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28/01/2021 | FRANCE | N°16/03225

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 28 janvier 2021, 16/03225


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 28 JANVIER 2021



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/03225 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MTLU







Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 FEVRIER 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 12/04926







APPELANT :



Monsieur [M] [E]

né le [Date naissance 11] 1967 à [Localité 24]


de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 16]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMES :



Monsieur [Z] [H] [O]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 30]

de nation...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 28 JANVIER 2021

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/03225 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MTLU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 FEVRIER 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 12/04926

APPELANT :

Monsieur [M] [E]

né le [Date naissance 11] 1967 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 16]

Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [Z] [H] [O]

né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 30]

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 16]

Non représenté - assigné par signification remise à domicile le 05/08/2016

Maître [W] [RV], Mandataire Judiciaire, mandataire liquidateur de M. [X] [O], nommé par jugement rendu le 27 avril 2012 par le Tribunal de commerce de Montpellier

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 18]

Représenté par Me Francette BENE de la SCP BENE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [OD] [P]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 31]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 16]

Représenté par Me Pierre PALIES de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Maëlle MARTIN VELEINE de la SCP PALIES DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [S] [P]

née le [Date naissance 12] 1953 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Localité 22]

Représentée par Me Pierre PALIES de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Maëlle MARTIN VELEINE de la SCP PALIES DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [U] [P] épouse [EN]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 16]

Représentée par Me Pierre PALIES de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Maëlle MARTIN VELEINE de la SCP PALIES DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [V] [P]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 31]

de nationalité Française

[Adresse 29]

[Localité 16]

Représenté par Me Pierre PALIES de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Maëlle MARTIN VELEINE de la SCP PALIES DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [N] [P]

décédé le [Date décès 10] 2000

Madame [D] [P]

née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 22]

Représentée par Me Pierre PALIES de la SCP PALIES - DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Maëlle MARTIN VELEINE de la SCP PALIES DEBERNARD-JULIEN - MARTIN-VELEINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [A] [B]

de nationalité Française

[Adresse 28]

[Localité 16]

Représentée par Me Véronique NOY de la SCP INTER-BARREAUX VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Hugo PLYER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [L] [B]

de nationalité Française

[Adresse 28]

[Localité 16]

Représenté par Me Véronique NOY de la SCP INTER-BARREAUX VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Hugo PLYER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANTE :

SCP [VP]-[C]-[TJ]-VERMOGEN-[K] venant aux droits de la SCP [Z] [I] [T] [VP] [XP] [K] [F] [C] [TJ],

[Adresse 21]

[Adresse 26]

[Localité 17]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 OCTOBRE 2020,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude SIMON, Vice-Présidente placée et Monsieur Fabrice DURAND, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre en l'absence du président empêché,

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Madame Marie-Claude SIMON, Vice-Présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nadine CAGNOLATI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 17 décembre 2020 puis au 07 janvier 2021 et 28 janvier 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre en l'absence du président empêché et par Mme Camille MOLINA, Greffière

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Propriétaire d'un fonds sur la commune de [Localité 31], M. [JX] [HF] a procédé à des opérations de division et de vente de parcelles issues de ces divisions durant l'année 1926.

Le 3 avril 1926, M. [HF] a ainsi vendu une parcelle avec maison aujourd'hui cadastrée section BC n°[Cadastre 8] à Mme [G]. Cet acte constituait également servitude de passage au profit de la parcelle voisine cadastrée BC n°[Cadastre 9]. L'acte était publié à la conservation des hypothèques le 16 avril 1926.

Le 18 décembre 1945, M. [HF] a vendu à M. [D] [PG] la parcelle avec maison aujourd'hui cadastrée BC n°[Cadastre 7] et comprenant la partie de parcelle cadastrée BC n°[Cadastre 9] correspondant à l'assiette de la servitude de passage. Cet acte de vente rappelle l'existence de la servitude de passage établie le 3 avril 2016.

Le 13 août 1949, Mme [J] [Y], qui épousera par la suite M. [N] [P], a acquis une villa à [Localité 31] édifiée sur la parcelle aujourd'hui cadastrée BC n°[Cadastre 9]. Le 18 novembre 1959, Mme [J] [Y] et son mari, M. [N] [P] ont acquis de M. [D] [PG] une bande de terrain mesurant un mètre cinquante de largeur. La servitude de passage en date du 3 avril 1926 était précisée dans cet acte.

Le 27 décembre 1950, l'auteur de Mme [A] [B] a acquis la parcelle voisine aujourd'hui cadastrée BC n°[Cadastre 8]. L'acte de vente conclu entre l'auteur de Mme [A] [B] et Mme [G] reprenait l'existence de la servitude conventionnelle de passage dont l'assiette a été fixée sur la parcelle n° [Cadastre 9] en date du 3 avril 1926.

Mme [J] [Y] épouse [P] est décédée le [Date décès 5] 1960.

Le 16 mai 1997, les consorts [P] ont vendu la parcelle BC n°[Cadastre 9] supportant une maison à M. [X] [O] et à Mme [M] [E].

Suite à leur acquisition, M. [X] [O] et Mme [M] [E] ont fait obstacle à ce passage sur le chemin longeant leur propriété. Ils ont notamment édifié un portail ainsi que plusieurs installations empêchant l'accès des consorts [B].

M. [N] [P] est décédé le [Date décès 10] 2000.

Le 21 octobre 2010, les époux [B] fait constater par huissier de justice la matérialité de ces aménagements et la fermeture du chemin.

Les époux [B] ont ensuite assigné M. [X] [O] et Mme [M] [E] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de faire constater un trouble manifestement illicite relatif à la violation de la servitude existante.

Le 27 juin 2011, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l'ouverture du redressement judiciaire de M. [X] [O] et désigné Maître [W] [RV] comme mandataire judiciaire, maintenu comme mandataire liquidateur par jugement du 27 avril 2012.

Le 16 février 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a condamné M. [X] [O] et Mme [M] [E] à remettre les clefs des portes situées aux extrémités du chemin aux époux [B] sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Lesdites clés ont été remises le 23 avril 2012.

Le 7 septembre 2012, M. [O] et Mme [E] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Montpellier Mme [S] [P], Mme [U] [P] épouse [EN], M. [V] [P], M. [OD] [P] ainsi que Mme [D] [P] en responsabilité pour avoir omis de les informer de l'existence de la servitude conventionnelle de passage.

Par acte du 28 décembre 2012, les consorts [P] ont fait assigner Maître [Z] [I], notaire, aux fins de voir engager sa responsabilité civile professionnelle en qualité de notaire rédacteur de l'acte de vente.

Le 19 février 2013, les époux [B] ont fait assigner M. [X] [O] et Mme [M] [E] par-devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de les contraindre à mettre un terme aux atteintes relatives à leur servitude de passage ainsi qu'une indemnisation.

Le 23 septembre 2014, ces deux procédures ont été jointes.

Le 17 février 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier, par une décision réputée contradictoire rendue en premier ressort, a :

- condamné [OD] [P], [S] [P], [D] [P], [U] [P] et [V][P] à payer aux consorts [M] [E] et [X] [O] représenté par Maître [RV] une somme de cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages intérêts ainsi que l'ensemble des frais irrépétibles et dépens de la procédure de référé n° 11/31250 du 16 février 2012 à laquelle ils n'étaient pas partie, mais encore les dépens de la présente instance, de trois assignations jointes et enfin une somme de six mille euros (6 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCP de notaires [VP] [K] [C] [TJ] VERMOGEN à garantir indemnes les consorts [P] pour toutes les condamnations ci-dessus,

- condamné [X] [O] et [M] [E] à :

- couper dans un délai de deux mois à compter du présent jugement et au-delà sous astreinte de cent euros par jour de retard, toute branche ou partie de tronc d'arbre situé à une hauteur supérieure à deux mètres et à une distance inférieur à 50cm du mur séparatif de la propriété des époux [B],

- supprimer dans le même délai et sous astreinte distincte et supplémentaire d'un même montant, tout appui de remblai de plate-forme de stationnement sur le mur séparatif des propriétés,

- équiper de verres opaques à la vue et permettant seulement le passage du jour, dans le même délai et au-delà sous troisième astreinte d'un même montant, distincte et supplémentaire des deux précédentes, la fenêtre rénovée donnant vue directe sur la propriété [B],

- condamné les époux [B] à supprimer dans le délai de deux mois suivant le présent jugement et au-delà sous astreinte de cent euros par jour de retard toute évacuation des eaux de leur toiture dans la propriété [E] [O],

- dit que les astreintes ci-dessus courront pendant un délai de 180 jours après quoi il sera à nouveau statué,

- dit n'y avoir lieu à réserver au tribunal le pouvoir de liquider les astreintes ou d'en prononcer de nouvelles,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 24 avril 2016, Mme [E] a relevé appel du jugement de première instance rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 17 février 2016 en totalité sauf contre le notaire.

Le 8 août 2016, les consorts [P] ont assigné en appel provoqué la SCP de notaires [VP]-[C]-[TJ]-Vermogen afin qu'ils soient relevés et garantis contre de nouvelles condamnations.

Vu les dernières conclusions de Maître [W] [RV] remises au greffe le 28 juillet 2016 ;

Vu les dernières conclusions de M. [OD] [P], Mme [S] [P], Mme [U] [P], M. [V] [P] et M. [D] [P] remises au greffe le 31 août 2016 ;

Vu les dernières conclusions de la SCP [VP] [C]-[TJ] Vermegen remises au greffe le 6 octobre 2016 ;

Vu les dernières conclusions de M. [L] [B] et Mme [A] [B] remises au greffe le 7 février 2020 ;

Vu les dernières conclusions de Mme [M] [E] remises au greffe le 26 février 2020 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 septembre 2020 ;

MOTIFS :

I - Sur la servitude de passage due par la parcelle cadastrée BC n°[Cadastre 9] à la parcelle cadastrée BC n°[Cadastre 8] :

La servitude revendiquée par les époux [B], propriétaires de la parcelle BC n°[Cadastre 8]sur la parcelle BC n°[Cadastre 9] a été établie dans l'acte du 3 avril 1926 qui mentionnait que l'acquéreur : « usera concurremment avec Monsieur et Madame [HF] ou les ayant droits de ce dernier du chemin limitrophe à la façade Ouest à charge de participer à ses frais d'entretien ; le droit d'usage de ce chemin dont la largeur est de un mètre cinquante centimètres sera également concédé aux ayant- droits éventuels de Monsieur [G] ».

Mme [E] précise que ce droit de passage n'était pas stipulé dans l'acte de vente du 13 août 1949 par lequel Mme [J] [Y] épouse [P] a acquis la parcelle BC n°[Cadastre 9] . Il figurait cependant dans l'acte de vente du 18 novembre 1959 qui ne portait que sur le terrain d'assiette de ce chemin.

Ainsi que le soutient à juste titre Mme [B], il en résulte que :

- soit la partie de la parcelle BC n°[Cadastre 9] supportant le chemin n'a tout simplement pas été vendue et cette parcelle est restée propriété de la famille [P] ;

- soit cette partie a été englobée dans la vente en 1997 mais le notaire n'a pas pris soin de mentionnée la servitude réelle qui grève ce fonds depuis 1926.

Cette incertitude n'a aucune conséquence pratique pour les époux [B] : dans tous les cas ce défaut de mention ne rend pas pour autant ce droit de passage inopposable à l'appelante. Il s'agit d'un droit réel constitué par titre notarié du 3 avril 1926, régulièrement publié au fichier immobilier et donc opposable aux tiers.

L'absence de mention à l'acte de cette servitude de passage s'explique par le fait que l'assiette de cette servitude a fait l'objet d'un acte de vente distinct de la parcelle supportant la maison le 18 novembre 1959 entre les époux [PG] et M. [P]. Cet acte mentionnait clairement la charge grevant cette bande de terrain au profit de la propriété de M. [G].

Le fait établi que cette servitude conventionnelle de passage ne soit pas mentionnée dans l'acte notarié du 16 mai 1997 ne la rend pas pour autant inopposable à Mme [E] et M. [O].

Mme [E] fait également valoir l'extinction de cette servitude de passage sur la fondement de l'article 703 du code civil qui dispose que « les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ». Elle soutient également que cette servitude, créée pour un usage déterminé lié à l'alimentation en eau de la propriété BC n°[Cadastre 8] par la parcelle BC n°[Cadastre 9] » qui a disparu, est donc éteinte.

L'acte de constitution de 1926 est parfaitement clair en ses termes et n'enferme pas cette servitude dans des limites particulières ni pour un usage déterminé. Ainsi, le changement d'alimentation en eau ne peut avoir aucune conséquence sur l'existence du droit de passage.

En conséquence, la servitude de passage revendiquée par les époux [B] est bien constituée en droit réel depuis l'acte du 3 avril 1926 et doit donc leur bénéficier en qualité de propriétaires du fonds dominant BC n°[Cadastre 8].

II - Sur les demandes des parties des époux [B] relatives aux aménagements et ouvrages réalisés sur l'assiette de la servitude :

L'article 701 du code civil dispose :

« Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [O] et Mme [E], ont installé un portail aux deux extrémités du chemin reliant la rue [Adresse 27] et qu'ils ont également construit des ouvrages et installations.

L'installation d'un portail n'est pas en soit un obstacle et ne diminue pas la servitude pour autant que les propriétaires du fonds dominant soient détenteurs des clés et dispositifs techniques leur permettant d'en user à leur guise.

Les autres aménagements doivent être envisagés un par un pour déterminer s'ils constituent une gêne objective et s'il rendent plus malcommode l'usage de la servitude par les propriétaires du fonds dominant :

A - La plateforme implantée sur le chemin :

Les époux [B] sollicitent la suppression de la plateforme construire par les consorts [E] [O] au motif qu'elle prendrait appui sur le mur privatif de leur fonds, sans que ces derniers aient eu l'autorisation d'effectuer cette construction.

La propriété du mur séparatif est contestée entre les parties. Les époux [B] n'apportent pas la preuve qu'un ouvrage bâti a été construit sur un mur privatif leur appartenant.

Ils ne démontrent pas davantage la nécessité de reconstruire un muret séparatif qui selon eux aurait été détruit, muret dont la fonction est distincte de l'exercice du droit de passage objet du litige.

Le principe demeure que l'assiette de la servitude étant propriété des consorts [O]-[E], ceux-ci sont fondés à procéder à tout aménagement à condition cependant que ces aménagements ne contrarient pas et ne rendent pas plus malcommode le passage institué en 1926 sur la bande de terrain de 1,50 mètres telle qu'elle figure sur le plan de géomètre de M. [MO] du 15 juin 1960 (pièce [B] n°21).

Au regard des circonstances de fait décrites par les époux [B], il convient notamment que l'usage de ce droit de passage ne soit gêné ni par le stationnement de véhicules ni par la divagation d'animaux. M. [O] et Mme [E] devront donc veiller à respecter strictement ces conditions d'usage de l'assiette de la servitude.

Cependant en l'état du dossier, la preuve n'est pas démontrée par les époux [B] de la nécessité de démolir des ouvrages ou obstacles à l'exercice de leur servitude conventionnelle de passage du le fonds des consorts [E] [O].

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression d'une plate-forme de stationnement.

B - Les arbustes plantés sur le chemin et le branchement sur une canalisation :

Sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil, les consorts [B] sollicitent l'arrachage des plantations ne respectant pas les limites légales sans avoir à démontrer un quelconque préjudice.

Me [RV] et Mme [E] contestent la présence des arbustes litigieux.

Il ressort cependant du rapport d'expertise de Polyexpert du 18 octobre 2011 et du constat d'huissier versés au dossier que des arbres sont plantés sur le fonds [O] qui ne respectent pas les prescriptions du code civil relatives aux distances et hauteurs à respecter pour les plantations.

Les époux [B] n'apportent pas la preuve de ce que leurs voisins les consorts [E] [O] ont réalisé un branchement sur leurs propres canalisations. Ils seront donc débouté de ce chef.

Le jugement du tribunal sera donc confirmé en ce qu'il enjoint aux propriétaires M. [O] et Mme [E] de maintenir tout arbre planté à moins de 50 cm du mur séparatif à une hauteur maximale de 2 mètres et sans que le feuillage ni les branches de ces arbres ne dépassent la limite de propriété conformément aux dispositions du code civil.

C - Les vues droites ouvertes sur le chemin :

M. et Mme [B] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la suppression des vues ou leur obstruction par la pose de verres dormants sur le fondement des articles 678 à 680 du code civil.

M. [O] et Mme [E] s'opposent à ces demandes en soutenant que ces ouvertures étaient préexistantes et qu'ils n'ont créé aucune nouvelle servitude de vue sur le fonds des époux [B].

Les époux [B] ne précisent pas dans quelle mesure ni à quelle date de nouvelles ouvertures auraient été créées ou modifiées sur leur maison par leurs voisins en violation des règles du code civil relatives aux « vues sur la propriété de son voisin ».

En l'absence de description précise des vues incriminées, de preuve rapportée de la date de création de ces ouvertures ni de mesures précises des distances au regard des dispositions légales dont il est demandé l'application, les époux [B] ne démontrent pas l'existence de vues irrégulières au sens du code civil.

Leurs demandes de remise en état et de suppression des servitudes de vue seront donc rejetées et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

III - Sur la demande indemnitaire formées contre les sonsorts [E]-[O] :

Les consorts [B] demandent à la Cour de condamner les consorts [E] [O] à la somme de 10.000 euros au titre des troubles anormaux du voisinage.

Les époux [B] n'apportent pas la preuve d'une faute commise par Mme [E] et par M. [O] dans l'exercice de leurs droits de propriétaire ayant généré à leur encontre un préjudice moral ou économique.

Ces demandes seront donc rejetées et le jugement sera confirmé sur ce point.

IV - Sur les demandes formées par Mme [E] et Me [RV] contre Mme [B] relatives à un déversement d'eaux pluviales :

Par constat d'huissier du 22 mai 2014, les consorts [E]-[O] ont fait constater par huissier l'existence de deux descentes d'évacuation d'eau pluviale du toit des époux [B] dans le réseau passant sous la propriété [O].

Ces ouvrages construits en violation de l'article 681 du code civil devront donc être supprimés et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

V - Sur la demande aux fins d'annulation du jugement formée par les consorts [P] et la responsabilité du notaire :

A - Sur la condamnation en première instance des consorts [P] :

Aux termes de l'article 753 du code de procédure civile, les prétentions et moyens des parties qui ne sont pas repris expressément dans leurs dernières conclusions sont réputés abandonnés.

Les consorts [P] versent aux débats les dernières conclusions déposées au greffe de la juridiction de première instance par Mme [E] (pièce n°13) et par Me [RV] (pièce n°14). Il ressort de ces deux jeux d'écriture qu'aucune demande n'était alors formée à leur encontre.

En prononçant une condamnation contre les consorts [P] alors que cette condamnation n'était pas sollicitée, le tribunal a méconnu les articles 4 et 753 du code de procédure civile.

Lorsqu'un appel à l'encontre de la décision irrégulière a été interjeté, dès lors qu'il n'a pas été exclusivement formé pour réparer l'irrégularité, l'effet dévolutif permet à la cour d'appel de procéder à la rectification demandée.

En conséquence, la décision déférée sera réformée en ses dispositions portant condamnation des consorts [P].

B - Sur la responsabilité du notaire :

En l'absence de condamnation des consorts [P], aucune action récursoire ne peut être dirigée contre le notaire rédacteur de l'acte litigieux la SCP [VP]-[C]-[TJ]-Vermogen.

Les demandes formées par Me [RV] sont sans objet en l'absence de condamnations des consorts [P] pour lesquelles ces derniers ne demandent plus au notaire de les relever et garantir au titre de sa responsabilité professionnelle.

VI - Sur la demande de Mme [E] et de Me [RV] en dommages et intérêts contre les époux [B] :

Mme [E] soutient que sa voisine Mme [B] multiplierait les procédures depuis plusieurs années, qu'elle ferait preuve d'une volonté de nuire permanente, chercherait à s'arroger plus de droits que ne lui en octroient ses titres de propriété et abuserait de son droit en faisant usage d'une servitude devenue inutile.

Le droit de propriété, de même que les droits d'ester en justice et d'exercer toute voie de recours constituent des droits fondamentaux reconnus à toute personne titulaire de la capacité juridique. L'exercice de ces droits ne peut à lui seul justifier une condamnation à des dommages-intérêts sauf à démontrer l'existence de circonstances particulières établissant que l'exercice de ce droit a dégénéré en abus.

En l'espèce Mme [E] fait valoir des allégations non étayées par des preuves à l'encontre de sa voisine Mme [B] qui s'appuie sur un titre de propriété régulier fait un usage normal et légitime des voies de droit mis à sa disposition par la loi. L'usage de ces voies de droit est d'autant plus légitimes que ce sont M. [O] et Mme [E] qui ont exercé une voie de fait en faisant obstacle à la servitude sans se soucier des droits d'autrui.

Mme [E] échoue à démontrer un quelconque agissement fautif de la partie adverse matérialisant un abus de droit ou une faute civile. La demande de dommages-intérêts formée par l'appelante sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris à l'exception de ses deux dispositions suivantes relatives :

- à la suppression ordonnée sous astreinte par Mme [E] et par M. [O] des arbres ou portions d'arbres et végétaux ;

- et à la suppression ordonnée sous astreinte par M. et Mme [B] de l'évacuation des eaux de leur toiture sur le fonds voisin ;

Y ajoutant,

Dit que les astreintes prononcées pour les deux chefs confirmés du jugement courront après expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera exécutoire, les autres modalités de l'astreinte n'étant pas modifiées ;

Constate l'existence d'une servitude conventionnelle de passage d'une largeur de 1,50 mètres (telle qu'elle figure sur le plan de géomètre de M. [MO] du 15 juin 1960 - pièce [B] n°21) grevant la parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 31] section BC n°[Cadastre 9] au profit de parcelle BC n°[Cadastre 8] tel que ce passage a été établi dans l'acte de Me [R] du 3 avril 1926 publié le 16 avril 1926 ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Laisse la charge de ses dépens de première instance et d'appel à chacune des parties qui les a avancés ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/03225
Date de la décision : 28/01/2021

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°16/03225 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-28;16.03225 ?
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