SD/RT/SA
4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 16 JANVIER 2019
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 14/08254 - N° Portalis DBVK-V-B66-LYPT
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 OCTOBRE 2014 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER - N° RG 21300438
APPELANTE :
EURL PROP'HOTEL
[...]
Représentant : Me X... substituant Me Catherine Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON
[...]
Représentant : Me Z... de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard A..., exerçant les fonctions de Président spécialement désigné à cet effet
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard A..., exerçant les fonctions de Président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
**
FAITS ET PROCEDURE
La société SARL PROP'HOTEL est une société d'entretien et de dépannage qui s'est installée le 1er janvier 2007 en une zone franche urbaine venant d'un autre quartier de Montpellier.
Elle était informée d'un contrôle par avis du 8 mars 2012 pour les années 2009, 2010, et 2011.
L'URSSAF de l'Hérault notifiait à cette société une lettre d'observations, en date du 5 septembre 2012, sur le fondement de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale portant redressements sur les chefs suivants :
I/- l'exonération zone franche urbaine, ci après ZFU, tenant :
* à la condition de résidence du salarié,
* aux conditions de résidence pour les implantations à compter du 1er janvier 2002,
*aux modalités de décompte des salariés, et à l'appréciation du lieu de résidence de ceux-ci
II/- la déduction Fillon dont le montant a été remis en cause par l'absence d'exonération ZFU, et la régularisation de cette déduction.
Le 10 décembre 2012, l'URSSAF notifiait une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 148.891 euros de cotisations et de 16.104 euros de majorations de retard.
Contestant l'interprétation de l'organisme social, la société adressait, infructueusement, une réclamation à la Commission de recours amiable et saisissait de sa contestation le Tribunal des affaires de sécurité sociale du département de l'Hérault.
Par jugement du 15 octobre 2012 cette juridiction rejetait le recours de la société SARL PROP'HOTEL laquelle a régulièrement relevé appel.
Elle soutient, pour l'essentiel, que:
-d'abord depuis l'origine elle a sollicité l'annulation du redressement au motif qu'elle ne connait pas le détail du calcul du redressement, ce qui la mettait dans l'impossibilité de connaitre des détails des calculs opérés par l'inspecteur en sorte qu'elle avait demandé une expertise,
-en effet au regard de la jurisprudence (Cass 2ème civ 18 septembre 2014 n°13.1682), il est exigé que le mode de calcul des redressements envisagés soit énoncé, en détails, car à défaut l'URSSAF met la société dans l'impossibilité de vérifier l'exactitude des sommes réclamées.
-le jugement a rejeté cette argumentation en sorte qu'il doit être infirmé de ce chef,
-ensuite la société comprend plus de 19 salariés or la lettre d'observation se borne à rappeler les règles générales de la réduction Fillon sans donner les détails de ses calculs, et surtout ceux de 2009 et 2010 qui ne sont pas produits,
-l'URSSAF, nonobstant la réception des éléments manquants, comme le journal de paye par mois où apparait le salaire brut et le taux horaire de base par mois, n'a pas modifié le redressement, en sorte que la société n'a pas bénéficié de la réduction Fillon pour 2011 alors qu'elle avait envoyé les éléments demandés au 27 juillet 2012
-subsidiairement elle demande d'annuler le redressement car elle remplit toutes les conditions ouvrant droit au bénéfice de l'exonération lié à l'implantation de la société en ZFU, et elle justifie qu'au moins de 16 salariés sur 48 satisfaisaient à la condition de résidence, et que 22 salariés habitaient [...] ou ZUS dans les 3 mois précédent leur embauche,
-enfin l'[...] tendu pour les fournitures et le matériel commandés par le personnel qui passent les récupérer 2 ou 3 fois par mois, dans un local de 22 m² divisé en 2 pièces, ce qui suffisait pour chaque salarié dans la mesure ou n'existait pas de stocks.
-elle bénéficie du taux le plus avantageux pour des entreprises de plus de 19 salariés au plus, car le seuil de 19 salariés a été dépassé en 2009 et la société bénéficie du taux majorés pendant 3 ans, soit jusqu'en 2012, et elle a toujours indiqué ignorer si c'était bien ce taux majoré qui avait été appliqué et en particulier en 2011, et il en est de même pour le FNAL supplémentaire, pour lequel elle n'était pas assujettie en 2009, celle-ci bénéficiant d'une exonération jusqu'en 2012.
-devant la Commission de recours amiable elle a indiqué que l'inspectrice avait manifestement mal calculé la réduction Fillon et qu'elle ignorait les bases de calcul appliquées par l'agent de contrôle en indiquant : « j'ai impérativement besoin des détails des calculs de l'URSSAF ».
-dès lors, dans l'hypothèse où le redressement ne serait pas annulé, la société appelante sollicite à nouveau une expertise avant dire droit, car maintenir un redressement de 164.891 euros pour une petite société, sans même connaître les modalités de calcul, reviendrait à l'obliger à déposer le bilan.
L'URSSAF demande la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 1.000 euros pour ses frais non compris dans les dépens.
MOTIFS
Sur la nullité de la lettre d'observations
Préalablement il convient de noter que l'URSSAF rappelle que contrairement à ce qui soutient la société appelante actuellement, celle-ci n'avait jamais contesté devant la Commission de recours amiable le calcul effectué par l'URSSAF au regard de la réduction Fillon
Cependant en l'espèce les dispositions desarticles R142-1 et R142-18 du Code de la sécurité socialene sont pas applicables.
En effet le 10 décembre 2012 l'URSSAF avait notifié une mise en demeure ouvrant, au profit de la société, un nouveau un délai de contestation qui n'était pas expiré le 20 décembre 2012 date d'expédition d'une lettre complémentaire faisant état d'une absence d'application, par l'agent de contrôle, de la réduction FILLON dans ses calculs.
En cet état la société appelante pouvait donc compléter les motifs de la saisine.
Ensuite, toujours selon la société appelante, la lettre d'observations ne comprend pas les bases retenues pour chaque redressement, les taux de cotisations, le montant des cotisations et/ou des contributions chiffrées, alors que:
- dès le 27 juillet 2012, elle adressait à l'URSSAF un courrier avec le journal de paye mois par mois pour 2011 des salariés ou apparaît le salaire brut (tous les salariés n'ayant pas le même taux horaire) qui devait servir à calculer la réduction Fillon pour 2011,
- elle renouvelait le 4 octobre 2012, auprès de l'URSSAF l'ensemble de ses observations en rappelant remplir toutes les conditions pour l'exonération, mais le 29 octobre 2012, l'URSSAF indiquait maintenir le redressement envisagé dans son intégralité.
-le 19 décembre 2012, elle complétait son recours en indiquant que l'inspectrice avait manifestement mal calculé la réduction Fillon et ignoré les bases de calcul appliquées par l'inspectrice, le gérant indiquant « j'ai impérativement besoin des détails des calculs de l'URSSAF ».
-la commission de recours amiable n'a même pas statué sur le problème des bases retenues pour chaque redressement, les taux de cotisations, le montant des cotisations et/ou des contributions chiffrées.
Selon l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle, et ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
Selon la société appelante il est exigé que le mode de calcul des redressements envisagés soit énoncé, en détails, car à défaut l'URSSAF la met dans l'impossibilité de vérifier l'exactitude des sommes réclamées ce qui est le cas.
Toutefois l'agent de contrôle a donné les précisions suivantes (pages 3 et 7)
Tous les salariés de la société bénéficient de l'exonération ZFU sur toute la période contrôlée (sauf les quelques salariés embauchés en CDD sur 2011).
Les locaux situés [...] sont composés d'un local de 20m2 environ composé de 2 pièces, dans la pièce principale (15 m2 environ), sont installés 2 bureaux et la seconde pièce (petit local de 6m2 environ) est destinée au stockage des archives et de quelques produits d'entretien.
Les 2 bureaux sont occupés par le gérant et par la responsable administrative.
Le gérant et la responsable décrivent les conditions d'activité des agents de nettoyage, ce sont des femmes qui se rendent le matin directement sur leur lieu de travail, c'est à dire un hôtel sur Montpellier ou agglomération (aucun hôtel n'est situé [...]).
Les horaires de travail sont en général de 9 H à 13 H
(')
Aucun salarié n'utilise son véhicule personnel, d'ailleurs aucun remboursement de frais correspondant n'est opéré par la société aux salariées.
Le gérant déclare que les salariés agents d'entretien passent 2 à 3 fois par mois, lorsqu'elles mêmes le jugent nécessaire, pour récupérer des produits d'entretien (nettoyant pour les vitres, pour les sanitaires, sacs poubelle, sacs aspirateurs, désodorisants,...).
Cependant, pendant la durée du contrôle, aucune salariée n'est passée au siège de la société alors qu'environ une cinquantaine de personnes sont en activité.
Les contrats de travail sont tous établis sur le même modèle et ne prévoient pas le passage de la salariée au siège de la société, ni la rémunération éventuelle des heures de passage correspondantes.
Il déclare également que quelques réunions sont organisées au sein du bureau, mais très peu vu la petitesse des locaux. Les salariés sont reçues ponctuellement et en petit nombre, pour régler des soucis ou pour des procédures disciplinaires.
En effet, il déclare également que les recrutements se font au sein des hôtels qui prêtent, pour l'occasion, une salle à la société.
Ainsi, aucun élément n'oblige les salariés agents d'entretien à passer régulièrement au siège de la société, situé [...], pour mener à bien leur mission.
Quant au quota de résidents en ZFU ou en ZUS, il n'est pas géré de manière rigoureuse, en effet, aucun justificatif de domicile n'est demandé lors de l'embauche (et trois mois avant), la société se base sur les papiers d'identité pour connaître l'adresse de la salariée (pièce d'identité pour les français et carte de séjour pour les étrangers).
Les salariés sont majoritairement embauchés en CDI entre 80 et 100 H par mois, les employés en CDD n'ont pas d'exonération ZFU appliquée.
(')
Décision
Il y a donc lieu de régulariser le montant de l'exonération ZFU pratiquée à tort, au titre des 3 années contrôlées, sur les rémunérations des salariés agents d'entretien.
Seules les rémunérations de Mme B..., responsable administrative, de M.F... C..., chef d'équipe sur 2009 et 2010, et de Mme D..., chef d'équipe à compter de 2011, ouvrent droit à l'exonération ZFU, dans la mesure où leurs missions nécessitent un passage régulier au siège de la société.
(')
L'exonération ZFU applicable (code type 673), au titre des salariés suivants, s'élève à:
* 2009: Mme B... = 6. 735 euros
E... = 3.376 euros
Total = 10.111 euros
* 2010: Mme B... = 6. 970 euros
E... = 1 812 € Total = 8. 782 euros
* 2011 Mme B... = 5. 428 euros
Mme D... = 5.787 euros
Total = 11 215 euros
Pour les autres salariés l'inspecteur ayant décidé qu'ils ne pouvaient pas bénéficier, comme il sera exposé ci après, de l'exonération, cet agent précisait bien que seul le droit commun s'appliquait.
En conséquence un tableau était présenté pour chacune des trois années comportant les catégories de personnel, la base, le taux, la base plafonnée et le montant des cotisations.
Dans ces conditions l'agent de l'URSSAF a bien distingué les salariés bénéficiaires de l'exonération et ceux qui ne pouvaient y être inclus.
Sa présentation ne rendait pas impossible une vérification, par le gérant de la société contrôlé, de l'exactitude des sommes réclamées.
Cette argumentation n'est donc pas fondée.
Sur la décision de l'URSSAF quant à l'application de la Zone Franche Urbaine
Selon l'article 12 de la loi 96-987 du 14 novembre 1996, dans sa rédaction applicable, l'exonération est ouverte au titre de l'emploi de salariés dont l'activité réelle, régulière et indispensable à l'exécution du contrat de travail s'exerce en tout ou partie dans une zone franche urbaine.
Par ailleurs, aux termes du décret 2004-565 du 17 juin 2004, pour bénéficier de l'exonération, l'établissement doit présenter une réalité économique, caractérisée par une implantationréelleet par la présence des éléments d'exploitation ou de stocks nécessaires à la réalisation, en son sein, d'uneactivitééconomique effective.
En l'espèce, outre les motifs retenus par le jugement, l'inspecteur a relevé l'absence de relations commerciales au sein de la ZFU, les salariés, sauf les deux précités, travaillant dans des hôtels implantés hors de la superficie de cette zone
Egalement il était noté une absence de stockage de petits matériels indispensables au nettoyage. A cet égard un fonctionnement à «flux tendu», n'est absolument pas établi, par des factures de livraison ou autres, étant observé que l'agent de contrôle a constaté que la société manquait de rigueur dans son fonctionnement.
Il apparait donc que les salariés étaient employés sur les chantiers de nettoyage situés hors de la ZFU et leur présence au siège de l'entreprise n'est pas démontrée par les pièces produites, comme des calendriers, ou des convocations régulières, les rencontres entre employeur et salarié se déroulant à l'hôtel où le salarié réalisait sa prestation.
Ainsi seule l'activité de secrétariat était assumée au siège et aucun élément matériel ne vient corroborer que des salariés le fréquentaient.
Actuellement la société appelante n'apporte aucun élément particulier démontrant une activitééconomique effective à son siège social impliquant des salariés:
- ayant uneactiviténécessitant une utilisation régulière des éléments d'exploitation ou de stocks présents dans l'entreprise
- ayant uneactivitéréelle, régulière et indispensable à l'exécution de leur contrat de travail.
En conséquence la société ne peut donc être exonérée des cotisations sociales pour les salariés concernés.
De ce chef le jugement doit être confirmé.
Sur les autres demandes
Si la société expose qu'elle a droit à la réduction dénommée Fillon, il convient de souligner que le contrôle portait sur les années 2009, 2010 et 2011 .Or l'inspecteur a indiqué:
L'exonération Zone Franche Urbaine ayant été remise en cause concernant les rémunérations des salariés agents d'entretien, la société ouvre droit au calcul de la réduction loi Fillon sur les années contrôlées. Ce calcul a été effectué concernant les années 2009 et 2010, à partir des éléments fournis par la société. Il s'agit des montants suivants :
- 2009 : 75.743 €
- 2010 : 109. 706 €
Concernant 2011, malgré plusieurs demandes, les éléments fournis par la société n'ont pas permis de calculer la réduction loi Fillon.
Ainsi le crédit correspondant n'est pas effectué.
Si la société fournit le calcul ou des éléments exploitables (fichier Excel) permettant d'effectuer ce calcul, le crédit correspondant sera notifié.
Or la société ne justifie pas qu'elle a fourni à l'inspecteur, ou aux services de l'URSSAF, les éléments exploitables réclamés par cet organisme pour l'année 2011, contrairement aux prescriptions de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale imposant, depuis la loi 96-91 du 31 janvier 1996, à la personnecontrôléede mettre à disposition de l'agent chargé ducontrôle, les documents nécessaires auditcontrôle.
De plus si le gérant réclame la communication des taux retenus par l'agent contrôleur car l'entreprise bénéficiait d'office d'une réduction Fillon, il convient de rappeler qu'un agent decontrôlene peut pas rechercher par lui même lesdocumentsdont il a besoin.
Dans ces conditions, contrairement à l'argumentation de la société appelante, il n'existe pas de litige de ce chef tant que cette communication préalable n'a pas été effectuée par l'employeur. Par la même la mise en 'uvre d'une expertise est superfétatoire.
En première instance la société a déjà été condamnée par le jugement déféré à payer une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Compte tenu des frais exposés inutilement par l'URSSAF pour se défendre en appel, il convient de condamner la société appelante à payer en sus la somme de 1.000 euros à l'organisme social.
Vu l'article R 144-10 du Code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y Ajoutant,
Condamne la société EURL PROP HOTEL à payer à l'URSSAF du Languedoc Roussillon la somme de 1.000 euros pour les frais exposés pour l'instance d'appel par cet organisme en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dispense de l'application des dispositions de l'article R 144-10 du Code de la sécurité sociale.
LE GREFFIERLE PRESIDENT ,