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05/02/2020 | FRANCE | N°16/03925

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 05 février 2020, 16/03925


MB/GL

































Grosse + copie

délivrée le

à





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère chambre sociale

(anciennement dénommée 4ème A chambre sociale)



ARRET DU 05 FEVRIER 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/03925 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MUUB



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 AVRIL 2016 du CONSEIL DE PRU

D'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F15/409 -



APPELANTE :



SAS RAZEL BECRAZEL BEC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Maître Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIME :



Monsieur [O] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

...

MB/GL

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère chambre sociale

(anciennement dénommée 4ème A chambre sociale)

ARRET DU 05 FEVRIER 2020

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/03925 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MUUB

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 AVRIL 2016 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F15/409 -

APPELANTE :

SAS RAZEL BECRAZEL BEC

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Maître Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME :

Monsieur [O] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Maître Eve BEYNET avocat au barreau de MONTPELLIER

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2019,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Marie BRUNEL

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Le 5 janvier 2004 , M. [J] était embauché par la société BEC Frères, en qualité d'ouvrier.

Le 7 février 2012, les sociétés RAZEL et BEC fusionnaient pour constituer la société RAZEL BECRAZEL BEC.

La Convention Collective des « ouvriers des travaux publics » est applicable.

Par courrier du 7 juin 2012, la société dénonçait des usages, dénonciation à effet au 1er janvier 2013. Toutefois, les usages continuaient à s'appliquer au-delà de cette date et l'employeur procédait à une nouvelle dénonciation des usages en juillet 2013.

Par note d'information intitulée «les déplacements DRS applicables au 1er novembre 2013, la société RAZEL-BEC redéfinissait unilatéralement les règles relatives aux modalités de remboursement des frais liés aux déplacements.

Par courrier du 9 décembre 2013 adressé à la société, le syndicat FO faisait part de « son grand étonnement » à l'égard de cette décision, puis le 12 décembre 2013, le syndicat déposait un premier préavis de grève renouvelé le 9 janvier 2014.

M. [L], délégué syndical d'établissement F.O, alertait la DIRECCTE sur les agissements de la société.

Par courrier du 12 Août 2014, l'employeur s'engageait auprès de la DIRECCTE à examiner le cas des salariés qui « estimeraient avoir des conditions de déplacement dégradées ».

M. [J] a saisi le 19 mars 2015 le Conseil de prud'hommes de Montpellier afin de solliciter diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 5 avril 2016, le Conseil de Prud'hommes a statué ainsi qu'il suit :

« Dit recevables les prétentions du demandeur Mr [O] [J].

Dit que le comportement de l'employeur s'analyse en une exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamne la société RAZEL BECRAZEL BEC à payer à Mr [O] [J] les sommes de :

- 500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 750 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne à la société conformément aux dispositions de l'accord BEC:

- de prendre le domicile du salarié comme point de départ pour le calcul des indemnités de grands déplacements,

- de prendre en considération dans le calcul les kilomètres réellement effectués par le salarié ;

- de dire que l'indemnité de grand déplacement est due dès que le déplacement dépasse 50 kms et que doit être respecté les indemnités intermédiaires telles que précisées par le dit accord.

Dit que la présente décision sera soumise aux intérêts légaux à compter de sa notification ;

Déboute le demandeur du surplus de ses demandes.

Déboute la société RAZEL BECRAZEL BEC de l'ensemble de ses demandes.

Met les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société RAZEL BECRAZEL BEC. »

La société RAZEL BECRAZEL BEC a interjeté appel de ce jugement le 11 mai 2016.

Elle demande à la cour de réformer le jugement, de dire que M. [J] ne justifie pas avoir subi un préjudice et que les modalités de remboursement de frais professionnels que pratiquait la société BEC au titre des déplacements ne présentaient pas un caractère contractuel, de dire régulière la procédure de dénonciation de l'usage relatif aux modalités de remboursement des frais professionnels que pratiquait la société BEC, que l'employeur n'a fait preuve d'aucune déloyauté dans l'exécution du contrat de travail, que la situation de grand déplacement est liée à l'intervention sur un chantier dont l'éloignement interdit de regagner chaque soir le lieu de résidence, et non systématiquement à un éloignement de plus de 50 Km, que la convention collective retient un calcul des distances à vol d'oiseau et non par voie routière.

Elle sollicite le débouté des demandes de la partie adverse et sa condamnation au paiement d'une somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. [J] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les usages n'avaient pas été valablement dénoncés et que la suppression irrégulière des usages constituait une exécution déloyale du contrat de travail, de le réformer sur le montant des dommages-intérêts et de condamner la SAS RAZEL BECRAZEL BEC à lui verser la somme de 25.000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Il demande que soit ordonné à la SAS RAZEL BECRAZEL BEC :

- de prendre en compte le domicile du salarié comme point de départ pour le calcul des indemnités de déplacement.

- de prendre en considération la distance réellement parcourue par le salarié et non les kilomètres à vol d'oiseau,

- de respecter la convention collective en octroyant au salarié une indemnité de [Localité 1] déplacement dès que la distance parcourue est supérieure à 50 km et en supprimant l'indemnité de grand déplacement intermédiaire minorée,

Il sollicite la condamnation de la SAS RAZEL BECRAZEL BEC à lui verser la somme complémentaire de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile, pour l'exposé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions, déposées et soutenues oralement à l'audience du 4 décembre 2019, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer.

MOTIFS

Sur la dénonciation de l'usage

Les engagements unilatéraux et les avantages qui y sont attachés revêtent un caractère obligatoire pour l'employeur, aussi longtemps qu'il ne les a pas valablement dénoncés.

Pour dénoncer régulièrement un engagement unilatéral, l'employeur doit informer les institutions représentatives du personnel, informer individuellement chaque salarié et respecter un délai de prévenance suffisant.

Ces obligations sont cumulatives.

La suppression de l'usage suppose que la dénonciation soit suivie de la cessation effective de son application : lorsqu'un usage dénoncé continue malgré tout à être appliqué, celui-ci demeure en vigueur et l'employeur s'il entend le remettre en cause, doit reprendre la procédure de dénonciation.

En l'absence de dénonciation régulière des avantages prévus par un usage, un engagement unilatéral ou un accord atypique, l'employeur reste tenu de les respecter.

Le contrat de travail ne contient aucune disposition relative à l'indemnisation des frais.

L'employeur convient que «les « anciennes » modalités d'indemnisation des frais de déplacement résultaient d'une simple pratique au sein de la société BEC, constitutive d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur », en l'absence de tout accord collectif sur ce point.

M. [J] fait valoir que depuis leurs embauches, certains salariés dont lui-même, expressément répertoriés au sein d'une liste établie par l'employeur, bénéficiaient d'un avantage particulier puisque le point de départ de l'indemnisation de leurs déplacements était fixé à leur domicile. Il produit cette liste.

Il soutient qu'il s'agissait d'un avantage consenti par la société BEC à 20 % de l'effectif, avantage dérogatoire par rapport aux dispositions de la convention collective applicable qui prévoyait que le point de départ pris en compte pour le calcul des indemnités de déplacement « est fixé au siège social, ou à son agence régionale, ou à son bureau local' ». Il indique que selon cette décision unilatérale de l'employeur appliquée dans l'entreprise BEC antérieurement au 1er novembre 2013, pour les salariés identifiés dans la liste et dont le domicile était éloigné du siège de l'entreprise, le point de départ pris en compte pour le calcul des indemnités de déplacement était fixé à leurs domiciles.

Il indique que par décision unilatérale du 1er novembre 2013 de la société RAZEL BECRAZEL BEC, le point de départ est fixé au lieu de rattachement du salarié (agence, bureau local'). Il affirme que la plupart des chantiers se trouvent à plus de 50 km du domicile des salariés mais à moins de 50 km des Agences de Saint Georges d'Orques et de [Localité 2] et que dès lors les indemnités perçues par les salariés sont inférieures à celles qu'ils percevaient antérieurement à cette décision, puisqu'il s'agit d'indemnités de petits déplacements (IPD) et non d'indemnités de grand déplacement. (IGD).

Il ajoute s'appuyant sur un document BEC « les déplacements » de mai 2011 que :

-avant la décision unilatérale du 1er novembre 2013, l'accord atypique BEC, prévoyait :

1) Le versement d'une indemnité de petit déplacement : « pour les petits déplacements qu'ils (les salariés) effectuent quotidiennement pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir à la fin de la journée de travail ».

2) Le versement d'une indemnité de grand déplacement pour « le salarié qui travaille sur un chantier métropolitain, dont l'éloignement lui interdit ' compte tenu des moyens de transport utilisables de regagner chaque soir le lieu de résidence principale.»

- qu'en ce qui concerne l'indemnité de grand déplacement l'accord distinguait la situation du salarié dont :

- Le domicile principal est situé entre 51 et 120 Km du chantier : indemnité de grand déplacement simple.

- Le domicile principal est situé au-delà de 120 km du chantier : indemnité de grand déplacement majorée.

- que les kilomètres pris en compte, étaient les kilomètres routiers.

- le système des zones circulaires concentriques distantes de 10 Kilomètres mesurés à vol d'oiseau n'était pas retenu par l'entreprise BEC qui pour déterminer le montant de l'IPD tenait compte de la distance réellement parcourue, plus avantageuse pour le salarié.

Il soutient que depuis la décision unilatérale du 1er novembre 2013 de la société, les kilomètres pris en compte sont les kilomètres séparant le domicile et le lieu de travail à vol d'oiseau, que les salariés ayant bénéficié des indemnités de déplacements calculées selon les anciennes modalités BEC auraient dû continuer à percevoir des indemnités en tenant compte de la distance réellement parcourue.

L'employeur ne remet pas en cause la teneur de cet usage, mais fait valoir avoir régulièrement dénoncé celui-ci lors de la réunion du comité central d'entreprise du 10 mai 2012 avec une échéance au mois d'avril 2013 et produit le compte rendu de cette réunion. Il ajoute avoir informé individuellement les salariés concernés, dont M. [J] par courrier du 7 juin 2012.

Il convient toutefois avoir fait le choix de ne pas faire disparaître totalement les anciennes modalités de remboursement des frais qui ont continué à s'appliquer au-delà du 1er avril 2013.

M. [J] conteste avoir été destinataire de la lettre du 7 juin 2012 et il ne peut qu'être constaté que l'employeur ne justifie pas de l'envoi de la lettre dont il produit une copie.

L'employeur justifie avoir procédé à une nouvelle consultation du comité central d'entreprise sur la dénonciation des usages par la production du compte rendu de réunion de cette instance du 27 juin 2013.

Il soutient avoir adressé de nouveaux courriers d'information individuels aux salariés dont M. [J], courriers en date du 19 juillet 2013. Là encore, face à la contestation du salarié, l'employeur ne justifie pas de l'envoi de la lettre dont il produit une copie.

Il en résulte que les dénonciations des usages n'étaient pas régulières à l'égard de M. [J], que l'employeur ne pouvait imposer unilatéralement au salarié une modification du calcul de l'indemnisation de ses indemnités kilométriques sans dénonciation régulière préalable des usages en vigueur : il a ainsi abusé de son pouvoir de direction et a agi de manière déloyale en violation des dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail qui prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

L'employeur devra appliquer les dispositions résultant de l'usage en vigueur antérieurement à novembre 2013 et notamment, prendre en compte le domicile du salarié comme point de départ pour le calcul des indemnités de déplacement et tenir compte du maintien des avantages individuels acquis en prenant en considération la distance réellement parcourue par le salarié et non les kilomètres à vol d'oiseau.

Sur l'application des dispositions conventionnelles

Une décision unilatérale de l'employeur ne peut restreindre les droits que les salariés tiennent des conventions et accords collectifs.

La convention collective des ouvriers des travaux publics prévoit:

1) Le versement d'une indemnité de petit déplacement pour les distances parcourues entre 0 et 50 km à vol d'oiseau (barème SNCF) ou 1 h 30 de trajet en transport en commun.

2) Le versement d'une indemnité de grand déplacement pour les distances parcourues supérieures à 50 km à vol d'oiseau (barème SNCF) ou 1h 30 de trajet en transport en commun.

Pour les grands déplacements, la convention collective ne prévoit pas de distinctions.

M. [J] soutient que la décision unilatérale appliquée au sein de la société RAZEL BECRAZEL BEC donne lieu :

- à une Indemnité de Petit déplacement de 0 à 50 km à vol d'oiseau ou 1h 30 de trajet

- à une Indemnité de [Localité 1] déplacement minorée de 50 à 100 km à vol d'oiseau.

- à une Indemnité de [Localité 1] déplacement au-delà de 100 km à vol d'oiseau

et que cette décision est moins favorable que la convention collective qui ne prévoit qu'une indemnité de [Localité 1] déplacement et aucune indemnité intermédiaire minorée.

L'employeur rétorque qu'il n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles, soutenant qu'il n'existe aucune disposition prévoyant que tout déplacement de plus de 50 km relèverait de la définition du grand déplacement.

L'article 8.3 de la convention collective prévoit : « Il est institué un système de zones circulaires concentriques dont les circonférences sont distantes entre elles de 10 kilomètres mesurés à vol d'oiseau.

Le nombre de zones concentriques est de 5. La première zone est constituée par un cercle de 10 kilomètres de rayon dont le centre est le point de départ des petits déplacements, tel qu'il est défini à l'article 8.4 ci-dessous'.

À chaque zone concentrique correspond une valeur de l'indemnité de frais de transport et une valeur de l'indemnité de trajet, le montant de l'indemnité de repas étant le même pour toutes les zones concentriques.

Les montants des indemnités de petits déplacements auxquels l'ouvrier bénéficiaire a droit sont ceux de la zone dans laquelle se situe le chantier sur lequel il travaille. Au cas où le chantier se trouverait placé sur deux ou plusieurs zones, c'est-à-dire au cas où une ou plusieurs circonférences passeraient à l'intérieur du chantier, la zone qui sera prise en considération sera celle où se situe le lieu de travail de l'ouvrier ou celle qui lui est la plus favorable pour le cas où il travaillerait sur deux zones. »

Son article 8.4 prévoit : « Pour chaque entreprise, le point de départ des petits déplacements, c'est-à-dire le centre des zones concentriques, est fixé à son siège social, ou à son agence régionale, ou à son bureau local si l'agence ou le bureau y est implanté depuis plus de 1 an avant l'ouverture du chantier.

Lorsque l'entreprise ouvre un chantier qui ne se situe plus dans le système des zones concentriques prévu ci-dessus, et sous réserve de l'application des dispositions relatives aux grands déplacements, le point de départ sera fixé en un point géographique, mairie ou hôtel de ville, du chef-lieu du canton sur le territoire duquel se trouve le chantier. »

Ainsi les dispositions conventionnelles prévoient des indemnités de petit déplacement pour les chantiers situés jusqu'à 50 km à vol d'oiseau du point de départ prévu à l'article 8.4 qui n'est pas le domicile du salarié.

L'article 8.10 de la convention définit le grand déplacement : « Est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur son bulletin d'embauche'. »

Son article 8.11 prévoit : « L'indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé.

Le montant de ces dépenses journalières, qui comprennent :

a) Le coût d'un second logement pour l'intéressé ;

b) Les dépenses supplémentaires de nourriture, qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou en cantonnement ;

c) Les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer,

est remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux du logement et de la nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu'il supporte.

Dans le cas où le déplacé, prévenu préalablement qu'il vivra dans un cantonnement, déciderait de se loger ou de se nourrir (ou de se loger et de se nourrir) en dehors dudit cantonnement, une indemnité égale à celle versée aux ouvriers qui y vivent lui sera attribuée. »

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la notion de grand déplacement implique que l'ouvrier travaille sur un chantier dont l'éloignement lui interdit de regagner chaque soir le lieu de résidence. Cette notion n'est pas corrélée à une distance supérieure à 50 km ou à un temps de trajet supérieur à 1h30.

En prévoyant le versement systématique d'une indemnité de grand déplacement de 42 € pour tout chantier situé entre 50 et 100 km à vol d'oiseau du domicile du salarié, sans exiger qu'il rapporte la preuve d'avoir dormi sur place, l'employeur n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles, dans la mesure où il n'est pas démontré que cette indemnité était inférieure aux sommes effectivement engagées par le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il aurait engagé s'il n'avait pas été déplacé.

L'employeur a seulement méconnu la valeur obligatoire de l'usage en vigueur dans l'entreprise.

Les indemnités de grand déplacement devaient être versées conformément à l'usage en vigueur dans l'entreprise distinguant selon que le domicile du salarié est situé entre 51 et 120 km du chantier ou au-delà de 120 km du chantier.

Sur la demande indemnitaire

Le salarié prétend avoir bénéficié avant novembre 2013 d'IGD de 938 € par mois, sans qu'il justifie des sommes retenues pour calculer cette moyenne, ce montant étant contesté par l'employeur et étant nécessairement variable, incluant des indemnités kilométriques. L'examen de ses bulletins de salaires de janvier à octobre 2013 permet de retenir une moyenne de 744,35 € par mois.

L'analyse des bulletins de paie jusqu'en 2018 permet de constater une baisse du montant des IGD perçues.

Toutefois, ainsi que le relève l'employeur, le salarié ne justifie pas d'un seul déplacement professionnel qui aurait été réalisé et dont les frais auraient été indemnisés pour un montant moins favorable.

Les décomptes fournis mois par mois ne permettent pas d'identifier la localisation des chantiers où il a été affecté, ni l'origine des montants mentionnés au titre des 'perçu' et 'du'.

Dès lors, il convient de constater que le salarié, qui supporte l'entière charge de la preuve concernant le préjudice subi, n'établit pas que les montants qui lui ont été versés à compter de novembre 2013, en considération de la localisation des chantiers où il était affecté, étaient d'un montant inférieur à ceux qu'il auraient perçus en application de l'usage en vigueur dans l'entreprise.

Ainsi, il n'établit pas que la résistance de son employeur qui a mis en oeuvre et maintenu l'application unilatérale des nouvelles dispositions contraires à l'usage non régulièrement dénoncé, application constitutive d'une exécution déloyale du contrat, l'a privé de sommes auxquelles il aurait pu prétendre en application des dispositions résultant de l'usage.

Sur les autres demandes

Il apparait équitable d'allouer à M. [J] la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition :

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, en ce qu'il a ordonné à la société RAZEL-BEC de prendre le domicile du salarié comme point de départ pour le calcul des indemnités de grands déplacements et de prendre en considération dans le calcul les kilomètres réellement effectués par le salarié, et en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que les indemnités de grand déplacement doivent être versées conformément à l'usage en vigueur dans l'entreprise distinguant selon que le domicile du salarié est situé entre 51 et 120 km du chantier ou au-delà de 120 km du chantier,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Condamne la SAS RAZEL BECRAZEL BEC aux dépens de l'instance.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/03925
Date de la décision : 05/02/2020

Références :

Cour d'appel de Montpellier 04, arrêt n°16/03925 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-05;16.03925 ?
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