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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 22 OCTOBRE 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01566 - N° Portalis DBVK-V-B7E-ORY3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 FEVRIER 2020
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE MONTPELLIER
N° RG 18/00222
APPELANT :
Monsieur [X] [Y]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Emmanuelle CARRETERO de la SCP SOLLIER / CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Maître [R] [D]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, Fabrice DURAND ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Anne-Marie HEBRARD, Présidente
M. Thierry CARLIER, Conseiller
M. Fabrice DURAND, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Nadine CAGNOLATI
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Mme Anne-Marie HEBRARD, Présidente, et par Mme Nadine CAGNOLATI, Greffière.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
[T] [S] décédait sans testament le [Date décès 3] 2016 à [Localité 7] où il était hospitalisé depuis le 17 juillet 2016.
Un de ces amis, M. [X] [Y], se manifestait auprès de différentes autorités faisant valoir que [T] [S], qui n'avait plus de famille, avait manifesté sa volonté de le désigner légataire universel mais qu'il n'avait pas eu la possibilité matérielle de rédiger son testament.
Par actes d'huissiers en date du 29 décembre 2017 et du 16 novembre 2018, M. [X] [Y] faisait assigner la SELARL Delpuech-Mourre, notaire ainsi que M. [R] [D], notaire prédécesseur de la SELARL Delpuech-Mourre, aux fins d'engager leur responsabilité professionnelle pour n'avoir pas permis à [T] [S] d'exprimer ses dernières volontés par testament.
Ces deux procédures étaient jointes par ordonnance du 5 mars 2019.
Par jugement contradictoire du 4 février 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :
- reçu la fin de non recevoir opposée par la SELARL Delpuech-Mourre pour défaut d'intérêt à agir ;
- rejeté les fins de non recevoir opposées par M. [D] ;
- débouté M. [Y] de toutes ses demandes ;
- rejeté les demandes reconventionnelles de la SELARL Delpuech-Mourre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamné M. [Y] aux dépens et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] a interjeté appel de ce jugement le 16 mars 2020 en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes contre M. [D] et condamné aux dépens.
Vu l'ordonnance du 12 juin 2020 ayant autorisé M. [Y] à assigner à jour fixe pour l'audience collégiale du 16 septembre 2020 ;
Vu les dernières conclusions de M. [Y] remises au greffe le 16 septembre 2020 ;
Vu les dernières conclusions de M. [D] remises au greffe le 4 septembre 2020 ;
SUR CE :
Sur la fin de non recevoir :
M. [D] soutient que M. [Y] ne justifie pas de la qualité d'héritier et de l'intérêt nécessaire pour former ses demandes.
Il convient toutefois de noter que l'action exercée par M. [Y] ne l'est pas en qualité d'héritier, mais comme tiers non héritier faisant valoir une faute contre un notaire sur le fondement de sa responsabilité civile délictuelle.
M. [Y] fait donc valoir un intérêt légitime à agir au sens des articles 31 et 122 du code de procédure civile et la fin de non recevoir opposée par M. [D] sera donc rejetée.
Sur la responsabilité notariale de M. [D] :
L'article 1240 du code civil dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
S'agissant des notaires, l'article 3 de la loi du 23 ventôse an XI dispose : « Ils sont tenus de prêter leur ministère lorsqu'ils sont requis ».
M. [Y] soutient que [T] [S] aurait demandé à M. [D] de se déplacer sur son lieu d'hospitalisation afin de recevoir ses dernières volontés et rédiger son testament. Il précise que [T] [S], qui n'avait plus de famille, avait pour intention de l'instituer légataire universel par testament.
M. [D] soutient en défense qu'il n'a jamais été contacté par [T] [S] pour rédiger un testament. Il conteste la force probatoire des documents et attestations produites pour démontrer le contraire. Il ajoute qu'il était tenu à un devoir de prudence particulier en présence d'une personne âgée, malade ou affaiblie et potentiellement vulnérable, et qu'en aucun cas il ne peut intervenir ni instrumenter sur demande verbale de tierces personnes non concernées par les actes envisagés.
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a considéré, par une analyse attentive et exhaustive des pièces versées au dossier, que la preuve n'était pas rapportée de ce que [T] [S] aurait vainement sollicité l'intervention de M. [D] pour rédiger son testament.
M. [Y] a versé en procédure d'appel deux nouvelles attestations émanant de ses soeurs [H] et [G] [Y].
La nouvelle attestation du 13 mars 2020 de Mme [H] [Y] modifie substantiellement, et même contredit, le contenu de la première rédigée le 28 août 2017 pour la procédure de première instance. Mme [Y] affirme désormais avoir vu [T] [S] tenter de joindre le notaire. Le lien de parenté et la modification manifeste du témoignage pour tenter de répondre à la motivation du premier juge réduisent fortement la crédibilité de ce moyen de preuve.
Quant à la nouvelle attestation du 2 avril 2020 de Mme [G] [Y], elle a été rédigée selon le même procédé consistant à compléter le contenu d'un premier courrier daté du 3 juillet 2018 en réponse au motifs du jugement. Ce témoignage ne fait état que de considérations très générales sur les relations entretenues entre les parties ; pour l'essentiel elle rapporte simplement des propos prétendument entendus de la bouche de sa s'ur et de son frère.
Ces pièces nouvelles sont insuffisantes pour modifier l'appréciation du premier juge qui sera donc confirmée par la cour en ce que la preuve n'est pas rapportée de ce que le notaire M. [D] aurait été requis par [T] [S] pour rédiger son testament.
En conséquence, aucune faute délictuelle ne peut être reproché à M. [D] et l'action en responsabilité exercée contre lui ne pourra qu'être rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de M. [D] :
Le droit d'ester en justice et d'exercer une voie de recours constituent un droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité à agir. L'exercice de ce droit ne peut à lui seul justifier une condamnation à des dommages-intérêts sauf à démontrer l'existence de circonstances particulières établissant que l'exercice de ce droit a dégénéré en abus.
En l'espèce, le comportement et les agissements de M. [Y] ne permettent pas de matérialiser un abus du droit d'ester en justice, ni un abus du droit d'interjeter appel du jugement rendu.
La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de M. [D] sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme la décision déférée ;
Rejette les autres demandes formées par les parties ;
Condamne M. [X] [Y] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [X] [Y] à verser à M. [R] [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE