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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre D
ARRET DU 11 AVRIL 2019
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02667 N° Portalis DBVK-V-B7C-NVQM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MAI 2018
JUGE DE L'EXECUTION DE MONTPELLIER N° RG 17/15555
APPELANT :
Monsieur [Y] [N]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (MAROC)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [S] [Z]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophie GUILBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 28 Janvier 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 FEVRIER 2019, en audience publique, Mme Myriam GREGORI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Mme Nelly SARRET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE
L'affaire, mise en délibéré au 28/03/19, a été prorogée au 04/04/19 puis au 11/04/19.
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier.
------------------
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [Y] [N] et Madame [S] [Z], ayant la double nationalité française et marocaine, se sont mariés à [Localité 2] (France) le [Date mariage 1] 2006 sans contrat de mariage préalable.
Le 02 février 2016, Monsieur [N] a déposé une requête en divorce devant le tribunal de première instance de Marrakech au Maroc ayant donné lieu à un jugement rendu le 21 décembre 2016.
Parallèllement, le 21 juillet 2016, Madame [Z] a présenté une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier en France, actuellement toujours pendante.
Par ordonnance en date du 5 janvier 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier a notamment :
- fixé la contribution de Monsieur [Y] [N] aux charges du mariage à compter du 1er juin 2016 à la somme de 7.868 euros par mois,
- rappelé que cette contribution cessera au jour de l'ordonnance de résidence séparée en France ou du jugement de divorce au Maroc,
- l'a condamné à payer cette somme à Madame [S] [Z], sous déduction des sommes versées depuis le 1er juin 2016 sur le compte Crédit Agricole n°[Compte bancaire 1], et sur le compte Crédit Agricole n°[Compte bancaire 2] (3500 euros entre le 1er juin et le 30 septembre 2016),
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Cette ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier du 16 août 2018.
En exécution de l'ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Montpellier du 5 janvier 2017, exécutoire par provision, Madame [Z] a fait pratiquer, les 1er et 2 août 2017, deux saisies-attribution entre les mains du Crédit Agricole du Languedoc-Roussillon à Lattes respectivement pour la somme totale de 41 139, 42 € pour la première et de 41 063, 25 € pour la seconde en principal , frais, intérêts et accessoires sur différents comptes ouverts au nom de Monsieur [N].
A la suite de la contestation de Monsieur [N] , le juge de l'exécution de Montpellier a, par jugement du 4 mai 2018:
- débouté Monsieur [N] de ses demandes
- condamné Monsieur [N] à payer à Madame [Z] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.
Monsieur [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 mai 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 4 décembre 2018, Monsieur [Y] [N] demande à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris
- annuler faute de créance les deux saisies-attribution pratiquées les 1er et 2 août 2018
- condamner Madame [Z] à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour saisies abusives en application de l'article L.121-2 du code de procédure civile d'exécution
- condamner Madame [Z] à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Denis BERTRAND, avocat en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, il fait valoir que les époux [N]/[Z] sont divorcés suivant un jugement rendu par le Tribunal de 1ère instance de Marrakech le 21 décembre 2016, que cette décision est définitive dans sa partie relative à la fin de la relation conjugale, en vertu de l'article 128 du code de la famille marocain et selon certificat émis par le greffier en chef du tibunal précité le 15 mai 2017 et que Madame [Z] est donc infondée à réclamer un quelconque règlement au titre d'une contribution aux charges du mariage pour la période de janvier 2017 à mai 2017. S'agissant des sommes antérieures au 31 décembre 2016, il expose qu'il doit être tenu compte de l'ensemble des règlements qu'il a effectués sur le compte bancaire commun aux époux et sur le compte de la SCI au sein de laquelle ils sont associées et ce, en exécution de sa contribution aux charges du mariage, ainsi que l'a entendu le juge aux affaires familiales dans sa décision du 5 janvier 2017, versements qui sont allés au delà des sommes fixées par le juge aux affaires familiales qui a ajouté que sa condamnation était à parfaire en fonction de la réalité des paiements faits.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives signifiée par la voie électronique le 4 février 2019 , Madame [S] [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris
- débouter Monsieur [N] de toutes ses demandes
- dire et juger que Monsieur [N] sera, en outre, redevable des frais d'huissier, tels que détaillés par l'acte de saisie et le condamner au paiement de cette somme à titre provisionnel
- condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 4000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que le jugement marocain du 21 décembre 2016 n'a pas au sens de la jurisprudence française un caractère définitif et que si à la suite d'un appel et d'un pourvoi en cassation, la Cour de Cassation marocaine a rendu un arrêt en date du 30 octobre 2018 rejetant le pourvoi qu'elle avait formé, cette décision est insusceptible d'exécution en France, faute d'exéquatur, Monsieur [N] ayant saisi à cette fin le 11 juillet 2017 le Tribunal de Grande Instance de Montpellier qui devra cependant vérifier les conditions de régularité internationale du jugement marocain énumérées à l'article 16 de la convention du 5 octobre 1957 et l'absence de fraude à la loi. Sur le bien fondé des saisies pratiquées, elle fait valoir que pour la période antérieure au jugement marocain, soit de juin à décembre 2016, les tableaux établis par le débiteur lui-même n'ont aucune force probante et que les relevés de compte produits confirment que Monsieur [N] n'a rien versé pendant plusieurs mois et reste débiteur sur cette période de 27 876 €. S'agissant de la période ayant couru depuis janvier 2017, tenant le caractère inopposable du jugement marocain, elle soutient que Monsieur [N] ne peut prétendre être déchargé de son obligation contributive et qu'il ne justifie pas avoir versé une quelconque somme à ce titre.
MOTIFS
Sur la demande de nullité de la saisie attribution
En application de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le Juge de l'Exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
En l'espèce, les saisies-attribution des 1er et 2 août 2017 ont été pratiquées en exécution de l'ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Montpellier le 5 janvier 2017, exécutoire par provision, nonobstant appel, étant précisé que la Cour d'Appel de Montpellier par arrêt postérieur aux saisies en cause a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance en question.
Cette ordonnance prévoit la condamnation de Monsieur [N] au paiement d'une contribution aux charge du mariage au bénéfice de son épouse jusqu'au au jour de l'ordonnance de résidence séparée en France ou du jugement de divorce au Maroc.
Les saisies-attribution portent sur les conributions aux charges du mariage sur la période du 1er juin 2016 au 1er mai 2017.
Il n'est pas invoqué par les parties qu'une ordonnance de résidence séparée serait intervenue en France. En revanche, Monsieur [N] invoque l'existence d'un jugement de divorce rendu par le Tribunal de Première Instance de Marrakech en date du 21 décembre 2016, date au delà delaquelle il estime ne plus être redevable d'aucune contribution aux charges du mariage.
Il ressort, en effet, des pièces produites par les parties que par jugement du 21 décembre 2016, le Tribunal de Première Instance de Marrakech a :
- prononcé le divorce des époux [N]/[Z] sous la forme d'un divorce irrévocable pour motif de discorde
- fixé les droits de Madame [Z] en lui accordant un don de consolation et le montant des frais du logement, ainsi que les droits des deux enfants mineurs du couple confiés à la garde de leur mère en fixant une pension alimentaire, le montant de la rémunération de leur garde et de leurs frais de logement et en statuant sur l'exercice d'un droit de visite à leur égard au profit de leur père, ces droits étant assortis de l'exécution provisoire.
S'agissant des jugements étrangers relatifs à l'état ou à la capacité des personnes et en particulier en matière de divorce, il est de principe en droit international privé qu'ils produisent immédiatement et de plein droit leurs effets substantiels en France sans qu'il soit nécessaire de recourir à une procédure d'exequatur. La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la compétence judiciaire prévoit d'ailleurs en son article 14, que par exception à l'article 17 de la convention d'aide mutuelle judiciaire et d'exequatur des jugements en date du 5 octobre 1957, qu'en matière d'état des personnes, les décisions en force de chose jugée peuvent être publiées ou transcrites sans exequatur sur les registres de l'état civil.
Dés lors, c'est en vain que Mme [Z] invoque l'absence de tout jugement d'exequatur relatif au jugement marocain en cause pour s'opposer à l'opposabilité de ce jugement dans le cadre du présent litige.
Néanmoins, indépendamment de tout exequatur, de tels jugements ne bénéficient d'une efficacité de plein droit que sous réserve de leur régularité internationale qu'il appartient à tout juge de contrôler d'office lorsque ce jugement est invoqué au cours d'une instance pendante devant la juridiction française. C'est ainsi que la Convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire du 5 octobre 1957 applicable en l'espèce, prévoit en son article 16 : ' En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant au Maroc ou en France ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre pays, si elles réunissent les conditions suivantes :
a) La décision émane d'une juridiction compétente selon les règles du droit international privé admises dans le pays où la décision est exécutée, sauf renonciation certaine de l'intéressé ;
b) Les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;
c) La décision est, d'après la loi du pays où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution;
d) La décision ne contient rien de contraire à l'ordre public du pays où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans ce pays et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée.'
S'agissant de la compétence de la juridiction marocaine, et alors que la juridiction française ne détient, selon les règles françaises de conflit de juridiction, aucune compétence exclusive en raison de la matière du divorce, le juge marocain doit être reconnu compétent si le litige se rattache d'une manière caractérisée au Maroc et si le choix de ce juge n'a pas été frauduleux.En l'espèce, il ressort des pièces produites et du jugement du Tribunal de Première Instance de Marrakech en date du 21 décembre 2016 que si les deux époux se sont mariés en France, s'ils ont fixé leur résidence principale, ainsi que celle de leur famille en France, s'ils ont conservé ce domicile conjugal commun en France jusqu'au jour de l'introduction de l'instance au Maroc, ainsi qu'il ressort des mentions relatives aux adresses des parties figurant sur le jugement marocain, s'ils ont enfin été tous les deux naturalisés français en 1996 pour Madame [Z] et en 1997 pour Monsieur [N], il convient de relever qu'ils ont conservé tous les deux leur nationalité marocaine d'origine, après leur naturalisation, le Tribunal de première instance de Marrakech mentionnant, en outre, qu'ils ont obtenu un jugement de confirmation matrimoniale le 26 novembre 2011 auprès de cette même juridiction marocaine, marquant en conséquence, leur attachement à un mariage conforme au code de la famille marocaine dont les dispositions sont applicables aussi bien pour le mariage que pour sa dissolution. La possession par les parties de la nationalité marocaine et leur volonté de voir confirmer judiciairement au Maroc leur mariage selon les règles du droit marocain suffisent, en conséquence, à caractériser un lien de rattachement avec le Maroc et à justifier de la compétence du Tribunal de première instance de Marrakech pour statuer sur la demande en divorce formée par Monsieur [N].
Il n'est pas déterminant à cet égard dans le cadre du présent contrôle de la régularité internationale du jugement marocain, que deux instances en divorce aient été pendantes , l'une devant le juge marocain, l'autre devant le juge français et que des exceptions de litispendance et d'incompétence aient été soulevées de part et d'autre devant ces deux juridictions sur le fondement de l'article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 et de l'article 16 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire et d'exéquatur des jugements en date du 5 octobre 1957, peu important également le domicile des époux ou le dernier domicile commun au moment de l'introduction de l'action judiciaire.
Il n'est invoqué, ni établi par ailleurs l'existence d'aucune fraude à la loi qui aurait été commise par Monsieur [N] en choisissant le juge marocain pour prononcer le divorce des époux, dans le but d'évincer la compétence du juge français, alors qu'il ne ressort des pièces produites aucune manoeuvre ou aucun mensonge de sa part sur la réalité des domiciles de chacune des parties ou de leur nationalité et qu'il était légitime s'il le souhaitait à saisir les autorités judiciaires marocaines.
Il convient donc de considérer que le juge marocain était parfaitement compétent pour statuer sur le divorce des parties.
Il convient également de considérer que le jugement marocain du 21 décembre 2016 est conforme à l'ordre public international s'agissant d'un jugement prononçant un divorce pour discorde, en application de l'article 97 du code de la famille marocain, ce type de divorce , contrairement à une répudiation unilatérale de l'époux, étant compatible avec l'ordre public international français.
Il est encore conforme à l'ordre public international sur le plan de la procédure suivie devant le juge marocain, alors qu'il ressort des pièces produites et particulièrement du jugement de divorce du 21 décembre 2016 que Madame [Z] a été convoquée devant le Tribunal de première instance de Marrakech, qu'elle y a été régulièrement représentée par un avocat, qu'elle a fait valoir ses moyens de défense, notamment en soulevant une exception d'incompétence au profit de la juridiction française et qu'elle a formé un appel puis un pourvoi en cassation pour les dispositions relatives à cette décision et susceptibles de telles voies de recours. Ce jugement lui a, en outre, été notifié régulièrement par voie d'huissier à la requête de Monsieur [N] suivant exploit du 23 mars 2017 remis à étude. Mme [Z] ne saurait à ce titre invoquer le fait que cette signification n'est pas conforme à la Convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire et d'exequatur des jugements en date du 5 octobre 1957 alors que si cette convention prévoit en son article 1er que tant en matière civile et commerciale qu'en matière pénale, les actes judiciaires et extrajudiciaires destinés à des personnes résidant sur le territoire de l'un des deux pays sont transmis directement par l'autorité compétente au parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l'acte, l'article 6 de cette même convention dispose que ces dispositions ne s'opposent pas en matière civile et commerciale à la faculté pour les intéressés résidant sur le territoire de l'une ou des deux parties contractantes de faire effectuer dans l'un des deux pays par les soins des officiers ministériels, en ce qui concerne la France et des agents de notification en ce qui concerne le Maroc, des significations ou remises d'actes aux personnes y demeurant.
Enfin il convient de relever l'absence de toute fraude tant aux droits de la défense qu'au jugement, la procédure suivie devant le juge marocain ne faisant apparaître aucun comportement de déloyauté procédurale de la part de Monsieur [N] ni aucune intention de nuire à Mme [Z] en sollicitant du juge marocain une décision prononçant le divorce des époux.
Il convient dés lors de considérer que le jugement de divorce a été régulièrement prononcé après avoir respecté les droits de la défense et le droit fondamental à un procès équitable conforme à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
En dernier lieu, l'efficacité substancielle immédiate du jugement étranger en France suppose que ce jugement soit définitif et ait acquis force de chose jugée dans le pays où il a été prononcé et selon les règles applicables dans ce pays. Il ressort tant des termes du jugement que du certificat établi par le greffier en chef de Première Instance de Marrakech du 17 mai 2017 que ce jugement est rendu en dernier ressort et est considéré comme définitif dans sa partie relative à la fin de la relation conjugale et donc susceptible d'exécution, conformément à l'article 128 du code de la famille marocain, les autres dispositions concernant les conséquences de la dissolution du mariage étant quant à elles susceptibles d'appel. Dés lors, si Mme [Z] a bien formé appel de la décision du 21 décembre 2016 puis pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'Appel de Marrakech du 2 janvier 2018, ces voies de recours ne pouvaient pas porter sur le prononcé du divorce lui-même mais étaient limitées aux seules conséquences de ce divorce, de sorte que le jugement du Tribunal de première instance de Marrakech du 21 décembre 2016 doit être considéré comme définitif et passé en force de chose jugée en ce qui concerne le prononcé du divorce à compter de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article 358 du code de la famille marocain pour former un pourvoi en cassation à l'encontre des décisions rendues en dernier ressort (étant précisé que selon l'article 361 du code de la famille marocain, les recours exercés devant la Cour de cassation sont suspensifs en matière d'état des personnes ) suivant la notification de ce jugement, soit à compter du 23 mars 2017, soit un caractère définitif acquis le 23 avril 2017.
Le jugement du Tribunal de première instance de Marrakech du 21 décembre 2016 a donc acquis en France force de chose jugée en ce qui concerne le prononcé du divorce des époux à compter du 23 avril 2017 et c'est à tort que le premier juge a considéré que M. [N] n'ayant pas justifié de son caractère définitif, ce jugement ne pouvait être opposé devant le juge de l'exécution pour statuer sur la validité des mesures d'exécution.
Dés lors, Mme [Z] était fondée à réclamer le paiement des contributions aux charges du mariage dues par Monsieur [N] en vertu de l'ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Montpellier en date du 5 janvier 2017 pour la période du 1er juin 2016 au 23 avril 2017, à l'exclusion du mois de mai 2017, soit :
- pour la période du 1er juin au 31 décembre 2016 : 7 x 7868 € = 55076 €
- pour la période du 1er janvier au 23 avril 2017 : .4 x 7868 € = 31 472 €.
Sur les périodes ainsi retenues, il est justifié par les relevés de compte produits par Monsieur [N] que celui-ci a contribué aux charges du mariage par les versements suivants :
1) du 1er juin au 31 décembre 2016
* sur le compte Crédit Agricole n°[Compte bancaire 2] de la SCI:
- 3500 € (au moyen de trois versements les 11 juillet et 13 août 2016), et tels que visés par l'ordonnance du juge aux affaires familiales du 5 janvier 2017 qui a indiqué expressément dans son dispositif que cette somme devait être déduite des sommes dues
*sur le compte commun Crédit Agricole n°[Compte bancaire 1]:
- 23 700 € au moyen de 9 versements en date des 5 juin, 13 juin, 8 juillet, 3 août, 13 août, 7 septembre, 11 décembre et 20 décembre 2016
Soit un total de 27 200 €
2) du 1er janvier au 23 avril 2017 :
* sur le compte Crédit Agricole n°[Compte bancaire 2] de la SCI:
- 5000 € (au moyen de deux versements en janvier et février 2017)
*sur le compte commun Crédit Agricole n°[Compte bancaire 1]:
- 31 100 € au moyen de 9 versements en date des 6, 9 et 31 janvier, 1er et 21 février, 20 mars et 19 avril 2017
Soit un total de 36100 €
Il ressort des termes de l'ordonnance du juge aux affaires familiales du 5 janvier 2017 que la somme de 3500 € au titre des versements faits les 11 juillet et 13 août 2016 étaient 'à parfaire avec les sommes versées depuis, le cas échéant' ', de sorte que c'est l'ensemble des versements précités dont il convient de tenir compte pour les déduire des sommes dues par M. [N] au titre de la contribution aux charges du mariage. Madame [Z] en convient nécessairement puisque d'une part pour la période du 1er juin au 31 décembre 2016, elle reconnaît dans ses dernières écritures que M. [N] a bien versé la somme globale de 27 200 € au titre de sa contribution partielle aux charges du mariage et d'autre part pour les deux périodes en cause, les procès-verbaux de saisie-attribution tiennent compte d'eux-même au titre du principal des versements effectués par M. [N] sur le compte commun Crédit Agricole n°[Compte bancaire 1] puisqu'il mentionne :
- 31 376 € pour la première période au lieu de 55076 € dus en principal
- 8240 € pour la seconde période au lieu de 39340 € dus en principal (si on inclut le mois de mai 2017),
les procès-verbaux omettant uniquement pour ces deux périodes les versements faits sur le compte de la SCI.
Dés lors Mme [Z] ne saurait prétendre que M. [N] n'a procédé à aucun versement, particulièrement depuis janvier 2017 alors que les procès-verbaux de saisie-attribution de manière tout à fait contradictoire ont eux-mêmes déduits directement ces versements du principal dû, en tous les cas pour les versements effectuées sur le compte commun.
Ainsi, il convient de constater qu'à la date des deux saisies-attribution des 1er et 2 août 2017, M. [N] restait redevable envers Madame [Z] d'une somme en principal, hors accessoires, intérêts et frais, de 23 245 € selon le détail suivant :
- 86 548 € au titre des contributions aux charges du mariage dues pour la période du 1er juin 2016 au 23 avril 2017
- A déduire, - 63300 € au titre des versements faits par Monsieur [N] à ce titre pour la même période.
Il est donc établi que la mise en oeuvre des mesures était parfaitement justifiée et la décision entreprise qui a rejeté la demande de nullité des saisies-attributions doit être confirmée, mais par substitution de motifs et sauf à dire que ces saisies sont justifiées pour la période du 1er juin 2016 au 23 avril 2017 pour un montant en principal de 23 245 €, outre accessoires, intérêts et frais.
Sur la demande de condamnation à titre provisionnel des frais d'huissier découlant des saisies-attribution
Il n'appartient pas au juge de l'exécution de prononcer une telle condamnation alors que les frais d'huissier en cause sont des frais d'exécution forcée entrepris en vertu du titre exécutoire constitué par l'ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Montpellier du 5 janvier 2017 et qu'en application de l'article 695 du code de procédure civile, ils sont inclus dans les dépens auxquels M. [N] a été condamné par le titre exécutoire précité.
Il convient donc également de confirmer la décision entreprise qui a rejeté cette demande formée par Madame [Z].
Sur les demandes de dommages et intérêts pour saisies abusives
M. [N] ne saurait prétendre à l'octroi de dommages et intérêts pour saisies abusives alors que les deux saisies-attribution en cause sont jugées valides.
En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il est inéquitable de laisser à la charge de Madame [Z] les sommes non comprises dans les dépens. Monsieur [N] sera condamné à lui payer la somme de 2000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire bénéficier à Monsieur [N] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande sera rejetée à ce titre.
L'appelant, partie perdante à l'instance, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'évaluation des sommes restant dues en principal par Monsieur [Y] [N] envers Madame [S] [Z] à la date des saisies-attribution des 1er et 2 août 2017.
- Statuant à nouveau,
- Dit qu'à la date des 1er et 2 août 2017, les saisies-attribution pratiquées à l'encontre de Monsieur [Y] [N] à la requête de Madame [S] [Z] étaient justifiées pour la somme en principal de 23 245 € , outre accessoires, intérêts et frais, au titre des contributions aux charges du mariage dues pour la période du 1er juin 2016 au 23 avril 2017
et y ajoutant,
- Condamne Monsieur [Y] [N] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 2000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile
- Déboute Monsieur [Y] [N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Monsieur [Y] [N] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
NS