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29/10/2020 | FRANCE | N°15/05577

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 29 octobre 2020, 15/05577


Grosse + copie

délivrées le

à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 29 OCTOBRE 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/05577 - N° Portalis DBVK-V-B67-MFN3





Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MAI 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 09/04470





APPELANTE :



S.A. BECI (BUREAU ETUDES COMMERCIALISATION INDUSTRIELLE)

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée pa

r Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEES :



SCI BS

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Patrick MELMO...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 29 OCTOBRE 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/05577 - N° Portalis DBVK-V-B67-MFN3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MAI 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 09/04470

APPELANTE :

S.A. BECI (BUREAU ETUDES COMMERCIALISATION INDUSTRIELLE)

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

SCI BS

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Patrick MELMOUX de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCI FIBIE venant aux droits de la SCI BS

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Patrick MELMOUX de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A AXA FRANCE IARD, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Jean Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTERVENANT :

Maître [X] [V], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS BECI (BUREAU ETUDES COMMERCIALISATION INDUSTRIELLE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

assisté de Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 07 JANVIER 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, Thierry CARLIER ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie HEBRARD, Présidente

M. Thierry CARLIER, Conseiller

M. Fabrice DURAND, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Nadine CAGNOLATI

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Mme Anne-Marie HEBRARD, Présidente, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Le 12 septembre 2005, la Sci B.S. a conclu avec la Sas B.E.C.I. ( Bureau d'Etudes Commercialisation Industrielle ), un contrat de construction relatif à la réalisation de bureaux situés à Montpellier, moyennant le prix de 852 552 € hors taxe.

La réception a été prononcée le 4 août 2006 avec de nombreuses réserves.

Par ordonnance du 2 novembre 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a ordonné une expertise confiée à Monsieur [R], lequel a déposé son rapport au mois d'octobre 2008.

Par lettre du 9 juin 2009, la Sci B.S. a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la Sa Axa France Iard, assureur dommages- ouvrage, au motif que le béton utilisé (Siporex) n'était pas celui contractuellement prévu (béton traditionnel), ce qui devait entrainer selon elle la démolition puis la reconstruction du bâtiment.

Par lettre du 3 août 2009, la Sa Axa France Iard a notifié à la Sci B.S. une décision de refus de garantie.

Par acte du 4 août 2009, la Sci B.S. a fait assigner la Sa B.E.C.I. devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par acte du 21 décembre 2010, la Sci B.S. a fait assigner la Sa Axa France Iard.

Par conclusions du 15 juillet 2014, la Sci FIBIE, venant aux droits de la Sci BS, est intervenue volontairement à l'instance aux lieu et place de cette dernière .

Selon jugement contradictoire du 7 mai 2015, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- dit l'action de la Sci FIBIE, venant aux droits de la Sci B.S., recevable ;

- condamné la Sci B.S. à payer à la Sa B.E.C.I. la somme de 115 020, 13 € à titre de solde de travaux, avec intérêts au taux légal à compter de la demande et capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1 154 du code civil ;

- condamné la Sas B.E.C.I. à payer à la Sci FIBIE la somme de 104 624, 07 € à titre de travaux de reprise et de pénalités de retard, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1 154 du code civil ;

- condamné la Sci FIBIE à payer à la Sa Axa France Iard la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande ;

- condamné la Sci B.S., la Sci FIBIE et la Sas B.E.C.I. aux dépens, à concurrence d'un tiers chacune.

Le 22 juillet 2015, la Sa B.E.C.I. a relevé appel du jugement du 7 mai 2015 à l'encontre de la Sci B.S, de la Sci FIBIE et de la Sa Axa France Iard en ce que le tribunal a :

- déclaré recevable l'action de la Sci FIBIE prétendant venir aux droits de la Sci B.S. ;

- rejeté la demande en condamnation au paiement par la Sci B.S. de la somme de 41 130, 44 € au titre du coût des fondations de l'immeuble sur vide sanitaire ;

- rejeté la demande de condamnation au titre des travaux supplémentaires pour 8 318, 18 € TTC ;

- rejeté la demande en paiement des intérêts moratoires sur le marché s'élevant à 98 198, 68 €.

Par jugement du 19 septembre 2016, la Sci B.E.C.I. a été placée en liquidation judiciaire.

Maître [X] [V] a été désigné en qualité de liquidateur.

Vu les conclusions de Maître [X] [V], ès qualités de liquidateur de la SA B.E.C.I., remises au greffe le 19 décembre 2019 ;

Vu les conclusions de la société FIBIE et de la société B.S. remises au greffe le 6 janvier 2020 ;

Vu les conclusions récapitulatives de la Sa Axa France Iard remises au greffe le 2 septembre 2019 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 7 janvier 2020 .

SUR CE :

Sur la recevabilité des demandes présentées par la société FIBIE à l'encontre de la société BECI et de la Sa Axa France Iard :

La société BECI et la Sa Axa France Iard soutiennent que la Sci FIBIE ne peut prétendre venir juridiquement aux droits de la Sci BS, en qualité de sous-acquéreur, le protocole d'accord visé à l'acte de cession du 14 juin 2013 et réglant les conséquences financières susceptibles de résulter des diverses procédures opposant la société BS à la société BECI et à Axa, prévoyant que le transfert de droits de la Sci BS à la Sci FIBIE à l'encontre de la société BECI et d'Axa serait différé à l'issue des procédures.

La Sa Axa Iard soutient également qu'il résulte du protocole que la Sci FIBIE n'a aucune intention de réaliser les travaux demandés et qu'elle ne serait tout au plus recevable à agir à l'encontre de l'assureur que dans la limite de 50 % de l'indemnité éventuellement allouée.

En l'espèce, il résulte de l'acte notarié du 14 juin 2013 que la Sci FIBIE a acquis de la Sci BS l'immeuble sis [Adresse 1].

Il est constant que le sous -acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose, contre les locateurs d'ouvrage, d'une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations envers le maître de l'ouvrage.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L 121-10 du code des assurances qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, l'assurance de dommages-ouvrage continue de plein droit au profit de l'acquéreur, à charge pour celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat.

Aux termes du protocole du 1er février 2013, les sociétés BS et FIBIE ont réglé entre elles les conséquences des procédures en cours en distinguant l'hypothèse où l'issue des procédures interviendraient en leur faveur ( article 1 ) et l'hypothèse où l'issue des procédures leur serait défavorable ( article 2 ).

Force est de constater d'une part que ce protocole ne remet pas en cause la qualité de propriétaire de la société FIBIE, d'autre part ne concerne aucunement les droits et actions de la société FIBIE à l'encontre des sociétés BECI et Axa qui ont été transférés à cette dernière par l'effet de la vente.

S'agissant de l'obligation d'affecter l'indemnité versée par l'assureur dommages-ouvrage au paiement des travaux de réparation des dommages, il ne ressort pas du protocole que les travaux ne seront pas réalisés, ce document envisageant simplement l'hypothèse dans laquelle la Sci FIBIE entend engager et faire exécuter les travaux et l'hypothèse dans laquelle elle n'entend pas faire procéder aux travaux, étant rappelé qu'en tout état de cause, l'assureur dommages-ouvrage peut obtenir la restitution des sommes non affectées à la prise en charge des travaux de réfection et des sommes excédant le coût réel de la réparation effectuée.

Si l'article 2 du protocole d'accord stipule ' Les parties conviennent également que l'ensemble des présentes dispositions ne deviendront définitivement exécutoires qu'à l'issue parfaite de l'ensemble des procédures visées par le présent accord, soit après parfaite extinction de tous modes de recours ', c'est bien le caractère exécutoire des clauses du protocole concernant exclusivement les relations entre les sociétés BS et FIBIE qui est logiquement retardé à l'issue des procédures et non le transfert de propriété et les droits et actions de la société BS à la société FIBIE intervenu par l'effet de la vente du 14 juin 2013.

Enfin, si Axa France Iard soutient qu'aux termes du protocole, la Sci FIBIE ne serait recevable à agir à l'encontre de l'assureur que dans la limite de 50 % de l'indemnité jugée nécessaire à la reprise des travaux, il convient de rappeler que le protocole, prévoyant notamment en cas de condamnation des sociétés BECI et Axa, que les sommes qui pourraient leur être versées seront obligatoirement partagées à part égale entre elles, concerne exclusivement les rapports entre les sociétés BS et FIBIE, la première ayant transféré par l'effet de la vente l'intégralité de ses droits et actions à la seconde qui est donc recevable à agir contre l'assureur et/ou la société BECI pour la totalité de l'indemnité.

Compte tenu de ces éléments, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la Sci FIBIE venant aux droits de la Sci BS et les demandes présentées par la société FIBIE à l'encontre de la société BECI et de la Sa Axa France Iard .

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes présentées à l'encontre de la société BECI :

Sur la non conformité de l'immeuble :

Le contrat de construction conclu entre les parties prévoit page 11 que les murs de façade seront réalisés en panneaux de béton préfabriqué, épaisseur 18 ou 20 cm et prévoit également un parement extérieur en béton désactivé avec marbre concassé ' Blanc de Carrare ' ou similaire, type ' petit gravillon lavé '.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les murs de façade sont en Siporex ( béton cellulaire ) alors qu'il était contractuellement prévu que le parement extérieur des panneaux en béton des façades soit en béton désactivé pour permettre un aspect ' gravillon lavé '.

Or, selon l'expert judiciaire, la mise en oeuvre d'un tel béton désactivé- qui doit être réalisée lors de la fabrication - n'est possible que sur un béton de ciment et non sur un béton cellulaire traité par autoclave du type Siporex.

L'expert conclut : ' En conséquence, l'on peut considérer que la définition contractuelle du parement prévu impliquait nécessairement l'utilisation d'un béton de ciment ' normal ' et non d'un béton cellulaire '.

Cette analyse était également partagée par Monsieur [T] [J], ingénieur structure, qui indiquait dans une note technique du 28 juin 2007 que le devis descriptif décrivait bien un béton classique lourd et non un béton cellulaire léger.

La non conformité contractuelle est donc établie en l'espèce.

Si le contrat de construction prévoyait ( article 3.6 )' Dans le cas où la fourniture ou la mise en oeuvre de certains matériaux, équipements ou matériel se révélerait impossible, difficile ou susceptible d'entraîner des désordres et ce, pour un motif quelconque, tel que retard d'approvisionnement, défaut de construction, difficultés d'importation, pénurie de main d'oeuvre spécialisée, le constructeur pourra les remplacer par d'autres de qualité au moins équivalente ' le contrat stipulait cependant ' Néanmoins, chaque fois que le constructeur sera amené à user de cette faculté, il devra solliciter préalablement l'accord du maître d'ouvrage '.

D'autre part, il résulte de la norme AFNOR P03-001 visée dans le contrat que les modifications dans la nature des ouvrages doivent obligatoirement faire l'objet d'un avenant (article 4.3.2 ), le maître de l'ouvrage devant faire connaître par écrit les modifications qu'il envisage d'autoriser ( article 11.1.4 ).

Or, si l'expert judiciaire indique que la mention ' Siporex ' figurait dans le modificatif au permis de construire et dans le rapport initial du contôleur technique APAVE, l'existence de ces deux mentions dans deux documents techniques n'apparaît pas suffisante pour démontrer que le maître d'ouvrage, totalement profane en matière de construction, aurait été pleinement informé des modifications apportées et de leurs conséquences, étant rappelé en tout état de cause que le contrat de construction prévoyait que le constructeur devait solliciter préalablement l'accord du maître de l'ouvrage pour toutes modifications par l'établissement d'un avenant, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

Par ailleurs, si l'expert expose que ' les parements actuels présentent un aspect et une qualité de bonne tenue dans le temps comparables à ce qu'ils auraient dû présenter si les panneaux de façade avaient été réalisés en béton de ciment traités en surface pour obtenir l'aspect contractuellement défini ', il convient de constater d'une part que le même expert indique que l'utilisation du béton cellulaire ne permet pas de réaliser les travaux de parement contractuellement prévus, d'autre part qu'il résulte de deux notes des 19 novembre 2012 et 29 juillet 2013 de Monsieur [D], expert judiciaire désigné par ordonnance du 31 juillet 2012 du tribunal de grande instance de Montpellier, l'existence de fissures de cisaillement des panneaux litigieux portant atteinte à l'intégrité des éléments en béton cellulaire, l'utilisation du béton cellulaire ayant donc entraîné des désordres.

Si la Sa Axa France Iard soutient que la demande de démolition induite par le coût de remplacement des panneaux de béton litigieux doit être rejetée en vertu du principe de proportionnalité, il convient de rappeler qu'en l'absence de toute impossibilité d'exécuter en nature le contrat et dès lors que la mise en conformité est possible, le juge est tenu d'ordonner l'exécution forcée sollicitée par le créancier sur le fondement de l'ancien article 1184 alinéa 2 du code civil, quelque soit l'importance de l'inexécution.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [R] que les travaux de non conformité à prévoir devront consister soit dans le remplacement des panneaux en place par des panneaux préfabriqués en béton de ciment, soit dans la démolition -reconstruction de l'immeuble.

Force est de constater qu'il n'est sollicité au titre des travaux de conformité que le remplacement des panneaux de façade et non la démolition et la reconstruction de l'immeuble, les travaux de mise en conformité consistant en une démolition partielle du bâtiment étant donc possible sans qu'il puisse être invoqué une disproportion manifeste entre le coût de la mise en conformité pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

L'expert a chiffré ce poste à la somme de 811 899,20 € HT, soit 974 279,04 € TTC.

Il résulte de l'acte de cession du 14 juin 2013 intervenu entre les sociétés BS et FIBIE (page 5 ) que cette dernière a la qualité d'assujetti à la TVA dans le cadre de son activité économique, ayant opté pour l'assujettissement des loyers à la TVA sur le fondement de l'article 260-2° du CGI.

Par conséquent, les sommes allouées à la société FIBIE seront fixées hors taxes, soit, concernant la mise en conformité des panneaux de façade, une somme de 811 899,20 € HT.

Le jugement qui a rejeté la demande en paiement au titre du remplacement des panneaux de façade sera donc infirmé.

Sur les autres désordres :

Il résulte du rapport d'expertise ( page 122 ) que le coût des autres travaux de reprise s'élève à la somme de 61 743,19 € HT, outre 4 865,93 € HT au titre de la direction des travaux, soit une somme totale de 66 609,12 € HT, la responsabilité de la société BECI en application des dispositions des articles 1147 et 1792 du code civil n'étant pas contestée sur ce point.

Sur le retard de livraison :

Il ressort du rapport d'expertise que les travaux auraient dû être terminés le 28 mai 2006, l'expert retenant 15 jours supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage, outre 7 jours d'intempéries, pour fixer la fin du délai contractuel au 18 juin 2006.

La réception étant intervenue le 4 août 2006, l'expert fixe le montant total des pénalités contractuelles à hauteur de 300 € x 41 jours, soit une somme de 12 300 €.

L'article 4.6 du contrat de construction prévoit que ' dans tous les cas ces pénalités sont limitées à 1% du prix hors taxe fixé à l'article 9 ', le montant du marché étant arrêté par cet article à la somme HT de 852 552 €, soit des pénalités de retard à hauteur de 8 525,52 €.

Si la société FIBIE sollicite à ce titre une somme de 23 046,72 € au titre de la perte de valeur locative liée au retard et à l'obligation de stockage et de retour du matériel , en soutenant que la cour doit appliquer une clause pénale sauf si elle estime qu'elle est manifestement insuffisante, force est de constater que les pénalités de retard ne peuvent être assimilées à une clause pénale, le contrat de construction indiquant en tout état de cause que 'dans tous les cas, ces pénalités sont limitées à 1% du prix hors taxes fixé à l'article 9".

La société FIBIE sera donc déboutée de sa demande à ce titre, les pénalités de retard étant fixée à hauteur de 8 525,52 €.

Sur les demandes présentées par la société BECI à l'encontre de la société BS :

Sur la dalle portée :

La société BECI expose qu'elle a réalisé une dalle portée afin de respecter les recommandations du bureau de contrôle pour un montant de 41 130,44 €, cette somme n'ayant par erreur pas été portée au DGD, le coût total du marché s'élevant donc à 1 019 562 € + 41 130,44 €, soit 1 060 782,44 € TTC.

En l'espèce, le contrat de construction signé entre les parties prévoit un total général HT forfaitisé à 846 137 € HT, le marché étant par conséquent à prix global et forfaitaire, nonobstant le fait qu'il prévoit des clauses permettant la réalisation de travaux supplémentaires soumis à avenants.

L'article 3.7 du contrat prévoit notamment que le maître de l'ouvrage pourra demander qu'il soit apporté des modifications à la construction mais que dans tous les cas, le constructeur sera tenu de recueillir d'abord l'accord du maître d'ouvrage si cette demande modifie les clauses essentielles du contrat, à savoir notamment le prix du marché tel que défini dans l'article 9, la consistance de l'opération et le délai de réalisation.

Par ailleurs, l'article 3.6 du contrat stipule ' Dans le cas où la fourniture ou la mise en oeuvre de certains matériaux, équipements ou matériel se révélerait impossible, difficile ou susceptible d'entraîner des désordres et ce, pour un motif quelconque, tel que retard d'approvisionnement, défaut de construction, difficultés d'importation, pénurie de main d'oeuvre spécialisée, le constructeur pourra les remplacer par d'autres de qualité au moins équivalente . Néanmoins, chaque fois que le constructeur sera amené à user de cette faculté, il devra solliciter préalablement l'accord du maître d'ouvrage '.

En l'espèce, si le remplacement du dallage sur hérisson par un plancher type dalle alvéolée ou nervurée au titre d'une variante ' Plancher sur vide sanitaire ' était prévue dans le descriptif prévoyant un certain nombre de variantes, force est de constater qu'à l'inverse des autres variantes mentionnées, le maître d'ouvrage n'a pas donné son accord en écrivant la mention 'OK' mais a au contraire manifesté son interrogation par la mention ' ''' ' .

Par conséquent, il n'est pas démontré que le maître de l'ouvrage ait avalisé cette modification, la demande présentée à ce titre par Maître [V], ès qualités de liquidateur de la société BECI, étant en conséquence rejetée.

Sur les autres travaux supplémentaires :

Maître [V] sollicite le règlement de la somme de 8 318,18 € TTC au titre de travaux supplémentaires ( peinture, changement d'un portillon, modification du point de branchement PTT ).

Force est de constater que contrairement aux dispositions du contrat de construction, il n'est pas démontré, notamment par la signature d'un avenant, l'accord du maître de l'ouvrage pour la réalisation de ces travaux supplémentaires.

La demande présentée à ce titre par Maître [V], ès qualités, sera donc rejetée.

Sur les intérêts moratoires :

La société BECI sollicite à ce titre une somme de 98 198,68 €, selon décompte des intérêts moratoires arrêtés au 23 octobre 2014, faisant valoir que tout retard de paiement sur situation entraîne l'application du taux REFI majoré de 7 %.

En l'espèce, outre qu'il n'est pas démontré que les travaux supplémentaires faisant l'objet de la facture du 26 septembre 2006 d'un montant de 8 318,18 € TTC visée dans le décompte versé aux débats ait été accepté par le maître de l'ouvrage, force est de constater que la société BECI a manqué à ses obligations contractuelles, tant au titre de la réalisation des travaux que des délais convenus pour réaliser ces derniers.

Dans ces conditions, elle sera déboutée de sa demande au titre des intérêts moratoires.

Sur les comptes entre les parties :

Compte tenu du rapport d'expertise et des montants retenus au titre de la non conformité, des autres désordres et du retard de livraison, il convient de retenir le décompte suivant :

* marché de base et avenant : 1 016 047,50 €

* acomptes versés : 901 027,31 € ( soit un solde de travaux à hauteur de 115 020,13 € )

* travaux de mise en conformité des panneaux : 811 899,20 €

* travaux complémentaires de reprise des autres désordres : 66 609,12 €

* pénalités de retard : 8 525,52 €

Par ailleurs, la compensation judiciaire entre les dettes respectives et connexes des parties peut être ordonnée en l'espèce, les sociétés BS et FIBIE ayant déclaré leurs créances au passif de la liquidation judiciaire de la société BECI pour un montant de 1 137 256,70 €, les créances déclarées, qui résultent du chiffrage effectué par l'expert judiciaire, étant certaines, étant relevé en outre que la créance au titre des travaux de reprise autre que la mise en conformité à hauteur de 66 609,12 € HT n'est pas contestée.

Enfin, le transfert des droits de la société BS à la société FIBIE par l'effet de la vente étant contesté par la société BECI et Axa, chacune des deux sociétés a déclaré sa créance pour le montant de 1 137 256,70 €.

Par conséquent, après compensation, il convient, au titre des travaux de mise en conformité, de reprise et des pénalités de retard, de fixer la créance de la société FIBIE au passif de la liquidation judiciaire de la société BECI à la somme de 772 013,51 € HT, indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction, avec intérêt au taux légal à compter du 4 août 2009, date de l'assignation et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Sur les préjudices liés aux travaux :

La société FIBIE expose que le remplacement des panneaux de façade va rendre obligatoire le déménagement temporaire des locataires, ce qui va entraîner pour elle une perte de loyers pendant la durée du déménagement qu'elle évalue à un an, sollicitant à ce titre une somme de 161 280 €.

Par ailleurs, elle soutient que le déplacement des locataires va entraîner pour ces derniers un certain nombre de préjudices ( incidence fiscale, frais de déménagement, préjudice d'exploitation, surcoût de loyer... ) et sollicite la désignation d'un expert pour évaluer ces derniers.

D'une part, la société FIBIE verse aux débats un bail professionnel conclu avec la SCM JSA mentionnant un loyer annuel de 36 000 € HT et un bail conclu avec la Scp [N]-Matzke mentionnant un loyer annuel de 98 400 € HT, soit un montant total de 134 400 € HT, soit 161 280 € TTC.

La durée d'un an estimée par la société FIBIE des travaux de reprise et du déménagement en résultant n'étant pas contestée, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société BECI la somme de 161 280 € TTC au titre de la perte de loyers.

En revanche, la société FIBIE ne peut se prévaloir de l'existence de préjudices qui ne lui sont pas personnels et qui seraient subis par des locataires qui ne sont pas dans la cause.

Par conséquent, sa demande d'expertise sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie conservatoire fautive :

La société BS fait valoir qu'elle a été privée depuis le 3 janvier 2007 d'une somme de 37 703,79 € ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire intempestive de la part de la société BECI et sollicite en réparation de son préjudice une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

En l'espèce, force est de constater que la cour ne dispose d'aucun élément pour apprécier le bien fondé ou non de la saisie conservatoire litigieuse, étant relevé que comme le souligne Maître [V], il appartenait à la société BS de faire valoir son préjudice devant le juge de l'exécution dans le cadre de la procédure ayant abouti à la main-levée de la saisie.

La demande présentée à ce titre sera donc rejetée.

Sur les demandes présentées à l'encontre de la Sa Axa France Iard :

Sur la garantie d'Axa France Iard :

Il résulte des dispositions de l'article A 243-1 Annexe II du code des assurances que l'assureur, au titre de ses obligations en cas de sinistre, est tenu de communiquer à son assuré le rapport préliminaire de son expert dans un délai maximum de 60 jours courant à compter de la réception de la déclaration de sinistre.

Faute pour l'assureur de respecter ce délai, et sur simple notification faite à l'assureur, les garanties du contrat jouent pour ce qui concerne le sinistre déclaré, et l'assuré est autorisé à engager les dépenses correspondant à l'exécution des mesures conservatoires nécessaires à la non aggravation des dommages, dans la limite de l'estimation portée dans le rapport préliminaire de l'expert.

Si, dans le même délai, l'assuré n'a pu avoir connaissance du rapport préliminaire, il est autorisé de la même manière à engager les dépenses en cause dans la limite de l'estimation qu'il a pu en faire lui-même.

En l'espèce, il convient d'une part de constater que la Sa Axa ne justifie pas avoir préalablement communiqué à son assurée le rapport préliminaire par lettre recommandée avec accusé de réception, la simple mention de cette communication dans un courrier adressé le 3 août 2009 à la société BS ne suffisant pas à justifier de l'envoi et de la réception du rapport préliminaire par cette dernière, l'assureur ne pouvant enfin se prévaloir de l'arrêté du 19 novembre 2009 alors que la déclaration de sinistre du 9 juin 2009 est intervenue avant l'entrée en vigueur de cet arrêté.

Il y a lieu également de relever que les deux déclarations de sinistre versées aux débats ne sont pas rédigées en des termes strictement identiques comme le soutient Axa, la déclaration du 9 juin 2009 faisant état au titre des désordres de la réalisation de travaux en Siporex au lieu de béton lourd alors que la déclaration effectuée le 14 février 2012 mentionne l'existence de fissures importantes affectant les bâtiments construits avec des panneaux d'épaisseur 20 cm.

En tout état de cause, il est constant que l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans le délai légal à toute déclaration de sinistre.

Par conséquent, la violation par la Sa Axa France Iard, prise en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, de ses obligations découlant de l'article A 243-1 Annexe II l'expose à la mise en oeuvre de la garantie automatique, sans la faculté de discuter de la nature des désordres déclarés, étant précisé que l'assureur n'est tenu de garantir que les seuls dommages matériels déclarés.

D'autre part, la Sa Axa conteste le chiffrage des travaux nécessaires à la reprise des désordres déclarés le 9 juin 2009 effectué par l'expert judiciaire, faisant valoir que les opérations d'expertise n'ont pas été déclarées communes à l'assureur dommages-ouvrage et ne lui sont donc pas opposables.

Il est constant qu'un rapport d'expertise judiciaire est opposable à un tiers si ce rapport a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, et dans un second temps, s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le rapport d'expertise de Monsieur [R] a bien été versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties.

D'autre part, l'estimation des travaux pour ' la réalisation de murs d'enveloppes en béton et travaux induits ' résulte d'un rapport de Monsieur [P] [I], économiste de la construction, rien ne démontrant que ce rapport, déposé le 14 novembre 2008 et annexé au rapport d'expertise, n'ait pas été porté à la connaissance de l'assureur.

En tout état de cause, le chiffrage des travaux ne résulte pas exclusivement du rapport d'expertise judiciaire mais également du rapport de Monsieur [I] qui y est annexé.

Par conséquent, l'expertise judiciaire est bien opposable à la Sa Axa.

L'assureur dommages-ouvrage n'étant tenu de garantir que les seuls dommages matériels déclarés, la Sa Axa France Iard sera condamnée à payer à la société FIBIE la somme de 811 899,20 € HT au titre des travaux de mise en conformité des panneaux de façade et la somme de 66 609,12 € au titre des travaux à effectuer en complément de cette mise en conformité, soit une somme totale de 878 508,32 € HT qui sera indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction.

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, les intérêts moratoires courent à compter de la sommation de payer ou d'un acte équivalent.

Il en résulte qu'en l'espèce, la réparation intégrale des dommages doit être augmentée des intérêts au double du taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société FIBIE le 21 décembre 2010 dans laquelle cette dernière sollicite pour la première fois l'application de la sanction énoncée par l'article L 242-1 du code des assurances pour inobservation des formes et délais d'instruction de la déclaration de sinistre.

Enfin, les dispositions de l'article 1154 ancien s'appliquent sans distinction aux intérêts moratoires, ce qui inclut le doublement des intérêts prévue par l'article L 242-1 du code des assurances.

Par conséquent, il sera ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.

Sur les dommages immatériels :

Il est constant que l'article L 242-1 fixe limitativement les sanctions applicables aux manquements de l'assureur dommages-ouvrage à ses obligations, la sanction de l'inobservation des formes et délai d'instruction de la déclaration de sinistre ne s'étendant pas à la garantie des dommages immatériels.

La société FIBIE soutient cependant que les dommages immatériels sont garantis par le contrat.

En l'espèce, il résulte des conditions particulières de l'assurances dommages-ouvrage souscrite le 24 juillet 2006 par la société BS auprès d'Axa France Iard que les dommages immatériels après réception sont couverts ( article 4.3 des C.G ).

La Sa Axa France Iard sera donc condamnée à payer à la société FIBIE la somme de 161 280 € au titre de la perte de loyers subie pendant la durée des travaux de reprise.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Sci Fibie,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Retient la non conformité contractuelle des panneaux de façade de l'immeuble,

Déboute Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BECI, de ses demandes au titre de la dalle portée, des autres travaux supplémentaires et des intérêts moratoires,

Fixe, après compensation, au titre des travaux de mise en conformité, de reprise et des pénalités de retard, la créance de la société FIBIE au passif de la liquidation judiciaire de la société BECI à la somme de 772 013,51 € HT, indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction, avec intérêt au taux légal à compter du 4 août 2009, date de l'assignation et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société BECI la somme de 161 280 € TTC au titre de la perte de loyers subie par la Sci FIBIE pendant la durée des travaux,

Déboute la Sci FIBIE de sa demande d'expertise comptable,

Déboute la Sci BS de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la Sa Axa France Iard à payer à la société FIBIE la somme de 811 899,20 € HT au titre des travaux de mise en conformité des panneaux de façade et la somme de 66 609,12 € HT au titre des travaux à effectuer en complément de cette mise en conformité, soit une somme totale de 878 508,32 € HT qui sera indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction,avec intérêts au double du taux légal à compter de l'assignation délivrée par la société FIBIE le 21 décembre 2010 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Condamne la Sa Axa France Iard à payer à la société FIBIE la somme de 161 280 € au titre de la perte de loyers subie par la Sci FIBIE pendant la durée des travaux de reprise,

Fixe au passif de la liquidation de la Sas BECI la créance des sociétés FIBIE et BS au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 6000 €, pour leurs frais engagés en première instance et en appel, et les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Sa Axa France Iard à payer à la Sci FIBIE la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en première instance et en appel,

Condamne la Sa Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/05577
Date de la décision : 29/10/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°15/05577 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;15.05577 ?
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