Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre C
ARRET DU 11 DECEMBRE 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/07850 - N° Portalis DBVK-V-B67-MJSD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 OCTOBRE 2015
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 13/03122
APPELANT :
Monsieur [S] [X]
né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Assisté de Me Pierre MOULIN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur [H] [W]
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2](LIBAN)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Jean-Marc DARRIGADE de la SCP DARRIGADE, MALGRAS, DOLEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Assisté de Me Cyril MALGRAS, de la SCP DARRIGADE, MALGRAS, DOLEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 28 Février 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire appelée à l'audience du 21 mars 2018 a été renvoyée contradictoirement au 24 octobre 2018.
L'affaire a été débattue le 24 OCTOBRE 2018, en audience publique, Madame Nadia REMILI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [S] [X] a exercé, de 1991 jusqu'à septembre 2007, les fonctions de président de la Chambre de Commerce d'Industrie [Localité 3] (CCI) et Monsieur [H] [W] a été élu sur sa liste en novembre 2004. Ce dernier a été nommé ensuite membre du bureau et de la commission des finances ainsi que président du pôle de formation et dans ce dernier cadre, a été chargé des relations avec l'École Supérieure de Commerce dirigée par Monsieur [K] [K].
Le 26 janvier 2006, Monsieur [H] [W] a démissionné de la présidence du Pôle formation, reprochant au président de la CCI un manque de moyens d'action mis à sa disposition et l'absence d'écho à ses appels réitérés.
Il a alors adressé des courriers aux membres de la commission des finances puis à Monsieur [S] [X], critiquant les comptes et la gestion de la CCI.
Le 23 juin 2006, l'assemblée générale de la CCI a démis Monsieur [H] [W] de ses mandats de membre du bureau et de membre de la commission des finances.
Le 4 janvier 2007, Monsieur [H] [W] a adressé un courrier au procureur de la république de Montpellier.
Une enquête préliminaire a été ouverte et Monsieur [S] [X] a démissionné de ses fonctions de président de la CCI en septembre 2007.
Il a été mis en examen le 24 octobre 2007 pour favoritisme et corruption active et passive et placé sous contrôle judiciaire.
Par un arrêt du 6 mai 2008, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier a annulé la mise en examen de Monsieur [S] [X] concernant le délit de favoritisme et finalement une ordonnance de non-lieu a été rendue le 3 novembre 2011 concernant les délits de corruption active et passive.
Par acte d'huissier en date du 29 mai 2013, Monsieur [S] [X] a assigné Monsieur [H] [W] devant le tribunal de grande instance de Montpellier afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, sa condamnation à un euro symbolique de dommages-intérêts outre 75'000 € en réparation de son préjudice moral et 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le dispositif du jugement rendu sur son assignation par le tribunal de grande instance de Montpellier le 6 octobre 2015 énonce :
-Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 14, 16 et 17 produites par le demandeur,
-déboute Monsieur [S] [X] de l'ensemble de ses demandes,
-le condamne à indemniser Monsieur [H] [W] de ses frais irrépétibles à hauteur de 2000 €,
-le condamne aux entiers dépens.
Le jugement rappelle tout d'abord que Monsieur [S] [X] reproche à Monsieur [H] [W] d'avoir dénoncé au procureur de la république de façon téméraire les faits qui ont conduit à l'ouverture d'une information judiciaire, close ensuite par un non-lieu aujourd'hui définitif, la demande de Monsieur [S] [X] visant trois éléments contenus dans le courrier litigieux du 4 janvier 2007 :
'la critique de la gestion financière de la CCI,
'l'affirmation de l'existence d'un pacte de corruption entre lui-même et la société Oceanis Promotion,
'et celle de l'existence d'un pacte de même nature entre lui-même, Monsieur [M] [H] et sa société Languedoc Terrains.
Le premier juge indique ensuite qu'il appartient au demandeur non pas de rapporter la preuve de la fausseté des faits dénoncés ou leur absence de caractère délictuel (le juge d'instruction ayant déjà déterminé que ces faits étaient réels et non susceptibles de recevoir une qualification pénale) mais de rapporter la preuve du caractère téméraire de leur dénonciation, c'est-à-dire le fait que cette dénonciation est intervenue dans des conditions de légèreté et d'imprudence fautive, par exemple sans vérification ni preuve.
Sur la lettre du 4 janvier 2007 dont il est certain qu'elle est à l'origine de la procédure d'information terminée par le non-lieu, le premier juge estime que quelle que soit la qualification qu'il convient de lui donner (plainte, dénonciation'), elle ne contient aucune qualification pénale, seuls les magistrats saisis ayant ensuite procédé à cette qualification qui est de leur compétence.
Constatant ensuite que ce courrier est assorti de nombreuses pièces destinées à justifier son contenu, le tribunal considère que les interrogations formulées étaient fondées sur des analyses et vérifications et n'ont pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire alléguée.
Plus précisément, s'agissant des faits relatifs à la gestion de la CCI, il note que lors de la rédaction du courrier litigieux, Monsieur [H] [W] ne pouvait qu'ignorer la teneur du rapport de la chambre régionale des comptes qui ne formulerait aucune critique notable quant à la gestion de l'institution.
S'agissant du pacte de corruption avec la société Oceanis Promotion, faisant référence à un arrêt du 12 novembre 2009 rendu par la cour d'appel qui avait été saisie d'une action en diffamation de même qu'au contenu de la lettre du 4 janvier 2007, le premier juge relève le « caractère mesuré » des propos avec l'emploi du conditionnel, ce qui ne témoigne pas de la témérité prétendue.
En ce qui concerne la dénonciation d'un pacte de corruption entre Monsieur [S] [X] et Monsieur [M] [H], attributaire de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport [Établissement 1] au travers d'une société Languedoc Terrains, le premier juge considère que ce sont les enquêteurs qui ont employé le terme de «'pacte de corruption » et non Monsieur [H] [W] lui-même alors que l'allusion à la société Languedoc Terrains (et non à Monsieur [H]) en page 10 de la lettre litigieuse, rappelle simplement que cette société «'a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers », ce qui est un fait non contesté.
S'agissant des pièces n° 15, 16 et 17 correspondant à des dépositions faites librement par Monsieur [H] [W], le tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de les écarter dans la mesure où elles ont été soumises au débat contradictoire alors qu'en tout état de cause, elles sont sans intérêt pour la solution du litige ne contenant aucune nouvelle dénonciation et sont postérieures à la lettre du 4 janvier 2007.
Ainsi, le premier juge estime, au terme de l'analyse du courrier litigieux, qu'il apparaît que celui-ci relatait des faits dont l'instruction a confirmé l'existence matérielle, qu'il était accompagné de pièces de nature à établir qu'il n'avait pas été écrit à la légère mais au vu de documents et d'analyses de bilans et qu'il ne contenait aucune qualification pénale.
Par ailleurs, le premier juge estime que par sa nature, c'est-à-dire un courrier simple énonçant des interrogations, il laissait à son destinataire toute latitude pour décider des suites qu'il convenait ou non de lui donner, qu'il ne s'agissait pas d'une plainte avec constitution de partie civile au sens de l'article 85 du code de procédure pénale et l'enquête comme l'instruction qui s'en est suivie, sont le résultat de l'exercice, par le destinataire du courrier, du choix qui lui appartient en vertu de l'article 40'1 de ce code relatif au principe de l'opportunité des poursuites.
En conclusion, le tribunal considère, au sens des articles 1382 ou 1383 du code civil, qu'aucune faute civile ne peut être retenue et déboute donc le demandeur de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [S] [X] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 22 octobre 2015.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 28 février 2018.
L'affaire a été fixée pour les débats devant la cour d'appel de Montpellier à l'audience du 21 mars 2018 puis renvoyée à l'audience du 24 octobre 2018, en raison de la grève des avocats.
Les dernières écritures prises par Monsieur [S] [X] ont été déposées le 14 décembre 2017.
Les dernières écritures prises par Monsieur [H] [W] ont été déposées le 1er avril 2016.
Le dispositif des écritures de Monsieur [S] [X] énonce:
°Accueillant l'appel comme régulier en la forme, au fond y faisant droit ;
°REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, en date du 6 octobre 2015.
°VU les articles 1382 et 1383 du Code Civil ;
°Vu encore l'article 4 du CPC ;
°DIRE et JUGER que le courrier du 4 janvier 2007 de Monsieur [H] [W] au Procureur de la République de MONTPELLIER est constitutif d'une dénonciation téméraire, empreinte d'une légèreté fautive engageant la responsabilité de son auteur ;
°DIRE ET JUGER que le périmètre de cette dénonciation téméraire s'étend également aux déclarations complémentaires spontanément faites, le 26 avril 2007, par [H] [W], auprès des services de Police ;
°DIRE ET JUGER que la notion de bonne foi n'entre pas en ligne de compte en matière de responsabilité fondée sur une dénonciation téméraire ;
°DIRE ET JUGER qu'aucun des termes de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de MONTPELLIER, le 17 novembre 2009, n'est de nature à impacter, en quoi que ce soit, la présente instance ;
°Plus généralement,
°DEBOUTER [H] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
°VU les articles 14, 15, 16 et 132 du CPC, déclarer irrecevable tout moyen de droit non soumis au débat contradictoire susceptible d'être tiré par Monsieur [H] [W] de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes ou de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ;
°LE CONDAMNER, en conséquence, à payer à [S] [X] la somme d'un euro symbolique au titre du préjudice économique et celle de 75.000 € en réparation du préjudice moral subi ;
°Le CONDAMNER encore à payer à [S] [X] la somme de 10.000 € au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
°Le CONDAMNER enfin, en tous les dépens, au profit de la SCP ARGELLIES-APOLLIS, Avocat soussigné, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Dans ses écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, Monsieur [S] [X] rappelle tout d'abord des principes de droit régissant l'action en dénonciation téméraire et fait valoir que son périmètre en l'espèce ne se limite pas à la seule lettre du 4 janvier 2007 mais englobe également les déclarations que Monsieur [H] [W] a, sur sa demande et de sa seule initiative, faites aux services de police, à savoir dans sa longue déposition du 26 avril 2007.
L'appelant reproche ici au premier juge d'avoir considéré cette déposition sans intérêt et comme un élément postérieur ne faisant pas partie de la dénonciation téméraire alors qu'elle est le prolongement de la lettre du 4 janvier 2007 et que l'ensemble constitue une seule et même faute.
Il estime également que le raisonnement du premier juge revient à violer les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile selon lesquelles l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, de sorte qu'il ne pouvait se dispenser d'analyser les déclarations de Monsieur [H] [W] au motif incompréhensible qu'elles étaient postérieures à la lettre initiale de dénonciation.
L'appelant détaille ensuite tous les éléments qui selon lui démontrent le caractère téméraire de la dénonciation, tant sur les faits relatifs à la gestion de la CCI, que sur l'allégation de pactes de corruption.
S'agissant du préjudice subi, il insiste sur son préjudice moral, indiquant avoir préféré démissionner de ses fonctions de président de la CCI, eu égard à la publicité donnée à l'affaire et dans des conditions particulièrement humiliantes. Il ajoute que sa vie familiale a été lourdement affectée, puisque son épouse lasse des conséquences entraînées au quotidien par les développements de cette affaire a fini par demander le divorce'; alors qu'âgé de 67 ans, il a subi la garde à vue, trouvant une forme de thérapie outre un lourd traitement médical, dans la rédaction d'un ouvrage sur le sujet. Il indique également avoir dû subir les affres d'une instruction contraignante et humiliante, outre que «'l'affaire [X]'» a fait l'objet de développements médiatiques spectaculaires dans le Midi-Libre et à un degré moindre dans le Figaro, campagne que l'intimé a largement contribué à alimenter.
Le dispositif des écritures de Monsieur [H] [W] énonce:
°Vu l'article 1382 du code civil,
°confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [X] de toutes ses demandes fins et prétentions,
°condamner Monsieur [S] [X] à verser à Monsieur [H] [W] la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
°condamner Monsieur [S] [X] aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, Monsieur [H] [W] indique ne plus solliciter le rejet des pièces issues de la procédure pénale dans la mesure où si elles sont citées dans les conclusions de l'appelant, elles ne sont pas au bordereau de pièces.
Sur le fond et sur l'action en responsabilité, l'intimé fait valoir que la lettre du 4 janvier 2007 ne constitue en rien une dénonciation téméraire en ce que les faits qu'elle rapporte sont exacts et en ce que son auteur a effectué de sérieuses vérifications avant de l'adresser au procureur.
Il précise que dans cette lettre dont il reprend point par point les termes, n'est pas une plainte mais un courrier de onze pages où il formule des inquiétudes et des interrogations, accompagné de 22 pièces jointes, que le terme de « pacte de corruption » n'est pas employé. Il ajoute que sa lettre ne se réduit pas aux trois axes essentiels retenus par l'appelant qui cherche ici à faire coïncider des propos avec l'information judiciaire qui suivra.
L'intimé fait ensuite valoir que le prononcé d'une ordonnance de non-lieu n'entraîne pas la reconnaissance de la légèreté et la témérité de la dénonciation alors qu'en l'espèce cette ordonnance retient expressément que l'exactitude des faits dénoncés est confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ [Localité 3].
Monsieur [H] [W] détaille ensuite chacun des faits en question rapportés dans son courrier afin d'en démontrer l'exactitude.
Au soutien de sa démonstration en faveur de l'absence de toute légèreté fautive, il indique que sa bonne foi ne peut être mise en cause et a d'ailleurs été reconnue judiciairement dans le cadre des contentieux de la diffamation. Il nie toute animosité personnelle alors que ses interrogations ne concernaient que l'institution et auxquelles il n'a été apporté aucune réponse malgré ses courriers préalables. Il fait état également du sérieux de ses propos, mesurés, portés au conditionnel et appuyés sur de très nombreuses pièces, comme l'a relevé la cour d'appel de Montpellier le 12 novembre 2009.
Enfin, l'intimé indique que la preuve du préjudice moral n'est pas rapportée en l'absence notamment de tout certificat médical. Il en est de même du lien de causalité, alors que l'appelant qui s'est opposé au versement de la procédure d'information judiciaire, ne démontre pas que la lettre du 4 janvier 2007 est à l'origine de ce qu'il appelle «'l'affaire [X]'» alors que sa garde à vue, sa mise en examen et l'instruction résultent de l'enquête du SRPJ.
MOTIFS
Sur la dénonciation téméraire
La témérité d'une dénonciation est à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.
Il ne peut être contesté que le courrier du 4 janvier 2007 adressé par Monsieur [H] [W] au procureur de la république de Montpellier a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire ayant abouti à un non lieu, étant relevé que l'ordonnance elle-même débute par la référence à ce courrier.
Il n' y a pas lieu, comme l'a fait le premier juge, de limiter le périmètre de la faute à la seule lettre du 4 janvier 2007 et d'écarter les déclarations faites le 26 avril 2007 par Monsieur [H] [W] aux services de police et ce, sur sa demande et de sa seule initiative, la cour relevant en outre que la pièce a régulièrement été communiquée. En effet, la dénonciation téméraire est constituée tant par le courrier initial que par les déclarations complémentaires qui en sont le prolongement et qui en tout état de cause sont prises en compte dans le cadre de l'enquête préliminaire.
L'intimé fait valoir que l'ordonnance de non lieu retient expressément que l'exactitude des faits dénoncés par lui est confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ [Localité 3].
En réalité, l'ordonnance indique seulement au niveau de l'exposé des faits et non de la discussion : «'L'enquête préliminaire confiée aux fonctionnaires du SRPJ [Localité 3] venait confirmer la matérialité des faits dénoncés par [H] [W] et mettait à jour des relations industrielles et commerciales privilégiées entre deux sociétés dirigées par [S] [X] et deux sociétés ayant participé à des opérations, notamment immobilières conduites par la CCI sous sa présidence'».
Le magistrat instructeur n'a pas, contrairement à ce que soutient l'intimé, considéré que les déclarations de Monsieur [H] [W] étaient exactes. Il est seulement relevé la matérialité des relations existant entre les sociétés visées et celle des cessions immobilières intervenues.
S'agissant de la recherche d'un pacte de corruption entre Monsieur [X] et Monsieur [C] représentant légal de la société OCEANIS PROMOTION qui détenait 30'% du capital de la société LITTORAL BUREAUX, dont le conseil d'administration est présidée par Monsieur [X], Monsieur [H] [W], indiquait notamment dans son courrier du 4 janvier 2007 «'OCEANIS aurait abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société LITTORAL BUREAUX'».
Dans sa déposition spontanée du 26 avril 2007, il exposait encore':
«(...) Il en ressort que la CCI n'a semble-t-il lancé aucun appel à la concurrence ou en tout cas n'a pas obtenu d'offres hormis celle d'une société OCEANIS, au capital de 50'000 FF, qui ne présente aucun profil sérieux pour ce type d'opérations (') j'ai bien peur que cette opération ait permis à Monsieur [X], en contrepartie de cette vente «'bradée'» de redynamiser sa société LITTORAL BUREAUX, alors en difficulté et au bord du dépôt de bilan avec notamment des capitaux propres en forte chute (...). '
En ce qui concerne l'existence d'un pacte de corruption entre Monsieur [S] [X] et Monsieur [M] [H] dirigeant la société LANGUEDOC TERRAINS, Monsieur [H] [W] déclarait notamment dans sa lettre du 4 janvier 2007':
«'De la même manière, la société LANGUEDOC TERRAINS a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers. De manière totalement accidentelle, j'ai été contacté par un commercial de la société LANGUEDOC TERRAINS, lequel faisait la promotion d'une opération immobilière située non loin du centre-ville [Localité 3], pour des opérations d'acquisitions concernant notamment de grands appartements d'une valeur d'environ 1 000 000 € chacun. Ce commercial m'a précisé que l'un des deux grands appartements ainsi mis à la vente était réservé à M. [X], Président de la CCI, la formule «'réservé'» ne signifiant pas bien sûr qu'il s'agissait d'une gratification, mais l'importance de l'acquisition projetée selon ce commercial m'a quelque peu étonné, au regard de la situation personnelle du président de la chambre qui indique qu'il ne pouvait pas faire face à 17'000 € de frais d'avocat engagé à titre personnel pour des mises en cause de son action en qualité de président de la chambre (...)'». L'identité de ce commercial n'était pas révélée.
Dans sa déposition du 26 avril 2007, Monsieur [H] [W] ajoutait notamment':
«'Je pense que Monsieur [X] a conclu le même type de pacte avec l'aménageur LANGUEDOC TERRAINS à qui il a donné, sans consultation préalable et sans aucune mise en concurrence, l'aménagement de 27 HA sur la zone aéroportuaire, lesquels appartiennent à l'État mais sont gérés par la CCI (...)'».
S'il n'y a effectivement pas de qualification pénale de la part de Monsieur [H] [W], l'intimé a bien dénoncé de manière explicite des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption et il importe peu que certains propos soient formulés au conditionnel, ceux relevés précédemment ne l'étant au demeurant pas, pour la plus grande part. En outre, l'exposé des déclarations ne permet nullement de constater le caractère mesuré de l'expression, au demeurant également indifférent s'agissant d'une dénonciation effectuée au ministère public.
Il convient de rappeler ici que l'arrêt rendu le 12 novembre 2009 par la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle et qui ne concernait pas les propos contenus dans la lettre du 4 janvier 2007 et dans la déposition spontanée du 26 avril 2007 mais les déclarations de Monsieur [H] [W] dans la presse, n'a pas, comme justement relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction civile dans le cadre de la présente instance. Il sera également rappelé que les éléments constitutifs de la dénonciation téméraire sont distincts de ceux de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse.
Surtout, l'ordonnance de non-lieu conclut que les investigations effectuées par les enquêteurs du SRPJ [Localité 3] n'ont pas permis de démontrer l'existence d'un pacte de corruption préalable à l'attribution de ces diverses opérations immobilières.
Il était précisé que les démarches de recherche d'informations de la part de Monsieur [C] [C] et de Monsieur [M] [H], préalablement aux opérations immobilières, étaient personnelles et n'avaient jamais été initiées par Monsieur [S] [X].
Plus encore, le magistrat instructeur indiquait':
«'En l'espèce, les différentes auditions des protagonistes mettent en lumière la volonté, tout au moins formelle de [S] [X] de ne pas apparaître officiellement dans les deux procédures d'attribution. Par ailleurs, le choix par la CCI [Localité 3] de recourir à une procédure d'appel à candidature officielle pour l'acquisition de la résidence [Adresse 3], ou de marchés publics pour l'attribution de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport [Établissement 1] témoigne d'une indéniable volonté de transparence. Plusieurs témoins soutenaient d'ailleurs que le recours à ce type de procédure d'attribution avait été initié à la demande expresse de [S] [X]. En revanche, aucun témoin ne prétendait que ce dernier n'eût entrepris la moindre démarche pour s'y opposer ou pour dissuader les éventuelles initiatives. [S] [X] avait pris également le soin de ne participer à aucune des commissions ayant participé à la sélection des candidats. De surcroît, aucun membre de cette commission ne s'était plaint de man'uvres de [S] [X] susceptibles d'influencer leur choix en faveur de la désignation de son candidat.
Concernant la désignation de l'acquéreur de la Résidence [Adresse 3], l'ensemble des participants à la procédure d'attribution s'accordait pour reconnaître au cours de leurs auditions que [S] [X] s'était montré passif et n'avait en aucune façon pesé, ni directement, ni indirectement, sur leur décision (...)'».
(') Concernant l'attribution de l'opération d'aménagement de la zone de fret de l'aéroport [Établissement 1], à la la SNC LANGUEDOC TERRAINS, l'éventuelle intervention de [S] [X] dans cette désignation était encore moins établie par l'enquête. [S] [X] était à l'origine du recours à la procédure des marchés publics bien qu'elle ne fut pas légalement nécessaire en la matière. Aucun participant à la procédure de désignation n'excipait de tentatives de [S] [X] d'imposer son candidat. Le retrait de la SERM lors de l'attribution de la deuxième phase d'aménagement relevait d'une décision interne à cette société. Enfin, la pertinence du choix de la société LANGUEDOC TERRAINS avait été avalisée par l'organisme indépendant, le CERALP».
Ainsi, tant dans son courrier que dans sa déposition spontanée, Monsieur [H] [W] s'il ne qualifiait pas les faits pénalement, accusait clairement le président de la CCI de corruption. Or, aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que Monsieur [S] [X] avait accompli dans ses fonctions des actes susceptibles d'influencer le choix des cessionnaires pour notamment bénéficier des conditions financières avantageuses pour l'acquisition d'un appartement. Aucun élément comptable ne permettait en outre de conclure comme il l'indiquait dans sa lettre que la société OCEANIS avait ou même «'aurait'» «'abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société LITTORAL BUREAUX'». L'ordonnance de non-lieu souligne quant à elle la transparence de la procédure des appels d'offres, alors que Monsieur [H] [W] prétendait à l'absence de mise en concurrence.
Il convient enfin d'examiner les critiques qui étaient formulées concernant la gestion financière de la CCI même si l'instruction n'a pas porté sur ces faits.
Dans la lettre du 4 janvier 2007, Monsieur [H] [W] accusait clairement Monsieur [S] [X] de cacher aux membres des assemblées de la CCI des informations gênantes qui, si elles avaient été connues, les auraient conduit à ne pas approuver les comptes. Le premier juge a ici considéré que les pièces produites par Monsieur [H] [W] notamment des notes émanant de tiers et relatives aux comptes de la CCI, contenaient diverses évaluations chiffrées, montrant que les interrogations contenues dans la lettre au procureur de la république étaient fondées sur des analyses et vérifications, et n'avaient pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire. Or, les documents produits s'ils pouvaient être invoqués à l'appui de critiques à l'égard de la gestion de la CCI et notamment s'agissant des contributions mises à la charge du Pôle formation, ils ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une «'technique de blocage'». Si effectivement Monsieur [K] [K] directeur de Sup de Co, s'élevait en août 2015 contre les facturations excessives pratiquées par le service général de la CCI, la cour ne voit pas en quoi ces éléments relatifs à des discussions internes peuvent alimenter une lettre au procureur de la république, étant en outre relevé que Monsieur [K] [K] s'est dit par la suite «'scandalisé'» de l'utilisation qui a pu être faite de son courrier.
La légèreté et la témérité de la dénonciation résultent encore du fait que le 4 janvier 2007, Monsieur [H] [W] qui mettait clairement en cause la sincérité des comptes de la CCI et reprochait au président de présenter des budgets ne correspondant pas à la réalité, ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet de la CCI et la prudence commandait, avant de lancer des accusations ou formuler au procureur de la république ses «'interrogations'», d'attendre le dépôt du rapport, étant relevé que l'intimé reconnaissait lors de son audition que le commissaire aux comptes de la CCI n'avait jamais formulé d'observations. Il sera d'ailleurs relevé que le dernier rapport du commissaire aux comptes datait du 6 juin 2006, soit six mois avant le courrier litigieux. L'intimé ne peut sérieusement soutenir que chaque budget est indépendant et qu'il avait formulé des observations restées sans réponses, alors précisément qu'il critiquait dans son courrier les comptes depuis 2004 et que les rapports des commissaires aux comptes n'avaient jamais révélé d'irrégularités. En outre, un an plus tard, alors que le préfet indiquait un mois plus tôt qu'il avait approuvé les comptes et que le rapport de la chambre régionale des comptes allait dans le même sens, Monsieur [H] [W] donnait encore une interview dans le journal MIDI LIBRE du 30 janvier 2008 en ces termes': «'Pourquoi entend-on que le rapport de la chambre régionale des comptes ne révélerait rien contre la gestion [X]'' Réponse : c'est le bruit que font courir ses successeurs, je n'en crois rien. Le rapport est dans le bureau de l'avocat de [X], enfermé à double tour. La vérité est que la CCI allait droit dans le mur ».
En l'état de l'ensemble de ces éléments, il est suffisamment établi que le courrier de l'intimé de même que ses déclarations complémentaires ont été effectués dans des conditions téméraires, à l'attention d'une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite, ce qui est de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre Monsieur [H] [W] et a débouté Monsieur [S] [X] de ses demandes.
Sur le préjudice et le lien de causalité
Monsieur [S] [X] a manifestement subi le poids et les contraintes liées à une information judiciaire qui s'est déroulée sur trois ans, laquelle a été ouverte à la suite de l'enquête préliminaire déclenchée suite au courrier de l'intimé. Il a dû démissionner en septembre 2007 dans des conditions humiliantes. Il convient encore de retenir la publicité donnée à «'l'affaire [X]'», étant relevé que Monsieur [H] [W] a contribué à alimenter la campagne médiatique comme cela ressort des articles de presse produits. Le certificat médical versé aux débats atteste des difficultés psychologiques rencontrées à la suite de ces événements.
Il sera fait droit à la demande de condamnation à l'euro symbolique au titre du préjudice économique et la somme de 5000 € au titre du préjudice moral.
Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
L'intimé qui échoue en toutes ses prétentions supportera les entiers dépens, au profit de la SCP ARGELLIES-APOLLIS, Avocat soussigné, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'octroyer à Monsieur [S] [X] la somme de 4000 € au titre des frais non remboursables exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu le 6 octobre 2015 par le tribunal de grande instance de Montpellier, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats certaines pièces,
Et statuant à nouveau sur tous les autres chefs infirmés,
DIT que Monsieur [H] [W], auteur d'une dénonciation téméraire, a engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de Monsieur [S] [X],
CONDAMNE en conséquence Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [S] [X] la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5000 € au titre de son préjudice moral,
CONDAMNE Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [S] [X] la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE l'intimé aux entiers dépens de première instance et d'appel, au profit de la SCP ARGELLIES-APOLLIS, Avocat soussigné, dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,