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30/01/2019 | FRANCE | N°15/06690

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 30 janvier 2019, 15/06690


CB/JF

4ème B chambre sociale



ARRÊT DU 30 Janvier 2019





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/06690 - N° Portalis DBVK-V-B67-MHM2



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUILLET 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF 14/00787





APPELANTE :



SARL MEDIABAT

[...]

Représentant : Me Philippe X... de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER en présence de M. Loïc Y... (Gér

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INTIME :



Monsieur Thierry Z...

[...]

Représentant : M. Patrick A... (Délégué syndical ouvrier)







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des disposition...

CB/JF

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 30 Janvier 2019

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/06690 - N° Portalis DBVK-V-B67-MHM2

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUILLET 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF 14/00787

APPELANTE :

SARL MEDIABAT

[...]

Représentant : Me Philippe X... de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER en présence de M. Loïc Y... (Gérant)

INTIME :

Monsieur Thierry Z...

[...]

Représentant : M. Patrick A... (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 DECEMBRE 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BOURBOUSSON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Madame Catherine BOURBOUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Thierry Z... a été engagé selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 24 octobre 2011 en qualité de téléprospecteur par la SARL Mediabat relevant de la convention collective des «bureaux d'études techniques».

Selon avenant au contrat de travail le salarié a occupé à compter du 1er avril 2013 un poste de télévendeur service client deux jours par semaine (soit 14 heures). Aux termes de ce document contractuel, il était précisé : « le présent avenant est conclu et accepté pour une durée déterminée de deux mois à compter du 1er avril 2013. À l'issue de cette période, cet avenant pourra être prolongé ou arrêté au vu des résultats commerciaux de Monsieur Z...». L'article 4 de l'avenant correspondant à la rubrique objectifs, est ainsi libellé : « Monsieur Z... devra réaliser au moins un chiffre d'affaires de 2000 € par mois sur cette activité ».

Le 10 juin 2013, l'employeur a notifié à monsieur Z... un avertissement ainsi libellé : « Monsieur, depuis quelques mois vos résultats professionnels sont insuffisants. Même si je suis conscient de la période difficile traversée par notre société, il n'empêche que certains de vos collègues réussissent à réaliser leurs deux ou trois rendez-vous par jour. La semaine dernière votre production a représenté 7% des Rv (5 rv pour la semaine) alors que vous devriez en faire neuf au minimum (soit 12 % des RV). Cette situation perdure depuis trop longtemps. C'est pour cela que nous vous adressons ce premier avertissement. »

Le même jour l'employeur notifiait au salarié sa décision de ne pas renouveler l'avenant et lui indiquait qu'il reprendrait ses fonctions de téléprospecteur ainsi que sa rémunération initiale.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 juin 2013 le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 juin 2013 à 10 heures.

Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle le 8 juillet 2013.

Contestant le bien-fondé du licenciement, monsieur Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 24 mars 2014.

Selon jugement du 24 juillet 2015 le conseil de prud'hommes de Montpellier a :

'dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur Z... est sans cause réelle et sérieuse,

'condamné la SARL Mediabat à lui payer une indemnité de 5720,09 euro ainsi qu'une somme de 950 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Mediabat a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes de Montpellier le 4 septembre 2015.

Elle conclut à l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, et, soutenant que le licenciement du salarié est fondé, demande qu'il soit débouté de l'intégralité de ses prétentions et condamné à lui payer une somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Z... conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et sollicite la condamnation de la société à lui payer une somme de 19225,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions respectives des parties la cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats du 4 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

$gt; Sur le licenciement

En application de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement est ainsi libellée:

«Objet: licenciement pour cause réelle et sérieuse

Monsieur,

Le 28 Juin 2013, vous vous êtes présenté à votre entretien pour un éventuel licenciement, entretien auquel a assisté Mme B..., salariée de la société.

Lors de cet entretien je vous ai indiqué le motif de cet entretien, à savoir votre insuffisance professionnelle.

En effet, depuis le début de votre contrat au sein de notre société, vos résultats n'ont pas été satisfaisants, votre travail n'a quasiment jamais équilibré votre salaire. En effet, un téléprospecteur doit réaliser au moins 8 ventes pour pouvoir générer du bénéfice à la société.

Votre moyenne est de 6,6 ventes par mois, bien en dessous du point mort. Nous avons essayé à de multiples reprises de vous former, mais vous n'avez pas appliqué les consignes données en formation, n'en faisant qu'à votre tête. Vous avez même refusé la dernière formation du lundi 17 Juin, au prétexte selon vous (vous l'avez dit lors de l'entretien) que vous pensiez que nous allions vous licencier, que cela ne servait à rien...

Pourtant, justement, cette formation avait pour but d'essayer de vous maintenir en poste dans des conditions satisfaisantes pour toutes les parties. En la refusant, vous avez délibérément saboté votre travail. Je vous rappelle qu'en Juin, vous avez généré deux ventes uniquement dont une seule sur votre travail réel de juin, la deuxième étant une attente du mois de Mars 2013. Sur la même période la société a réalisé 61 ventes, votre travail a donc généré 3 % de l'activité alors que l'entreprise fait travailler 8 téléprospecteurs, votre nombre de ventes aurait dû être de 7 ou 8, pour être dans la moyenne. Le mois de Mai a été aussi catastrophique pour vous.

Le 22 Avril, alors que je regardais l'historique de votre ordinateur par hasard, en votre présence, de celle de Zahia et de Saadia, je me suis rendu compte que vous aviez passé la journée sur Facebook et Twitter pour voir si vous réalisiez des ventes sur votre boutique (vous vendez des Tee: shirts de marque LOOKED MIAMI, marque que vous avez créée), et là encore votre défense le jour de l'entretien me laisse pantois: «Je ne savais pas que c'était interdit, j'ai déjà vu une responsable danser sur youtube», Vous étiez là pour vendre les produits de la société et non développer votre marque. Nous vous avons donc donné une chance d'évoluer dans la société, vous l'avez encore une fois gâchée.

Lors de l'entretien, vous avez ensuite déclaré que votre salaire ne permettait pas une motivation très importante, et vous en avez apporté la preuve car au mois de Mars, alors que j'avais mis en place un challenge, vous avez réussi à générer 12 ventes, c'est le seul mois ou vos résultats ont été bons.

Vous avez pourtant accepté ce salaire contractuel en toute connaissance de cause, et vu la conjoncture actuelle, il est loin d'être négligeable sur le marché.

Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un salarié qui ne travaille que quand il veut, qui refuse d'améliorer ses résultats par des formations, Vous n'avez pas su saisir les opportunités proposées.

Pour toutes ces raisons nous vous notifions votre licenciement pour insuffisance professionnelle, votre préavis d'une durée de un mois démarrera à compter de la présentation de cette lettre...»

$gt;

Monsieur Z... fait valoir que l'employeur a entretenu une confusion entre insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats, que même à supposer que l'insuffisance professionnelle puisse résulter d'une insuffisance de résultats le licenciement constituerait une double sanction compte tenu de la concomitance de l'avertissement et du licenciement, qu'en outre si la faute peut être invoquée au soutien de l'insuffisance de résultats comme cause réelle et sérieuse de licenciement encore convient-il qu'elle soit prouvée, que l'employeur qui ne pouvait légalement prouver que le salarié passait son temps à développer son activité de vente de tee-shirts n'apporte pas d'élément suffisamment précis à cet égard.

La SARL MEDIABAT soutient au contraire que le licenciement est fondé dès lors que l'insuffisance professionnelle résultait de l'insuffisance de résultats et que monsieur Z... assurait une moyenne de 6,6 ventes par mois contre 8,06 ventes par mois en moyenne pour le service concerné, que le salarié n'a jamais contesté la réalité de ces chiffres, que le 14 juin 2013 il a confirmé sa volonté de ne pas suivre de formation, que son manque d'implication a pour cause sa défaillance professionnelle dès lors que le 13 juin 2013 il a refusé de suivre la formation que l'employeur l'invitait à suivre avec madame C... à la suite de l'avertissement délivré le 10 juin 2013. Elle conteste l'existence d'une double sanction faisant valoir que postérieurement à l'avertissement le salarié avait persisté dans son comportement fautif.

$gt;

Contrairement aux autres motifs de licenciement pour lesquels la lettre de licenciement doit être circonstanciée, il suffit à l'employeur d'invoquer le grief d'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre soit dûment motivée.

Si l'insuffisance de résultats ne constitue pas par elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement, il existe cependant une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors que le fait de ne pas atteindre les objectifs résulte d'une insuffisance professionnelle ou d'une faute.

En l'espèce, au moyen des pièces qu'il produit l'employeur établit, au cours de l'année 2012, une faiblesse des résultats de monsieur Z... en comparaison de ceux d'autres salariés dont il n'est pas contesté qu'ils aient été placés dans la même situation. L'authenticité des comptes de l'employeur, faisant valoir qu'avec une moyenne de 6,6 ventes par mois contre 8,06 ventes par mois, en moyenne pour le service concerné, aucun bénéfice n'est dégagé, n'est pas non plus contestée.

Or, dans ce contexte l'employeur a proposé, pour une durée de deux mois, une modification du contrat acceptée par le salarié le 1er avril 2013, et susceptible de reconduction en fonction des résultats. Monsieur Z... ne conteste pas non plus, comme cela figure dans le courrier daté du 10 juin 2013 qu'il produit, avoir été informé dès le 13 mai 2013, en présence de madame C... du choix de l'employeur de ne pas reconduire l'avenant notamment en raison de ses résultats.

Le 10 juin 2013, l'employeur a notifié à monsieur Z... un avertissement pour un nombre de rendez-vous insuffisant au cours de la semaine précédente, soit 7% des rendez-vous de l'entreprise pour un effectif non contesté de 8 téléprospecteurs.

Cependant, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge le licenciement ne constitue pas une sanction pour les mêmes faits, dès lors que le 13 juin 2013 une formation avait été mise en place au profit de monsieur Z..., et que la société justifie de l'envoi d'un courriel du même jour émanant de madame C..., chargée de cette formation, qui fait état du refus par le salarié d'appliquer les consignes en expliquant qu'il n'avait pas besoin de formation, si bien que nonobstant la proximité des dates, il n'y avait pour autant ni concomitance ni identité entre les faits à l'origine des sanctions.

Étant observé d'autre part que l'employeur verse aux débats le compte-rendu d'un entretien du 14 juin 2013 avec le salarié, établi par monsieur Philippe D..., délégué du personnel, où il est notamment indiqué relativement à l'insuffisance des résultats: «A plusieurs reprises Thierry Z... a été averti verbalement mais il dit ne pas avoir bien estimé la portée et les conséquences de ces avertissements». Monsieur D... a par ailleurs établi une attestation selon laquelle il indique que le même jour l'employeur a imposé au salarié d'effectuer une formation en interne et que Thierry Z... a exprimé alors son refus catégorique de suivre cette formation. Il est donc établi que postérieurement à l'avertissement qui lui avait été notifié le salarié a par deux fois refusé la formation qui lui était proposée.

Il s'ensuit que tandis que le salarié avait des résultats insuffisants, et qu'une adaptation du poste avait d'abord été recherchée par l'employeur, le salarié n'a pas pour autant amélioré ses résultats. Et, alors que des formations étaient mises en place à son profit, monsieur Z... refusait de les suivre, bien qu'il ait été averti d'abord oralement, puis par écrit de l'insuffisance de ses résultats. C'est pourquoi, et indépendamment du fait que monsieur Z... ait pu développer une autre activité dans des circonstances insuffisamment établies, son licenciement pour insuffisance professionnelle était cependant justifié.

$gt; Sur les demandes accessoires et reconventionnelles

Compte tenu de la solution apportée au litige les dépens seront laissés à charge de monsieur Z....

En considération de la situation économique de la partie qui succombe, il convient de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Réforme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 24 juillet 2015;

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de monsieur Thierry Z... par la SARL Mediabat repose sur une cause réelle et sérieuse;

Déboute monsieur Thierry Z... de ses demandes au titre d'un licenciement abusif;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Condamne monsieur Thierry Z... aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/06690
Date de la décision : 30/01/2019

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°15/06690 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-30;15.06690 ?
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