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22/11/2018 | FRANCE | N°18/00186

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre d, 22 novembre 2018, 18/00186


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre D



ARRET DU 22 NOVEMBRE 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00186







Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 DECEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG







APPELANTS :



Monsieur [Z] [B]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (Maroc)

de nationalité Française

[A

dresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES-PY-MOLINA-BOSC-BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES



Madame [X] [E] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 2]

de national...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre D

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00186

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 DECEMBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG

APPELANTS :

Monsieur [Z] [B]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES-PY-MOLINA-BOSC-BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Madame [X] [E] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES-PY-MOLINA-BOSC-BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

COMMUNE DE VILLENEUVE DE LA RAHO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Gilles MARGALL de la SCP MARGALL, D'ALBENAS, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 27 Septembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2018, en audience publique, Mme Nelly SARRET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre,

Monsieur Thierry JOUVE, Conseiller

Mme Nelly SARRET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

------------------

Par acte authentique du 16 juin 2016, les époux [B] se sont portés acquéreurs d'une parcelle de terre cadatrée AW [Cadastre 1] située lieu-dit Els Canyers sur la commune de [Localité 3] et appartenant à cette dernière en vue de la réalisation d'un projet agricole.

Ce fonds étant enclavé, l'acte authentique a instauré une servitude de passage à son profit et a prévu que tous les frais relatifs à l'établissement du passage y compris les revêtements ou empiètements nécessaires, à son entretien et à sa réparation sont à la charge exclusive du propriétaire du fonds servant, à savoir la commune de Villeneuve la Raho qui s'y oblige expressément aux termes de l'acte.

Invoquant l'inaccessibilité et l'impraticabilité du chemin d'accès à leur parcelle, les époux [B] ont, par exploit en date du 21juin 2017, assigné la commune devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile aux fins d'obtenir sa condamnation à :

- réaliser la servitude de passage mentionnée dans le titre de propriété et à défaut pour elle de ce faire dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 300 € par jour de retard,

- à leur payer 7 000 € en réparation de leur préjudice matériel ainsi que 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance de leur terrain depuis le 16 juin 2016 outre 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile.

Par ordonnance contradictoire rendue le 20 décembre 2017, le juge des référés :

- a débouté les époux [B] de l'ensemble de leurs demandes,

- les a condamnés à verser à leur adversaire la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,

- les a condamnés aux dépens.

APPEL

Les époux [B] qui ont interjeté appel de cette ordonnance le 15 janvier 2018, ont notifié des conclusions par voie électronique le 26 juin 2018.

La commune de Villeneuve la Raho a notifié ses conclusions par voie électronique le 12 février 2018.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les époux [B] qui concluent à l'infirmation de l'ordonnance déférée, sollicitent :

- la condamnation de l'intimée à réaliser la servitude de passage telle que mentionnée dans leur titre de propriété,

- qu'il soit dit que cette obligation sera assortie d'une astreinte de 500 € par jour de retard, passé un délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision,

- la condamnation de l'intimée à leur payer une somme de 7 000 € en réparation de leur préjudice matériel,

- la condamnation de l'intimée à leur payer une somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance de leur terrain depuis le 16 juin 2016,

- la condamnation de l'intimée à leur payer une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de l'intimée aux dépens incluant le coût du constat d'huissier.

La commune de Villeneuve la Raho sollicite :

* à titre liminaire,

- la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a condamné les époux [B] à lui verser la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, disposition non contestée par les appelants,

* en tout état de cause,

- la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions,

- le rejet des demandes adverses,

- la condamnation des appelants à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation des appelants aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

Sur l'exercice du droit de passage :

Dans leurs conclusions auxquelles la cour renvoie expressément pour un exposé complet des prétentions et des moyens, les époux [B] invoquent l'atteinte manifeste au droit de passage qui leur a été concédé à l'occasion de la cession de leur fonds. Ils exposent que la commune ne respecte ni les dispositions des articles 697, 698 et 701 du code civil, ni celles de l'acte de cession qui lui imposent de mettre à leur disposition un accès à la parcelle enclavée par l'aménagement et l'entretien d'un chemin carrossable, empruntable par tout type de véhicule afin d'y permettre la réalisation de leur projet consistant en la création d'une exploitation agricole principalement orientée sur l'élévage d'oiseaux domestiques.

Ils soulignent que l'état actuel du chemin existant ne permet pas le passage des engins de chantier et des véhicules des professionnels sollicités en vue de la construction du bâtiment pour lequel un permis de construire leur a d'ailleurs été accordé, sans parler de leurs véhicules personnels ainsi que ceux de leurs futurs fournisseurs et clients.

Dans ses écritures auxquelles la cour renvoie également, l'intimée qui conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, soutient que depuis qu'elle a remis à ses adversaires la clé d'une barrière qui fermait le passage, ces derniers disposent d'un accès compatible avec la destination du terrain situé en zone agricole. Destination qui n'est d'ailleurs pas respectée dans la mesure où les intéressés ont, au mépris des règles d'urbanisme applicables, implanté sur la parcelle un mobile-home. Elle estime ensuite respecter ses obligations en faisant procéder annuellement à des opérations d'entretien après la période des vendanges. Elle considère en conséquence que n'existe ni une situation d'urgence, ni un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés.

L'acte de cession du 16 juin 2016 crée au profit de la parcelle cadastrée AW [Cadastre 1] une servitude de passage établie sur la totalité de la surface de la parcelle cadastrée AW [Cadastre 2] et sur une bande de terrain de largeur identique à celle-ci, sur tout le long de la façade Ouest de la parcelle cadastrée AW [Cadastre 3].

Il précise expressément que le droit de passage pourra être exercé en tout temps et à toute heure, sans aucune restriction par le propriétaire du fonds dominant, les membres de sa famille, ses domestiques et employés, ses invités et visiteurs, puis ultérieurement et dans les mêmes conditions, par les propriétaires successifs du fonds dominant, pour se rendre et en revenir à pied, avec ou sans animaux, avec ou sans véhicule, à moteur ou non, sans aucune limitation, et pour tous les besoins actuels et futurs d'habitation et d'exploitation, quels qu'ils soient, dudit fonds.

Il résulte clairement de la lecture de ces dispositions que la servitude accorde ainsi aux occupants des lieux ainsi qu'à leurs visiteurs, fournisseurs et clients, un accès à la parcelle litigieuse, praticable par tout véhicule moteur, et non pas seulement par des engins agricoles.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, cette définition du droit de passage n'est en rien limitée ou contrariée par les prescriptions réglementaires applicables en zone agricole. En effet, la revendication de la mise à disposition d'un accès carrossable, même pas goudronné, pour les besoins actuels et futurs de l'exploitation projetée par les appelants, est à l'évidence tout à fait compatible avec les exigences du plan local d'urbanisme qui autorise, sur le secteur concerné, les constructions et installations directement liées et nécessaires à l'activité des exploitations agricoles.

À la demande de la cour, il a été produit contradictoirement en cours de délibéré, copie du permis de construire que la commune a accordé le [Cadastre 3] avril 2016 à ses adversaires. L'examen de cette pièce révèle qu'en conformité avec les règles d'urbanisme en vigueur, l'autorité municipale a autorisé l'édification d'un bâtiment agricole de plain pied lié à l'élevage-amateur d'oiseaux à bec droit ou crochu, avec un enclos pour basse-cour, un verger-potager, une mare aux canards, un espace d'herbes aromatiques et un espace prairie et arbres d'ornement. Dans le cadre de ce permis, l'installation puis l'utilisation de telles infrastructures suppose indéniablement l'existence ou la création d'un accès carrossable. Sur le plan de masse (PC2) annexé au document, figure d'ailleurs, et de la façon la plus explicite, au débouché de la servitude, la matérialisation d'un futur portail et d'un espace de stationnement pour voitures particulières.

À l'appui de leurs réclamations, les époux [B] versent aux débats, un procès-verbal dressé par un huissier de justice le 31 août 2017 aux termes duquel il est constaté qu'entre les deux poteaux en béton qui devaient constituer l'accès au terrain litigieux, aucun chemin n'a été créé, absence de tout venant, de chemin goudronné ou autre élément permettant de rejoindre le terrain des requérants, le tout n'est pas carrossable dans des conditions normales.

Les appelants produisent ensuite une note de synthèse datée du [Cadastre 3] mars 2018 dans laquelle Madame [O] [O], géomètre expert foncier qu'ils ont mandatée à cette fin, indique, après avoir procédé sur place à divers relevés et constatations :

- qu'il est possible d'affirmer que la route carrossable de 4 mètres de large s'arrête et ne dessert pas la parcelle cadastrée AW [Cadastre 1] [fonds dominant],

- que sur la parcelle cadastrée AW [Cadastre 2] [fonds servant], il n'y a pas de chemin ou voie desservant la parcelle cadastrée AW [Cadastre 1],

- que le chemin piétonnier descendant vers la parcelle cadastrée AW [Cadastre 1] se situe sur une parcelle cadastrée AW [Cadastre 4] [extérieure au litige] et non sur l'assiette de la servitude conventionnelle,

- que si accès il doit y avoir à la parcelle cadastrée AW [Cadastre 1] par la parcelle cadastrée AW [Cadastre 3], il y aura lieu de prendre en compte un dénivelé et un talus de plus de 10 mètres, et que pour l'instant cet aménagement est inexistant,

- qu'il est possible d'en conclure sans équivoque que les époux [B] ne peuvent accéder à leur parcelle cadastrée AW [Cadastre 1] suivant les termes de l'acte authentique du [Cadastre 2] juin 2016.

En réplique, l'intimée présente tout d'abord la reproduction d'une vue satellitaire récupérée sur Google earth dont la mauvaise définition et surtout la trop grande altitude à laquelle elle a été prise, ne permettent pas d'en distinguer le détail et partant, de contrarier les constatations précises et concordantes effectuées sur le terrain, photographies à l'appui, par les deux professionnels précités.

Il en est de même du 'rapport de constatation' établi par Monsieur [G] [R], élu de la commune mise en cause, qui, au delà de simples affirmations, ne contient aucun élément permettant de déterminer que le chemin évoqué et photographié correspondrait bien à l'assiette de la servitude litigieuse.

En conséquence, il convient de considérer que la commune de Villeneuve de la Raho n'a pas respecté les obligations contractuelles mises à sa charge dans l'acte de vente authentique du [Cadastre 2] juin 2016 et que cela constitue un trouble manifestement illicite que la juridiction des référés doit faire cesser.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la collectivité territoriale sera condamnée à s'exécuter conformément aux prescriptions conventionnelles, et ce, dans un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt et sous astreinte ainsi qu'il sera précisé au dispositif.

Sur la demande de provision :

Les époux [B] sollicitent à titre provisionnel, l'octroi d'une somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel lié au retard subi par leur projet de création d'une oisellerie, à ce jour totalement bloqué faute d'accessibilité au lieu d'implantation. Ils réclament la même somme au titre du préjudice moral résultant d'une privation de jouissance décevante et injustifiée.

Sur quoi, la cour relève que les requérants invoquent des chefs de préjudice qui n'ont pas lieu d'être comme l'inutile achat d'un mobilehome implanté illégalement dans une zone agricole pour surveiller un chantier qui n'aurait pas dû débuter tant que le chemin n'était pas créé ou des frais d'architecte et de compteur de chantier de toute façon dus pour la construction du bâtiment.

Toutes causes confondues, il leur sera alloué une somme de 3 000 €.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il ne paraît pas inéquitable d'accorder aux appelants au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés tout au long de cette procédure, une somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Succombant la commune supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

- déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [Z] [B] et son épouse, Madame [X] [E] ,

- infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- condamne la commune de Villeneuve la Raho à établir au profit de la parcelle située sur son territoire et cadastrée AW [Cadastre 1], la servitude de passage créée sur les parcelles cadastrées AW [Cadastre 2] et AW [Cadastre 3] par l'acte authentique du 16 juin 2016, et ce, dans le délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant un délai de trois mois,

- condamne la commune de Villeneuve la Raho à payer à Monsieur [Z] [B] et à Madame [X] [E], à titre provisionnel, la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts, toutes sources de préjudice confondues,

- condamne la commune de Villeneuve la Raho à payer à Monsieur [Z] [B] et à Madame [X] [E] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la commune de Villeneuve la Raho aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

TJ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre d
Numéro d'arrêt : 18/00186
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 5A, arrêt n°18/00186 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;18.00186 ?
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