jugement dont appel il n'est pas rapporté la preuve d'une faute dans la réalisation de l'acte chirurgical.
Sur le manquement à l'obligation d'information :
Le tribunal a rappelé les dispositions en matière de l'obligation d'information des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique selon lesquelles le médecin doit à son patient une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins proposés et le principe en vertu duquel la charge de la preuve du respect du devoir d'information pèse sur le médecin.
En l'espèce [L] [C] conteste la qualité de l'information qui lui a été délivrée par le docteur [Z] soutenant qu'à aucun moment il n'a été informé des limites et des risques de la pose d'une prothèse et que la solution opératoire lui a toujours été présentée comme la seule issue thérapeutique efficace solutionnant définitivement sa pathologie initiale.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire du Professeur [W] que [L] [C] a eu trois rencontres avec le docteur [Z] avant l'intervention, rencontres étalées sur une période de 19 mois. Ces faits ne sont pas contredits par l'appelant.
L'expert ajoute au vu de ses investigations qu'après la première rencontre du 31 mai 2005 avec le docteur [Z] qui proposait une prothèse discale, [L] [C] a consulté d'autres spécialistes, le Professeur [F] qui déconseillait la prothèse et ne proposait pas de solution chirurgicale et le docteur [B] favorable à une arthrodèse.
Après la deuxième consultation en novembre 2006 auprès du docteur [Z] maintenant son choix thérapeutique le patient a encore essayé des traitements conservateurs par infiltrations et coagulation des branches postérieures mais sans en retirer de bénéfice.
Il a donc revu le docteur [Z] le 23 janvier 2007 et la décision de la prothèse discale a été prise.
Le 28 février 2007 le patient a signé le document de consentement présent au dossier du médecin et l'intervention a eu lieu le 16 avril 2007.
Comme relevé par les premiers juges il s'est donc écoulé de nombreux mois entre la première consultation auprès du docteur [Z] et la réalisation de l'intervention, au cours desquels [L] [C] a consulté d'autres spécialistes.
Il s'est aussi écoulé un délai de presque 3 mois entre la dernière consultation où la décision de l'intervention a été prise et l'intervention elle-même.
L'expert ajoute que lors de la réunion d'expertise [L] [C] a reconnu avoir été informé du risque d'échec mais qu'il ne pensait pas que cela pourrait lui arriver et aboutir à une ré-intervention. Il a aussi reconnu avoir en raison de sa compétence en mécanique générale posé des questions au docteur [Z] sur les caractéristiques des prothèses, sur la mécanique rachidienne et en particulier sur les risques de cisaillement et de contrainte sur les articulations postérieures.
L'expert précise en outre que si le risque d'échec évoqué par le docteur [Z] de l'ordre de 10 à 12% est nettement inférieur à celui de la littérature plus proche de 40% d'échec ou de résultat incomplet pour autant il considère que même si le patient avait eu connaissance de ce chiffre il n'est pas sûr qu'il aurait modifié sa décision car il était dans une impasse thérapeutique par les moyens conservateurs et les résultats des autres techniques possibles étant à peu près équivalents.
En ce qui concerne le docteur [Y] mandaté par [L] [C] il ne se prononce pas clairement sur ce point se limitant à indiquer que la qualité intrinsèque de l'information délivrée ne peut être appréciée au vu des éléments fournis qui ne permettent pas d'affirmer qu'elle a été complète notamment en ce qui concerne les résultats attendus.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que [L] [C] a rencontré à trois reprises le docteur [Z] avant de prendre la décision de l'intervention, qu'au cours de ces longs mois il a rencontré d'autres spécialistes et que sa décision de pose d'une prothèse discale a été prise après de longs mois de réflexion.
Il apparait aussi que [L] [C] en raison de son niveau intellectuel, de sa formation et de son expérience professionnelle était en capacité de comprendre l'information qui lui était donnée et de poser les questions lui paraissant nécessaires comme le démontre le niveau d'échange qu'il a pu avoir avec l'expert judiciaire.
Enfin et même si selon l'expert judiciaire l'information donnée par le docteur [Z] a pu être imparfaite sur la qualité des résultats à attendre quant à l'intervention proposée il apparait aussi que même si le patient avait eu une connaissance plus exacte de ces résultats il n'est pas sûr qu'il aurait modifié sa décision dans la mesure où il se trouvait dans une impasse thérapeutique les moyens conservateurs n'ayant pas de bénéfices et les autres solutions techniques ayant des résultats à peu près identiques.
Par conséquent c'est à juste titre que le jugement entrepris a dit qu'aucune faute d'information en l'état des connaissances médicales à l'époque à laquelle elle a été délivrée ne pourra être retenue.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le docteur [Z] n'avait commis aucune faute et en ce qu'il a dit qu'en l'absence de faute il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes de provisions, déboutant ainsi [L] [C] de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande de contre-expertise :
Une telle demande ne peut être fondée sur le seul fait que l'appelant est en désaccord avec les conclusions de l'expert qui viennent d'être débattues et qui ne peuvent être remises en cause par l'expertise privée du docteur [Y] qui n'a pas pris en considération les conclusions du rapport d'expertise judiciaire dont il n'avait visiblement pas connaissance.
[L] [C] sera donc débouté de sa demande de contre-expertise.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.
En outre [L] [C] succombant en son appel sera condamné à payer à [P] [Z] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Montpellier ;
Y ajoutant déboute [L] [C] de sa demande de contre-expertise ;
Condamne [L] [C] à payer à [P] [Z] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [L] [C] aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier, Le président,
N.A