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23/05/2019 | FRANCE | N°18/03967

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 23 mai 2019, 18/03967


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre A



ARRET DU 23 MAI 2019



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03967 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NYRW



Décisions déférées à la Cour :



- Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES du 08 Janvier 2008, enregistrée sous le n° 06/01394

- Arrêt Mixte de la Cour d'Appel de Nîmes du 24 Janvier 2013, enregistrée sous le n° 11/04560

- Arrêt de la Cour d'Appel de N

îmes du 24 Avril 2014, enregistrée sous le n° 11/04560

- Arrêt de la Cour de Cassation du 07 Septembre 2017, enregistrée sous le n° 861 F-D



Vu l'article 1037-1 du code de pr...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 23 MAI 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03967 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NYRW

Décisions déférées à la Cour :

- Jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES du 08 Janvier 2008, enregistrée sous le n° 06/01394

- Arrêt Mixte de la Cour d'Appel de Nîmes du 24 Janvier 2013, enregistrée sous le n° 11/04560

- Arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes du 24 Avril 2014, enregistrée sous le n° 11/04560

- Arrêt de la Cour de Cassation du 07 Septembre 2017, enregistrée sous le n° 861 F-D

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDEURS A LA SAISINE ET APPELANTS :

Monsieur [B] [G]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assisté de Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [K] [G] née [Y]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame [A] [P] [G] épouse [I]

née le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/TRIBOUL MAILLET, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

DÉFENDEUR A LA SAISINE ET INTIME :

Monsieur [V] [B]

né le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assisté de Me Benoît CITEAU, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

DÉFENDEURS A LA SAISINE ET INTERVENANTS :

Monsieur [O] [B]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [Q] [Q] épouse [N]

née le [Date naissance 5] 1941 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Monsieur [C] [G] [D] [N]

né le [Date naissance 6] 1967 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [E] [N] épouse [W]

née le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 12]

Représentée par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [M] [N] épouse [O]

née le [Date naissance 8] 1974 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentée par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [W] [N] épouse [V]

née le [Date naissance 9] 1982 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me Déborah MARTOS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Julien DUMAS-LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Madame [S] [S] épouse [D]

prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Mr [H] [D] décédé le [Date décès 1] 2013, propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

née le [Date naissance 10] 1961 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à domicile

Monsieur [T] [D]

ès qualités d'héritier de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

né le [Date naissance 11] 1964 à

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 17]

assignée le 30 août 2018 à personne

demeurant actuellement [Adresse 12]

[Localité 18]

Madame [F] [U] [D]

ès qualités d'héritière de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

née le [Date naissance 12] 1966 à [Localité 19]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 20]

assignée le 30 août 2018 procès-verbal art 659 cpc

Monsieur [R] [D]

ès qualités d'héritier de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

né le [Date naissance 13] 1973 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 17]

assignée le 30 août 2018 à domicile

Monsieur [X] [L] [D]

ès qualités d'héritier de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

né le [Date naissance 14] 1974 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à étude

Monsieur [Y] [H] [D]

ès qualités d'héritier de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

né le [Date naissance 15] 1984 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à personne

Monsieur [N] [D]

ès qualités d'héritier de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

né le [Date naissance 16] 1986 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à domicile

Madame [I] [D]

ès qualités d'héritière de Mr [H] [D], propriétaire riverain du chemin de l'[Localité 15]

née le [Date naissance 17] 1993 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à domicile

ASSOCIATION DES RIVERAINS ET PROPRIETAIRES DU CHEMIN DE [Localité 24] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.

[Adresse 10]

[Localité 5]

assignée le 30 août 2018 à étude

SCI LIBERE-TERRE DE [Localité 25]

[Adresse 16]

[Localité 26]

Représentée par Me Jean noël SARRAZIN de la SCP TEISSEDRE, SARRAZIN, CHARLES GERVAIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Roch-Vincent CARAIL, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Mars 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le MARDI 26 MARS 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur Thierry CARLIER, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET, Conseiller, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 19 mars 2019

Greffier, lors des débats : Madame Marie-José TEYSSIER

ARRET :

- PAR DEFAUT

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par, Monsieur Thierry CARLIER Conseiller, en remplacement de la Présidente empêchée et par Emmanuelle MARCHAL, Directrice des services de greffe judiciaire.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Les époux [G]/[Y] sont propriétaires dans la commune de [Localité 2] ( Gard ) de diverses parcelles situées au lieudit ' [Adresse 17] ' selon acte authentique du 27 septembre 1996 .

Madame [Z] [I] est propriétaire de parcelles limitrophes situées sur la commune de [Localité 27] ( Gard ) selon acte authentique du 26 octobre 1977.

Contestant la servitude de passage grevant leurs fonds réciproques dont se prévaut Monsieur [V] [B], ils ont assigné ce dernier en dénégation de servitude et paiement de dommages et intérêts devant le tribunal de grande instance de Nîmes qui, par jugement contradictoire du 8 janvier 2008, a rejeté leur demande et les a condamnés à payer à Monsieur [B] la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 22 juin 2010, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement et a condamné les époux [G]/[Y] et Madame [I] à supprimer tous obstacles au passage de Monsieur [B] sur le chemin traversant leurs propriétés au besoin par la remise de la clé du cadenas du portail aménagé sur ledit chemin.

Par arrêt du 13 septembre 2011, la Cour de cassation a annulé cette décision au motif que l'acte rectificatif du 15 juin 1998 intervenu entre la commune de [Localité 2] et les époux [G]/[Y] ne pouvait valoir titre recognitif de servitude sans viser l'acte constitutif de celle-ci.

Par arrêt du 24 janvier 2013, la cour d'appel de Nîmes devant laquelle l'affaire a été renvoyée a infirmé le jugement rendu le 8 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Nîmes, dit que Monsieur [B] ne peut se prévaloir d'une servitude conventionnelle de passage sur le fonds des époux [G]/[Y] et avant dire droit, ordonné une expertise confiée à Madame [J] [R], géomètre expert, avec notamment pour mission de dire si au regard des dispositions des articles 682 et suivants du code civil , le fonds de Monsieur [B] est enclavé et, si tel est le cas, par quel accès suffisant le passage peut être assuré au regard, notamment, des dispositions de l'article 685 du code civil.

Par arrêt du 24 avril 2014, la cour a ordonné la poursuite de l'expertise au contradictoire de toutes les parties assignées en intervention forcée par Monsieur [B], soit Monsieur [O] [B], les consorts [D], la Sci Libère Terre et les consorts [N].

Monsieur [H] [D] étant décédé en cours de procédure, ses héritiers, [S], [X], [Y], [N], [T], [F], [R] et [I] [D] ont été assignés à leur tour en intervention forcée.

L'expert a déposé son rapport le 4 novembre 2014 en concluant à une enclave partielle du fonds [B] .

Par arrêt du 14 janvier 2016, la cour d'appel de Nîmes a :

déclaré irrecevable le moyen de procédure invoqué par les consorts [N] quant à leur intervention forcée,

constaté que la propriété de Monsieur [V] [B] située sur la commune de [Localité 27] est enclavée,

dit que son accès à la voie publique ( RD 39 ) se fera selon le tracé D-K-J-H-G figurant en couleurs marron et jaune au plan annexé par l'expert [R] à son rapport du 4 novembre 2014,

condamné Monsieur [V] [B] à payer aux époux [G]/[Y] la somme de 6000 € et à Madame [Z] [I] celle de 1250 € à titre d'indemnités,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,

dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés .

Les époux [G]/[Y] et Madame [I] ont formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt du 7 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en sa disposition relative au moyen de procédure, l'arrêt rendu le 14 janvier 2016 entre les parties et a renvoyé ces dernières devant la cour d'appel de Montpellier .

Monsieur [O] [B], l'association des riverains et propriétaires du chemin de [Localité 24] ainsi que les consorts [D] n'ont pas constitué avocat.

Vu les conclusions de Madame [K] [G] née [Y], de Monsieur [B] [G] et de Madame [Z] [I] née [G] remises au greffe le 11/03/2019,

Vu les conclusions de Monsieur [V] [B] remises au greffe le 02/11/2018,

Vu les conclusions de [Q], [E], [M], [W] [N] et de [C] [N] remises au greffe le 14/11/2018,

Vu les conclusions de la Sci Libère Terre de [Localité 25] remises au greffe le 30/10/2018,

Vu l'ordonnance de clôture du 19 mars 2019 .

SUR CE :

Sur les limites de la saisine après cassation :

Concernant le moyen unique du pourvoi principal, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes au motif suivant :

' Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la demande de M. [B] en désenclavement par le tracé Sud dit des [Localité 28], l'arrêt retient que ce tracé est le plus court et le moins dommageable comme éloigné de l'habitation de M. et Mme [G] et d'une longueur de 100 mètres depuis la route départementale jusqu'au ruisseau d'[Localité 29] ;

Qu'en statuant ainsi , sans répondre aux conclusions de M. et Mme [G] et de Mme [I] qui invoquaient le caractère moins dommageable du chemin dit de l'[Localité 15] du fait de la présence, sur le chemin des [Localité 28], d'un pont submersible ne pouvant supporter de lourdes charges et de l'installation par la commune , sur le chemin d'exploitation existant parallèlement à la partie non carrossable du chemin de l'[Localité 15], des réseaux desservant le hameau de [Localité 25] et d'une borne à incendie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ' .

La cour d'appel de Montpellier est donc saisie de l'intégralité du litige, à l'exception du moyen tiré de l'irrecevabilité de l'intervention forcée des consorts [N] .

Sur la prescription acquisitive :

Au préalable, il convient de rappeler que l'état d'enclave n'est pas discuté par les appelants.

Aux termes de l'article 685 alinéa 1 du code civil , ' L'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu '.

La Sci Libère Terre et les consorts [N] soutiennent que l'ensemble des actes et pièces produites établissent que les auteurs de la Sci Libere Terre utilisaient depuis plus de trente ans le chemin des [Localité 28].

Il est constant que lorsque les usagers ont utilisé simultanément ou alternativement deux itinéraires, le passage s'exerçant en des points différents rend la possession équivoque et ne permet pas d'acquérir par prescription l'assiette d'une servitude de passage, même si les passages ont duré trente ans.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que les propriétés Libère-Terre, [I] et [B] ont une origine commune en ce qu'elles constituaient une seule unité foncière avant 1960 s'étendant du hameau de [Localité 25] à l'Est jusqu'au ruisseau d'[Localité 29] à l'Ouest desservie par le chemin napoléonien allant de la route départementale 21 ( point A du plan de l'expert ) au ruisseau d'[Localité 29] ( point H du plan ), l'expert indiquant que ce chemin va vite être insuffisant et rendre le domaine partiellement enclavé.

La desserte des parcelles issues des détachements successifs se fera de 1960 à 1993 notamment par le chemin du [Localité 24] à L'[Localité 15] puis, suite au litige [M]/[B], par le fonds [B] .

De 1993 à 2007, les acquéreurs de [M], dont la Sci Libère-Terre, ont repris leur passage par le chemin du [Localité 24] à l'[Localité 15] jusqu'à ce qu'un litige les oppose à l'association des riverains quant à son entretien et/ou l'adhésion à l'association, la mairie de [Localité 27] ayant réalisé les derniers travaux d'entretien en 1979 en laissant pour l'avenir cette charge aux riverains.

La Sci Libère-Terre a alors revendiqué un passage sur le fonds [G]/[Y] dont il est acquis que le chemin de couleur marron ( point G-H du plan ) traversant leur parcelle a été déplacé postérieurement à leur acquisition, déplacement entériné par la création de la parcelle C [Cadastre 1] à l'acte rectificatif du 15 juin 1998.

Il ressort de cette chronologie que l'itinéraire utilisé par la Sci Libère Terre et ses auteurs a varié au cours du temps, ce qui rend la possession alleguée équivoque et ne permet pas de retenir l'existence d'une prescription acquisitive .

Sur l'application des dispositions de l'article 684 du code civil :

Aux termes de l'article 684 du code civil , ' Si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable ' .

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que les propriétés [B],[I] et la Sci Libère Terre ont un auteur commun en ce qu'ils sont issus de la division de la propriété de Madame [L], de sorte que le passage doit intervenir prioritairement sur les parcelles qui formaient auparavant une unité foncière, en l'espèce sur le fonds [I] .

Sur l'application des dispositions de l'article 683 du code civil :

Aux termes de l'article 683 du code civil , ' le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique .Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé '.

En l'espèce, l'expert retient deux possibilités de désenclavement :

* le passage par l'[Localité 15] ( tracé nord ) passant par les fonds [D] et [N]

* le passage par les [Localité 28] ( tracé sud ) passant par les fonds [G] et [I]

Concernant la distance, l'expert indique que le tronçon B- E - F serait d'une longueur de 270 mètres pour arriver à la propriété de la Sci Libère Terre auxquels il faut rajouter 190 mètres de passage pour arriver à la propriété [B] , soit un tronçon B-E-F-D d'une longueur de 460 mètres .

Or, il convient de relever que les pièces versées aux débats par la Sci Libère-Terre établissent que le tronçon A-B du tracé nord est un chemin privé, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises et à des époques différentes par la Direction Départementale de l'Equipement du Gard et la Mairie de [Localité 27] .

En effet, il ressort du courrier adressé le 4 juin 1974 par le Directeur Départemental de l'equipement au Maire de [Localité 5] et ayant pour objet ' Chemin du [Localité 24]-Nature juridique ' que ' le chemin du [Localité 24] n'a pas été classé par le Conseil Municipal de [Localité 5] dans la catégorie des voies communales et ne figure pas, dans ces conditions, sur le tableau de classement unique des voies communales .

Il s'agit d'un chemin d'exploitation qui part de la route de [Localité 5] et conduit à l'[Localité 15] .

Commun aux propriétaires d'[Localité 15] et du [Localité 24], il a été vendu par acte notarié du 31 juillet 1923 établi par Maître [FF] [P], notaire à [Localité 2], par M. [AA] [E] à M. [LL] [H], cultivateur à [Localité 27] ' .

Par un courrier du 28 octobre 1993, la mairie refusera l'aide de la commune pour les travaux d'entretien du chemin du [Localité 24], faisant état du caractère privé de ce chemin, ce qui entraînera la constitution , le 12 août 1997, de l'association des riverains [Localité 24]-[Localité 15] ayant pour but d'assurer l'entretien et la réfection du Chemin du [Localité 24] et d'[Localité 15] .

Par courrier du 6 avril 2006 adressé à Monsieur [B], le maire de [Localité 5] indiquait :

' Suite à votre courrier recommandé du 31 mars dernier, veuillez trouver les réponses aux deux questions posées :

1-le chemin du [Localité 24] à l'[Localité 15] est entièrement privé .

2- aucun tronçon communal ne permet l'accès au hameau de [Localité 25] .

Enfin, par courrier du 10 mars 2015, le maire confirmait que le chemin du [Localité 24] n'était pas inscrit au tableau des voies communales, ni au tableau des voies rurales ( datant de 1859 ) et qu'à ce jour, la commune n'entreprenait aucune démarche pour qu'il devienne un chemin rural.

Compte tenu de ces éléments, il n'est pas démontré que le chemin du [Localité 24] à l'[Localité 15] correspondrait à la définition résultant de l'article L 161-1 du code rural aux termes duquel ' Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune'.

Il convient donc d'ajouter au 270 mètres pour arriver à la propriété Libère Terre et au 190 mètres pour arriver à la propriété [B] le tronçon A-B d'une longueur de 875 mètres correspondant à un chemin privé, le chemin de l'[Localité 15] étant donc privé sur toute sa longueur de 1335 mètres .

Le tracé sud G-H-I-J-D qui part de la départementale 39 a une longueur selon l'expert d'environ 1250 mètres pour le tracé G-H-I-J-K , les deux tronçons devant être grevés d'une servitude de passage ( [G] et [I] ) ayant selon l'expert une longueur totale de 200 mètres, le reste du chemin étant rural .

Par conséquent, la majeure partie du passage par les [Localité 28] correspond à un chemin rural, et n'impacte qu'une propriété ( [G] ) sur une distance réduite de 100 mètres, étant rappelé que les propriétés [B] , Libère Terre et [I] ont un auteur commun, alors que le tracé nord a une longueur plus importante et est entièrement privé.

Par ailleurs, concernant le critère de l'endroit le moins dommageable visé par l'article 683 du code civil, il convient de relever d'une part que si l'expert note sur le chemin d'exploitation existant parallèlement au chemin de l'[Localité 15] ( tronçon B-E-F ) l'existence de réseaux desservant le hameau de [Localité 25], ainsi que d'une borne à incendie, il souligne également que ce chemin est carrossable mais fragile et demande une circulation à une vitesse très réduite, la seule présence de réseaux publics ne permettant pas en tout état de cause de caractériser l'existence d'un passage suffisant au sens de l'article 682 du code civil pour assurer la desserte complète des fonds.

D'autre part, concernant le passage par les [Localité 28], l'expert expose en premier lieu que le dommage est important chez Monsieur et Madame [G] qui ont une propriété bâtie à l'inverse du reste des terres agricoles, en second lieu que le dommage est important au niveau du pont submersible dans le ruisseau d'[Localité 29] qui ne peut supporter de lourdes charges, faisant valoir que pour le reste, c'est essentiellement un passage par le chemin rural autorisant tout trafic à tous véhicules.

Sur le premier point , il ressort du plan annexé à l'expertise que le chemin existant sur la propriété [G]/[Y], qui constitue l'accès à la propriété [I], a été déplacé pour l'éloigner de leur habitation, déplacement enteriné par la création de la parcelle C [Cadastre 1] par l'acte rectificatif du 15 juin 1998 dont la validité est contestée par les intimés.

En tout état de cause, l'acte rectificatif du 15 juin 1998 dispose ' Enfin, il est rappelé à Monsieur et Madame [G] que le chemin en question étant le seul accès à diverses propriétés ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ils devront laisser le libre passage aux propriétaires concernés, ce qu'ils reconnaissent et acceptent '.

Si les consorts [G]-[I] soutiennent que cette mention ne concernerait que les propriétaires du pailler de [Localité 25], à savoir Madame [I], force est de constater que l'acte rectificatif du 15 juin 1998 fait bien état des diverses propriétés et non pas uniquement de la propriété de Madame [I], ce qui est confirmé par un courrier du 27 août 2007 du maire honoraire de [Localité 2], Monsieur [A], adressé à Monsieur [B], rappelant que la condition sine qua non de la transaction de 1998, édictée dans l'acte notarié, lu, approuvé et signé par Monsieur et Madame [G], était de laisser le libre passage aux propriétaires concernés.

Monsieur [A] ajoute 'Compte tenu des relations qui présidaient au déroulement de cette transaction, il n'est jamais venu à l'idée d'aucun conseiller municipal ni de moi-même d'énumérer les noms des propriétés concernées par ce droit de passage, lesquelles ont toujours été clairement identifiables car connues ( de notoriété publique ) comme étant toutes celles du quartier de [Localité 25] de [Localité 5] .

Je me permets ici de vous préciser la liste dont j'ai à coeur de préserver les droits de passage de leurs propriétaires respectifs:

1) propriété de Madame [X]

2)propriété de Madame [I]

3) propriété de Monsieur [B]

4) propriété de Monsieur [C]-Madame [J]

J'ose espérer que ces éclaircissements et/ou précisions vous permettront de donner à cette affaire un dénouement conforme aux aspirations clairement exprimées par les parties à l'époque de la négociation'.

Par conséquent, il est établi qu'en 1998, les époux [G] s'engageaient à laisser le libre passage aux propriétaires concernés, ce qui est en contradiction avec le caractère dommageable du chemin par les [Localité 28] qu'ils revendiquent aujourd'hui, étant rappelé que le chemin des [Localité 28] a été déplacé pour que les habitants de l'actuel fonds [G] ne subissent plus les nuisances liées au passage ( extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal du 22 mai 1997 ).

Il convient également de constater que la présence de boîtes aux lettres en limite de la propriété [G]/[Y] démontre que la distribution du courrier des habitants du hameau de [Localité 25] s'effectue bien par le chemin des [Localité 28].

Par ailleurs, concernant l'état du chemin, l'expert considère qu'hormis le pont submersible qui ne pourrait supporter de lourdes charges, le passage par le chemin rural autorise tout trafic à tous véhicules.

Enfin, concernant le pont en béton, Monsieur [Z] atteste que ce pont n'a connu de dommages que lors des crues de 2002 et 2011 et non à cause du passage de véhicules.

En tout état de cause, il n'est justifié d'aucun incident portant sur la résistance de ce pont en béton depuis sa construction en 1966 par Madame [L], ce pont auparavant en bois ayant été justement reconstruit pour permettre le passage de véhicules plus lourds.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des dispositions des articles 683 et 684 du code civil , la cour considère que le passage le plus court et le moins dommageable est constitué par le tracé D-K-J-H-G du plan de l'expert.

Sur l'indemnité due par le bénéficiaire de la servitude :

Il résulte des dispositions de l'article 682 du code civil que le propriétaire dont les fonds sont enclavés est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

L'expert estime l'indemnité due à Monsieur et Madame [G] sur un passage de 100 mètres de long et de 4 mètres de large, soit une assiette de 400 m² minimum, à 6000 €, sur la base de 30 €/m².

Concernant Madame [I], l'expert évalue son préjudice sur les 100 mètres du chemin dans ses bois de 2,50 mètres de large à 1250 €, sur la base de 10 € /m².

Monsieur [B] ne discute pas les évaluations proposées par l'expert mais invoque uniquement la prescription des prétentions indemnitaires des époux [G], la prescription ayant été écartée ci-dessus .

Par conséquent, Monsieur [B] sera condamné à payer aux époux [G] une indemnité de 6000 € et à Madame [I] une indemnité de 1250 €.

Sur les demandes annexes :

Si les époux [G]/[Y] et Madame [I] sont autorisés à se clore, ils devront, pour permettre l'accès tel que défini, s'assurer qu'aucun dispositif n'entrave la libre circulation sur le chemin des [Localité 28] .

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Les appelants ne justifient pas en l'espèce d'un préjudice de jouissance particulier qui résulterait directement de l'attitude de Monsieur [B], ce dernier ne caractérisant pas d'avantage ' l'acharnement procédural ' dont aurait fait preuve les consorts[G]/[I] à son égard.

Leurs demandes respectives de dommages et intérêts seront en conséquence rejetées .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, les parties succombant partiellement dans leurs prétentions respectives, chacune d'elle conservera la charge des dépens qu'elle a exposés comprenant, en ce qui concerne Monsieur [B], les frais d'expertise judiciaire, cette dernière ayant été ordonnée dans son intérêt.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement dans ses dispositions relatives à l'acquisition par prescription trentenaire par la SCI LIBERE TERRE de l'assiette d'un chemin du passage, au dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

Dit que l'accès à la voie publique ( RD 39 ) de la propriété de Monsieur [V] [B] se fera selon le tracé D-K-J-H-G figurant en couleurs marron et jaune au plan annexé par l'expert [R] à son rapport du 4 novembre 2014, sans qu'aucun dispositif ne puisse entraver la libre circulation sur ce chemin,

Condamne Monsieur [V] [B] à payer aux époux [G]/[Y] la somme de 6000 € et à Madame [Z] [I] la somme de 1250 € à titre d'indemnités,

Rejette les demandes de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés, comprenant, pour Monsieur [B], les frais d'expertise judiciaire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

TC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 18/03967
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°18/03967 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;18.03967 ?
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