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18/12/2018 | FRANCE | N°16/05438

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 18 décembre 2018, 16/05438


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 18 DECEMBRE 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/05438 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MXLE







Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MAI 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/04249







APPELANTS :



Monsieur Hocine X...

né le [...] à LE HAVRE (76600)

de nationalité FranÃ

§aise

[...]

Représenté par Me Fabienne Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



Madame Magali Z...

née le [...] à LE HAVRE (76600)

de nationalité Française

[...]

Représentée par Me Fabie...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 18 DECEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/05438 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MXLE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 MAI 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/04249

APPELANTS :

Monsieur Hocine X...

né le [...] à LE HAVRE (76600)

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Fabienne Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame Magali Z...

née le [...] à LE HAVRE (76600)

de nationalité Française

[...]

Représentée par Me Fabienne Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège.

Av. du Montpelliéret, Maurin

[...]

Représentée par Me Pascal A... de la B..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 NOVEMBRE 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Hocine X... et son épouse Magali Z... ont contracté un prêt immobilier auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc Roussillon suivant offre en date du 17 février 2011, acceptée le 2 mars 2011.

Par exploit du 10 juillet 2015, les époux X... ont fait assigner le CREDIT AGRICOLE devant le Tribunal de Grande Instance de Montpellier aux fins d'obtenir à titre principal l'annulation des intérêts conventionnels, et à titre subsidiaire la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Le jugement rendu le 19 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

-Déboute les époux X... de l'ensemble de leurs demandes.

-Condamne Hocine X... et son épouse Magali Z... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le jugement expose que les dispositions concernant l'obligation de communiquer le taux de période sont sans application au prêt litigieux, dès lors que le prêt immobilier est expressément exclu par l'article R.313-1 du Code de la consommation. Les époux seront donc déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Hocine X... et Magali Z... ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 7 juillet 2016.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 octobre 2018.

Les dernières écritures pour Hocine X... et Magali Z... ont été déposées le 3 octobre 2016.

Les dernières écritures pour la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc ont été déposées le 22 août 2018.

Le dispositif des écritures pour Hocine X... et Magali Z... énonce :

-Prononcer l'annulation des dispositions ayant mis à la charge de l'emprunteur un intérêt contractuel contenu dans l'offre de crédit immobilier du 17 février 2011.

-Ordonner subsidiairement la déchéance des intérêts de ce contrat de crédit depuis l'origine de l'amortissement.

-Ordonner en conséquence la substitution du taux de l'intérêt légal de l'année 2011 au taux contractuel.

-Condamner en conséquence la Caisse à reverser aux emprunteurs les intérêts déjà payés qui excéderaient l'intérêt légal.

-Condamner la Caisse à payer la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel et de l'instance primitive, dont distraction au profit de Maître Y..., avec recouvrement direct sur son affirmation de droit.

Hocine X... et Magali Z... soutiennent que l'article R313-1 du Code de la consommation indique que le taux annuel à communiquer est équivalent s'il s'agit d'un crédit à la consommation, et qu'il est proportionnel au taux de période pour les opérations de crédit expressément exclues du champ des crédits à la consommation, ainsi que pour les crédits immobiliers. Cependant, dans les deux cas, le taux et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur. En l'espèce, l'offre de crédit ne mentionne pas de taux de période. Il s'agit alors d'un taux effectif global erroné, sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Le dispositif des écritures pour la Caisse régionale de crédit agricole Mutuel du Languedoc énonce :

-Au principal, confirmer le jugement entrepris, et débouter les époux X... de toutes leurs demandes.

-Au subsidiaire, déclarer irrecevable la partie requérante en son action fondée sur les dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du Code civil et en toute hypothèse infondée.

-Au plus subsidiaire, dans l'hypothèse où le juge serait amené à annuler la stipulation d'intérêts conventionnels, dire que :

'Pour la créance échue, l'excédent d'intérêts perçus ne pourrait couvrir qu'une période de cinq années à compter de l'introduction de l'instance et viendrait en compensation avec le capital restant à échoir.

'Pour la créance à échoir, un tableau d'amortissement au taux de l'intérêt légal substitué sera édité.

'Pour la créance échue et pour la créance à échoir, le taux de l'intérêt légal substitué au taux conventionnel subira les modifications successives que la loi lui apporte.

-Condamner les époux X... à verser à la Caisse une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc soutient que les conditions générales de l'offre de prêt stipulent expressément que « le taux effectif global est un taux annuel, calculé conformément aux dispositions de l'article R.313-1 du Code de la consommation », soit selon la méthode proportionnelle, et que les conditions financières de l'offre de prêt stipulent « périodicité mensuelle », de sorte que les mentions de l'offre satisfont aux exigences de communication de l'article R.313-1.

Le premier alinéa de l'article R.313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret 2002-927 du 10 juin 2002, exclut de son champ d'application les crédits immobiliers et les crédits consentis à des professionnels.

Par ailleurs, la seule sanction civile adéquate et proportionnée est la déchéance, qui doit prévaloir sur la nullité. En effet, il ressort de l'article L.312-33 ancien du Code de la consommation que la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L.312-8 du même code est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge. Or, ce texte spécial d'ordre public déroge nécessairement, pour les prêts immobiliers, aux dispositions générales posées par l'article 1907 du Code civil.

De plus, l'absence de communication du taux de période ne peut, par extension, être assimilée à l'absence de fixation du taux nominal ou du TEG.

MOTIFS':

Aux termes de l'article 1907 alinéa 2 du Code civil, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

Par ailleurs l'article R 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret du 10 juin 2002 applicable au moment de la conclusion du prêt, dispose que le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, que le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code, que le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Toujours selon ce texte le taux de période est calculé de façon actuarielle, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Pour les opérations mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 3° et à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.

Il s'ensuit du tout que le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires et que le taux de période, comme la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

L'article R 313-1 du code de la consommation en outre contient deux phrases distinctes, la première relative au calcul du TEG, pour laquelle une distinction doit être faite entre, d'une part, les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du même code, d'autre part, toutes les autres opérations de crédit, et la seconde qui impose, quelle que soit l'opération, la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur.

Ainsi la décision critiquée qui a opéré une distinction qui n'a pas lieu d'être en écartant cette dernière obligation au motif erroné que le prêt en cause était exclu de ces dispositions générales s'agissant d'un prêt immobilier doit en conséquence être infirmée dès lors qu'il ne ressort ni du contrat de prêt, ni des autres pièces produites par la banque que le prêteur a informé l'emprunteur du montant du taux de période et qu'en l'absence de cette mention, il n'a pas été satisfait aux exigences des articles L 313-1 et R 313-1 du Code de la consommation et 1907 du Code civil.

Par ailleurs la mention dans l'écrit constatant un prêt d'argent, du TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêt de telle sorte que l'inexactitude de cette mention résultant du défaut d'indication du taux de période équivaut à une absence de mention dont la sanction est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu.

En effet et contrairement à ce que soutient la banque, si l'inexactitude affectant le TEG contrevient également aux dispositions de l'article L 312-8 du même code dont l'article L312-33 sanctionne l'inobservation par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, cette sanction n'aurait vocation à s'appliquer que lorsque ces textes fondent la demande de l'emprunteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, alors que le choix de la sanction applicable ne saurait être à la discrétion de la banque et que l'adage selon lequel le spécial déroge au général - serait-il désormais consacré par l'article 1105 du Code civil - ne saurait dès lors être utilement invoqué en présence de dispositions qui prévoient deux actions distinctes, aux finalités et régime différents entraînant des sanctions également distinctes, ni autoriser la cour exclusivement saisie d'une demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts pour inexactitude du TEG fondée sur ces derniers textes à recourir à la sanction non sollicitée de la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts.

Cette substitution du taux légal au taux conventionnel prend effet à la souscription du prêt et selon le taux légal à leurs dates respectives de telle sorte que la banque sera condamnée à payer la différence entre le montant des intérêts perçus au taux contractuel et le montant des intérêts au taux légal du jour de la conclusion du contrat jusqu'à la date de la présente décision.

La décision dont appel sera également infirmée en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Par conséquent la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC succombant sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Y... ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 19 mai 2016,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que dans l'acte de prêt du 17 février 2011 il n'a pas été satisfait aux exigences des articles L 313-1 et R 313-1 du Code de la consommation et 1907 du Code civil,

Prononce la nullité de la stipulation d'intérêts,

Dit que le taux d'intérêt légal est substitué au taux d'intérêt conventionnel à compter de la conclusion du contrat et jusqu'à son terme.

Condamne en conséquence la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à Hocine X... et Magali Z... épouse X... la différence entre le montant des intérêts perçus au taux contractuel et le montant des intérêts au taux légal du jour de la conclusion du contrat jusqu'à la date de la présente décision.

Dit que le taux légal à prendre en compte est celui en vigueur lors de chaque période concernée.

Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties.

Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Y... en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à Hocine X... et Magali Z... épouse X... la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/05438
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°16/05438 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;16.05438 ?
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