La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2020 | FRANCE | N°17/05942

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 10 novembre 2020, 17/05942


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 10 NOVEMBRE 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05942 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMOS







Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 NOVEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/04956







APPELANTES :



SPLE DES TERMES DE BALARUC LES BAINS

[Adresse 1]

[Localité 5]
<

br>Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



SA AXA FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D'...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05942 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NMOS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 NOVEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/04956

APPELANTES :

SPLE DES TERMES DE BALARUC LES BAINS

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

SA AXA FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

Madame [C] [S]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie- Josée BONNAFOUS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 07 Septembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, Monsieur Emmanuel GARCIA ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

Le 16 juillet 2015, [C] [S], alors âgée de 68 ans et en cure aux thermes de [Localité 8], a chuté en sortant de la piscine, ce qui lui a occasionné une entorse au genou.

Par courrier du 29 juillet 2015, la société PACIFICA, son assureur protection juridique, a demandé à la société AXA, assureur de la société publique locale d'exploitation des Thermes de BALARUC-LES-BAINS, de prendre en charge les préjudices subis par sa cliente, ce qui lui a été refusé le 29'décembre 2015.

Par actes d'huissier signifiés les 6 et 8 juillet 2016, [C] [S] a fait assigner les Thermes de BALARUC-LES-BAINS et son assureur AXA devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire et de les voir condamnés à lui payer la somme de 2 000 € à titre de provision.

Le jugement rendu le 7 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

DIT que l'établissement thermal a manqué à son obligation de sécurité envers [C] [S] ayant provoqué sa chute le 16 juillet 2015 ;

DÉCLARE la société SPLE TH des Thermes de BALARUC-LES-BAINS seule et entièrement responsable de l'accident dont a été victime [C] [S] le 16 juillet 2015 au sein de son établissement ;

DIT que la société SPLE TH des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et son assureur, la société AXA FRANCE, devront prendre en charge les conséquences pécuniaires de cet accident ;

ORDONNE une expertise médicale de [C] [S] ;

DÉSIGNE le docteur [Y] [X], expert près la Cour d'appel de Montpellier, avec mission habituelle ;

CONDAMNE in solidum la société SPLE TH des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et son assureur, la société AXA FRANCE, à payer la somme de 1 500 € à [C] [S] à titre provisionnel ;

INVITE la requérante à appeler dans la cause l'organisme social dont elle dépend ;

RÉSERVE les autres demandes et les dépens.

Le jugement expose que [C] [S], qui fonde sa demande sur les dispositions de l'article 1147 du Code civil, doit démontrer que sa chute est la conséquence d'une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement de l'établissement ou d'une inadaptation de l'installation mise à sa disposition.

Le Tribunal rappelle que si l'obligation de sécurité d'un établissement thermal est de résultat quant à l'état des locaux et du matériel mis à la disposition des clients, cette obligation est seulement de moyens en ce qui concerne l'activité du curiste en elle-même. A cet égard, l'usage d'une piscine fait nécessairement appel à un comportement actif de l'usager et représente donc un aléa pour l'établissement dans la mesure où il ne peut maîtriser les réactions de son client, lequel doit faire preuve de vigilance et veiller à sa propre sécurité.

Le Tribunal a principalement fondé sa décision sur les affirmations de [C] [S] concernant l'état du sol particulièrement glissant, corroborées par l'attestation de monsieur [K] [T], curiste témoin de sa chute, et les avis collectés sur le site « Tripadvisor », au nombre de 63, émis par des curistes entre mai et décembre 2015, ayant signalé cet état.

Le Tribunal constate que le revêtement des sols des plages et des bassins était conforme à la norme PN 18, que la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS avait reçu toutes les autorisations administratives favorables à l'ouverture des thermes au public et répondait aux exigences d'accessibilité aux personnes handicapées.

Toutefois, le Tribunal retient qu'elle ne démontre pas avoir pris des mesures spécifiques et adéquates pour remédier à l'état du sol particulièrement glissant avant le 16 juillet 2015, dû apparemment à un problème d'évacuation de l'eau, alors que son obligation de sécurité est de résultat en la matière, d'autant plus renforcée compte tenu de l'âge et de l'état de santé du public qu'elle accueille. Par ailleurs, il n'est nullement démontré que [C] [S] aurait manqué de vigilance en sortant de la piscine ou qu'elle aurait eu un comportement inadapté.

Le Tribunal conclut que [C] [S] rapporte bien la preuve d'un rôle causal de l'état du sol dans la survenance de sa chute et donc d'un manquement des Thermes de BALARUC-LES-BAINS à ses obligations, dès lors que l'établissement n'avait pas mis en 'uvre les moyens suffisants pour assurer la sécurité des curistes.

La société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et AXA FRANCE ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 15 novembre 2017.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2020.

Les dernières écritures pour la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et AXA FRANCE ont été déposées le 7 mai 2018.

Les dernières écritures pour [C] [S] ont été déposées le 23 mars 2018.

Le dispositif des écritures pour les thermes de [Localité 8] et AXA FRANCE énonce :

Vu l'article 1147 du Code civil,

INFIRMER le jugement dont appel en toutes ses dispositions';

DÉBOUTER [C] [S] de l'intégralité de ses demandes';

Subsidiairement,

DONNER ACTE à la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et à la compagnie AXA de ce qu'elles s'en rapportent à justice sur la demande d'expertise judiciaire';

DÉBOUTER [C] [S] de sa demande provisionnelle injustifiée';

En toute hypothèse,

CONDAMNER [C] [S] à payer aux Thermes de BALARUC-LES-BAINS et à la compagnie AXA ensemble la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

La société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et AXA FRANCE soutiennent qu'en vertu de l'article 1147 du Code civil, l'établissement thermal n'est tenu à l'égard de son client que d'une obligation de sécurité de moyen en raison de l'existence d'un aléa constitué par le comportement actif de l'usager, qu'il ne peut maîtriser.

Les appelantes estiment que la preuve d'une faute de l'établissement thermal n'est pas rapportée, l'attestation de monsieur [K] [T] et les avis collectés sur le site « Tripadvisor » étant insuffisants pour rapporter la preuve d'un manquement de l'établissement. Elles avancent que l'établissement répond aux normes de sécurité concernant l'adhérence et le type des carrelages posés, a reçu toutes les autorisations administratives favorables à l'ouverture des thermes au public et répond aux exigences d'accessibilité aux personnes handicapées. Contrairement à ce qui est prétendu, toutes les sorties de bassins sont équipées de main-courantes et chaque curiste reçoit au moment de la réservation de son séjour un livret recommandant le port de chaussures antidérapantes.

Le dispositif des écritures pour [C] [S] énonce :

Vu l'article 1147 du Code civil,

CONFIRMER le jugement dont appel ;

Y ajoutant,

FIXER le montant de la provision à la somme de 2 000 € au lieu et place des 1'500 € accordés par le juge du premier degré';

CONDAMNER in solidum la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et son assureur la société AXA FRANCE à payer la somme de 2 000 € à [C] [S] à titre provisionnel';

En toute hypothèse,

CONDAMNER in solidum la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et son assureur la société AXA FRANCE à payer la somme de 2 500 € à [C] [S] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

[C] [S] soutient que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, l'établissement thermal a une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la mise à disposition de ses clients des locaux, du matériel et du personnel, qu'en l'espèce, il s'agit bien de la mise en cause de l'état d'un élément des locaux au moment de la chute, à savoir le sol autour de la piscine, anormalement glissant.

En tout état de cause, si la Cour devait retenir une obligation de sécurité de moyens, elle considère qu'il ressort de l'attestation de monsieur [K] [T] et des nombreux avis du site « Tripadvisor » que le sol était anormalement glissant et que cette situation était connue de l'établissement thermal. Qu'en outre, aucune signalisation autour de la piscine n'avertissait les usagers de cette situation.

Elle estime que la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS ne rapporte pas la preuve de ce que le carrelage posé lors de sa chute respectait la norme PN 18. A supposer que ce soit le cas, elle soutient que l'établissement ne démontre pas qu'il a respecté l'entretien du carrelage.

En outre, elle souligne que la sortie des bassins, lors de son accident, n'était pas équipée de main-courantes et il n'était nullement demandé aux curistes de porter des chaussures antidérapantes.

Au final, [C] [S] estime que la responsabilité de la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS est incontestablement engagée et qu'ainsi, la société AXA lui doit garantie.

MOTIFS

En vertu des dispositions de l'article 1147 ancien du Code civil, il est constant que dans le cadre de ses obligations contractuelles, un établissement thermal est tenu d'une obligation de sécurité de moyens à l'égard des curistes, ce qui implique pour ces derniers qui entendent rechercher la responsabilité d'un tel établissement de rapporter la preuve d'un manquement à cette obligation.

Dans l'administration de la preuve qui lui incombe, [C] [S] verse en premier lieu 63 avis, extraits par elle du site Internet « Tripadvisor ».

Or, ces avis, dont l'authenticité n'est pas avérée, ne sauraient servir de preuve d'un quelconque manquement pour ne présenter aucune garantie de sincérité ainsi que d'impartialité, revêtant tout au plus un caractère subjectif, dont la teneur n'est pas vérifiée, ni vérifiable.

A supposer que cela eut été le cas, la réponse sur ce même site du responsable de la communication des Thermes de BALARUC-LES-BAINS, qui aurait été postée le 15 février 2016 en ces termes : « (...) Néanmoins », afin de répondre à vos remarques sur le ressenti du sol glissant, des mains courantes ont été installées lors des travaux d'intersaison afin de permettre une meilleure stabilité. Une attention particulière du personnel sera faite pour l'évacuation régulière de l'eau. (...) », n'aurait pas pu être retenue comme un aveu de l'établissement dont [C] [S] aurait pu tirer conséquences. De plus, ce propos n'établit nullement qu'au moment de l'accident, le sol était particulièrement glissant au motif d'une mauvaise évacuation de l'eau et qu'il n'y avait pas de main courante autour de la piscine permettant aux curistes de sécuriser leurs déplacements à cet endroit.

En second lieu, [C] [S] verse l'attestation de monsieur [K] [T] qui, s'il a pu être témoin de sa chute, comme il l'indique après qu'elle a « glissé sur le sol mouillé et glissant », ne fait que rapporter des propos entendus lorsqu'il déclare : « J'ai appris qu'il y avait eu de nombreux accidents semblables depuis l'ouverture de cette section piscine. », l'ensemble de ses déclarations étant également inopérant dans l'administration de la preuve d'une faute de l'établissement.

Au contraire, il est établi, comme l'a retenu le premier juge, que le revêtement des sols des plages et des bassins de l'établissement était conforme à la norme PN 18, que la société des Thermes de BALARUC-LES-BAINS avait reçu toutes les autorisations administratives favorables à l'ouverture des thermes au public et répondait aux exigences d'accessibilité aux personnes handicapées.

Enfin, il doit être retenu qu'il est de la nature même du sol d'un établissement thermal d'être humide et par là même glissant, ce que les curistes ne peuvent ignorer et qui doit les inciter à prendre toutes dispositions de nature à les préserver d'un accident.

Au final, [C] [S] échouant à démontrer un quelconque manquement des Thermes de BALARUC-LES-BAINS à son obligation de sécurité de moyens, le jugement rendu le 7 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier sera infirmé en toutes ses dispositions et [C] [S] sera déboutée de l'intégralité de ses prétentions.

Sur les dépens et les frais non remboursables

[C] [S] sera condamnée aux dépens de l'appel et l'équité justifie d'accorder à la société publique locale d'exploitation des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et à la société AXA ensemble la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement rendu le 7 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier, en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE [C] [S] de l'intégralité de ses prétentions ;

CONDAMNE [C] [S] à payer à la société publique locale d'exploitation des Thermes de BALARUC-LES-BAINS et à la société AXA, ensemble, la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE [C] [S] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E.G.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/05942
Date de la décision : 10/11/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°17/05942 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-10;17.05942 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award