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19/12/2019 | FRANCE | N°15/04020

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 19 décembre 2019, 15/04020


AFFAIRE :



[C]

[Q]



C/



[X]

Société [E]-[G]-[X]-[N]



















































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre A



ARRET DU 19 DECEMBRE 2019



N° RG 15/04020 - N° Portalis DBVK-V-B67-MCRX



Décisions déférées à la Cour;





Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PAR

IS, décision attaquée en date du 30 Mai 2013, enregistrée sous le n° 645 F-D

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, décision attaquée en date du 10 Mai 2012, enregistrée sous le n° 10/18805

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de GRASSE, décision attaquée en date du 07 Septembre 2010, enregis...

AFFAIRE :

[C]

[Q]

C/

[X]

Société [E]-[G]-[X]-[N]

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 19 DECEMBRE 2019

N° RG 15/04020 - N° Portalis DBVK-V-B67-MCRX

Décisions déférées à la Cour;

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 30 Mai 2013, enregistrée sous le n° 645 F-D

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, décision attaquée en date du 10 Mai 2012, enregistrée sous le n° 10/18805

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de GRASSE, décision attaquée en date du 07 Septembre 2010, enregistrée sous le n° 07/03890

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDEURS A LA SAISINE:

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et

Me Jean-Jacques GLEIZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Madame [A] [Q] veuve [C]

née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et

Me Jean-Jacques GLEIZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDEURS A LA SAISINE

Maître [V] [M] [L] [X]

né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et

Me Patricia LE TAOURIN LAILLET , avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

SCP [U] [E] [D] [G] [V] [X] [S] [N] [T] aux droits de laquelle vient la SCP [E] [G] [N] [T] [I], immatriculée au RCS d'ANTIBES sous le N°[N° SIREN/SIRET 1], dont le siège social est sis

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et

Me Patricia LE TAOURIN LAILLET , avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 MARS 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 NOVEMBRE 2019,en audience publique, [professionnel H] [professionnel N] ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :

Mme [professionnel K] [professionnel X], Présidente

Mme [professionnel H] [professionnel N], Conseillère

M. [professionnel Q] [professionnel V], Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme [professionnel P] [professionnel S], Greffière lors des débats et lors du prononcé

DEBATS :

en audience publique le DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

L'affaire a été mise en délibéré au 19 Décembre 2019.

ARRET :

Contradictoire, prononcépar mise à disposition de l'arrêt le 19 Décembre 2019, par Mme [professionnel K] [professionnel X], Présidente

Le présent arrêt a été signé par Mme [professionnel K] [professionnel X], Présidente et par Mme [professionnel P] [professionnel S], Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE':

Par un premier acte établi par [V] [X], notaire associé au sein de la Scp [E]-[G]-[X]-[N]-[T]-[I] sise à [Localité 1], la Sarl [1] a fait l'acquisition le 23 octobre 2015, moyennant le prix de 4.200.000 francs réglé à hauteur de 2.200.000 francs par un prêt bancaire, d'un fonds de commerce de bar, brasserie, restaurant situé à [Localité 4] en Guadeloupe auprès de la société [2] qui, demeurant propriétaire du local, lui a consenti un bail commercial.

Par un deuxième acte dressé par [V] [X] le 23 juin 1997, [R] [W] et sa belle fille, [O] [W], clerc du notaire instrumentaire, ont cédé l'ensemble des parts du capital de la société [1] à [P] [Z] et [H] [C] ainsi qu'une créance correspondant à un compte courant d'associé.

La société [1] a cessé de s'acquitter de ses dettes d'emprunt à compter de septembre 1997 et monsieur [Z] a été incarcéré le 6 novembre 1997.

L'établissement prêteur, après mise en demeure restée infructueuse du 12 décembre 1997, a provoqué l'exigibilité anticipée du solde du prêt d'un montant de 1.876.015,25 francs.

Le 5 avril 1998, [H] [C] s'est donné la mort.

Sa veuve et son fils, [A] [Q] et [B] [C] (les consorts [C]), et les consorts [W] sont convenus, par transaction du 19 mai 1998, de résilier la cession du 23 juin 1997 et de régulariser une rétrocession des parts avec remboursement du compte courant d'associé de [H] [C] évalué dans l'acte à 750.000 francs.

Par un arrêt du 27 mai 2008, devenu irrévocable, la cour d'appel d'Aix en Provence a validé cette transaction, dit que l'acte notarié du 23 juin 1997 avait été résilié d'un commun accord des parties signataires, ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire prise par [R] [W] sur un bien immobilier appartenant à [B] [C] et débouté les consorts [C] de leur demande de remboursement du compte courant d'associé et de toute somme réclamée en conséquence de la résiliation de l'acte de cession de parts du 23 juin 1997.

Cet arrêt a rejeté la demande de remboursement du compte courant d'associé d'un montant de 750.000 francs prévue au bénéfice des consorts [C] dans la transaction après avoir relevé que ce remboursement avait été subordonné par les parties au versement préalable par les consorts [C] d'un dépôt de garantie qu'ils n'avaient finalement jamais versé.

Malgré l'adoption, en vertu d'un nouvel acte instrumenté par [V] [X] le 5 juin 1998, d'un avenant destiné à réaménager sa dette d'emprunt, la société [1] a été placée en liquidation judiciaire le 11 octobre 2000.

Les consorts [C], estimant que la responsabilité du notaire était engagée pour s'être rendu complice des agissements de son clerc salarié perpétrés dans le but de tromper le consentement de feu [H] [C], ont fait citer l'officier ministériel et la Scp [E] [G] [N] [T] [I] en réparation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Par jugement contradictoire en date du 7 septembre 2010, ce tribunal a':

dit que les consorts [C] ne rapportent pas la preuve d'un manquement du notaire à ses obligations ;

débouté en conséquence les consorts [C] de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre le notaire et la Scp';

débouté le notaire et la Scp de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

condamné les consorts [C] aux dépens ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Sur l'appel des consorts [C], la cour d'appel d'Aix en Provence, par arrêt en date du 10 mai 2012, a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, condamné les consorts [C] aux dépens et à payer aux défendeurs la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé par les consorts [C], a, par arrêt en date du 30 mai 2013, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence au motif que les compétences et connaissances personnelles du client ne libèrent pas le notaire de son devoir de conseil et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.

Par ordonnance du 22 juin 2016, non déférée à la cour, la saisine de la cour de renvoi effectuée par les consorts [C] le 28 mai 2015 a été déclarée recevable.

Vu les conclusions des consorts [C] remises au greffe le 31 août 2017 ;

Vu les conclusions de [V] [X] et de la Scp de notaires [E] [G] [X] [N] [T] venant aux droits de la Scp [E] [G] [N] [T] [I] remises au greffe le 5 octobre 2018';

Vu l'ordonnance de clôture du 12 mars 2019';

L'affaire, appelée à l'audience de plaidoirie du 2 avril 2019 à 9h, a fait l'objet d'un renvoi contradictoire, à la demande des parties, à l'audience du 12 novembre 2019 à 9h.

MOTIFS':

Sur la recevabilité des conclusions':

Les intimés concluent à l'irrecevabilité des conclusions des appelants en faisant valoir que ceux-ci n'ont pas indiqué, au soutien de chacune de leurs prétentions, les pièces produites à leur bordereau.

S'il résulte des dispositions de l'article 954 alinéa 1 que les conclusions des parties doivent indiquer, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation, aucune sanction n'a, en revanche, été prévue par ce texte en cas de non respect de cette prescription.

Et, dès lors que les intimés ne soutiennent pas que cette disposition constituerait une formalité substantielle au sens de l'article 114 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des conclusions ne peut qu'être rejetée.

Sur la responsabilité du notaire':

Les appelants reprochent au notaire de s'être rendu complice des agissements dolosifs des consorts [W] et d'avoir, ainsi, vicié le consentement de [H] [C].

Mais le dol, vice du consentement, ne peut être reproché qu'au co-contractant et non à l'officier ministériel rédacteur de l'acte et les consorts [C] ne justifient pas, en tout état de cause, d'une décision de justice irrévocable qui aurait retenu l'existence d'un dol commis par les consorts [W] lors de la cession de leurs parts sociales le 23 juin 1997.

Les appelants reprochent au notaire divers manquements à ses obligations de diligence, de prudence et de conseil qui seront examinés successivement.

Ils lui reprochent d'avoir, à dessein, laissé [O] [W], clerc de l'étude, rédiger l'acte du 23 juin 1997 dans lequel elle intervenait comme cédante de ses parts sociales afin de l'avantager.

Mais, ainsi que le rappelle justement l'intimé, il n'existe pas de texte faisant interdiction au notaire d'instrumenter un acte intéressant l'un des clercs de son étude et, à supposer que cet acte ait été préparé par la clerc concernée, ainsi que les initiales «'CF/BB'» portées en tête du contrat du 23 juin 1997 le font penser, cela ne suffit pas, en soi, à caractériser une faute civile du notaire à l'égard des consorts [C].

Les consorts [C] reprochent au notaire d'avoir visé dans son acte un bilan inexistant et d'avoir faussement indiqué qu'il annexait ce bilan à l'acte authentique de cession de parts du 23 juin 1997 alors qu'il ne l'a pas fait.

L'acte du 23 juin 1997 stipule que le prix de 50.000 € de cession des parts sociales «'a été déterminé à partir des éléments actif et passif du bilan arrêté à la date du 14 mai 1997 dont une copie demeurera jointe aux présentes après mention. Une copie de ce bilan a été donnée dès avant ce jour, par le vendeur à l'acquéreur qui le reconnaît.'»

Le bilan de la Sarl [1] (pièce 1 des intimés) n'a pas été arrêté au 14 mai 1997, contrairement à ce qu'a écrit le notaire, puisqu'il concerne l'exercice du 1er septembre 1995 au 31 décembre 1996.

La date du 14 mai 1997 correspond, en réalité, à celle de l'attestation d'examen de ce bilan et des comptes annuels par l'expert comptable et commissaire aux comptes, [J] [K].

En outre, il est exact que le notaire n'a pas joint une copie de ce bilan à l'acte authentique ainsi qu'il l'avait prévu.

Toutefois, cette erreur de date et l'oubli du notaire de joindre une copie du bilan à l'acte sont sans conséquence, contrairement à ce qui est soutenu, dès lors que ce bilan, qui correspondait aux derniers comptes annuels de la société [1], a été communiqué aux acquéreurs dès avant la vente pour déterminer le prix des parts sociales, ainsi qu'ils l'ont reconnu eux-même devant le notaire instrumentaire qui l'a acté, et qu'il a été certifié régulier et sincère par le commissaire aux comptes à l'issue de ses travaux.

Les consorts [C] reprochent également au notaire d'avoir instrumenté une cession de compte courant d'associé d'un montant de 1.992.000 francs qui n'avait aucune existence comptable.

Le contrat prévoit en page 12 de l'acte une cession de créance au profit des acquéreurs d'un montant de 1.929.067 francs ramenée à 1.992.000 francs.

Il résulte de «'l'état des échéances des créances et dettes à la clôture de l'exercice'» figurant en page 8 du bilan de la Sarl [1] (pièce 1 des intimés) que cette société était débitrice au 31 décembre 1996 d'un compte courant d'associé de 1.929.067 francs qui correspond exactement à la somme visée par le notaire.

Ce compte courant avait donc bien une existence comptable laquelle est confortée par l'extrait du Grand Livre Général produit par les appelants (pièce 51) et aucune faute n'est établie à l'encontre du notaire de ce chef.

Le notaire a ajouté à la somme précitée les intérêts échus dus par la société à l'associé à la date de la vente pour aboutir à la somme de 1.992.000 francs, ce qui n'est pas reprochable même si ce calcul aurait dû être explicité dans l'acte.

Le fait que [R] [W], titulaire du compte courant d'associé, ait fait des retraits depuis ce compte, entre janvier et le 23 juin 1997, ayant abouti à un solde de 1.621.590,47 francs au 30 juin 1997 ne peut être reproché au notaire puisqu'il n'est pas établi qu'il en ait eu connaissance'; ces débits ne pouvant pas être connus à la lecture du bilan de l'exercice 1996 et ne pouvant être décelés qu'à l'examen comptable du Grand Livre Général.

Les appelants ne reprochant pas au notaire de ne pas avoir conseillé à [H] [C] de consulter le Grand Livre Général pour rechercher si le solde du compte courant d'associé avait évolué depuis la clôture de l'exercice précédent, la cour n'a pas à s'interroger sur ce point.

Les consorts [C] reprochent ensuite au notaire d'avoir rédigé un acte contenant une aberration juridique en ce que les cessionnaires du compte courant d'associé cédé par [R] [W] se sont portés cautions solidaires du paiement par la société de ce compte courant.

Ils soutiennent que, par ce tour de «'passe passe'», [H] [C] s'est retrouvé débiteur solidaire d'une somme d'1.492.000 francs alors qu'il n'aurait dû être débiteur que de 996.000 francs au titre de la part du compte courant d'associé qui devait lui revenir et dont il devait le paiement (1.992.000/2).

Il est un fait que les modalités de la cession de créance du compte courant d'associé, telles qu'elles ont été prévues dans l'acte, témoignent d'une certaine confusion.

En effet, après avoir acté que [R] [W] cédait par parts égales aux deux cessionnaires son compte courant d'associé d'un montant de 1.992.000 francs, l'acte précise que les cessionnaires ont réglé sur le champs au cédant qui leur en donne quittance la somme de 500.000 francs et que, pour le surplus, d'un montant de 1.492.000 francs, «'les cessionnaires obligent la Sarl [1] à le payer à [R] [W] qui accepte'», en plusieurs échéances.

Il faut donc comprendre, à la lecture de ces clauses que le compte courant d'associé de [R] [W] n'a, en réalité, été cédé aux cessionnaires qu'à hauteur de la somme réglée par eux, soit 500.000 francs, et que pour le surplus, soit 1.492.000 francs, c'est la société qui, conformément à ses obligations en matière de compte courant d'associé, devait le rembourser à [R] [W] laquelle y a consenti en octroyant à la Sarl [1] des délais et des facilités de paiement (8 trimestrialités de 90.000 francs et le solde à 24 mois, le tout sans intérêt).

Il n'y a donc pas d'hérésie juridique à ce que les nouveaux associés de la Sarl [1] se soient portés cautions solidaires du remboursement par leur société de cette partie du compte courant d'associé qui ne leur avait pas été cédée, et aucune faute n'est établie de ce chef.

Les appelants n'invoquent pas l'erreur que cette confusion rédactionnelle a pu provoquer chez [H] [C] concernant l'étendue de la créance de compte courant d'associé qui lui avait été effectivement cédée et la cour n'a donc pas à s'interroger sur ce point.

Les consorts [C] reprochent à [V] [X] de ne pas avoir conseillé à [H] [C] de prévoir une garantie de passif et de ne pas l'avoir dissuadé de renoncer à tout recours.

Aucune garantie n'a été prévue dans l'acte du 23 juin 1997 entre les cédantes et les cessionnaires «'en raison de leurs accords particuliers'» (page 15 du contrat) quant au passif de la Sarl [1], pour une période de quatre années, et les cessionnaires se sont engagés à renoncer à tout recours contre les cédants à ce titre.

Cependant, les consorts [C] n'allèguent ni ne démontrent l'existence d'un passif social qui leur aurait été révélé après la vente et dont la cause aurait été antérieure à celle-ci de sorte que ce moyen est inopérant.

Les consorts [C] reprochent au notaire d'avoir dissimulé à [H] [C] qu'une partie du prix d'achat du fonds de commerce, acquis par les consorts [W] pour le compte de la société en formation [1] le 23 octobre 1995, n'avait toujours pas été payée lors de la cession des parts sociales du 23 juin 1997 pour avoir fait l'objet d'un crédit vendeur non mentionné dans l'acte authentique.

Lorsqu'il a instrumenté son acte, en juin 1997, le notaire savait que, lors de la signature de l'acte authentique du 23 octobre 1995 portant acquisition du fonds de commerce de restauration bar par les consorts [W] pour le compte de la société en formation [1], une contre lettre avait été rédigée entre la venderesse et les acquéreurs par laquelle ces derniers reconnaissaient devoir à la première la somme de 1.000.000 francs au titre du prix de vente alors que, dans l'acte authentique, la venderesse avait donné quittance aux acquéreurs du règlement de la partie du prix payé comptant.

En effet, lors de son audition, le 20 mars 1998, par le tribunal de grande instance de Grasse sur commission rogatoire civile de la cour d'appel de Basse Terre, [V] [X] a admis qu'il avait eu connaissance de la différence de prix, et donc de la contre lettre portant reconnaissance de dette, à l'issue du jugement rendu le 23 octobre 1996 par le tribunal de Basse Terre.

Par ce jugement du 23 octobre 1996, le tribunal mixte de commerce de Basse Terre a annulé l'acte sous seing privé du 28 juillet 1995 en raison d'une dissimulation d'une partie du prix (mais pas l'acte authentique du 23 octobre 1995) et condamné la venderesse à restituer aux consorts [W] les sommes versées en exécution de la reconnaissance de dette du 23 octobre 1995 occulte et annulée (annulation dans les seuls motifs du jugement).

Sur appel de la venderesse, ce jugement a été infirmé en toutes ses dispositions par la cour d'appel de Basse Terre le 1er février 1999 qui a considéré que la différence de prix entre l'acte sous seing privé du 28 juillet 1995 (5.200.000 francs) et l'acte authentique du 23 octobre 1995 (4.200.000 francs) procédait de la commune intention des parties et que la contre lettre rédigée le 23 octobre 1995 portant reconnaissance de dette des acquéreurs envers la venderesse pour 1.000.000 francs devait s'analyser en un crédit vendeur et elle a condamné les consorts [W] à payer à leur venderesse le solde de ce crédit vendeur de 898.152,86 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 1997.

Bien qu'informé, au jour de la signature de l'acte de cession des parts sociales du 23 juin 1997, de l'existence du jugement du 23 octobre 1996 ayant retenu l'existence d'une dissimulation d'une partie du prix lors de l'acquisition du fonds de commerce en 1995 et annulé cette partie du prix dissimulé, [V] [X] n'a pas répercuté cette information à [H] [C] et à son associé.

Ce faisant, le notaire a commis une faute à l'endroit des acquéreurs.

Cette information aurait pu dissuader les consorts [Z] [C] de devenir cessionnaires des parts de la Sarl [1] puisque ce jugement était frappé d'appel depuis le 29 novembre 1996 et que, en cas d'infirmation, une action en remboursement contre la société pouvait être redoutée puisque l'achat du fonds de commerce avait été réalisé par les consorts [W] pour le compte de la société en formation [1].

Le manquement du notaire à son obligation d'information et de conseil a donc fait perdre une chance à [H] [C] de ne pas contracter.

Cependant, outre que les appelants ne démontrent pas le caractère raisonnable de cette perte de chance (la société [1] n'ayant pas repris l'engagement de ses associés [W] de régler une partie du prix au moyen d'un crédit vendeur ce qui justifiera que les consorts [W] soient seuls condamnés de ce chef par l'arrêt infirmatif), force est de constater, surtout, qu'ils ne demandent pas la réparation d'un tel préjudice de perte de chance dans le dispositif de leurs écritures.

En effet, les préjudices dont ils demandent l'indemnisation consistent en la restitution des sommes versées en exécution de l'acte du 23 juin 1997.

Leurs prétentions ne peuvent être accueillies de ce chef.

Les consorts [C] reprochent enfin au notaire d'avoir dissimulé à [H] [C] l'existence de procédures en cours entre la Sarl [1] et son bailleur commercial (ordonnance de référé du 8 janvier 1997 ayant condamné la Sarl [1] à payer diverses sommes au bailleur et appel de la Sarl [1] du 23 juin 1997) et entre la venderresse du fonds de commerce et les consorts [W] (jugement du 23 octobre 1996).

Il a déjà été répondu dans les motifs qui précèdent concernant le jugement du 23 octobre 1996.

Concernant les autres procédures, il ne résulte d'aucune des pièces produites que le notaire en ait eu connaissance avant la signature de l'acte authentique du 23 juin 1997.

Le seul fait que l'acte ait été préparé par son clerc, [O] [W], ne suffit pas à démontrer l'information du notaire concernant les litiges en cours.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la preuve d'un manquement du notaire n'était pas rapportée mais confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [C] de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre le notaire et la Scp de notaires.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement sur renvoi de cassation';

Rejette le moyen d'irrecevabilité des conclusions soulevé par les intimés';

Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a dit que les consorts [C] ne rapportent pas la preuve d'un manquement du notaire';

Statuant à nouveau sur ce seul chef infirmé';

Dit que [V] [X], notaire, a commis des fautes dans l'exercice de ses fonctions d'officier ministériel';

Dit que ces fautes sont sans lien de causalité avec les dommages dont les consorts [C] demandent la réparation';

Dit par conséquent que le notaire n'a pas engagé sa responsabilité envers les consorts [C]';

Confirme le jugement pour le surplus';

Y ajoutant';

Condamne in solidum les consorts [C] aux dépens'de l'appel';

Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 code de procédure civile à l'égard de [V] [X] et de la Scp [E] [G] [X] [N] [T] et la déboute de ses demandes de ce chef en cause d'appel ';

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 15/04020
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°15/04020 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;15.04020 ?
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