PC/JPM
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 22 MAI 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/00323 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M4GW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 SEPTEMBRE 2016
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG F 15/01440
APPELANTE :
SAS LUNDI MATIN
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [O] [L]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 17 Février 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MARS 2020, en audience publique, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Jacques FOURNIE, CONSEILLER
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 22 avril 2020 et prorogé au 22 mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
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FAITS ET PROCEDURE
Madame [O] [L] a été engagée par la sas Lundi Matin par contrat de travail à durée indéterminée du 11 avril 2012 en qualité de technico-commerciale. Toutefois, les parties conviennent du début de la relation de travail dès le 6 février 2012.
Le 9 juillet 2013, la salariée s'est présentée au second tour des élections professionnelles prévu le 25 juillet 2013.
Première demande d'autorisation de licenciement
Par lettre du 22 juillet 2013, l'employeur, reprochant à la salariée une violation des directives données en matière d'utilisation des codes d'accès au système informatique de l'entreprise, l'a convoquée à un entretien préalable, fixé au 1er août 2013, en vue de son licenciement.
La salariée a été mise à pied à titre conservatoire.
Le 25 juillet 2013, la salariée a été élue déléguée du personnel.
Par lettre non datée mais présentée à la Direccte de l'Hérault le 8 août 2013, l'employeur a sollicité l'autorisation de licencier pour faute grave la salariée protégée.
Par décision du 2 septembre 2013, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier et, sur le recours hiérarchique exercé par l'employeur, le ministre du travail, par décision du 20 janvier 2014, a confirmé ce refus.
Seconde demande d'autorisation de licenciement
Par lettre du 11 septembre 2013, l'employeur, reprochant à la salariée une violation de la charte informatique de l'entreprise, l'a convoquée à un entretien préalable, fixé au 18 septembre 2013, en vue de son licenciement.
Par lettre présentée à la Direccte de l'Hérault le 24 septembre 2013,l'employeur a sollicité l'autorisation de licencier la salariée protégée.
Par décision du 25 octobre 2013, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier.
Troisième demande d'autorisation de licenciement
Par lettre du 26 décembre 2013, l'employeur, reprochant à la salariée de s'être abstenue durant les périodes d'absence de la direction de réaliser les tâches contractuellement fixées, l'a convoquée à un entretien préalable, fixé au 8 janvier 2014, en vue de son licenciement.
Par lettre du 13 janvier 2014 présentée à la Direccte de l'Hérault le 17 janvier 2014l'employeur a sollicité l'autorisation de licencier la salariée protégée.
Par décision du 13 mars 2014, l'inspectrice du travail a refusé l'autorisation de licencier.
Procédure judiciaire administrative
Sur recours de l'employeur, le tribunal administratif de Montpellier, par jugement du 29 septembre 2015, a rejeté la requête en annulation des décisions de l'inspectrice du travail du 2 septembre 2013 et du ministre du travail du 20 janvier 2014 ainsi que la requête en annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 13 mars 2014.
Sur recours de l'employeur, la cour administrative d'appel de Marseille, par arrêt du 30 mars 2017, a annulé les décisions de l'inspectrice du travail du 2 septembre 2013 et du Ministre du travail du 20 janvier 2014, a réformé le jugement du 29 septembre 2015 en ce qu'il était contraire à l'arrêt et a rejeté la requête en annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 13 mars 2014.
Saisine du conseil de prud'hommes de Montpellier
Par requête déposée le 23 décembre 2013, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes de nature indemnitaire et salariale.
En cours d'instance, par lettre du 1er avril 2014, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Par jugement du 23 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Montpellier a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif.
Par jugement du 30 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Montpellier, devant lequel l'affaire avait été réinscrite, a:
- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par l'employeur dans l'attente de l'issue de la procédure devant la cour administrative d'appel et de sa plainte pénale;
- dit que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de 147,40€ au titre du rappel de salaire, 10000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, 5000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 871,89€ au titre de l'indemnité de licenciement, 3736,70€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 373,67€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 949,74€ au titre des congés payés, 950€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté les parties de leurs autres demandes et laissé les dépens à la charge de l'employeur.
C'est le jugement dont la snc Lundi Matin a régulièrement interjeté appel.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La sas Lundi Matin, dans ses conclusions régulièrement déposées au RPVA le 1er février 2017, demande à la cour de:
- réformer le jugement attaqué concernant les dispositions relatives aux condamnations prononcées contre elle, statuer à nouveau sur ces points;
- in limine litis, surseoir à statuer dans l'attente de la procédure administrative et pénale en cours;
- constater et confirmer l'absence de toute discrimination syndicale;
- dire que la société Lundi Matin n'a commis aucun manquement grave justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame [L];
- en conséquence, dire que la prise d'acte du 1er avril 2014 doit produire les effets d'une démission;
- débouter Madame [L] de toutes ses prétentions;
- condamner Madame [L] à lui payer la somme de 3736€ à titre de dommages et intérêts pour le non respect du préavis et la somme de 2700€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [O] [L], dans ses conclusions régulièrement déposées au RPVA le 13 février 2020, demande à la cour de :
- sur le sursis à statuer, constater que l'issue de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n'a aucune incidence sur la présente procédure d'appel, que le parquet n'a donné aucune suite à la procédure pénale fallacieusement initiée par la société Lundi Matin et débouter cette dernière de sa demande de sursis à statuer;
- sur le fond, la recevoir en son appel cantonné et le dire bien fondé, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit fondée la prise d'acte et requalifier la prise d'acte en un licenciement nul (page 19 de ses conclusions) , a condamné la société Lundi Mation à lui payer des sommes au titre du rappel de salaire, de l'indemnité de licenciement, du préavis et congés payés sur préavis, des congés payés et de l'article 700 du code de procédure civile, réformer le jugement sur le quantum de l'indemnité pour licenciement illicite et sur le quantum de l'indemnité pour préjudice moral, statuer à nouveau sur ces points et condamner la société Lundi Matin à lui payer la somme de 19000€ à titre d'indemnité pour licenciement illicite et la somme de 5000€ à titre d'indemnité pour préjudice moral, réformer le jugement pour le surplus, constater qu'alors qu'elle était déléguée du personnel elle a pris acte de la rupture aux torts de l'employeur, constater que le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence dire qu'elle a subi une violation de son statut protecteur et condamner à ce titre la société Lundi Matin à lui payer la somme de 86233,75€ en net, en tout état de cause, rappeler que l'intérêt au taux légal s'applique à la date de la saisine concernant les condamnations salariales et à la date du jugement pour les condamnations indemnitaires, condamner la société Lundi Mation à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Pour plus ample exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2020.
SUR CE
I - Sur la demande de sursis à statuer
En premier lieu, l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 5] a été rendu le 30 mars 2017 et la société Lundi Matin ne justifie pas avoir formé un pourvoi contre cet arrêt en sorte qu'il ne peut pas être soutenu qu'il conviendrait d'attendre l'issue de cette procédure administrative.
En second lieu, si la société Lundi Matin justifie avoir, le 2 décembre 2015, déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction du tribunal de Montpellier des chefs d'entrée ou maintien irrégulier dans un système informatique et abus de confiance contre X pouvant être, entre autres auteurs ou complices, Madame [O] [L] ainsi que l'avis d'ordonnance rendue le 3 mars 2016 par le juge d'instruction fixant une consignation à la charge de la société plaignante et la photocopie d'un chèque bancaire destiné à la régie de ce tribunal pour un montant égal à celui fixé pour la consignation, pour autant la société Lundi Matin ne produit aucun justificatif de ce que sa plainte aurait été déclarée recevable et qu'une information judiciaire aurait été ouverte pour les faits dénoncés ni même et à supposer cette information ouverte, le moindre justificatif que cette dernière serait toujours en cours, la société Lundi Matin ne démontrant même pas avoir interrogé le juge d'instruction sur l'issue de la procédure pénale. En conséquence, faute d'établir plus de quatre ans après sa plainte qu'une procédure pénale serait en cours, la société Lundi Matin ne saurait s'en prévaloir pour obtenir un sursis à statuer.
Pour les motifs qui précèdent, la demande de sursis à statuer sera rejetée.
II - Sur la prise d'acte de la rupture
La salariée ayant notifié à l'employeur par lettre du 1er avril 2014 la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, sa demande de résiliation judiciaire présentée le 23 décembre 2013 devient sans objet. Toutefois, le juge doit examiner aussi bien les faits invoqués à l'appui de cette demande que ceux invoqués au soutien de la prise d'acte.
Madame [L] invoque en justice une diminution injustifiée de sa rémunération, une privation injuste de 11 jours de congés payés et une multiplication 'd'actes malveillants' de la part de l'employeur.
A - Sur les salaires
Madame [L] fait valoir que l'employeur avait baissé sa rémunération contractuelle en novembre et décembre 2012 ainsi qu'en avril et juin 2013 et que malgré sa réclamation écrite du 25 septembre 2013, aucune régularisation n'était intervenue.
Au soutien de son appel principal, la société Lundi Matin réplique qu'il s'agissait d'une simple erreur isolée d'appréciation de sa part résultant d'une augmentation des charges sociales qui n'aurait pas dû être appliquée à la salariée.
Il y a lieu de constater que l'employeur reconnaît avoir répercuté sur la rémunération de sa salariée une augmentation des charges sociales ce qui avait eu pour effet de réduire le montant net de la rémunération contractuellement garanti à la salariée.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Lundi Matin à payer la somme de 147,40€ au titre du rappel de salaire et celle de 14,74€ au titre des congés payés afférents.
Pour autant et comme le soutient la société Lundi Matin, un tel manquement de sa part n' a pas présenté un caractère de gravité suffisant pour justifier à lui seul la prise d'acte de la rupture et en tout état de cause il n'a jamais empêché le contrat de travail de se poursuivre.
B - Sur les congés payés
Madame [L] fait valoir qu'à la suite du refus du 2 septembre 2013 de l'inspectrice du travail d'autoriser son licenciement, la société Lundi Matin, au lieu de lui payer le salaire injustement retenu pendant la période de mise à pied conservatoire, lui avait déduit 11 jours de congés payés.
Au soutien de son appel principal, la société Lundi Matin réplique que bien avant la mise à pied du 22 juillet 2013, elle avait validé la période de congés payés souhaitée par la salariée à savoir du 29 juillet 2013 au 18 août 2013, qu'à la suite de l'annulation de la mise à pied, elle avait appliqué à la salariée ce qui avait été antérieurement prévu à savoir: rémunération classique du 22 au 28 juillet 2013, congés payés du 29 juillet 2013 au 18 août 2013 et rémunération classique au-delà, que la salariée n'avait ainsi subi aucun préjudice, qu'un tel grief ne peut justifier une prise d'acte et n'avait pas empêché la poursuite de la relation de travail.
Comme l'avaient déjà relevé les premiers juges, la société Lundi Matin ne justifie par aucune de ses pièces qu'antérieurement à la notification de la mise à pied conservatoire de la salariée , celle-ci aurait présenté une demande de congés payés et que l'employeur lui aurait notifié qu'elle serait en congés payés du 29 juillet 2013 au 18 août 2013. Il s'en suit que la mise à pied conservatoire ayant été annulée par l'effet du refus de l'inspectrice du travail du 2 septembre 2013, la société Lundi Matin aurait dû payer le salaire pour la période de mise en pied annulée. En agissant comme elle l'a fait, la société Lundi Matin a commis une faute laquelle toutefois et compte tenu des circonstances de fait, ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour justifier une prise d'acte et ce d'autant moins que cette dernière a été notifiée plusieurs mois après le constat fait par la salariée de l'imputation sur son compteur de congés payés.
C'est à tort en revanche que la société Lundi Matin soutient qu'en la condamnant à payer la somme de 949,74€ au titre des congés payés, le conseil de prud'hommes l'aurait condamnée à payer deux fois la même cause. En effet, l'employeur ne pouvait pas déduire des jours de congés payés non pris par la salariée alors que l'absence de celle-ci résultait du seul choix de l'employeur de la mettre à pied à titre conservatoire.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
C- Sur la volonté de nuire de l'employeur
Madame [L] impute à la société Lundi Matin à compter de sa candidature aux élections des délégués du personnel de juillet 2013 une série d'agissements qu'elle qualifie dans ses écritures 'd'actes malveillants' : mise à pied conservatoire, trois procédures de licenciement, deux procédures devant les juridictions administratives, un dépôt de plainte au pénal, la mise en place de mesures de sécurité spécifiquement à son encontre, la privation du congé formation, la privation des moyens pour exercer ses fonctions de déléguée du personnel et la mie en oeuvre d' un contrôle médical la concernant.
Pour faire échec aux accusations portées contre elle et obtenir la réformation du jugement, la société Lundi Matin fait valoir au soutien de son appel que:
- la dégradation des relations de travail ne datait pas de juillet 2013 puisque la salariée elle-même faisait état d'une baisse de rémunération dès le mois de novembre 2012; par courrier du 2 novembre 2012, l'employeur avait dû la mettre en demeure de justifier son absence du 17 octobre 2012; le 4 avril 2013, la salariée avait fait preuve au cours d'un échange de mails d'un manque d'investissement; ainsi au vu de tous ces éléments, la salariée ne pouvait pas invoquer que les mauvaises relations auraient débuté en juillet 2013;
- il n'existait aucune concomitance entre la candidature de la salariée aux élections de juillet 2013 et le déclenchement de la procédure de licenciement; la société avait eu connaissance le 18 juillet 2013 des faits afférents aux codes d'accès informatique alors que la salariée connaissait le caractère hautement confidentiel des données contenues dans le système informatique de l'entreprise; la procédure de licenciement et la mise à pied n'ont eu aucun impact sur la candidature et le droit de vote de la salariée ce dont cette dernière avait été informée par mail de l'employeur du 23 juillet 2013;
- la salariée avait toujours bénéficié des moyens nécessaires à l'exercice de son mandat;
- pour le surplus des griefs faits à l'employeur, ceux en matière de réduction de salaire et de retrait illicite de 11 jours de congés payés n'étaient pas fondés comme déjà exposé; la société avait le droit de diligenter un contrôle durant l'arrêt maladie ayant débuté le 13 janvier 2014 dès lors qu'elle assurait un maintien du salaire; le contrôle n'avait pas eu lieu dès l'arrêt de travail mais le 3 février 2014; la société avait exercé son droit de refuser le congé de formation dès lors que les jours sollicités par la salariée ( 6,7et 8 novembre 2013) correspondaient à la période d'absence du président de la société en déplacement à l'étranger et que l'équipe commerciale était réduite à 3 personnes dont le président; s'agissant des mesures de sécurité renforcées prises par l'employeur à l'encontre de la salariée (restitution des clés d'accès au lieu du travail et accès restreint au système informatique), même si le licenciement n' a finalement pas été autorisé il n'en demeure pas moins qu'une enquête pénale était en cours à cette époque pour des faits d'accès frauduleux à un système informatique et que la salariée était personnellement visée en sorte qu'il était légitime pour l'employeur de prendre des mesures de sécurité renforcées; au demeurant, la salariée avait continué à bénéficier des moyens d'exercer son mandat comme l'employeur lui avait indiqué dans un mail du 6 septembre 2013;
- les fautes commises par Madame [L] justifiaient la première et la seconde procédure disciplinaire en ce qu'elle avait violé la confidentialité des codes d'accès personnels ainsi que la troisième procédure de licenciement en ce qu'elle s'était montrée inactive dans ses fonctions;
- les différents refus de l'inspection du travail d'autoriser le licenciement étaient contestables et avaient été contestés en ce que le ministre du travail avait retenu le doute au profit de la salariée, que le tribunal administratif avait retenu l'absence de déclaration à la CNIL alors que la liste des devis n'avait pas à être déclaré et que le relevé téléphonique avait bien été déclaré.
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1 - S'agissant des griefs tirés d'une modification de la rémunération contractuelle, les circonstances sus-évoquées dans lesquelles ces faits ont été commis procèdent plus d'une erreur d'appréciation, certes fautive de la part de l'employeur, mais ne présentant pas le caractère de gravité invoqué par la salariée et ne révélant pas, contrairement à ce que cette dernière soutient, une volonté délibérée de nuire. Ces faits sont d'autant moins en lien avec l'appartenance syndicale ou le mandat électif de la salariée qu'ils sont antérieurs à la déclaration de candidature de Madame [L].
2 - S'agissant du grief tiré de la privation des moyens permettant à Madame [L] d'exercer son mandat de déléguée du personnel, en l'espèce selon elle 'ni local, ni bureau, ni ligne téléphonique', il ne repose essentiellement que sur le témoignage d'un technico-commercial, Monsieur [E], lequel se borne dans des termes très généraux à rapporter 'la difficulté rencontrée par Madame [L] à obtenir le matériel nécessaire au bon accomplissement de sa mission de déléguée du personnel et l'impossibilité qu'elle a de contacter et discuter avec les autres salariés durant les heures de travail. Madame [L] a été contrainte à des changements réguliers de bureau sans que cela ne réponde à aucune contrainte de place disponible...' Ce témoignage n'est corroboré par aucun élément matériel présenté par Madame [L].
En revanche, la société Lundi Matin justifie par ses pièces (décharge du 17 septembre 2013 dans laquelle la salariée reconnaissait l'affectation d'une adresse mail spécifique à son mandat ainsi que d'un numéro de téléphone personnel, témoignage du développeur web qui n'avait jamais procédé à la coupure de la ligne professionnelle de la salariée ni reçu de consignes en ce sens, courrier de la salariée du 7 octobre 2013 dans lequel elle reconnaissait le changement de la salle affectée aux délégués du personnel ainsi que la mise en place des panneaux d'affichage réservés, le témoignage d'un délégué du personnel sur le bon déroulement de son mandat au sein de la société depuis son élection du 25 juillet 2013) des moyens matériels mis à la disposition de Madame [L] pour l'exercice de son mandat.
3 - La restriction de l'accès au système informatique de l'entreprise se rattache en réalité non au grief de l'absence des moyens nécessaires à l'exercice du mandat mais plus directement au grief tiré de l'engagement de procédures infondées de licenciement, grief qui sera évoqué plus loin.
4 - S'agissant du grief tiré du défaut d'autorisation d'un congé de formation de trois jours début novembre 2013, le motif de sous-effectif du service commercial pendant cette période tel qu'invoqué par l'employeur dans sa décision de refus du 7 octobre 2013 et non remis en cause par le moindre élément matériel, constitue un motif objectif étranger à toute appartenance syndicale ou exercice d'un mandat électif et ne caractérise aucun abus de l'employeur.
5 - S'agissant du grief tiré du contrôle médical, il est constant que la salariée avait bénéficié d'un arrêt de travail du 13 janvier 2014 au 12 février 2014 et qu'à la demande de l'employeur la salariée avait été convoquée par lettre du 27 janvier 2014 à un contrôle médical lequel avait eu lieu le 3 février 2014 et avait conclu à la justification médicale de l'arrêt de travail. Si le contexte dégradé des relations de travail amène à s'interroger objectivement sur les réelles motivations de l'employeur, pour autant la cour ne trouve pas dans les pièces soumises à son appréciation la démonstration d'un abus de droit de l'employeur lequel invoque sans être contredit avoir assuré le maintien du salaire pendant la période de l'arrêt de travail ce qui pouvait constituer un motif suffisant à sa demande de contrôle.
6 - S'agissant des mesures disciplinaires prises par la société Lundi Matin, il est constant que l'employeur a initié entre le 22 juillet 2013 et le 26 décembre 2013 trois procédures de licenciement dont la première a été accompagnée d'une mise à pied conservatoire.
Ces procédures ont fait l'objet de trois demandes d'autorisation de licenciement.
Si la première décision de refus prise le 2 septembre 2013 par l'inspectrice du travail et la décision subséquente prise par le ministre du travail le 20 janvier 2014 confirmant ce refus ont été ensuite annulées par l'arrêt du 30 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille, il n'en demeure pas moins, au vu des pièces produites, que la décision de refus prise par l'inspectrice du travail le 25 octobre 2013 n'a fait l'objet d'aucun recours -à tout le moins il n'est justifié d'aucun recours effectif- et que la requête en annulation de la décision de refus prise par l'inspectrice du travail le 13 mars 2014 a été rejetée par l'arrêt du 30 mars 2017.
Au vu des éléments de fait recueillis par l'inspectrice du travail tels qu'ils ont été exposés dans ses décisions de refus des 25 octobre 2013 et 13 mars 2014 devenues définitives, les motifs qui ont été le soutien nécessaire à ces décisions de refus sont les suivants:
- les faits imputés à la salariée d'avoir volontairement transmis ses codes d'accès aux commerciaux et ceux d'avoir contrevenu volontairement à la charte informatique de l'entreprise (faits visés au soutien de la demande d'autorisation de licenciement du 24 septembre 2015 laquelle reprend tout ou partie des faits visés dans la décision de refus du 2 septembre 2013 qui sera annulée ) non seulement n'avaient pas été matériellement établis par l'employeur mais en outre celui-ci avait invoqué des témoignages qu'il savait manifestement non probants, il n'ignorait pas que pendant l'absence de Madame [L] son poste informatique avait été utilisé par d'autres commerciaux de l'entreprise qui utilisaient la messagerie de celle-ci, la politique de confidentialité invoquée par la société Lundi Matin contre Madame [L] avait été en réalité mise en place très tardivement par l'employeur lequel avait même donné des instructions en matière de stockage des mots de passe qui étaient contraires à sa propre charte informatique, le refus par la salariée de répondre à un questionnaire en matière de sécurité informatique reposait sur des éléments sérieux l'autorisant à craindre, compte tenu du contexte de menaces de licenciement, que ce questionnaire puisse être ensuite utilisé à son encontre;
- les faits imputés à la salariée de ne pas avoir volontairement exécuté des tâches professionnelles correspondant à son contrat de travail sur la période de novembre et décembre 2013 (faits visés au soutien de la demande d'autorisation de licenciement du 17 janvier 2014) s'ils reposaient sur le constat d'une baisse significative du nombre de devis réalisés, de la durée des appels téléphoniques et du nombre de courriels, étaient néanmoins étayés par des listings informatiques inopposables à la salariée car issus d'un traitement d'informations nominatives n'ayant pas fait l'objet de déclaration à la CNIL ou ayant été retranscrits contrairement aux préconisations de la CNIL et, en tout état de cause, le caractère volontairement fautif de ces faits n'étaient pas autrement établis.
Ainsi, au vu de ces décisions de l'administration, le juge judiciaire ne peut que constater que l'employeur avait sciemment déclenché des procédures de licenciement sur la base de faits non avérés et de preuves inopposables à la salariée. Contrairement à ce que tente de faire juger la société Lundi Matin, la réalité des fautes imputées à sa salariée n'est pas davantage démontrée devant la cour.
A cette absence de démonstration des fautes imputées à la salariée s'ajoute aussi le constat fait par la cour d'une part de l'absence de reproche adressé à la salariée avant le 9 juillet 2013 date l'annonce de sa candidature aux élections des délégués du personnel et d'autre part d'une multiplication après cette annonce et plus encore après l'élection du 25 juillet 2013 de trois procédures de licenciement pour des faits qui se révéleront non avérés ou ne présentant pas un caractère fautif et dont une partie au moins était déjà connue de l'employeur dès mars 2013 sans réaction de sa part à l'époque. La concomitance des dates permet ainsi de retenir, comme l'avait d'ailleurs expressément relevé l'inspectrice du travail dans sa décision du 25 octobre 2013, un lien suffisant entre les poursuites disciplinaires et le mandat de la salariée.
Il s'en suit que le comportement de l'employeur, dont les effets sur l'état de santé de la salariée se faisaient encore sentir au mois de février 2014 date à laquelle elle avait bénéficié d'un arrêt de travail médicalement justifié, constituait un manquement fautif d'une gravité certaine et empêchant la relation de travail de se poursuivre en sorte que la prise d'acte de la rupture notifiée à l'employeur par lettre du 1er avril 2014 doit produire les effets d'un licenciement nul. Le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réformé sur ce point.
Le comportement fautif de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail a causé un préjudice moral à la salariée que la cour indemnisera par l'allocation d'une somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé sur ce point.
III - Sur les conséquences indemnitaires du licenciement nul
Madame [L] a droit au titre de la rupture de son contrat de travail à:
- une indemnité pour violation du statut protecteur de délégué du personnel d'un montant égal à la rémunération qu'elle aurait perçue entre la date de la rupture et le terme de la période de protection étant toutefois rappelé que le montant de cette indemnité est plafonné à deux ans augmenté de six mois. C'est donc à tort que Madame [L] sollicite la condamnation de la société Lundi Matin à lui payer une indemnité de ce chef égale à 45 mois de salaire. Le montant du salaire mensuel brut moyen revendiqué et non contesté s'élève à la somme de 1868,35€ soit une indemnité due pour la violation du statut protecteur de 56050,50€ en brut. Si cette indemnité a un caractère forfaitaire, en revanche pôle-emploi ayant la faculté de demander à la salariée le remboursement des indemnités chômage perçues par cette dernière pendant la période, il y a lieu de dire qu'une copie du présent arrêt sera transmis à pôle-emploi par les soins du greffe de cette cour; le jugement sera réformé sur ce point;
- des dommages et intérêts pour licenciement nul d'un montant au moins égal à six mois de salaire. Au jour de la rupture, la salariée comptait une ancienneté de plus de deux ans. Elle est née en 1980. Elle justifie avoir été employée du 1er juillet 2014 au 15 juillet 2014 comme conseillère commerciale puis du 3 novembre 2014 au 31 mars 2015, du 13 octobre 2015 au 22 janvier 2016 et du 25 janvier 2016 au 24 juillet 2016 comme chargée de clientèle , avoir bénéficié des indemnités chômage en mars 2018 pour une période de 31 jours et enfin être titulaire depuis le 9 juillet 2018 d'un contrat de travail à durée indéterminée avec La Poste comme chargée de clientèle pour un salaire non précisé puisque la photocopie du contrat de travail que son conseil a remise à la cour ne comporte curieusement pas la page 2 fixant la rémunération. En l'état de ces éléments et compte tenu des circonstances de la rupture, la cour allouera la somme de 11210,10€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul; le jugement sera réformé sur ce point;
- une indemnité compensatrice de préavis d'une durée de deux mois soit la somme de 3736,70€ en brut outre les congés payés y afférents pour 373,67€; le jugement sera confirmé sur ces deux points;
- une indemnité de licenciement d'un montant de 871,89€; le jugement sera confirmé sur ce point.
IV - Sur les autres demandes
Il y a lieu de dire que les sommes allouées emporteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale ou à compter de la réception par la société défenderesse de la première demande en justice pour le cas des sommes de nature salariales réclamées ultérieurement et à compter de la condamnation pour les sommes de nature indemnitaire.
Les dispositions du jugement afférentes à la remise des documents sociaux de rupture seront confirmées.
L'équité commande de condamner la société Lundi Matin à payer à Madame [O] [L] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Lundi Matin sera condamnée à payer les dépens de première instance en ce compris le montant du timbre fiscal ainsi que les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Reçoit la sas Lundi Matin en son appel
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 30 septembre 2016 en ce qu'il a qualifié la rupture du contrat de travail, a statué sur le montant des dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail, sur l'indemnité pour violation du statut protecteur et sur les dépens.
Statuant à nouveau sur ces points réformés, dit que la prise d'acte de la rupture du 1er avril 2014 produit les effets d'un licenciement nul, en conséquence condamne la snc Lundi Matin à payer à Madame [O] [L] les sommes de :
- 56050,50€ en brut au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur ;
- 11210,10€ en net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant condamne la sas Lundi Matin à payer à Madame [O] [L]:
- les intérêts au taux légal à compter de la réception par la société défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale ou à compter de la réception par la société défenderesse de la première demande en justice pour le cas des sommes de nature salariale réclamées ultérieurement et à compter de la condamnation pour les sommes de nature indemnitaire;
- la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que la copie du présent arrêt sera adressée par les soins du greffe de cette cour à pôle-emploi.
Condamne la sas Lundi Matin aux entiers dépens de première instance en ce compris le timbre fiscal ainsi que les dépens de première instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT