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11/12/2018 | FRANCE | N°15/08260

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 11 décembre 2018, 15/08260


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 11 DECEMBRE 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/08260 - N° Portalis DBVK-V-B67-MKKR







Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 OCTOBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14 05535









APPELANTS :



Monsieur Johann I... Z...

né le [...] à ANNEMASSE (74100)

[..

.]

Représenté par Me Gilles X... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Aude Y... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 11 DECEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/08260 - N° Portalis DBVK-V-B67-MKKR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 OCTOBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14 05535

APPELANTS :

Monsieur Johann I... Z...

né le [...] à ANNEMASSE (74100)

[...]

Représenté par Me Gilles X... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Aude Y... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Madame Nadine Z...

née le [...] à BERGERAC (24100)

[...]

[...]

Représentée par Me Gilles X... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me Aude Y... de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, Y..., DELL'OVA, X..., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEES :

SA L'EQUITE

[...]

Représentée par Me Florence A... de la B... - MASSOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée de Me Mathilde C..., avocat au barreau d'Aix en Provence substituant Me Bruno D..., avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE SAVOIE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

non représentée - assignée à personne habilitée le 02 décembre 2015

Mutuelle SMERRA MUTUELLE ETUDIANTE DES REGIONS RHONE ALPES ET AUVERGNE régie par le code de la mutualité, inscrite au registre national des mutuelles sous le N°775 648 256 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

non représentée - assignée à personne habilitée le 02 décembre 2015

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 28 février 2018 révoquée avant l'ouverture des débats par une nouvelle ordonnance de clôture en date du 24 octobre 2018.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire appelée à l'audience du 21 mars 2018, a été renvoyée contradictoirement au 24 octobre 2018.

L'affaire a été débattue le 24 OCTOBRE 2018, en audience publique, Madame Nathalie E... ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie E..., Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Johann I... Z... a été victime le 24 août 2003 d'un grave accident de la circulation à Montpellier, alors qu'il était passager d'un véhicule conduit par Stéphan F..., assuré auprès de l'EQUITE, accident ayant entraîné de nombreuses séquelles.

Par ordonnance de référé en date du 16 juin 2005 il obtenait de la compagnie d'assurance une provision de 4 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ainsi que l'organisation d'une mesure d'expertise médicale confiée au professeur CHAZOT, neurologue.

L'expert a déposé son rapport en juin 2006.

Par actes en date des 11 et 17 septembre 2014 Johann I... Z... et sa mère Nadine Z... ont assigné devant le tribunal de grande instance de Montpellier la société d'assurance l'EQUITE, la CPAM de Haute Savoie et la SMERRA ( Mutuelle Étudiante).

Le jugement rendu le 8 octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

-Déclare Stéphan F... responsable de l'accident de la circulation du 24 août 2003 et de ses conséquences dommageables subies par Johann I... Z....

-Condamne in solidum Stéphan F... et la compagnie d'assurance l'EQUITE à indemniser l'entier préjudice de Johann I... Z... et à lui verser la somme de 60 247,25 € en deniers ou quittances étant précisé que des provisions ont déjà été versées à hauteur de 12 000 €.

-Déboute Nadine Z... de sa demande d'indemnisation.

-Condamne la compagnie d'assurance l'EQUITE à payer aux demandeurs la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le jugement sur la responsabilité de l'accident rappelle la loi du 5 juillet 1985 et retient que même si Stéphan F... n'a pas été attrait à l'instance, son assureur ne conteste pas le droit à réparation intégrale du passager.

Sur la demande d'expertise complémentaire le tribunal considère que le certificat du docteur G... neurologue ne remet pas en cause le rapport d'expertise du professeur CHAZOT et ne peut justifier que soit ordonnée une expertise complémentaire.

Le jugement retient pour les montants suivants l'indemnisation des préjudices sur la base du rapport de l'expertise judiciaire.

Préjudices patrimoniaux permanents':

Dépenses de santé futures':

Il n'y a pas lieu de retenir des réserves concernant les dents n° 41 et 42 les lésions de ces deux dents consécutives à l'accident ayant été traitées.

Préjudice scolaire, universitaire ou de formation':

Il n' y a pas eu de perte d'année scolaire puisque le BTS a été obtenu au bout de deux ans d'étude et la victime a pu poursuivre des études supérieures en obtenant plusieurs diplômes il n'est donc pas justifié d'un préjudice scolaire permanent, toutefois il existe un préjudice scolaire temporaire résultant des difficultés liées à la mémorisation et aux apprentissages justifiant une indemnisation de 500 €

Perte de gains professionnels futurs :

Considérant que la victime était étudiant au moment de l'accident la demande d'indemnisation à ce titre est rejetée.

Incidence professionnelle (perte de chance d'évolution de carrière) :

Considérant qu'il est justifié d'un lien direct entre le traumatisme crânien résultant de l'accident et une dévalorisation de la victime sur le marché du travail par rapport aux diplômes obtenus, certaines tâches ne pouvant être effectuées, et compte tenu de l'emploi actuel, il est alloué une somme forfaitaire de 10 000 €

Préjudices extra patrimoniaux

Déficit fonctionnel temporaire :

pour le déficit fonctionnel total du 24 août 2003 au 4 octobre 2003 soit 42 jours, sur la base mensuelle d'un demi SMIC de 700 € ou 23 € par jour, la somme de : 42 x 23 € = 966 €,

pour le déficit partiel au taux de 25 % sur 24 mois et 35 jours, la somme de : 4 401,25 €,

soit un total de : 5 367,25 €

Déficit fonctionnel permanent :

sur la base du taux de 18 % retenu par l'expert, d'une victime âgée de presque 21 ans à la date de consolidation, incluant au-delà de l'altération des fonctions physiologiques les séquelles psychologiques de l'accident, une valeur du point appréciée à hauteur de 1 910 €, soit un montant de : 1 910 x 18 = 34 380 €

Souffrances endurées :

sur la base de la cotation de l'expert à 4/7, la somme de: 10'000 €

Préjudice sexuel et d'établissement :

au vu du rapport d'expertise ne retenant aucun préjudice de ce type et en l'absence de justificatifs la demande à ce titre est rejetée.

Le premier juge enfin ne fait pas droit à la demande d'indemnisation de la mère de la victime au titre de son préjudice moral considérant que Johann I... Z... ne vit pas avec sa mère et que celle-ci ne justifie d'aucune perturbation dans ses conditions d'existence du fait de l'accident dont son fils a été victime.

Johann I... Z... et Nadine Z... ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 6 novembre 2015.

Après rabat de l'ordonnance de clôture, la clôture de la procédure a été prononcée le 24 octobre 2018.

Les dernières écritures pour Johann I... Z... et Nadine Z... ont été déposées le 5 janvier 2018.

Les dernières écritures pour la compagnie EQUITE ASSURANCES ont été déposées le 3 octobre 2018.

La CPAM de Haute Savoie assignée à personne habilitée le 2 décembre 2015 n'a pas constitué avocat.

La Mutuelle SMERRA assignée à personne habilitée le 2 décembre 2015 n'a pas constitué avocat.

Le dispositif des écritures de Johann I... Z... et Nadine Z... énonce :

-Confirmer le jugement en ce qui concerne le droit à indemnisation de Johann I... Z....

-Infirmer le jugement sur les autres dispositions.

A titre principal :

-Condamner la société EQUITE à payer à les sommes suivantes':

dépenses de santé actuelles, mémoire perte de gains professionnels actuels, 0 €

dépenses de santé futures,mémoires, préjudice scolaire, 5'000 €

perte de gains professionnels futurs,

entre 2005 et 2012: 325 560 €

à compter de 2012: 1 313 394 €

incidence professionnelle, 50 000 €

déficit fonctionnel temporaire, 5 385 €

souffrances endurées, 10'000 €

déficit fonctionnel permanent 45 000 €

préjudice d'établissement, 50'000 €

-Déduire les provisions versées à hauteur de 12 000 €.

-En tant que de besoin ordonner une expertise médicale afin de décrire toutes les séquelles neurologiques résultant de l'accident constitutives du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle et d'évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent en tenant compte des pièces 86, 87 et 88.

-Condamner la compagnie l'EQUITE à payer à Nadine Z... la somme de 50 000 € au titre de son préjudice d'accompagnement.

-Condamner la compagnie l'EQUITE au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Les appelants dans de longs développements sollicitent notamment une infirmation de la décision dont appel sur les rejets ou les montants alloués au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, auxquels la cour renvoie les parties retenant en substances que':

- Johann I... Z... présente comme séquelles en particulier des lenteurs à l'apprentissage, des atteintes des capacités fonctionnelles et de la mémoire, des troubles mnésiques,

-Johann I... Z... se trouvant en 2ième année de BTS Force de vente aurait pu prétendre à un poste de direction commerciale rémunéré aux environ de 100 000 francs suisses annuel mais ses capacités psychiques ne lui permettant plus d'y prétendre,

-Johann I... Z... a été contraint de se réorienter à deux reprises et de se réadapter à chaque fois en raison de son handicap,

-Johann I... Z... a donc subi un préjudice économique sur une première période de 2005 à 2012 qui correspond à une perte de revenus du fait de ses réorientations scolaires et de ses échecs professionnels qui ont retardé sa venue sur le marché du travail jusqu'en 2012,

-depuis qu'il a trouvé un emploi en 2012 il subit une perte de revenus car cet emploi de simple secrétaire ne correspond pas à ses diplômes et aux revenus auxquels il aurait pu prétendre.

Les appelants invoquent également la situation particulière de Johann I... Z... en sa qualité de transfrontalier résidant en France mais travaillant en Suisse avec la spécificité qu'il n'existe pas de SMIC en Suisse mais que le salaire le plus bas pour un poste sans responsabilité et pour des tâches à exécution simple est de l'ordre de 3 200 francs suisses soit 2 666 € par mois.

Ils soutiennent qu'au vu de ses diplômes Johann I... Z... pourrait donc prétendre à un poste de supervision sans pour autant être cadre mais générant un salaire mensuel de 8000 francs suisses ce qu'il ne parvient pas à obtenir en raison de ses difficultés de concentration et de mémorisation.

Ils ajoutent que pour les mêmes raisons il a du mal à conserver un emploi lorsqu'il en trouve un.

Sur le préjudice d'établissement, les appelants soutiennent que l'ensemble des éléments démontrent les troubles du comportement de Johann I... Z... le conduisant à un état dépressif et d'isolement et que ses chances de parvenir à fonder un foyer et à avoir une vie sociale épanouie sont plus réduites.

Enfin Nadine Z... expose pour caractériser son préjudice qu'elle habite à proximité de son fils pour l'accompagner au mieux mais qu'elle se trouve totalement impuissante face à l'isolement personnel de celui-ci et à son extrême difficulté à conserver un emploi.

Le dispositif des écritures de la compagnie EQUITE ASSURANCES énonce :

-Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté les consorts I... Z... de leurs demandes injustifiées et en ce qu'il a réduit à de plus justes proportions les sommes sollicitées.

-Dans tous les cas,

-Donner acte à la compagnie EQUITE ASSURANCES de ce qu'elle n'entend pas contester le droit à indemnisation de Johann I... Z...,

-Réduire les demandes d'indemnisation formulées par Johann I... Z... et le débouter de ses demandes injustifiées,

-Déduire des sommes qui seront allouées à Johann I... Z... la créance de la CPAM de Haute Savoie,

-Déduire des sommes qui seront allouées à Johann I... Z... l'indemnité provisionnelle de 46 365 €.

-Débouter les consorts I... Z... du surplus de leurs demandes,

-Condamner in solidum Johann I... Z... et Nadine Z... au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître A....

La compagnie d'assurance attire en particulier l'attention sur la perte de gains professionnels futurs soutenant que Johann I... Z... étant étudiant au moment de l'accident il n'a subi ni perte de gains professionnels actuels ni futurs.

Elle ajoute que pour démontrer l'existence d'un préjudice Johann I... Z... émet des hypothèses en produisant des bulletins de salaire de tiers alors que la perte de gains professionnels futurs est la différence entre les gains professionnels perçus avant l'accident et ceux perçus après et que les bulletins de salaire de tiers ne peuvent rapporter la preuve d'un préjudice certain subi par Johann I... Z....

Elle ajoute qu'au moment de l'accident la victime était en formation, de sorte qu'il ne peut soutenir avec certitude à quel emploi il était destiné et qu'en outre l'accident ne l'a pas empêché d'obtenir son BTS ni de poursuivre des études supérieures et d'exercer une activité professionnelle.

Sur l'incidence professionnelle la compagnie d'assurance relève d'abord que l'expert judiciaire a pris en compte l'état dépressif et le préjudice d'apprentissage dans l'évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent.

Elle ajoute que le parcours professionnel de Johann I... Z... après l'accident démontre au contraire qu'il est en capacité d'exercer une profession puisque plusieurs employeurs se sont succédés et qu'il a obtenu son premier en CDI en 2008 après une année d'alternance.

Elle avance en outre que le licenciement de Johann I... Z... par cette société en 2011 n'est pas lié à des problèmes de comportement de la victime mais à des difficultés économiques de l'employeur.

Enfin elle précise qu'un an après son licenciement Johann I... Z... a retrouvé un emploi et qu'il continue à ce jour à exercer une activité professionnelle.

Sur le préjudice d'établissement, l'assureur soutient que ce poste de préjudice n'a pas été retenu par l'expert et que Johann I... Z... n'a aucun handicap l'empêchant de réaliser un projet familial.

Enfin sur les demandes de Nadine Z... la compagnie l'EQUITE fait observer que celle-ci ne partage pas concrètement la vie de son fils qui demeure autonome tant dans sa vie personnelle que sur le plan financier vivant en concubinage et travaillant.

MOTIFS

Les parties s'accordent sur le principe du droit à indemnisation de Johann I... Z....

Les préjudices extra patrimoniaux

Le déficit fonctionnel temporaire

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en tenant compte des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

Les parties s'accordent sur la période et le taux de déficit retenu par l'expert, soit 42 jours de déficit total, et 24 mois et 35 jours à 25 %.

La victime maintient sa prétention initiale à retenir la référence à une base mensuelle de revenu sur la base d'un SMIC à 700 € comme retenu par le premier juge.

La compagnie d'assurance sollicite une réduction du montant alloué mais sans exposer en quoi elle critique l'évaluation faite par le premier juge qui apparaît conforme à la jurisprudence habituelle.

La cour retient le montant alloué par le jugement déféré de 5367,25 €.

Le déficit fonctionnel permanent

Il indemnise pour la période postérieure à la consolidation (le 7 novembre 2005) la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d'existence.

Les parties s'accordent sur le taux retenu par l'expert de 18 %.

Pour une victime âgée de presque 21 ans à la date de consolidation, le jugement déféré a retenu, pour parvenir à une indemnité de 34 380 €, une valeur du point de 1 910 €.

Johann I... Z... maintient sa prétention initiale à hauteur de 45'000 €, au motif que le jeune âge de la victime au moment de l'accident et les séquelles doivent conduire à une majoration de l'indemnisation soit la valeur du point de 2'500'€ alors que la compagnie d'assurance propose une valeur du point à 1 400 €.

La cour comme le premier juge relève que l'indemnisation s'effectue sur la base du point d'incapacité calculé en fonction de l'âge de la victime au moment de la consolidation et non de l'accident et de son taux d'incapacité permanente partielle.

Il ressort en outre que l'expert pour évaluer le taux d'incapacité à 18% a pris en compte l'ensemble des séquelles de Johann I... Z... tant au plan physique que psychologique;

Toutefois il apparaît à la lecture du dernier barème de la Gazette du Palais que la cour a fait le choix d'appliquer pour privilégier la sécurité juridique que la valeur du point pour une victime âgée de 21 ans au moment de la consolidation et présentant un taux d'IPP de 18% est de 2 320 € soit une indemnisation de 41 760 € qu'il convient d'allouer à la victime.

Sur les souffrances endurées':

L'expert a évalué à 4 sur une échelle de 7 ce poste de préjudice, évaluation qui n'est pas critiquée par les parties et le tribunal a alloué comme réparation à ce titre la somme de 10 000 €, indemnisation dont l'appelant demande la confirmation.

L'EQUITE propose de retenir une indemnisation de 6 000 € mais sans argumenter une critique sérieuse de l'évaluation de première instance qui sera donc confirmée.

Le préjudice sexuel et d'établissement

Le jugement déféré a rejeté cette demande considérant que l'expert n'avait retenu aucun préjudice sexuel ou d'établissement et qu'il n'en était pas suffisamment justifié par Johann I... Z... la rupture d'un couple d'étudiant étant banale et la victime vivant en concubinage depuis.

Johann I... Z... soutient que depuis l'accident il s'est coupé de ses amis et vit seul et qu'il ne connaît pas la vie sentimentale que peut espérer un jeune homme de son âge.

Il sera rappelé que le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

Si l'expert dans son rapport de juin 2006 n'a pas évalué le préjudice d'établissement en tant que tel il en ressort toutefois que Johann I... Z... a évoqué devant l'expert le fait qu'il vivait seul dans un studio et qu'il avait moins d'amis qu'avant son accident.

L'expert retient aussi qu'il persiste une instabilité de l'humeur évoquant un état dépressif sous-jacent qui est d'ailleurs pris en compte pour évaluer le taux d'incapacité permanente.

Enfin les attestations de la famille de la victime et de ses amis font état d'un changement dans le comportement de Johann I... Z... celui-ci étant décrit comme une personne joviale et dynamique avant l'accident alors qu'il se montre depuis l'accident d'une humeur instable et sujet à «'des idées noires'».

Toutefois ces éléments sont insuffisants à caractériser l'existence d'un préjudice d'établissement dans la mesure où sans méconnaître les séquelles neuropsychologiques de l'accident il n'est pas rapporté la preuve de ce que Johann I... Z... en raison de son incapacité a perdu une chance normale de réaliser un projet de vie familiale.

En effet l'attestation de la jeune fille avec laquelle il vivait au moment de l'accident relate son changement de caractère mais ne précise à aucun moment que c'est en raison de ces difficultés qu'il a été mis un terme à cette relation.

Il apparaît aussi comme relevé à juste titre par le jugement querellé qu'en février 2013 lors du bilan d'évaluation neuropsychologique réalisé par le docteur H..., Johann I... Z... déclarait vivre en concubinage et aucune pièce ne permet de dire que cette relation a cessé et encore moins que cette rupture est en lien avec les séquelles dont souffre Johann I... Z... suite à l'accident de 2003.

Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation au titre du préjudice d'établissement.

Les préjudices patrimoniaux

La cour observe qu'il n'y a en appel aucune discussion sur l'absence de dépenses de santé actuelles et sur la perte de gains professionnels actuels au titre desquels aucune indemnisation n'est sollicitée par Johann I... Z....

Les dépenses de santé futures':

Le jugement dont appel n'a retenu aucune indemnisation à ce titre en l'absence d'éléments précis et de justificatifs.

En appel aucune demande chiffrée et argumentée n'est formulée par l'appelant qui invoque seulement la possibilité, sans plus de précision, que des frais à venir soient nécessaires.

Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

Le préjudice scolaire

Le jugement déféré a alloué une somme de 500 € pour l'indemnisation résultant des difficultés temporaires de mémorisation et d'apprentissage mais n'ayant pas entraîné du retard dans le cursus scolaire ou universitaire.

Johann I... Z... demande de porter cette indemnité à 5 000 €, en indiquant que jusqu'à l'accident il avait obtenu ses diplômes sans effort particulier alors qu'après l'accident il avait dû fournir des efforts extrêmement intenses pour arriver à un résultat moyen et qu'il a même obtenu pour chacun des examens l'aide d'un tiers temps.

Il ajoute avoir également dû se réorienter à 3 reprises vu ses échecs en stage.

La compagnie EQUITE soutient au principal qu'il n'existe pas de préjudice scolaire, la victime ayant obtenu le BTS dans lequel elle était inscrite au moment de l'accident dans les délais prévus.

Le préjudice scolaire peut être caractérisé par la perte d'année d'études, un retard scolaire ou de formation ainsi que par la modification de l'orientation professionnelle ou de la renonciation à une formation.

Le rapport d'expertise judiciaire retient sur ce point des difficultés de concentration et d'apprentissage et il est rapporté la preuve par Johann I... Z... que s'il a bien obtenu son BTS dans les deux ans impartis il a dû fournir à compter de son accident beaucoup d'efforts pour parvenir à ce résultat et a même obtenu un tiers temps en raison de son handicap.

Par ailleurs Johann I... Z... justifie qu'à l'issue de son BTS il s'est inscrit à l'IPAC d'Annecy pour y suivre une formation en cycle des affaires, formation se déroulant habituellement en deux ans mais que suite à ses difficultés pour suivre les cours et les mémoriser en raison d'une fatigue extrême et de maux de tête importants, il a été autorisé à poursuivre son cursus sur trois ans au lieu de deux.

Il a pu ainsi obtenir en 2007 un diplôme de Responsable d'Unité, suivi en 2008 d'un diplôme de MASTER Spécialité Développements International et Entrepreneuriat délivré par la Formation Internationale de Genève.

Il résulte par conséquent de ces éléments que si Johann I... Z... a poursuivi ses études de façon satisfaisante et obtenu des diplômes cela lui a demandé des efforts particuliers et des aménagements spécifiques en raison des séquelles en lien avec l'accident ce qui caractérise bien un préjudice universitaire qui doit s'apprécier in concreto.

Ainsi même en l'absence d'année scolaire perdue la situation particulière de Johann I... Z... justifie que lui soit alloué en réparation de ce poste de préjudice la somme de 1 500 €.

La perte de gains professionnels futurs

Le jugement déféré n'a pas fait droit à cette demande d'indemnisation considérant que Johann I... Z... était étudiant au moment de l'accident et n'avait donc aucun salaire et que par conséquent il ne peut subir une perte de revenus.

Pour solliciter cette indemnisation, la victime évoque les séquelles cognitives du traumatisme crânien qui tardent à se manifester mais qui ont une véritable incidence professionnelle dans la mesure où les difficultés d'apprentissage, de concentration et les difficultés relationnelles qu'il rencontre l'ont obligé à se réorienter à plusieurs reprises et l'empêchent d'exercer des postes de direction qu'il aurait pu logiquement atteindre compte tenu de son parcours et de ses capacités avant l'accident.

Johann I... Z... résonne alors sur le retard de sa venue sur le marché du travail et les gains auxquels il aurait pu prétendre de 2005 à 2012 puis sur sa perte de revenus à partir de 2012 et le fait qu'il est contraint en raison de ses difficultés d'occuper un emploi de simple secrétaire alors qu'il aurait pu prétendre à un poste de directeur commercial et donc à un salaire bien supérieur.

Toutefois ce poste de préjudice ne peut être déterminé sur de simples hypothèses et il doit s'apprécier en comparant les revenus antérieurs à l'accident aux revenus actuels depuis l'accident.

En l'espèce Johann I... Z... qui avait juste 19 ans au moment de l'accident ne travaillait pas encore.

S'il était effectivement inscrit en BTS Force de Vente qu'il a d'ailleurs obtenu il est difficile de reconstituer la carrière professionnelle qui aurait été la sienne s'il n'avait pas eu d'accident, ses résultats scolaires antérieurs pouvant être qualifiés de moyens, et le cursus et le type de formation dans lequel il était inscrit étant trop large pour dire comme le fait l'appelant qu'il aurait pu de toute évidence prétendre à un poste de directeur commercial rémunéré aux environs de 100 000 francs suisse annuel alors qu'il n'occupe aujourd'hui qu'un emploi de secrétaire au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce pour un salaire annuel de 53 277 francs suisse.

De même la perte de gains professionnels futurs ne peut être appréciée au regard de la carrière professionnelle de tiers.

Tous ces éléments peuvent venir à l'appui de la démonstration d'une incidence professionnelle mais ne peuvent permettre de retenir l'existence d'une perte de gains professionnels futurs ni de l'évaluer.

Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation à ce titre.

L'incidence professionnelle

Le jugement déféré a retenu pour allouer la somme de 10 000 € qu'il ressort tant du rapport d'expertise que des nombreuses pièces versées aux débats que Johann I... Z... justifie qu'il existe un lien entre sa dévalorisation sur le marché du travail et le traumatisme crânien résultant de l'accident car il ne peut pas en particulier exécuter les tâches correspondantes aux diplômes obtenus.

Le jugement par des motifs longs et argumentés que la cour adopte retient également que Johann I... Z... justifie de l'existence d'une perte de chance d'avoir une carrière plus favorable même si cette perte de chance ne peut être évaluée par rapport aux emplois qu'il aurait pu occuper et aux salaires auxquels il aurait pu prétendre s'il avait obtenu un poste de directeur commercial en Suisse cette possibilité étant soumise à des paramètres extérieurs.

Ainsi la cour, dans une perspective incertaine d'exercice professionnel avant l'accident, restant dans l'évaluation d'une perte de chance, mais se fondant tant sur les éléments médicaux que sur les éléments professionnels produits qui démontrent que les séquelles cognitives du traumatisme crânien portent effectivement un préjudice à Johann I... Z... dans des chances sérieuses d'évolution professionnelle intéressante, décide d'allouer sur ce poste de préjudice la somme de 30 000 €.

Sur le montant de l'indemnisation de l'ensemble des préjudices':

Il convient de retenir en conséquence au titre de l'indemnisation de l'ensemble des préjudices une somme totale de : 88 627,25 €, somme à laquelle sera condamnée la compagnie d'assurance l'EQUITE en deniers ou quittances étant précisé que des provisions ont déjà été versées à hauteur de 46 365 € au vue des dernières écritures de la compagnie d'assurance qui ne font l'objet d'aucune critique sur ce point.

Sur le préjudice de Nadine Z...':

Nadine Z... sollicite comme en première instance une indemnisation de 50'000 € en raison du préjudice moral résultant de l'état de santé de son fils qui n'est plus le même qu'avant l'accident et précisant qu'elle habite à proximité de ce dernier pour l'accompagner au mieux mais qu'elle se trouve impuissante face à son isolement social et à ses extrêmes difficultés professionnelles.

Toutefois si l'existence de préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels peut être admise pour les proches d'une victime de blessures c'est sous réserve de démontrer des troubles graves dans les conditions d'existence des proches causés par le handicap de la victime directe et en le limitant aux personnes partageant une communauté de vie avec la personne handicapée.

Or en l'espèce Nadine Z... ne produit aucune pièce démontrant en quoi elle subit des troubles dans ses conditions d'existence du fait du handicap de son fils qui mène une vie autonome vivant seul et travaillant ni en quoi le soutien et l'aide qu'elle lui apporte excède ceux communément apportés par un parent.

Par conséquent le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a débouté Nadine Z... de sa demande d'indemnisation.

Sur les demandes accessoires:

La décision entreprise sera également confirmée en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

En appel la compagnie d'assurance l'EQUITE sera condamnée à payer à Johann I... Z... la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Confirme les dispositions du jugement rendu le 8 octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Montpellier, sauf sur le montant de l'indemnisation de l'ensemble des préjudices de Johann I... Z...';

Et statuant à nouveau, et y ajoutant :

Condamne la compagnie d'assurance l'EQUITE à payer à Johann I... Z... la somme de 88 627,25 €, en deniers ou quittances étant précisé que des provisions ont déjà été versées à hauteur de 46 365 €;

Condamne la compagnie d'assurance l'EQUITE au paiement de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la compagnie d'assurance l'EQUITE aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président,

NA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/08260
Date de la décision : 11/12/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°15/08260 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-11;15.08260 ?
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