Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre A
ARRET DU 26 MARS 2019
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/02784 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NVYI
auquel est joint le N° RG 18/03915
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 MAI 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/05544
APPELANTS RG 18/02784
INTIMES RG 18/03915 :
Maître [M] [P], notaire
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
SCP [M]-[G]- [P], Notaires associés
dont le siège social est
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistée de Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
APPELANTE RG 18/03915
INTIMEE RG 18/02784 :
SARL CAP SOLEIL FINANCEMENTS
immatriculée au RCS de Nîmes sous le N° 487 471 518 ,
prise en la personne de son gérant en exercice
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Me Laetitia BERRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES RG 18/02784 et RG 18/03915 :
Monsieur [J] [Y] [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 3] (66)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
et assisté de Me Thierry VERNHET de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Madame [H] [F] [S] [I]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
et assistée de Me Thierry VERNHET de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Monsieur [C] [R]
pris en sa qualité de liquidateur de la SARL ARAGON IMMOBILIER
domicilié actuellement
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
assigné le 18 Juillet 2018 à sa personne sans la mention' pris en sa qualité de liquidateur de la SARL ARAGON IMMOBILIER' (RG 18/02784 )
assigné le 14 septembre 2018 à Etude (RG 18/03915 )
SARL ARAGON IMMOBILIER
dont le siège social est sis [Localité 6]
(RCS de Montpellier sous le N° 383 933 264),
pris en la personne de son liquidateur
Monsieur [C] [R]
actuellement [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
assigné le 18 Juillet 2018 à personne habilitée (RG 18/02784 )
assignée le 14 septembre 2018 à Etude (RG 18/03915 )
ELITE INSURANCE COMPAGNY LTD,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
la société EISL EUROPEAN INSURANCE SERVICES LTD
prise en son établissement en France sis [Adresse 6],
société de droit étranger dont le siège social est sis
[Adresse 7],
[Adresse 7]
92000 ROYAUME UNI
représentée par Me Yvan MONELLI de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
et assistée de Me Jean pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 12 Février 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le Mardi 19 Février 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Marie HEBRARD, Président de chambre et Monsieur Thierry CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Marie HEBRARD, Président de chambre
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller
Monsieur Thierry CARLIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-José TEYSSIER
ARRET :
- PAR DEFAUT.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne-Marie HEBRARD, Président de chambre, et par Madame Marie-José TEYSSIER, Greffier.
*
**
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [J] [W] et Madame [H] [I] ont, par acte de Maître [M] [P] du 17 décembre 2015, acquis de la Sarl Aragon Immobilier une maison individuelle en ossature bois dans la commune de [Localité 7] .
Monsieur [C] [R] était gérant de la Sarl Aragon Immobilier qui a fait l'objet d'une liquidation amiable après la vente .
Il était stipulé dans l'acte de vente : ' Le vendeur déclare que l'entreprise Cap Soleil [Adresse 8] qui a effectué les travaux de construction du bien , objet des présentes, a souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle auprès de la compagnie Elite Insurance Company ' .
Ayant constaté des désordres structurels affectant leur bien, Monsieur [W] et Madame [I] ont assigné le 4 août 2016 la société Aragon Immobilier , Monsieur [R] et Elite Insurance aux fins d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire .
Par ordonnance du 11 août 2016, Monsieur [Z] [Y] a été désigné en qualité d'expert judiciaire .
A l'issue de sa première réunion du 26 août 2016, l'expert a ordonné l'évacuation des consorts [W]-[I] compte tenu des graves désordres structurels mettant en péril la sécurité des occupants .
Les opérations d'expertise ont été rendues contradictoires au notaire instrumentaire et à son étude, la Scp [M] et [P].
L'expert a déposé son rapport le 18 juillet 2017 .
Par acte délivré le 25 août 2017, Monsieur [W] et Madame [I] ont assigné en référé la Sarl Aragon Immobilier, son liquidateur Monsieur [R], Maître [P] et la Scp [M] -[G] - [P] à leur payer par provision la somme de 132 000 € au titre de la démolition/reconstruction de l'ouvrage et 15 600 € au titre du préjudice immatériel .
La Sarl Aragon Immobilier et son liquidateur amiable Monsieur [R] ont attrait la Sarl Cap Soleil Financement et son assureur Elite Insurance aux fins d'être relevés et garantis de toutes condamnations.
Le juge des référés a renvoyé l'affaire au fond au visa de l'article 811 du Code de procédure civile .
Par jugement du 16 mai 2018, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- condamné la Sarl Aragon Immobilier, actuellement en liquidation amiable, et [C] [R], à titre personnel, à payer à [J] [W] et [H] [I] :
*la somme de 132 000 € au titre des frais de démolition/reconstruction de l'immeuble
* la somme de 20 150 € au titre du préjudice complémentaire subi
- condamné la Scp [M]-[G]-[P] et [M] [P] à payer à [J] [W] et [H] [I] la somme de 140 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi né d'une perte de chance de bénéficier d'une garantie, précision que cette somme ne s'ajoute pas à celles qui précèdent mais se confond avec elles,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné la Sarl Aragon Immobilier, [C] [R], à titre personnel, la Scp [M]-[G]-[P] et [M] [P] à payer à [J] [W] et [H] [I] la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,
- les a condamné aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,
- condamné la Sarl Aragon Immobilier à garantir la Scp [M]-[G]-[P] et [M] [P] de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre,
- ordonné l'exécution provisoire , sauf en ce qui concerne la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens .
La Scp [M]-[G]-[P] et Monsieur [M] [P] ont interjeté appel de cette décision le 29 mai 2018 à l'encontre de Monsieur [W], Madame [I], la Sarl Aragon Immobilier, Monsieur [C] [R], la Sarl Cap Soleil Financement et la société Elite Insurance ( dossier n° 18/02784) .
La Sarl Cap Soleil Financements a interjeté appel de cette décision le 26 juillet 2018 à l'encontre de la Scp [M]-[G]-[P] et Monsieur [M] [P] , de Monsieur [W], Madame [I], la Sarl Aragon Immobilier, Monsieur [C] [R] et la société Elite Insurance ( dossier n° 18/03915 ).
Par ordonnance de référé du 13 juillet 2018, Maître [M] [P] et la Scp [M]-[G]-[P] ont été autorisé à consigner sur le compte Carpa Scp Brugues Lasry ou sur le compte bâtonnier séquestre la somme de 140 000 €, au titre des condamnations à leur égard résultant du jugement du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 16 mai 2018, dans l'attente de l'arrêt de la cour à intervenir .
La Sarl Aragon Immobilier et Monsieur [R] n'ont pas constitué avocat .
Vu les conclusions de la Scp [M]-[G]-[P] et de Monsieur [M] [P] remises au greffe le 29/10/2018 et le 12/11/2018,
Vu les conclusions de Monsieur [W] et Madame [I] remises au greffe le 20/08/2018 et le 03/10/2018 ,
Vu les conclusions de la Sarl Cap Soleil Financement remises au greffe le 18/10/2018,
Vu les conclusions de la société Elite Insurance remises au greffe le 16/11/2018,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 février 2019 .
SUR CE :
Sur la jonction des instances n° 18/02784 et 18/03915 :
En l'espèce, compte tenu du lien existant entre les litiges, il est de l'intérêt d'une bonne justice d'ordonner la jonction des instances n° 18/02784 et 18/03915 , conformément aux dispositions de l'article 367 du code de procédure civile .
Sur la recevabilité de l'appel de la Sarl Cap Soleil :
Aux termes de l'article 546, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé .
En l'espèce, la Sarl Cap Soleil Financement n'a fait l'objet d'aucune condamnation en première instance, le tribunal estimant que la preuve de son intervention en qualité de constructeur n'était pas rapportée .
Par ailleurs, la Sarl Cap Soleil Financement sollicite à titre principal la confirmation du jugement .
Par conséquent, elle ne justifie d'aucun intérêt à interjeter appel du jugement .
Son appel est donc irrecevable, faute d'intérêt à agir .
Sur la qualité de constructeur de la Sarl Cap Soleil Financement :
Concernant l'effectivité des travaux réalisés par la Sarl Cap Soleil Financement , il résulte du rapport d'expertise et des pièces versées aux débats qu'un bon de commande en date du 24 janvier 2013 a été passé entre la société Cap Soleil Financement et la Sarl Aragon Immobilier pour la construction de deux maisons ossature bois, qu'une première facture d'un montant de 17 120 € correspondant à un acompte a été adressé par la société Cap Soleil Financement au vendeur le 15 février 2013 et a été payée par chèque du 28 février 2013, qu'un contrat de sous traitance a été conclu le 13 juin 2013 entre la Sarl Cap Soleil Financement et la société de droit roumain Sc Kovacs Impex Srl pour la réalisation de deux maisons en bois, enfin qu'une seconde facture d'un montant de 10 700 € a été adressée le 1er août 2013 par la société Cap Soleil Financement à la Sarl Aragon Immobilier correspondant à 25 % de la livraison sur chantier de la première maison .
Si ces éléments permettent d'établir l'intervention initiale de la Sarl Cap Soleil Financement , le tribunal a justement relevé que la Sarl Aragon Immobilier ne produit aucune pièce postérieure au 1er août 2013 susceptible d'établir que la Sarl Cap Soleil Financement aurait, après cette date, construit ou fait construire la maison acquise par Monsieur [W] et Madame [I] .
Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise que le 19 août 2013, le représentant de la Sc Kovacs Impex Srl adressait à Cap Soleil Financement un mail proposant une rupture de leur relation et précisait par contre que les deux maisons étaient bien en cours de fabrication en Roumanie .
Un ensemble de factures datées du 21 août, 29 août 2013, 30 octobre 2013, 6, 11, 12 et 26 novembre 2013, 4 et 23 décembre 2013 étaient donc adressé par la société Kovacs Impex Srl à Aragon Immobilier .
Cette dernière adressait le 15 avril 2015 une lettre à Cap Soleil Financement lui indiquant ' Le fournisseur Impex Srl nous a prévenu , par courrier, qu'il ne travaillait plus avec vous depuis août 2013 et nous a proposé de construire les maisons de [Localité 7] en direct ( sans vous).
Comme vous ne donniez plus signe de vie, l'affaire fut conclue avec Impex SRL.
En résumé :
Comme nombre de témoins pourront le confirmer, dont votre fournisseur Impex Srl qui a construit les 2 villas avec nous comme maître d'oeuvre, vous n'êtes pas intervenu dans la construction de ces maisons de [Localité 7] que nous vous avions commandées et vous avez encaissé indûment la somme de 17 120 €, n'ayant pas exécuté le contrat de construction ' .
Il résulte de ces éléments que dès août 2013, la maîtrise d'oeuvre et l'édification de la maison ont été confiées à l'entreprise Kovacs Impex Srl et que la Sarl Cap soleil Financement n'est plus intervenue pour construire ou faire construire l'ouvrage en cause .
Par conséquent, la responsabilité de la Sarl Cap Soleil Financement ne peut être engagée sur le fondement de l'article 1792-1 du code civil ni même sur celui de la responsabilité contractuelle en tant que maître d'oeuvre d'exécution .
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la preuve que la Sarl Cap Soleil Financement aurait construit ou fait construire l'ouvrage en cause n'était pas rapportée , en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie de la Sarl Aragon Immobilier à l'encontre de la Sarl Cap Soleil Financement et condamné la Sarl Aragon Immobilier, pris en la personne de son liquidateur amiable et Monsieur [C] [R] à titre personnel à payer à Monsieur [W] et à Madame [I] la somme de 132 000 € au titre des frais de démolition/reconstruction de l'immeuble.
Il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [W] et Madame [I] ont dû quitter leur habitation et se reloger début octobre 2016 .
Ils sollicitent à ce titre une somme de 650 € par mois d'octobre 2016 jusqu'à mars 2018, soit 11 050 € , sauf à parfaire jusqu'au jour de l'arrêt .
Ils réclament également un an de loyers, l'expert considérant que les travaux dureront pendant cette période , soit 650 € x 12 mois : 7800 € .
Compte tenu de ces éléments , il convient d'évaluer leur préjudice à la somme de 18 850 € au titre des loyers payés d'octobre 2016 à mars 2019 et à la somme de 7800 € concernant les loyers qu'ils devront payer pendant la durée des travaux .
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu une somme de 20 150 € au titre du préjudice complémentaire subi .
Sur la responsabilité du notaire :
En l'espèce, il est reproché au notaire de ne pas avoir vérifié l'intervention effective de la Sarl Cap Soleil, assurée pour sa responsabilité civile décennale, en qualité de constructeur de l'ouvrage vendu .
Le notaire soutient avoir vérifié cette intervention et avoir annexé à son acte :
* le bon de commande et une facture d'acompte acquittée de Cap Soleil
* l'attestation d'assurance
Il fait valoir qu'il ne pouvait douter des déclarations erronées du vendeur quant à l'identité du constructeur .
Monsieur [W] et Madame [I] soutiennent que le notaire, tenu de vérifier les déclarations du vendeur et les attestations produites par ce dernier n'a pas vérifié l'effectivité de la garantie décennale alors qu'il lui suffisait d'exiger la communication du contrat de louage d'ouvrage et du procès-verbal de réception .
L'acte d'acquisition du 17 décembre 2015 établi par Maître [P], notaire associé membre de la Scp [M] & [P] précise que le vendeur ' déclare ici ne pas avoir satisfait à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage en tant que propriétaire ni à l'obligation de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité décennale en tant que constructeur non réalisateur ' ( p. 18 ) .
L'acte ajoute :
- que ' l'acquéreur bénéficie de la garantie accordée dans le cadre de la responsabilité décennale prévue par l'article 1792 du code civil ' ( p.17 ) .
- que ' le vendeur déclare que l'entreprise Cap Soleil, qui a effectué les travaux de construction du bien objet des présentes a souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile décennale incluant la responsabilité civile professionnelle auprès de la compagnie EISL ELITE INSURANCE COMPAGNY, ainsi qu'il résulte de l'attestation ci-annexée et a justifié auprès du vendeur du paiement intégral de la prime ' ( p.19 ) .
Il est constant que le notaire doit, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de ses actes .
Il est également constant qu'en matière d'acte de vente d'un immeuble ayant fait l'objet, dans le délai de la garantie décennale, de travaux, le notaire doit vérifier l'exactitude des déclarations du vendeur faisant état de la souscription d'assurances obligatoires , notamment en exigeant les attestations d'assurances .
En l'espèce, il n'est pas contestable ni contesté que Maître [P] a bien procédé aux vérifications concernant l'existence de la garantie décennale, l'attestation d'assurance responsabilité civile décennale incluant la responsabilité civile professionnelle de l'assureur Eisl Elite Insurance Compagny étant annexée à l'acte de vente ainsi que la facture acquittée de la prime relative au contrat .
En revanche, il est reproché à Maître [P] de ne pas avoir vérifié les déclarations du vendeur faisant état de l'intervention de la société Cap Soleil Financement alors qu'il lui appartenait de s'assurer de la réalité des travaux effectués par cette dernière afin de ne pas vider de son contenu une garantie essentielle du contrat, à savoir l'assurance responsabilité décennale.
Il est constant que le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, n'engage sa responsabilité que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude .
En l'espèce, le vendeur, la Sarl Aragon Immobilier, a déclaré au notaire que l'entreprise Cap Soleil Financement avait réalisé les travaux de construction et a communiqué à Maître [P] d'une part la facture de Cap Soleil du 15 février 2013 d'un montant de 17 120 € correspondant au bon de commande du 24 janvier 2013, cette facture mentionnant qu'il s'agissait d'un acompte global à valoir sur les constructions en cours, d'autre part l'attestation d'assurance décennale et le justificatif du paiement de la prime .
En l'état des pièces qui lui avaient été remises, il n'est pas démontré que Maître [P] aurait disposé d'éléments de nature à le faire douter de la véracité des déclarations du vendeur quant à la qualité de constructeur de la société Cap Soleil Financement , aucun indice ne lui permettant de soupçonner que cette dernière avait interrompu sa mission et n'était pas intervenue sur le chantier pour construire la maison de Monsieur [W] et de Madame [I] .
En effet, la facture Cap Soleil n° 1302 d'un montant de 17 120 € correspondant au bon de commande n° 0131 du 24 janvier 2013 constituait un commencement de preuve d'un contrat de louage d'ouvrage, au sens de l'article 1362 du code civil , rendant vraisemblable la réalité du contrat conclu entre les parties , étant relevé que la preuve d'un contrat de louage d'ouvrage n'est pas nécessairement subordonnée à l'existence d'un écrit et qu' en tout état de cause, la société Cap Soleil est bien intervenue en qualité de constructeur au moins jusqu'au mois d'août 2013 .
Par ailleurs, il n'est pas contestable que le notaire a bien vérifié la souscription par la société Cap Soleil d'une assurance de responsabilité décennale, la société Elite Insurance ne contestant à aucun moment être l'assureur décennal de Cap Soleil .
Enfin, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir exigé de procès-verbal de réception alors qu'il ressort de l'acte de vente qu'il a instrumenté ' qu'aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été établi mais que la date à laquelle les constructions comprises dans la vente sont devenues habitables et sont présumées avoir été tacitement reçues au sens de l'article 1792-6 du code civil est le 20 février 2015 ainsi qu'il résulte des faits de la déclaration d'achèvement et de conformité de travaux susvisée ' .
Par conséquent, en l'espèce, aucune investigation complémentaire ne pouvait être exigée du notaire, les déclarations erronées du vendeur corroborées par la facture de Cap Soleil et l'attestation d'assurance décennale n'étant pas de nature à faire naître chez Maître [P] un doute concernant l'intervention effective de la Sarl Cap Soleil dans la réalisation de l'ouvrage litigieux .
Aucun manquement ni aucune faute ne peuvent donc être reprochés à Maître [P] et à la Scp [M]-[G] - [P] , le jugement étant infirmé de ce chef .
Monsieur [W] et Madame [I] seront donc déboutés de leurs demandes de condamnations présentées à leur encontre .
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement,
Ordonne la jonction des instances n° 18/02784 et 18/03915
sous le n°18/02784 ,
Déclare irrecevable l'appel formé par la Sarl Cap Soleil Financements,
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Aragon Immobilier, représentée par son liquidateur amiable, et [C] [R] à titre personnel à payer à [J] [W] et [H] [I] la somme de 132 000 € au titre des frais de démolition/reconstruction de l'immeuble , la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux
dépens, en ce compris les frais d'expertise ,
Statuant à nouveau,
Condamne la Sarl Aragon Immobilier, représentée par son liquidateur amiable, et Monsieur [C] [R] à titre personnel à payer à [J] [W] et à [H] [I] la somme de 18 850 € au titre des loyers payés d'octobre 2016 à mars 2019 et la somme de 7800 € au titre des loyers qu'ils devront payer pendant la durée des travaux ,
Dit qu'aucun manquement ni aucune faute ne peuvent être reprochés à Maître [P] et à la Scp [M]-[G] - [P] ,
Déboute en conséquence Monsieur [J] [W] et Madame [I] de leurs demandes de condamnations présentées à leur encontre,
Rejette les autres demandes,
Condamne la Sarl Aragon Immobilier, représentée par son liquidateur amiable, et Monsieur [C] [R] à titre personnel, aux entiers dépens d'appel,
Condamne la Sarl Aragon Immobilier, représentée par son liquidateur amiable, et Monsieur [C] [R] à titre personnel à payer à Monsieur [J] [W] et à Madame [H] [I] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour leurs frais engagés en appel .
LE GREFFIERLE PRESIDENT
TC