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25/06/2019 | FRANCE | N°15/09776

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 25 juin 2019, 15/09776


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 25 JUIN 2019



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/09776 - N° Portalis DBVK-V-B67-MNF4





Décisions déférées à la Cour : Jugement du 01 DECEMBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14/01405

et Jugement du 12 DECEMBRE 2017 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/02582



JONCTION des procédures N° RG

17/06738 et N° RG 15/09776 sous le numéro N° RG 15/09776





APPELANTE :



SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE D.C.F. au capital de 106 758 801.00 euros inscrite au RCS de SAINT ETIENNE sous le...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 25 JUIN 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/09776 - N° Portalis DBVK-V-B67-MNF4

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 01 DECEMBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14/01405

et Jugement du 12 DECEMBRE 2017 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/02582

JONCTION des procédures N° RG 17/06738 et N° RG 15/09776 sous le numéro N° RG 15/09776

APPELANTE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE D.C.F. au capital de 106 758 801.00 euros inscrite au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro 428 268 023 représentée en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Solène MAULARD, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Erwan LE DOUCE-BERCOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

SCI DALLADEL prise en la personne de son représentant légal domicilie en sa qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patrick MELMOUX de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Olivier GUERS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 Avril 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 MAI 2019, en audience publique, Monsieur Philippe GAILLARD, Président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

**

La SCI Dalladel a consenti le 31 août 2005 un bail commercial à la société Alco Distribution, aux droits de laquelle est venue la SAS Distribution Casino France.

Le 11 octobre 2013, la SCI Dalladel signifie au preneur une demande de révision du loyer, et l'assigne à cette fin par acte du 24 février 2014.

Un rapport d'expertise judiciaire est déposé le 21 mai 2015.

Le jugement rendu le 1er décembre 2015 par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

Fixe le prix du bail à la somme annuelle hors charges et hors taxes de 389 350 € à compter du 11 octobre 2013.

Dit que les loyers arriérés porteront intérêts au taux légal avec capitalisation.

Condamne la SAS Distribution Casino France aux dépens.

Condamne la SAS Distribution Casino France à payer à la SCI Dalladel la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement relève dans le rapport d'expertise les éléments d'appréciation du montant retenu du prix du bail.

Il retient que sont à la charge du preneur les grosses réparations et les impôts fonciers, une surface pondérée de 2995 m² et une valeur locative à 130 € par m².

Il rejette l'argumentation du preneur de retenir des coefficients moindres pour la surface de vente pour les ateliers et chambres froides, au motif que l'expert observe qu'elles font indiscutablement partie des surfaces de vente, de retenir une valeur locative au m² inférieure en raison de la charge des grosses réparations et des impôts fonciers, au motif qu'il s'agit d'une pratique habituelle pour de grandes surfaces de vente dans cette catégorie d'immeuble commercial.

La SAS Distribution Casino France a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 28 décembre 2015.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 avril 2019.

Les dernières écritures pour la SAS Distribution Casino France ont été déposées le 16 avril 2019.

Les dernières écritures pour la SCI Dalladel ont été déposées le 26 mai 2017.

Une ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 septembre 2018 a déclaré irrecevable au motif qu'elle devait être présentée in limine litis une requête en sursis à statuer, déposée par la SAS Distribution Casino France dans l'attente d'une décision en appel d'un jugement du 12 décembre 2017 rendu entre les mêmes parties sur la question de la validité de la clause d'indexation du prix du bail, alors que la révision du loyer ne peut intervenir en l'absence d'une clause d'indexation.

En effet, la SAS Distribution Casino France a fait assigner par acte du 11 avril 2016 la SCI Dalladel devant le tribunal de grande instance de Montpellier pour demander notamment de dire réputée non écrite la clause d'indexation du prix du bail et celle relative au dépôt de garantie, et le remboursement d'un trop-perçu de loyer sur la base du montant fixé par le jugement du 1er décembre 2015, et du dépôt de garantie.

Le jugement rendu le 12 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

Déclare irrecevable la demande de la SAS Distribution Casino France de voir déclarer non écrite la clause d'indexation du bail commercial.

Déclare recevable la demande de la SAS Distribution Casino France de voir déclarer non écrite la clause relative au dépôt de garantie, et la déclare fondée pour la partie relative aux intérêts.

Dit que le montant du dépôt de garantie résulte de l'application de la clause d'échelle mobile au montant initial, de deux termes de loyers, augmenté des intérêts légaux pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.

Rejette la demande de restitution d'un trop-perçu résultant de l'indexation du dépôt de garantie.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, et n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement fonde l'irrecevabilité de la demande sur la clause d'indexation du prix du bail commercial sur l'autorité de la chose jugée par le jugement du juge des loyers commerciaux du 1er décembre 2015, en ce que le preneur avait contesté son application en acceptant la révision fondée sur la valeur locative.

Le jugement déclare non écrite la disposition que le dépôt de garantie ne sera « pas productif d'intérêts », en ce qu'elle contredit les dispositions de l'article L 145-40 du code de commerce qui prévoit les intérêts pour les sommes excédant le montant de plus de deux termes de loyers. Il rejette la demande de réduction du montant du dépôt sur l'autorité de la chose jugée le 1er décembre 2015 qui a statué sur la licéité de la clause d'indexation.

La SAS Distribution Casino France a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 28 décembre 2017.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 23 avril 2019.

Les dernières écritures pour la SAS Distribution Casino France ont été déposées le 28 mars 2018.

Les dernières écritures pour la SCI Dalladel ont été déposées le 29 mai 2018.

Dans le dossier d'appel du jugement du 1er décembre 2015, la SAS Distribution Casino France a déposé le 26 mars 2019 des conclusions d'incident pour demander la connexité avec l'appel du jugement du 12 décembre 2017 en raison de l'indivisibilité du litige.

Dans le dossier d'appel du jugement du 12 décembre 2017, la SCI Dalladel a déposé le 27 mars 2019 des conclusions d'incident pour demander d'écarter l'exception de connexité.

Dans les deux dossiers d'appel, le président de la chambre a écrit aux parties que la cour statuera en joignant l'incident au fond à l'audience à laquelle ont été fixés ensemble les deux dossiers.

La cour observe qu'il existe à l'évidence entre les deux affaires entre les mêmes parties un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.

Elle observe qu'il ne s'agit pas des conditions d'application de l'article 101 du code de procédure civile sur la connexité lorsque deux affaires sont portées devant des juridictions distinctes, mais d'un motif légitime de jonction de deux dossiers portés devant la même juridiction, la cour d'appel ayant plénitude de juridiction unique sur l'ensemble du litige.

La cour prononce en conséquence la jonction des deux affaires qui seront jugées ensemble sous le numéro RG le plus ancien 15/9776.

La SAS Distribution Casino France est partie appelante dans les deux dossiers.

Elle énonce dans le dispositif de ses dernières conclusions dans le dossier d'appel du jugement du 1er décembre 2015 des prétentions formulées « à titre principal dans l'hypothèse où la cour ne se dessaisirait pas au profit de l'appel du jugement du 12 décembre 2017 et ne statuerait pas sur la licéité de la clause d'indexation du bail », ce qui n'est pas le cas après la jonction retenue entre les deux dossiers d'appel.

Elle énonce à titre subsidiaire :

Dire la surface pondérée des locaux loués de 2722 m², et la valeur locative de 125 €/m²/an.

Appliquer une diminution de 5 % de la valeur locative du fait de la facturation au preneur des travaux prévus par l'article 606 du Code civil, et une diminution de 56 099,11 € correspondant au montant de l'impôt foncier facturé au titre de 2014 au preneur.

Fixer en conséquence le montant du loyer révisé du bail à la somme de 266 000 € par an.

À titre infiniment subsidiaire, désigner un expert pour fixer un coefficient de réduction en considération de la facturation au preneur de la taxe foncière et des grosses réparations, et donner son avis sur les conclusions du premier expert judiciaire, la consignation sur l'expertise étant à la charge de la SCI Dalladel.

Condamner la SCI Dalladel au paiement de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Maître Philippe Senmartin.

Dans le dispositif de ses dernières écritures dans le dossier d'appel du jugement du 12 décembre 2017, la SAS Distribution Casino France énonce :

Dire la clause d'indexation stipulée au bail réputée non écrite.

Dire le montant du loyer annuel fixé à la somme de 240 000 € hors-taxes et hors charges.

Condamner la SCI Dalladel à rembourser la somme de 701 541 € au titre de l'indexation du loyer facturée depuis le premier trimestre 2011, avec capitalisation des intérêts échus sur une année entière.

Condamner la SCI Dalladel à restituer la somme de 39 791 € au titre des ajustements du dépôt de garantie en application de la clause d'indexation, outre les intérêts avec capitalisation.

Condamner la SCI Dalladel au paiement de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Il s'en déduit les prétentions de la SAS Distribution Casino France appelante des deux jugements sur lesquelles la cour doit statuer,

à titre principal, le dispositif des écritures d'appel du jugement du 12 décembre 2017 (clause d'indexation invalidée) ;

à titre subsidiaire, le dispositif subsidiaire des écritures d'appel du jugement du 1er décembre 2015.

En l'état de l'appel des deux jugements, la question de recevabilité résultant de l'autorité de la chose jugée par le premier jugement est devenue sans objet.

Le preneur expose sur la contestation de la validité de la clause d'indexation :

La référence dans la clause du bail d'un plancher infranchissable correspondant au loyer initial est contraire à l'exigence du code monétaire et financier (L 112-1) du caractère automatique de l'indexation, en ce qu'il empêche la variation de jouer complètement à la baisse.

La limite plancher est incompatible également avec l'article

L 145-39 du code de commerce qui prévoit la possibilité de révision lorsque le loyer se trouve « augmenté ou diminué » de plus d'un quart par l'effet de la clause d'échelle mobile.

La distorsion dans la clause entre une première révision le 1er janvier 2006 seulement quatre mois après la prise d'effet du bail le 1er septembre 2005 et une base annuelle de comparaison entre l'indice 2e trimestre 2005 et l'indice 2e trimestre 2006, est aussi contraire à l'exigence de la même disposition du code monétaire et financier.

L'action visant à faire réputer une clause non écrite est imprescriptible et n'est donc pas soumise à la prescription biennale du code de commerce.

La clause d'indexation qui forme un tout doit être réputée non écrite en intégralité, et non pas sur la seule disposition contraire à l'exigence légale établissant un plancher à la baisse.

En conséquence, la demande de révision de loyer n'est pas fondée et le loyer doit être ramené au montant initial de 240 000 € annuels hors-taxes et hors charges, et le bailleur doit restituer dans la limite de la prescription quinquennale les sommes versées en application de la clause d'indexation non écrite.

Pour le même motif, le bailleur devra restituer les ajustements du dépôt de garantie liés à la même clause d'indexation.

À titre subsidiaire, le preneur reprend l'argumentation des prétentions rejetées par le jugement du 1er décembre 2015 pour retenir l'application de moindre coefficient de certaines surfaces des locaux loués et une valeur locative moindre au m², sur la base d'une expertise différente qu'il verse au débat, et une pondération de la valeur locative en raison de la charge particulière des grosses réparations et de l'impôt foncier.

La SCI Dalladel demande dans le dispositif de ses écritures dans le dossier du jugement du 1er décembre 2015 de donner acte au preneur de son désistement de sa contestation de la validité de la clause d'indexation, mais la cour observe que le preneur n'a pas énoncé un tel désistement dans les procédures en appel.

Elle demande ensuite de confirmer le jugement rendu le 1er décembre 2015, et de condamner la SAS Distribution Casino France à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande dans le dispositif des écritures de l'appel du jugement du 12 décembre 2017 de rejeter les demandes adverses sur le même motif du désistement prétendu, sur le motif de l'autorité de la chose jugée du jugement du 1er décembre 2015 dont la cour a dit qu'il était inopérant à la suite de la jonction des deux instances, et sur le motif de la prescription de cinq ans de la contestation de la clause à compter de la signature du contrat de bail.

et subsidiairement de confirmer le jugement du 12 décembre 2017.

Elle demande une somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il s'en déduit les prétentions de la SCI Dalladel sur lesquelles la cour de statuer,

au principal la confirmation de la fixation par le jugement du 1er décembre 2015 du prix du bail à la somme annuelle de 389 350 €,

au subsidiaire la confirmation du jugement du 12 décembre 2017, étant observé que l'irrecevabilité prononcée par ce jugement de la demande de déclarer non écrite la clause d'indexation du bail était fondée sur une autorité de la chose jugée devenue inopérante, d'autre part que seul le jugement du 12 décembre 2017 s'est prononcé sur la contestation de validité du dépôt de garantie.

Le bailleur se réfère à un désistement du preneur sur la contestation de la validité de la clause d'indexation par des conclusions en première instance devant le juge des loyers commerciaux, réitéré dans les écritures d'appel.

Il demande la confirmation du prix du loyer fixé par le jugement du 1er décembre 2015 par l'application de la valeur locative réelle résultant de l'expertise judiciaire.

Il soutient que la volonté des parties exprimée dans la clause d'indexation de limiter ses effets par une clause plancher à la baisse n'est pas contraire aux exigences légales, et à tout le moins la conséquence se limiterait à l'annulation de la limite plancher.

Il expose par ailleurs que l'indexation éventuellement illicite au 1er janvier 2006 en raison d'une distorsion entre la période révision et la période de référence de l'indice n'a pas été appliquée, la première révision ayant eu lieu le 1er janvier 2007, de sorte que le preneur n'a subi aucun effet de la prétendue distorsion.

Il soutient que la demande est prescrite par cinq ans à compter de la signature du contrat de bail.

Il soutient que la disposition spécifique de l'article L 145-15 du code de commerce qui déclare non écrite une clause faisant échec aux dispositions de l'article L 145-39 sur la variation du loyer commercial résulte de la loi du 18 juin 2014 qui n'était pas applicable à un bail conclu antérieurement.

Une éventuelle restitution ne pourrait être affectée des intérêts réclamés.

Les mêmes règles de prescription, d'inapplication des dispositions de la loi du 18 juin 2014, de limite du défaut de validité de la clause à la partie impropre, doivent s'appliquer au dépôt de garantie.

MOTIFS

Sur la clause d'indexation du loyer

La question de la recevabilité de la contestation de la clause d'indexation du loyer ne peut pas être fondée en appel des deux jugements respectivement en date du 1er décembre 2015 et du 12 décembre 2017 sur l'autorité de la chose jugée le 1er décembre 2015, alors que l'appel suspensif exclut une autorité de chose jugée de ce jugement déféré à la cour.

L'article 397 du code de procédure civile stipule que le désistement est exprès ou implicite.

Le désistement implicite ne se présume pas. Le juge du fond apprécie souverainement la volonté de mettre fin à l'instance par le désistement.

Dans l'espèce, un désistement implicite du preneur de discuter la validité de la clause d'indexation du loyer n'est pas suffisamment établi par l'indication dans des écritures devant le juge des loyers commerciaux qu'il s'en rapporte sur l'application de la clause pour le calcul du montant du loyer, ni par l'absence dans le dispositif des premières écritures d'appel de la prétention de déclarer la clause non écrite, alors que la volonté de désistement n'est expressément mentionnée dans aucun dispositif des écritures successives du preneur, et que la prétention est au contraire clairement mentionnée dans le dispositif des dernières écritures, seules de nature à déterminer les prétentions soumises à la cour.

Le bailleur demande également de constater la tardiveté de la demande, en invoquant comme motif la prescription par cinq ans d'une demande à caractère personnel en application de l'article 2224 du Code civil.

Cependant, la clause contractuelle réputée non écrite est censée n'avoir jamais existé, de sorte que la contestation de sa validité ne peut pas être soumise à une prescription particulière.

La clause contractuelle d'indexation du loyer prévoit un ajustement pour chaque période annuelle au 1er janvier en fonction de la variation en plus ou moins de l'indice du coût de la construction, et énonce particulièrement :

« la valeur de l'indice de base sera celle du 2e trimestre 2005 ; les indices de comparaison seront relevés avec une périodicité annuelle ; la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base ; ».

L'article L 145-15 du code de commerce stipule que son réputé non écrites, les clauses, stipulations, qui ont pour effet de faire échec aux dispositions (notamment) de l'article L 145-39 qui prévoit une révision chaque fois que le jeu de la clause d'échelle mobile entraîne une augmentation ou une diminution de plus d'un quart.

L'article L 112-1 du code monétaire et financier dispose qu'est réputée non écrite la clause prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

Il en résulte, d'une part que l'interdiction de ramener le loyer à un montant inférieur au loyer de base fait échec aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce qui n'autorise pas de fixer un plancher à l'application de la clause d'échelle mobile, d'autre part que l'ajustement au 1er janvier de chaque année caractérise pour la première échéance du 1er janvier 2006, seulement quatre mois après le début du bail le 31 août 2005, la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée écoulée au moment de cette première révision.

Concernant le plancher à l'application de la clause d'échelle mobile, le bailleur oppose que les dispositions de l'article L 145-15 du code de commerce relèvent d'une loi du 18 juin 2014 postérieure à la conclusion du bail, qui ne lui est donc pas applicable.

Cependant, il n'oppose aucune argumentation au motif du premier juge qui retient que les dispositions s'appliquent aux baux en cours, et à l'argumentation adverse qui appuie cette application immédiate sur une réponse ministérielle du 31 mai 2016 qui affirme la volonté du législateur de régir immédiatement les situations juridiques en cours, et notamment les baux commerciaux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi.

La cour confirme la pertinence du motif du premier juge pour retenir une application au bail entre les parties des dispositions de la loi.

Le texte de l'article L 145-15 interdit les clauses ou stipulations contraires à une liberté de variation du loyer y compris à la baisse.

Il convient donc de déclarer non écrite uniquement la stipulation contraire qui ne résulte que de la mention particulière « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base ». 

Le preneur n'est pas fondé à faire déclarer non écrites en application de l'article L 145-15 les autres mentions de la clause d'indexation du loyer, qui ne font pas échec aux dispositions de l'article L 145-39 du code de commerce.

Le preneur ne prétend pas avoir été privé par l'effet de la clause d'échelle mobile d'une diminution de loyer au-delà du plancher de la clause désormais non écrite.

Concernant la conformité avec le code monétaire et financier, la cour observe que le texte répute non écrite une clause prévoyant la prise en compte de la distorsion de la période de référence, ce qui dans la clause en litige ne pourrait concerner que l'application de la première échéance de révision le 1er janvier 2006, alors que cette révision n'a jamais été appliquée ni revendiquée.

La clause en litige ne prévoit effectivement la prise en compte d'une distorsion que pour une première échéance de révision qui n'a pas été mise en 'uvre, les dispositions précises de la clause étant par ailleurs parfaitement exclusives de toute distorsion pour l'avenir, par la mention notamment : « les indices de comparaison successifs seront séparés les uns des autres par une période de variation d'un an ».

Il en résulte que le preneur n'est pas fondé à prétendre faire déclarer non écrite la clause d'indexation du loyer, à l'exception de la seule mention : « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base ».

Sur le montant du loyer du bail

Le preneur n'est pas fondé à contester le prix du bail retenu par le jugement du 1er décembre 2015 sur le fondement de la contestation de la validité de la clause d'échelle mobile qui a été rejetée par la cour, sauf pour une mention qui n'a affecté à aucun moment avant son annulation la révision de la valeur locative.

À titre subsidiaire dans le dispositif de ses écritures d'appel du jugement du 1er décembre 2015, le preneur reprend les critiques des éléments d'appréciation de l'expert judiciaire sur la valeur locative, au regard de la surface pondérée des locaux, de la prise en compte de la charge du preneur des gros travaux de l'article 606 du Code civil, et du paiement de l'impôt foncier.

La cour adopte les motifs pertinents et circonstanciés du jugement du 1er décembre 2015 pour homologuer l'évaluation proposée par l'expert judiciaire, qui ne font pas l'objet d'éléments critiques nouveaux en appel, ou qui n'auraient pas pu être soumis à la discussion contradictoire au cours de l'expertise.

La cour ne constate aucune irrégularité dans les opérations d'expertise de nature à fonder la demande du preneur au bénéfice d'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire.

Sur la clause d'indexation du dépôt de garantie

La cour confirme la recevabilité prononcée par le jugement du 12 décembre 2017 de la demande du preneur de déclarer non écrite la clause relative au dépôt de garantie, laquelle n'est pas critiquée au-delà des moyens relatifs à l'autorité de la chose jugée, le désistement du preneur, la prescription, l'application à ce bail de l'article L 145-15 du code de commerce, sur lesquels la cour a déjà statué.

Les parties ne critiquent pas davantage sur le fond l'appréciation du premier juge de déclarer non écrit seulement le passage de la clause prévoyant que le dépôt de garantie n'est pas productif d'intérêts au regard des dispositions de l'article L 145-40 du code de commerce.

La cour rejette l'argumentation du preneur pour obtenir la restitution du montant du réajustement contractuel du dépôt de garantie, en ce qu'elle est fondée sur la prétention déjà écartée par la cour à déclarer non écrite la clause d'indexation du loyer.

Sur les autres prétentions

Il résulte des motifs de la cour la confirmation des dispositifs des jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017, sauf en ce que le jugement du 12 décembre 2017 déclare irrecevable la demande de la SAS Distribution Casino France de voir déclarer non écrite dans son intégralité la clause d'indexation du bail commercial.

Il est équitable de mettre en conséquence à la charge de la SAS Distribution Casino France qui succombe dans ses prétentions d'appelante des deux jugements une part des frais non remboursables exposés en appel par la SCI Dalladel, pour un montant de 8000 €.

La cour confirme les dispositions des deux jugements relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SAS Distribution Casino France supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Ordonne la jonction des deux instances inscrites au greffe de la cour sous les numéros du répertoire général 15/9776 et 17/6738, en appel des jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017, sous le numéro de l'appel le plus ancien 15/9776 ;

Confirme les jugements rendus le 1er décembre 2015 et le 12 décembre 2017, sauf en ce que le jugement du 12 décembre 2017 déclare irrecevable la demande de la SAS Distribution Casino France de voir déclarer non écrite la clause d'indexation du bail commercial ;

Et ajoutant sur le chef infirmé :

Déclare non écrite la mention particulière dans la clause d'indexation du bail :

« la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base » ;

Condamne la SAS Distribution Casino France à payer à la SCI Dalladel la somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Distribution Casino France aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ph. G.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/09776
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°15/09776 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;15.09776 ?
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