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23/04/2019 | FRANCE | N°16/05353

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 23 avril 2019, 16/05353


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 23 AVRIL 2019



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/05353 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MXGN







Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 MAI 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 14/01040







APPELANT :



Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

de nationalitÃ

© Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Anthony SINARD de la SELARL CHAB...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 23 AVRIL 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/05353 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MXGN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 MAI 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 14/01040

APPELANT :

Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Anthony SINARD de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEES :

SAS POLYCLINIQUE [Établissement 1] représentée en la personne de son président en exercice y domicilié

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

CPAM DE L'AUDE représentée par son Directeur en exercice y domicilié et également [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me Véronique PELISSIER, de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Février 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 MARS 2019, en audience publique, Monsieur Philippe GAILLARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

[H] [F] a été victime le 18 mars 2008 d'une chute dans l'exercice de sa profession d'éducateur sportif.

Il a subi le 5 mai 2008 sous anesthésie générale une arthroscopie pratiquée par le Docteur [I] à la polyclinique [Établissement 1], puis le 7 mai et le 10 mai par le même médecin une ponction en raison d'un épanchement, qui ont permis le diagnostic d'arthrite septique par la présence d'un staphylocoque doré.

Le 7 octobre 2008, le docteur [I] a saisi le CRCI.

Les médecins experts ont conclu à une arthrite infectieuse contractée, soit le 5 mai à la polyclinique [Établissement 1], soit le 7 mai au cabinet du Docteur [I].

[H] [F] a fait assigner le Docteur [I] devant le tribunal de grande instance de Carcassonne.

Par jugement du 13 mars 2012, le tribunal a condamné le Docteur [I] à indemniser le préjudice de [H] [F], et débouté le Docteur [I] de ses demandes à l'encontre de la polyclinique [Établissement 1].

Sur un appel du Docteur [I], [H] [F] a formé ses prétentions à l'encontre du docteur et de la polyclinique.

Par un arrêt du 19 novembre 2013, la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes de [H] [F] formées pour la première fois en appel à l'encontre de la polyclinique, et rejeté les demandes à l'encontre du Docteur [I], en constatant que la preuve d'une faute quelconque imputable au Docteur [I] à raison des interventions pratiquées sur [H] [F] n'est pas rapportée.

Par acte du 16 juin 2014, [H] [F] a fait assigner la polyclinique [Établissement 1] et la CPAM de l'Aude.

Le jugement rendu le 17 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Carcassonne énonce dans son dispositif :

-Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

-Déclare la société polyclinique [Établissement 1] responsable du préjudice subi par [H] [F].

-Fixe le préjudice total de [H] [F] à la somme de 279'589,18 €.

-Condamne la société polyclinique [Établissement 1] à payer à [H] [F] la somme de 197'489,18 €, et 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamne la société polyclinique [Établissement 1] à payer à la CPAM de l'Aude la somme de 190'108,43 € au titre de ses débours, 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 1037 € sur le fondement de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale.

-Ordonne la capitalisation des intérêts dans des conditions prévues à l'article 1154 du Code civil.

-Condamne la société polyclinique [Établissement 1] aux dépens.

Le jugement rejette le moyen d'autorité de la chose jugée, en relevant que le débouté en appel de la demande formée pour la première fois par [H] [F] à l'encontre de la polyclinique [Établissement 1] ne comportant aucune appréciation sur le fond de la demande n'interdit pas à son auteur d'introduire cette même demande dans une nouvelle instance devant le juge du premier degré.

Le jugement retient s'agissant d'une infection nosocomiale, que les médecins experts désignés par la CRCI ont retenu qu'elle pouvait avoir été contractée durant l'hospitalisation à la polyclinique [Établissement 1], que l'arrêt du 19 novembre 2013 a retenu l'absence de preuve qu'elle pouvait avoir été contractée au cabinet du Docteur [I], que la polyclinique ne prouve pas davantage qu'elle serait imputable à l'intervention pratiquée au cabinet du Docteur, alors que la cour d'appel a rejeté le principe d'une faute du docteur en présence au débat de la polyclinique appelée en garantie.

Le jugement précise que la circonstance de bonnes pratiques répondant aux contraintes réglementaires de l'intervention à la polyclinique est inopérante alors que la responsabilité de l'établissement est présumée sans faute sauf preuve d'une cause étrangère non rapportée en l'espèce.

Le jugement évalue les postes de préjudices de la victime, et le recours de l'organisme social, par des motifs circonstanciés auxquels la cour renvoie les parties pour un exposé complet.

[H] [F] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 5 juillet 2016.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 février 2019.

Les dernières écritures pour [H] [F] ont été déposées le 31 janvier 2017.

Les dernières écritures pour la polyclinique [Établissement 1] ont été déposées le 2 décembre 2016.

Les dernières écritures pour la CPAM de l'Aude ont été déposées le 16 août 2016.

Le dispositif des écritures pour [H] [F] énonce :

-Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

-Déclare la société polyclinique [Établissement 1] responsable du préjudice subi.

-Condamne la polyclinique [Établissement 1] à payer à [H] [F] la somme de 141'287,18 € au titre du préjudice patrimonial temporaire, et les sommes de :

' 22'100 € pour le déficit fonctionnel permanent,

' 10'000 € pour les souffrances endurées,

' 10'000 € pour le préjudice d'agrément,

' 6000 € pour le préjudice esthétique,

' 30'202 € au titre du déménagement dans une maison de plain-pied.

-Et statuant à nouveau sur le préjudice pour perte de gains futurs, la somme de 2'746'894,29 €, et au titre de l'incidence de son inaptitude sur le montant de ses droits à la retraite la somme de 201'805 € (210'805 dans les motifs).

-Condamner la polyclinique [Établissement 1] à payer à [H] [F] la somme de 5000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-La condamner aux dépens, dont distraction au profit de l'avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile.

[H] [F] demande l'adoption des motifs pertinents du premier juge pour écarter l'autorité de la chose jugée sur ses prétentions à l'encontre de la polyclinique.

Il demande également l'adoption des motifs du premier juge pour retenir la présomption de responsabilité de la polyclinique sans obligation de démontrer une faute.

Sur les préjudices, il expose particulièrement son parcours professionnel jusqu'à l'accident, qu'il avait souscrit des contrats de prestations professionnelles pour la saison 2009/2010 avec l'union sportive [Localité 1] rugby, pour l'animation d'un cours de judo, pour la préparation physique et mentale des adhérents du [Localité 1] olympique espace, qu'il était qualifié pour les championnats d'Europe de judo, qu'il s'était inscrit à des formations qualifiantes, que l'accident du 18 mars 2008 n'avait pas affecté son niveau d'entraînement et de prestations, que l'arrêt de travail à la suite de l'opération du 5 mai se terminait à la fin du mois, alors que son état résultant de l'infection laissait des séquelles importantes constatées par les experts incompatibles avec la poursuite de son activité professionnelle et sportive.

[H] [F] précise qu'il a été déclaré inapte à la reprise de son poste par la médecine du travail le 5 janvier 2010, que les associations au sein desquelles il était employé n'ont pas pu le reclasser, qu'il a dû renoncer à toutes ses missions de travailleur indépendant, que l'absence de renouvellement de sa carte professionnelle ne lui permettra plus d'exercer les activités en relation avec ses diplômes, qu'il a engagé une recherche d'emploi sur des postes administratifs dans les pratiques sportives dont les réponses ont été négatives.

Sur les indemnisations critiquées en appel pour les postes de préjudice de perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, [H] [F] soutient qu'il était privé de la possibilité de travailler à nouveau dans les conditions antérieures, qu'il percevait auprès de divers employeurs un montant total de revenus annuels de 175'666 €, alors qu'il perçoit depuis la consolidation une rente de la CPAM limitée à 7357,44 € par an.

Il prétend qu'il aurait pu exercer son activité pour laquelle il était passionné jusqu'à 70 ans, qu'il a été licencié en 2013 à 52 ans et qu'il a donc perdu une chance d'exercice pendant environ 17 ans, soit un préjudice après déduction des montants perçus par la CPAM et pôle emploi de 2'746'894,29 €.

Il critique le premier juge en ce qu'il a considéré que rien ne permettait de démontrer qu'il aurait poursuivi sa carrière au-delà de 62 ans, que les contrats avec les associations auraient été régulièrement reconduits, que les débats ne permettent pas d'apprécier une certitude de montant des droits à la retraite et une incidence professionnelle corrélative.

Il soutient que sa retraite prévisible subit un préjudice annuel de 30'115 €, soit pour une possibilité de bénéfice de 60 à 77 ans un préjudice total de 210'805 €.

Le dispositif des écritures pour la société polyclinique [Établissement 1] énonce :

-Débouter [H] [F] de l'intégralité de ses demandes au nom de l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Montpellier dans l'arrêt du 19 novembre 2013, ayant déjà formé la même prétention indemnitaire à l'encontre de la polyclinique.

-À titre subsidiaire, constater un faisceau d'indices graves et concordants permettant d'affirmer que l'infection nosocomiale a été contractée au cabinet du Docteur [I] le 7 mai 2008, et qu'il n'est pas rapporté la preuve que l'infection est à rechercher dans l'intervention chirurgicale pratiquée dans l'établissement le 5 mai.

-À titre infiniment subsidiaire, dire que la liquidation des préjudices sera fixée telle qu'il suit :

' PGPA9212,33 €

' DFP22'100 €

' SE10'000 €

' PE temporaire à 2/71000 €

' PE permanent à 1/72000 €.

-Rejeter les autres prétentions d'indemnisation, sauf à confirmer à titre subsidiaire l'allocation de 60 000 € au titre des PGPF.

-Condamner le succombant au paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La polyclinique soutient que son intervention forcée par une assignation du Docteur [I] le 5 juillet 2011 l'a rendue partie à la première instance engagée, et que par conséquent les prétentions formées contre elle par [H] [F] pour le même objet dans la deuxième instance se heurtent à l'autorité de la chose jugée, dans la mesure où le juge a déjà statué sur la demande de garantie à son encontre par le Docteur [I].

Il soutient que le principe de concentration des moyens obligeait [H] [F] à réclamer l'indemnisation de ses préjudices également à l'encontre de la polyclinique dans la première instance.

La polyclinique relève dans les rapports d'expertise devant la CRCI que le Docteur [I] n'avait pas utilisé de gants stériles ni réalisé d'examen cytobactériologique lors de la ponction réalisée dans son cabinet en milieu non stérile le 7 mai 2008.

À titre subsidiaire sur les préjudices, la polyclinique soutient que n'est pas rapportée la preuve de perte de gains professionnels actuels avant consolidation au-delà de la somme de 57'102,26 €, soit après déduction des indemnités journalières versées pour 47'889,93 € un solde disponible de 9212,33 €.

Elle précise que les frais de logement ont été expressément exclus par l'expertise judiciaire, que le préjudice d'agrément a été retenu à tort par le premier juge contrairement à l'appréciation de l'expertise, que aucune perte de gains professionnels futurs n'est sérieusement démontrée.

La polyclinique soutient que la preuve n'est pas rapportée du lien de causalité entre certaines prestations de l'organisme social et l'accident nosocomial, notamment pour l'octroi d'un déficit fonctionnel de 35 % retenu par le médecin-conseil de la CPAM, que l'action de l'organisme social ne pourra être reçue que concernant les sommes en lien avec le dommage poste par poste.

Le dispositif des écritures pour la CPAM de l'Aude énonce :

-Confirmer le jugement pour l'exercice de son recours poste par poste pour le montant des prestations servies d'un total de 190'108,43 €, avec les intérêts au taux légal et la capitalisation à compter du versement des prestations.

-Condamner les succombants au paiement de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et une indemnité de 1037 € en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

-Condamner les succombants aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L'arrêt aujourd'hui définitif rendu le 19 novembre 2013 par la cour d'appel de Montpellier, notamment entre les mêmes parties [H] [F], la SA polyclinique [Établissement 1], la CPAM de l'Aude, et pour le même objet du litige, a déclaré [H] [F] irrecevable en ses demandes formées pour la première fois en cause d'appel à l'encontre de la polyclinique [Établissement 1].

Cette irrecevabilité prononcée sans examen au fond des prétentions n'interdît pas à leur auteur de présenter les mêmes prétentions dans une nouvelle instance, dès lors que la cause d'irrecevabilité a disparu.

Il en résulte que les conditions de l'autorité de la chose jugée posées par les dispositions de l'article 1355 du Code civil ne sont pas applicables à l'espèce.

Le premier juge a également écarté par des motifs pertinents l'application sollicitée par la polyclinique [Établissement 1] du principe de concentration des moyens, en relevant que dans la première instance [H] [F] n'avait formé une demande d'indemnisation qu'à l'encontre du Docteur [I], sans avoir par conséquent à développer de moyens à l'encontre de la polyclinique seulement appelée en garantie par le Docteur, et que la demande formée en appel à l'encontre de la polyclinique a été déclarée irrecevable sans examen au fond.

Ainsi, il ne peut être fait grief à [H] [F] d'une quelconque abstention de soulever en temps utile les moyens de nature à fonder sa demande à l'encontre de la polyclinique.

La cour confirme le jugement déféré en ce qu'il déclare recevables les prétentions de [H] [F] à l'encontre de la polyclinique [Établissement 1].

Sur la responsabilité des préjudices

Il est constant que les dommages sont imputables à une infection nosocomiale.

L'article L 1142-1 du code de la santé publique dispose d'une part que les professionnels de santé ne sont responsables qu'en cas de faute, d'autre part que les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

La disposition légale implique une présomption de responsabilité de plein droit sans faute de l'infection contractée au sein de l'établissement, sauf à établir la preuve d'une cause étrangère ayant les caractéristiques d'imprévisible et irrésistible de la force majeure.

Les expertises contradictoires réalisées dans la procédure devant le CRCI concluent sans être critiquées par les parties à une infection contractée, soit le 5 mai à la polyclinique [Établissement 1], soit le 7 mai au cabinet du Docteur [I].

L'arrêt du 19 novembre 2013 n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des demandes de [H] [F] à l'encontre de la polyclinique, mais en revanche écarte la responsabilité pour fautes en lien de causalité avec l'infection nosocomiale demandée par [H] [F] à l'encontre du Docteur [I] par des motifs précis et circonstanciés que le premier juge a pris en considération avec pertinence.

L'arrêt relève en substance en lecture du rapport d'expertise des Docteurs [B] et [C] que les traitements administrés étaient adaptés à l'état du patient, que le Docteur avait toutes les raisons de penser, au vu de sa constatation dans une intervention en urgence d'un liquide articulaire clair, que son geste était suffisant, d'autant qu'il a surveillé étroitement les suites de l'intervention, même si le retrait de la prothèse ligamentaire aurait définitivement éradiqué l'infection alors qu'il ne disposait pas d'un recul suffisant pour en déterminer la nécessité.

L'arrêt ajoute que l'absence d'un examen cytobactériologique du liquide retiré le 7 mai, l'absence de port de gants stériles lors de l'intervention, ne peuvent caractériser avec certitude un manquement du praticien dont la technique utilisée apparaît efficace pour éviter une contamination articulaire, que la présence d'un liquide trouble lors de l'intervention pratiquée le 10 mai par le Docteur a entraîné un examen bactériologique le lendemain suivi d'une antibiothérapie.

L'arrêt conclut ces motifs en retenant que [H] [F] ne démontre pas que l'infection résulte du geste invasif effectué lors de la ponction pratiquée le 7 mai 2008, plutôt que par l'arthroscopie effectuée le 5 mai au sein de la polyclinique, ni d'une faute du Docteur [I] dans l'intervention pratiquée à la polyclinique le 5 mai.

Le jugement déféré retient avec pertinence que pour s'exonérer de sa présomption de responsabilité, la polyclinique ne démontre pas que l'infection serait avec certitude imputable à une faute du Docteur [I] dans l'intervention pratiquée à son cabinet, de sorte qu'elle n'établit pas une cause étrangère imprévisible et irrésistible.

La cour confirme cette appréciation en l'absence d'éléments nouveaux en appel d'argumentation de la clinique, et constate en conséquence, en application des dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique, qu'en l'absence de preuve d'une faute du Docteur [I] à l'origine de l'infection, l'alternative posée par les experts d'une origine « soit le 5 mai à la polyclinique [Établissement 1], soit le 7 mai au cabinet du Docteur [I] » ne laisse subsister que l'option du 5 mai à la polyclinique, pour laquelle l'absence de preuve d'une cause étrangère établit la présomption de responsabilité.

La cour confirme la responsabilité de la polyclinique des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont [H] [F] a été victime à la suite de l'intervention pratiquée le 5 mai 2008 dans l'établissement.

Sur l'indemnisation des préjudices

La cour fera l'appréciation de l'indemnisation des postes de préjudice dans l'ordre de l'argumentation des prétentions dans les écritures de la victime.

Perte de gains professionnels actuels

Le premier juge a alloué une somme de 141'287,15 €, dont [H] [F] demande la confirmation.

La polyclinique [Établissement 1] demande de réduire ce montant à la somme de 57'102,26 € avant déduction des indemnités journalières versées par l'organisme social.

[H] [F] produit devant la cour les mêmes éléments d'appréciation soumis au premier juge de ses pertes de revenus, constituées à la fois par la partie fixe des salaires et les primes qui présentent un caractère de certitude et de régularité, au bénéfice de chacune des associations qui l'employaient, (contrats de travail, bulletins de salaire, attestations des employeurs sur la régularité des primes, avis d'imposition, tableau récapitulatif des calculs proposés), pour la période de référence suivant immédiatement l'accident, de mai à décembre 2008 et l'année 2009.

Le tableau aboutissant à des résultats chiffrés différents proposé par la polyclinique ne démontre pas une critique pertinente de l'appréciation du premier juge, ni l'argumentation succincte et péremptoire dans ses conclusions.

La cour confirme la juste appréciation du premier juge pour un montant de 141'287,15 €.

Frais de logement

Le premier juge a alloué une somme de 30'202 € pour les frais de changement de résidence directement imputables à l'infection contractée, dont la victime demande la confirmation.

La polyclinique demande le rejet de la prétention sur le motif qu'elle avait été expressément exclue par l'expertise judiciaire.

La cour adopte le motif pertinent du premier juge qui a rejeté l'argumentation de la polyclinique en précisant que la mention dans l'expertise judiciaire qu'il n'y a pas lieu à un logement adapté n'est pas exclusive de la nécessité d'un déménagement pour un logement de plain-pied, en raison d'une mobilité réduite et douloureuse au niveau du genou du fait d'une boiterie importante retenue par l'expertise judiciaire, et confirme en conséquence l'indemnisation retenue de 30'202 €.

Déficit fonctionnel permanent

Sur la base du taux de 17 % retenus par l'expertise judiciaire, le premier juge a alloué un montant ressortant de l'acceptation des parties de 22'100 €.

Les deux parties confirment leur accord en appel sur cette évaluation.

Souffrances endurées

Le premier juge a alloué une somme de 10'000 € sur l'évaluation par l'expert d'un taux de 4/7.

Les deux parties confirment leur accord sur cette évaluation.

Préjudice esthétique

Le premier juge a alloué une somme globale de 6000 € au titre d'un préjudice esthétique temporaire à hauteur de 2/7 en raison d'une boiterie prolongée et de l'utilisation de cannes, et d'un préjudice permanent à hauteur de 1/7 en raison de l'accentuation minime de la cicatrice du genou suite à l'intervention.

[H] [F] demande la confirmation de ce montant.

La polyclinique [Établissement 1] demande de réduire à un montant de 3000 €, soit 2000 € pour le préjudice permanent et 1000 € pour le préjudice temporaire.

La polyclinique ne soutient sa demande d'infirmation par aucune argumentation pertinente au-delà de l'affirmation d'un caractère excessif de l'indemnisation.

La cour confirme l'indemnisation à hauteur de 6000 €.

Préjudice d'agrément

Le premier juge a alloué un montant de 10'000 € au vu des justifications produites que la victime ne peut plus pratiquer des activités physiques de loisir, en considération de son âge de son parcours sportif particulier.

[H] [F] demande la confirmation de ce montant.

La polyclinique [Établissement 1] demande le rejet de la prétention, au motif que l'état antérieur d'une rupture d'une prothèse ligamentaire augurait nécessairement un retrait progressif des activités sportives.

La cour confirme l'appréciation pertinente du premier juge en adéquation avec les conclusions de l'expert judiciaire qui a retenu l'impossibilité strictement imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale de poursuivre les activités physiques de loisirs précédents, alors que la victime justifie l'exercice régulier des activités de loisirs depuis abandonnées, et que l'état antérieur à l'infection à la suite des interventions chirurgicales réussies et la possibilité d'envisager plus tard une prothèse du genou, lui laissait la pleine possession de son haut niveau sportif.

La cour confirme l'allocation de la somme de 10'000 €.

Perte de gains professionnels futurs

Le premier juge a retenu une indemnisation à hauteur d'un montant global de 60'000'€, en retenant en substance :

-l'expert a retenu que la victime n'était pas apte à la date de la consolidation (31 décembre 2009) à reprendre dans les conditions antérieures l'activité qu'elle exerçait, que cette activité hautement physique devait conduire la victime à rechercher un changement de poste, et rendre certain l'abandon hautement probable d'activités antérieures ;

-la prétention de la victime à un préjudice fondé sur des revenus espérés au regard des contrats dont elle bénéficiait, avec les seules justifications de revenus annuels pour l'année 2012 et l'année 2014, et un avis d'imposition contesté pour les revenus 2013, sans que rien ne permette d'affirmer qu'elle aurait poursuivi sa carrière jusqu'à 70 ans, ce qui apparaît très improbable, ni que les contrats d'une durée d'année renouvelable auraient été reconduits pendant 20 ans, ne peut être accueillie ;

-les revenus pour les années antérieures à l'accident sont incertains sur la seule base d'éléments déclaratifs en l'absence de déclaration de revenus.

[H] [F] réclame un montant de 2'746'894,29 €.

Il calcule le préjudice en considération des revenus nets perçus avant l'accident au titre des divers contrats avec des associations sportives, d'un montant cumulé annuel de 175'666,63 €, contrats par la suite dénoncés du fait de son inaptitude.

Il soutient que les formations envisagées allaient augmenter ses compétences et par voie de conséquence sa rémunération, que sa mobilité restreinte s'est aggravée, qu'aucun poste administratif n'a pu lui être attribué, et qu'il perçoit depuis janvier 2010 uniquement la rente invalidité pour un montant annuel de 7357,44 €.

Il expose que passionné par son métier il aurait travaillé jusqu'à la limite obligatoire de 70 ans notamment en qualité de coach sportif.

Il chiffre en conséquence son préjudice sur une perte de gains annuels de 175'666,63'€ pendant 17 ans et sept mois, de l'âge de 52 ans au moment de son licenciement pour inaptitude professionnelle en 2013 jusqu'à 70 ans.

Il produit un rapport d'expertise médicale critique de l'expertise judiciaire selon lequel l'état du genou sans risque certain d'une instabilité réelle fonctionnelle ne justifie pas l'éventualité d'une prothèse totale, que l'arrêt de ses activités est strictement lié aux conséquences de l'arthrite septique.

La polyclinique [Établissement 1] demande le rejet des prétentions, et subsidiairement la confirmation du montant de 60'000 €.

La polyclinique observe que la victime ne produit aucun élément de nature à établir sa situation professionnelle actuelle, que l'arrêt des activités antérieures est aussi probablement imputable à son état antérieur de rupture d'une prothèse ligamentaire du genou, aggravé par un accident traumatique 9 janvier 2010 dans la neige.

Elle demande la confirmation de l'appréciation du premier juge d'une incertitude sur une poursuite d'activité jusqu'à 70 ans et du renouvellement régulier des contrats avec les associations.

La cour observe que l'argumentation en appel de la victime n'apporte pas de critique pertinente au-delà de simples affirmations des motifs du premier juge pour fonder son appréciation du niveau de préjudice, notamment en ce qui concerne la probabilité d'une poursuite d'activité jusqu'à 70 ans et le renouvellement régulier des contrats.

La supposition d'une certitude de revenu annuel jusqu'à 70 ans d'un montant particulièrement élevé de 175'666,63 € ne peut être sérieusement retenue sur la seule base de contrats courts dont le renouvellement n'est pas certain passés avec des associations à l'époque de l'accident dans une tranche de vie de hautes performances sportives dont la poursuite est particulièrement aléatoire, avec des justificatifs de revenus parcellaires ou simplement déclaratifs jugés insuffisants avec pertinence par le premier juge, et alors que l'expert judiciaire mentionne précisément qu'à la suite de la rupture du montage antérieur à l'accident nosocomial il est très probable que la victime n'aurait pas pu reprendre l'intégralité de son travail hautement physique, et on sait qu'il lui avait été évoqué une prothèse totale de genou à moyen terme et qu'elle aurait dû rechercher un changement de poste, que la complication septique a seulement rendu certain l'abandon antérieurement hautement probable des activités professionnelles.

Dans ces conditions, la cour rejette comme le premier juge la prétention d'indemnisation de [H] [F], et fait une évaluation du préjudice sur le fondement d'une perte de chance d'un niveau d'activité rémunératrice qui caractérise une incidence professionnelle, pour une période entre l'âge de la victime de 49 ans au moment de la consolidation et l'âge de 62 ans d'une retraite prévisible certaine, à hauteur d'un montant de 60'000 € justement apprécié par le premier juge.

La perte de droits à la retraite

Le premier juge a écarté toute indemnisation à ce titre en l'absence d'éléments d'appréciation suffisants du montant supposé des droits à la retraite de [H] [F], par la seule production d'une simulation sur des éléments purement déclaratifs.

La victime prétend au bénéfice d'une indemnisation de 210'805 €.

La cour observe que l'indication dans le dispositif des écritures d'un montant de 201'105 € résulte à l'évidence à l'éclairage des motifs d'une erreur purement matérielle.

La cour observe que [H] [F] produit en appel les mêmes documents de simulation sur un site Internet sur la base des montants déclaratifs qu'il inscrit, en retenant des montants de revenus supposés qui n'ont pas été jugés suffisamment probants en première instance et dans les motifs précédents de la cour et une durée de travail professionnel jusqu'à l'âge de 70 ans également écartée en première instance et par la cour.

La cour confirme le rejet de la prétention.

Sur le recours de la CPAM

Les écritures pour l'organisme social réclament le même exercice de son droit de recours pour le même montant de prestations servies et la confirmation à ce titre du jugement de première instance.

La polyclinique [Établissement 1] conteste le lien de causalité entre certaines prestations servies et l'accident nosocomial, notamment concernant un angio-scanner réalisé le 15 mai 2008, certains frais médicaux et pharmaceutiques en lien avec le traumatisme initial et non les complications nosocomiales, des frais de transport pour une période largement postérieure, ainsi que le capital et les arrérages de la rente.

La CPAM produit un document extrêmement détaillé des prestations attestées par le médecin-conseil de l'organisme social en lien de causalité certaine avec l'accident nosocomial, correspondant aux montants réclamés.

La cour ne retient pas de l'argumentation de la polyclinique une critique pertinente des montants objets de l'exercice de l'action de l'organisme social subrogé dans les droits de la victime pour les prestations servies, et confirme en conséquence la décision du premier juge.

Sur les autres prétentions

Il est équitable de mettre à la charge de la société polyclinique [Établissement 1] une part des frais non remboursables exposés en appel par [H] [F] dont la prétention principale contestée de reconnaître la recevabilité de son droit à indemnisation et la responsabilité de la clinique a été retenue par la cour, pour un montant de 3000 €.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties les frais non remboursables engagés.

La CPAM de l'Aude est fondée à obtenir la confirmation de la condamnation de la polyclinique au paiement au-delà de ses débours de la somme de 1037 € sur le fondement de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale.

La polyclinique [Établissement 1] supportera les dépens de l'appel pour les motifs énoncés au soutien de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Carcassonne ;

Condamne la société Polyclinique [Établissement 1] à payer à [H] [F] une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société Polyclinique [Établissement 1] aux dépens de l'appel, dont distraction au profit des avocats pour ceux exposés par [H] [F] et par la CPAM de l'Aude.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/05353
Date de la décision : 23/04/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°16/05353 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-23;16.05353 ?
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