Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre D
ARRET DU 20 DECEMBRE 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00336 N° Portalis DBVK-V-B7C-NQCV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JANVIER 2018
JUGE DE L'EXECUTION DE PERPIGNAN N° RG 15/00481
APPELANTE :
Madame [L] [N] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Paul BERNARD de la SCP PORTAILL-BERNARD, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Philippe CODERCH-HERRE de la SCP SAGARD-CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 08 Octobre 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 OCTOBRE 2018, en audience publique, Daniel MULLER ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Mme Nelly SARRET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA
L'affaire, mise en délibéré au 29/11/18, a été prorogée au 13/12/18 puis au 20/12/18.
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte notarié du 9 octobre 2009, La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a consenti à la société VM Réalisations , société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Perpignan, un crédit sous forme d'ouverture de crédit en compte-courant de la somme principale de 1'200'000 €.
Par ce même acte Monsieur [M] [T], Monsieur [M] [Q], Monsieur [N] [J] [H] et Madame [L] [N] épouse [B] se sont portés cautions solidaires de la société VM Réalisations au titre de cette ouverture de crédit.
La société VM Réalisations a été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 décembre 2011 du tribunal de commerce de Perpignan.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a déclaré sa créance.
Par jugement du 29 mai 2013, le tribunal de commerce de Perpignan a arrêté le plan de redressement présenté par la société VM Réalisations.
Par jugement du 8 octobre 2014, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé la résolution du plan et, par voie de conséquence, la liquidation judiciaire de la société VM Réalisations.
Par actes des 22, 27 et 28 janvier 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente à Monsieur [M] [T], Monsieur [M] [Q], Monsieur [N] [J] [H] et Madame [L] [N] épouse [B] pour avoir paiement de la somme de 1'163'830,95 euros en principal, intérêts et frais.
Par acte du 10 février 2015, Monsieur [M] [T], Monsieur [M] [Q], Monsieur [N] [J] [H] et Madame [L] [N] épouse [B] ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan pour voir constater l'extinction des engagements de caution donnés par eux antérieurement à l'exigibilité, en conséquence, pour voir dire nuls et de nul effet les commandements aux fins de saisie vente.
Devant le juge de l'exécution le litige a évolué, Messieurs [N] [J] [H] et [M] [Q] soutenant la nullité de l'acte notarié, motif pris d'une contrariété entre le crédit consenti, la délibération des associés et le mandat donné au notaire par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée, Messieurs [N] [J] [H] et [M] [Q] affirmant en outre que le cautionnement était éteint, que les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion devaient être réputées non écrites et que le cautionnement était disproportionné.
Monsieur [M] [T] a conclu dans le même sens.
Madame [L] [N] épouse [B] a, pour sa part, soutenu que son cautionnement était manifestement disproportionné, que les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion et de division devaient être réputées non écrites, qu'elle devait être déchargée de son cautionnement au motif que les conjoints des consorts [Q] et [J] [H] n'avaient pas consenti au cautionnement, la privant ainsi de son recours subrogatoire sur leurs biens communs, et enfin que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée avait commis une faute en ne la mettant pas en garde sur les risques de l'opération dans laquelle elle s'engageait.
Par jugement du 15 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a dit n'y avoir pas lieu de surseoir à statuer, a déclaré valables les engagements de caution contenus dans l'acte notarié du 9 octobre 2009, donnés par M. [M] [T] et par Madame [L] [N] épouse [B], a déclaré bons et valables les commandements aux fins de saisie vente à eux délivrés le 22 et 27 janvier 2015 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée, a dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée n'est pas fondée à opposer à Monsieur [N] [J] [H] et à Monsieur [M] [Q] les engagements de caution contenus dans l'acte notarié du 9 octobre 2009, a déclaré nuls et de nul effet les commandements aux fins de saisie vente à eux délivrés le 27 et 28 janvier 2015 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée, à condamné solidairement Monsieur [M] [T] et Madame [L] [N] épouse [B] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires et a condamné solidairement Monsieur [M] VM Réalisations Madame [L] [L] [N] épouse [B] aux dépens.
Madame [L] [N] épouse [B] a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 19 février 2018 par Madame [L] [N] épouse [B], laquelle demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, de constater l'extinction de l'engagement de caution donné par elle, en conséquence, de dire nul et de nul effet le commandement de saisie vente délivré le 27 janvier 2015, de constater la disproportion manifeste de l'engagement de caution avec ses patrimoines et revenus au jour de l'engagement comme au jour où la caution est appelée, en conséquence, de dire nul et de nul effet le commandement de saisie vente délivré le 27 janvier 2015, de retenir la responsabilité pour faute de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée pour manquement à son devoir de mise en garde de la caution, de la condamner au paiement à titre de dommages et intérêts d'un montant égal à 99,99'% des sommes réclamées en vertu de l'engagement de caution, de prononcer la nullité des stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion et de division prévues à l'acte du 9 octobre 2009, de dire que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée ne peut pas s'en prévaloir, en conséquence, de dire nul et de nul effet le commandement de saisie vente délivré le 27 janvier 2015, de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée à 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 28 février 2018 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée, laquelle demande à la cour, sur l'extinction des cautionnements, à titre principal, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que le cautionnement souscrit par Madame [L] [N] épouse [B] n'est pas éteint, subsidiairement sur ce point, de dire et juger que l'obligation de couverture des cautionnements solidaires souscrits par les demandeurs était à titre principal d'une durée indéterminée, subsidiairement expirait le 9 octobre 2013 et très subsidiairement le 9 octobre 2011, de dire et juger que quelle que soit la date retenue pour l'expiration de l'obligation de couverture, elle disposait d'une créance à l'encontre de la société VM Réalisations, en toute hypothèse, de débouter Madame [L] [L] [N] épouse [B] de ses demandes, sur la disproportion manifeste, à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ce moyen, jugeant à nouveau, de dire et juger ce moyen irrecevable car prescrit, subsidiairement sur ce point, de dire et juger que Madame [L] [L] [N] épouse [B] ne justifie pas de la disproportion alléguée,, de dire et juger que le cautionnement litigieux n'était pas disproportionné, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [L] [L] [N] épouse [B] de ses demandes de ce chef, sur le devoir de mise en garde, à titre principal sur ce point, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ce moyen, jugeant à nouveau, de dire et juger ce moyen irrecevable car prescrit, à titre subsidiaire sur ce point, de dire et juger que Madame [L] [L] [N] épouse [B] est une caution avertie, de dire et juger que le prêt litigieux ne générait aucun risque d'endettement excessif, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [L] [L] [N] épouse [B] de ses demandes de ce chef, sur l'imprécision des cautionnements, la solidarité et le bénéfice de discussion, à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ce moyen, jugeant à nouveau, de dire juger ce moyen irrecevable car prescrit, subsidiairement sur ce point, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [L] [L] [N] épouse [B] de ses demandes de ce chef, sur la décharge du cautionnement de Madame [L] [L] [N] épouse [B], de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [L] [L] [N] épouse [B] de ses demandes de ce chef, en toute hypothèse, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable l'engagement de caution contenu dans l'acte notarié du 9 octobre 2009 donné par Madame [L] [L] [N] épouse [B], de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré bons et valables les commandements aux fins de saisie vente délivrés à Madame [L] [L] [N] épouse [B], de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [L] [L] [N] épouse [B] au paiement de la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [L] [L] [N] épouse [B] aux dépens de l'instance, y ajoutant, de la condamner au paiement de la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.
MOTIFS
Le cautionnement litigieux a été souscrit le 9 octobre 2009 par Madame [L] [N] épouse [B], associée majoritaire de la société VM Réalisations dont son époux assurait la gérance.
La prescription applicable est donc celle de l'article L110-4 du code de commerce.
Le délai quinquennal de l'action dont Madame [L] [N] épouse [B] disposait pour contester l'acte fondant les poursuites à son encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, étant précisé que Madame [L] [N] épouse [B] disposait, dès la signature de l'acte en cause, des informations lui permettant de contester la portée ou la validité de son engagement.
Il importe peu que l'instance a été introduite en réponse à un acte d'exécution dès lors qu'il apparaît que Madame [L] [N] épouse [B] a agi par voie principale pour contester l'acte fondant les poursuites entreprises à son encontre.
Il convient par voie de conséquence, infirmant le jugement entrepris, de déclarer Madame [L] [N] épouse [B] irrecevable en ce qu'elle se prévaut des dispositions de l'article L.332-1 du code de la consommation (ancien article L.341-4 du même code) alors que l'action n'a été engagée que par acte du 10 février 2015, et irrecevable en ce qu'elle oppose à la banque un manquement au devoir de mise en garde ou encore en ce qu'elle soutient la nullité de la stipulation de solidarité et de renonciation aux bénéfices de division et de discussion, moyens développés en cours de procédure, postérieurement à l'engagement de l'instance devant le juge de l'exécution, et donc au-delà de la date à laquelle la prescription était acquise.
Il reste donc à apprécier les moyens tenant, d'une part, à l'extinction du cautionnement en raison de sa durée et, d'autre part, à la décharge du cautionnement en l'absence de consentement des épouses de Messieurs [Q] et [J] [H].
C'est par des motifs pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a pu retenir des mentions de l'acte notarié que le cautionnement ne prenait fin qu'avec le remboursement intégral au créancier de toutes les sommes dues par le cautionné étant observé que la survenance du terme de l'obligation de couverture laisse subsister l'obligation de règlement pour les dettes nées avant la survenance du terme du cautionnement.
Le premier juge a justement relevé que «'l'engagement couvrira toutes les obligations du cautionné à l'égard de la caisse régionale, de quelque nature que ce soit, directes ou indirectes, présentes ou futures, actuelles ou éventuelles'» et il doit se déduire de cette stipulation contractuelle que l'engagement des cautions solidaires était à durée indéterminée, sauf à prendre en considération les mentions particulières figurant en annexe faisant apparaître une durée de couverture de 48 mois.
À cette date, la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée s'élevait à hauteur de la somme de 1'162'167,06 euros, montant de la déclaration effectuée le 16 décembre 2011 entre les mains du représentant des créanciers, et il apparaît donc que la banque disposait bien d'une créance à l'encontre de la société VM Réalisations, et ce dans le délai de l'obligation de couverture.
Aucune pièce ne montre que Madame [L] [N] épouse [B] a été déchargée de son obligation de règlement, peu important à cet égard que le cautionnement de Madame [L] [N] épouse [B] ne soit plus mentionné dans les lettres d'information annuelle à partir de 2013.
Par ailleurs, s'agissant de la décharge de l'engagement de caution sur le fondement des dispositions de l'article 2314 du Code civil, il ne peut qu'être relevé que la décharge ne peut s'opérer en faveur de la caution que si les garanties en cause existaient antérieurement au contrat de cautionnement ou que si le créancier s'était engagé à les prendre. Il ne peut qu'être constaté qu'il n'a jamais été prévu que les épouses de Messieurs [Q] et [J] [H] interviennent afin d'étendre l'assiette du gage aux biens communs et il ne peut donc être reproché à la banque de ne pas avoir pris une sûreté qu'elle ne s'était pas engagée à constituer. Le jugement entrepris ne peut par voie de conséquence qu'être confirmé à cet égard.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée partie des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer en cause d'appel et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée de ses fins de non-recevoir tirées de la prescription,
Statuant à nouveau à cet égard,
Déclare Madame [L] [N] épouse [B] irrecevable en ce qu'elle oppose à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée les moyens tenant à la disproportion manifeste de son engagement, au manquement au devoir de mise en garde et ce qu'elle soutient la nullité de la stipulation de solidarité et de renonciation aux bénéfices de division et de discussion,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le cautionnement souscrit par Madame [L] [N] épouse [B] n'est pas éteint et en ce que la caution n'est pas déchargée,
Confirme par voie de conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valable l'engagement de caution contenu dans l'acte notarié du 9 octobre 2009 donné par Madame [L] [N] épouse [B] et en ce qu'il a déclaré bon et valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 27 janvier 2015 à Madame [L] [N] épouse [B],
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [L] [N] épouse [B], solidairement avec Monsieur [M] [T], au paiement de la somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [L] [N] épouse [B] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée, en sus de la somme allouée par le premier juge, la somme de 1500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [L] [N] épouse [B] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
DM