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24/10/2018 | FRANCE | N°16/02255

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 24 octobre 2018, 16/02255


PC/JPM



















































4ème B chambre sociale



ARRÊT DU 24 Octobre 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02255



ARRÊT n° 18/1148



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUILLET 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG14/282





APPELANTE :
>

COMPAGNIE IBM FRANCE

[...]

Représentant : Me Agnès A..., avocat au barreau de PARIS





INTIME :



Monsieur Gilles X...

[...]

Assisté par Me Alain Y... de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER





Syndicat CGT DE LA METALLURGIE IBM MONTPELLIER

IBM MONTPE...

PC/JPM

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 24 Octobre 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/02255

ARRÊT n° 18/1148

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUILLET 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG14/282

APPELANTE :

COMPAGNIE IBM FRANCE

[...]

Représentant : Me Agnès A..., avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Gilles X...

[...]

Assisté par Me Alain Y... de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER

Syndicat CGT DE LA METALLURGIE IBM MONTPELLIER

IBM MONTPELLIER

CS81021

[...]

Représentant : Me Alain Y... de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 SEPTEMBRE 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Gilles X... a été engagé par la société Compagnie IBM France dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 15 juillet 1985 en qualité d'opérateur de production.

A la suite de la mise en oeuvre par la SASU Compagnie IBM, en 1994, d'un plan d'adaptation des ressources humaines qualifié PARCH 94 destiné à réduire ses effectifs, le salarié a signé le 31 mai 1994 un protocole dit de résiliation conventionnelle de son contrat de travail prévoyant la fin du contrat au 31 juillet 1994 sous condition suspensive de son embauche sous contrat à durée indéterminée par la société DSIE alors en cours de formation, laquelle condition s'est réalisée un mois après.

Le 25 juillet 1995, la société DSIE a été placée en liquidation judiciaire.

Le 2 avril 1999, considérant la nullité du protocole du 31 juillet 1994, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réintégration du salarié.

Le 14 juillet 2004, sollicitant l'application d'une augmentation de salaire sur le fondement du principe «à travail égal, salaire égal», le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel a, le 14 juin 2005, fait droit à sa demande.

Le 7 mai 2009, invoquant une discrimination syndicale à compter de l'année 2001, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande de dommages et intérêts et de reclassement.

Par jugement de départage du 23 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Montpelleir a déclaré les demandes de Monsieur X... recevables, lui a alloué des dommages et intérêts et a ordonné son reclassement indiciaire.

Sur l'appel interjeté par la société IBM, la cour d'appel de Montpellier a par arrêt du 6 juin 2012, réformé le jugement en déclarant ses demandes irrecevables sur le fondement de la règle de l'unicité de l'instance.

La cour de cassation par arrêt du 15 janvier 2014 a rejeté le pourvoi du salarié .

Le 20 février 2014, invoquant une discrimination syndicale à compter de l'année 2005, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande de dommages et intérêts et de reclassement. Le 28 juillet 2015, le juge d'instance statuant en matière prud'homale, comme juge départiteur, a :

- déclaré recevable l'action du salarié,

- constaté que le salarié avait fait l'objet d'une discrimination en lien avec son activité syndicale et de représentant du personnel,

- condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 36537,50€ à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis décomposée comme suit:

*21937,50€ au titre du préjudice financier,

* 6600€ au titre du préjudice lié à l'impact de cette perte de salaire sur la retraite,

* 8000 € au titre du préjudice moral,

- dit que le salarié serait classé à compter du prononcé de la décision au niveau V échelon 3 coefficient 365 de la convention collective applicable avec une rémunération mensuelle brute de base de 2362€,

- condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'employeur aux entiers dépens.

C'est le jugement dont la société Compagnie IBM France a régulièrement interjeté appel.

Le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants est intervenu volontairement à l'instance.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 27 juin 2018 au cours de laquelle elles ont déposé et réitéré oralement leurs conclusions. Après avoir mis l'affaire en délibéré, la cour a ordonné la réouverture des débats. Les parties ont alors été convoquées à une nouvelle audience fixée au 10 septembre 2018.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La sasu Compagnie IBM France demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que l'action du salarié est irrecevable au regard du principe de l'unicité de l'instance,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris,

- dire que les demandes du salarié sont irrecevables,

A titre subsidiaire,

- constater que le salarié n'a pas subi de traitement différent des salariés auxquels il peut être comparé, et que les différences de situations se trouvent objectivement justifiées,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris,

- débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue discrimination syndicale,

- débouter le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous-traitants de sa demande de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié la somme de 36537,50€ à titre de réparation des préjudices subis,

- infirmer le jugement entreprise en ce qu'il a repositionné le salarié au niveau V échelon 3 coefficient 365 de la convention collective applicable avec une rémunération mensuelle brute de base de 3262€,

- débouter le salarié de ses demandes au titre de la période antérieure au 20 février 2009 comme se heurtant à la prescription quinquennale applicable en matière de discrimination,

- débouter le salarié de ses demandes au titre de la période postérieure au 20 février 2009, faute d'en justifier dans leur principe et dans leur quantum,

En tout état de cause,

- limiter le préjudice financier subi par le salarié à la somme de 13514,80€,

- ramener les demandes du salarié au titre d'un préjudice moral à de plus justes mesures,

- débouter le salarié de sa demande de repositionnement,

- limiter le salaire demandé par le salarié à hauteur de 1871€,

- constater que le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants ne justifie pas du préjudice allégué ni dans son principe ni dans son montant,

En conséquence,

- débouter le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants de sa demande de dommages et intérêts,

- En tout état de cause,

- débouter le salarié et le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum le salarié et le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants à lui payer la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum le salarié et le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants aux entiers dépens.

Monsieur Gilles X... demande à la cour de:

- dire recevable son action,

- débouter l'employeur de ses demandes,

- accueillir l'appel incident comme recevable et bien-fondé,

- condamner l'employeur à payer à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier relatif à la discrimination, la somme de 103890€, arrêtée au 30 juin 2018 et à la somme de 30000€ en réparation de son préjudice moral,

- ordonner à compter du 1er juillet 2018, son classement au niveau HG coefficient 395 de la convention collective non cadre de la métallurgie et le paiement d'un salaire mensuel brut de base, hors primes diverses et 13ème mois, s'élevant à 2745€,

- condamner l'employeur à payer, en cause d'appel la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens.

Le syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

- 10000€ à titre de dommages et intérêts,

- 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, il est renvoyé aux conclusions déposées et réitérées oralement à l'audience par les parties.

SUR CE

I] Sur les demandes du salarié au titre de la discrimination

A) Sur la recevabilité des demandes

L'appelante soutient que la nouvelle procédure introduite par le salarié se heurte au principe de l'unicité de l'instance et que le décret du 20 mai 2016 ne concernait que les instances introduites postérieurement au 1er août 2016. Elle fait valoir ensuite que :

- pour que l'irrecevabilité des prétentions au regard du principe de l'unicité de l'instance puisse être retenue, le fondement des demandes devait être né ou révélé avant la clôture des débats dans le cadre de la précédente instance, qu'en l'espèce, le salarié avait déjà saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par deux fois et en particulier le 7 mai 2009 afin de solliciter le paiement de différentes sommes sur le fondement d'une prétendue discrimination, que les débats dans le cadre de cette procédure avaient été clos le 28 mars 2012, qu'avant cette date, le salarié avait eu connaissance des éléments de fait qui motivaient la présente procédure à savoir les éléments laissant supposer une discrimination syndicale depuis 2005, date de son adhésion à la CGT,

- pour que l'irrecevabilité des prétentions au regard du principe de l'unicité de l'instance puisse être retenue, la précédente instance devait s'être achevée par une décision au fond, revêtue de la chose jugée, qu'en l'espèce, la précédente instance s'était achevée par une décision constant l'application d'une fin de non-recevoir résultant déjà de l'application du principe de l'unicité de l'instance, qu'il était à cet égard constant que, si la fin de non-recevoir n'impliquait pas un examen au fond de la prétention, elle était néanmoins constatée au terme d'une décision au fond, qu'en effet, la précédente instance ne s'était pas achevée avant tout débat mais avait pris fin par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée rendue à l'issue d'un débat au fond au cours duquel le salarié avait eu la possibilité d'exposer l'ensemble de ses prétentions,

- la jurisprudence avaient récemment réaffirmé avec force le principe de l'unicité de l'instance et sa compatibilité avec le droit d'accès au juge.

Le salarié fait valoir que le principe de l'unicité de l'instance était inapplicable en l'espèce dès lors que:

- l'instance précédente en discrimination s'était achevée par un arrêt de la cour d'appel du 6 juin 2012 qui avait jugé irrecevable son action, de sorte que, selon lui, la règle de l'unicité de l'instance ne pouvait pas s'appliquer à l'instance suivante engagée en mai 2009,

- il avait été mal traité par son employeur lorsqu'il était affilié à la CFDT mais avait néanmoins connu une faible évolution de carrière, que dans le cadre de la présente instance, il se plaignait uniquement de la discrimination syndicale postérieure à son adhésion à la CGT, en décembre 2005, que cette discrimination avait entraîné une stagnation totale de carrière et de salaire, qu'ainsi, le fondement actuel de ses prétentions portées devant le conseil de prud'hommes était nécessairement né et a fortiori révélé postérieurement à la première instance,

- que l'article R. 1452-6 du code du travail, tel qu'interprété par l'employeur, ne pouvait qu'être contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en son article 6.1 sur le droit à un procès équitable, article 13 sur le droit à un recours effectif et article 14 sur l'interdiction de discrimination,

- la cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 6 juin 2012, confirmé par la cour de cassation, avait jugé irrecevable l'action en discrimination syndicale engagée le 7 mai 2009 uniquement «en ce qu'elle se fonde sur une discrimination depuis 1999 et non depuis février 2005 » ce qui implique nécessairement qu'une demande fondée sur une discrimination postérieure à février 2005, date de la clôture des débats de première instance, était recevable,

- à titre surabondant, si une discrimination soit se manifestait à nouveau soit perdurait après la clôture des débats ayant donné lieu à une précédente décision, le fondement de cette discrimination, qui constituait un délit continu, était nécessairement né et a fortiori révélé après l'évocation ou l'extinction de la précédente instance.

Il résulte de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, que «Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes».

En l'espèce, le salarié a:

- saisi une première fois, le 14 juillet 2004, le conseil de prud'hommes pour demander une augmentation de salaire sur le fondement du principe «à travail égal, salaire égal», demande à laquelle avait fait droit le conseil par un jugement du 14 juin 2005,

- saisi, une deuxième fois, le 7 mai 2009, le conseil de prud'hommes pour demander une indemnisation et un reclassement indiciaire sur le fondement d'une discrimination syndicale à compter de l'année 2001, demandes que la cour d'appel avait, après une clôture des débats intervenue le 28 mars 2012, par un arrêt définitif du 6 juin 2012, déclaré irrecevables en application de la règle de l'unicité de l'instance.

Dans la présente instance, le salarié formule des demandes de dommages et intérêts et de reclassement à l'encontre du même employeur en invoquant cette fois une discrimination à compter de son adhésion au syndicat CGT au mois de décembre 2005.

Il y a lieu de constater que ces demandes, formulées entre les mêmes parties en leur qualité de salarié et d'employeur, et portant sur le même objet, indemnisation et reclassement, ont également la même cause puisque tant en 2009 qu'aujourd'hui, le salarié invoque le même fondement à savoir son appartenance syndicale à la CGT.

Or, il a été définitivement jugé, le 6 juin 2012, que cette action était irrecevable en application de la règle de l'unicité de l'instance.

Dès lors, et quand bien même Monsieur X... invoquerait-il de nouveaux éléments de preuve lesquels en tout état de cause ne caractériseraient pas pour autant une nouvelle discrimination, le demandeur ne peut pas sans méconnaître la règle susvisée introduire une seconde instance tendant à l'indemnisation et au reclassement pour les conséquences dommageables d'une discrimination dont les causes étaient connues de lui avant la clôture des débats, le 28 mars 2012, d'une précédente instance relative au même contrat de travail.

En l'espèce, à l'exclusion des augmentations de salaire et des primes accordées en 2015 qui sont seules de nature à laisser présumer une nouvelle discrimination dont la cause avait été nécessairement révélée postérieurement à la clôture des débats du 28 mars 2012, tous les autres éléments invoqués à l'appui de la discrimination prétendument subie ne sont que des éléments tendant à démontrer la persistance de la discrimination dont le salarié se prévalait déjà lors de l'instance introduite en 2009, caractérisée par la stagnation de sa carrière et le maintien d'une rémunération anormalement basse.

Il en résulte que les demandes du salarié d'une indemnisation et d'un reclassement au titre de la persistance de la discrimination caractérisée par la stagnation de sa carrière et le maintien d'une rémunération anormalement basse sont irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée de la décision par laquelle la cour d'appel, le 6 juin 2012, avait déclaré ces demandes irrecevables sur le fondement du principe de l'unicité de l'instance.

A ce titre, le salarié ne peut se prévaloir de l'inconventionnalité du principe de l'unicité de l'instance alors que la Cour européenne des droits de l'Homme a d'ores et déjà affirmé que, d'une part, ce principe, fondé sur la spécificité des relations de travail, la préservation de l'ordre social et l'efficacité de la justice prud'homale poursuivait bien un «but légitime» et que tenant la possibilité d'introduire des demandes nouvelles à tout stade de la procédure prud'homale, y compris en cause d'appel, en application de l'article R. 1452-7 du code du travail, ainsi que celle d'introduire un nouveau recours, sur le fondement de l'article R. 1452-6 in fine du code du travail, si les fondements de leur demande sont postérieurs à la saisine initiale du conseil de prud'hommes, le principe contesté souffrait d'exceptions significatives, soucieuses de respecter le droit pour chacun d'accéder à un tribunal.

En conséquence, il y a lieu d'examiner seulement le bien-fondé des demandes au titre d'une discrimination syndicale laquelle serait, selon le demandeur, caractérisée par les augmentations de salaire et les primes accordées par l'employeur en 2015

B) Sur le bien-fondé des demandes

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, que l'employeur ne peut prendre en compte l'activité syndicale de son salarié pour arrêter ses décisions en matière, notamment, de recrutement, de conduite et de répartition du travail, d'évaluation, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Le salarié soutient qu'en raison de son appartenance syndicale et des nombreux mandats électifs et représentatifs qu'il occupait, il subissait une discrimination de la part de l'employeur en ce queles augmentations accordées en 2015 faisaient apparaître soit une minoration systématique soit un traitement spécial le concernant.

Au soutien de ses allégations, le salarié verse aux débats les pièces suivantes:

- un courrier du 5 janvier 2016 relatif au «programme MBA (Market-Based Adjustement) - PMR (Position to Market Range), discrimination syndicale», dans lequel il avait dénoncé au «chef de service remanufacturing opérations» le fait que 11 des 19 salariés rattachés à lui allaient percevoir une augmentation à partir de janvier 2016 au titre du programme MBA/PMR, lequel visait à identifier le niveau de rémunération des salariés au regard du marché et à opérer des ajustements si nécessaire afin de resserrer progressivement les écarts par rapport au salaire médian du marché, dans une fourchette de plus ou moins 10% et, alors qu'il était, tous indices confondus, le plus petit salaire du service et de tout IBM France, il avait été exclu du bénéfice de ce programme et donc injustement privé de toute augmentation,

- un courrier du 30 mars 2016 relatif à la «Prime variable GDP», dans lequel il avait dénoncé au «chef de service remanufacturing opérations» le fait qu'au titre du «programme annuelle/GDP», il lui avait été attribué au titre de sa contribution personnelle aux résultats de l'année précédente le montant de 134€, ce qui correspondait à 0,6% de sa rémunération, que selon la direction, le taux moyen de GDP versé était de 0,9% alors que l'article 5.2.1, de l'accord droit syndical en vigueur au sein d'IBM France précisait que «concernant la partie variable du salaire au sens de GPD, il sera appliqué à l'ensemble des salariés mandats lourds le taux moyen de GPD versé».

Ces éléments de fait, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte liée à l'appartenance syndicale du salarié en ce que les augmentations et primes versées aux salariés en 2015 avaient été minorées ou appliquées de manière spécifique, le concernant.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur, en application de l'article L. 1134-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, de prouver que les actes dénoncés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S'agissant de la «Prime variable annuelle GDP», il résulte du bilan 2016 que le GPD 2015 moyen versé en mars 2016 était de 0,6% et non de 0,9%.

Il en résulte que l'augmentation de 134€ qui avait été octroyée au salarié et qui correspondait à 0,6% de sa rémunération, était conforme aux dispositions de l'accord 5.2.1. de l'accord droit syndical.

En conséquence, ce grief n'est pas fondé.

S'agissant des augmentations accordées au titre du programme MBA / PMR à 11 des 19 salariés du service remanifacturing opérations auquel était rattaché le salarié, l'employeur fait valoir que les augmentations MBA/PMR accordées en 2015 à certains salariés de son service avaient été décidées par IBM Corporation avec le déblocage d'un budget MBA dédié aux salariés ayant développé des compétences rares, que les personnes potentiellement éligibles étaient identifiées en central par la corporation au vu de leurs compétences dans les domaines cités. Les managers avaient reçu la liste des personnes concernées dans leur équipe et avaient eu la possibilité de confirmer ou non leur éligibilité et que dans l'équipe de Monsieur Z..., «chef de service remanufacturing opérations», 11 collaborateurs avaient été identifiés comme potentiellement éligibles mais que Monsieur X... ne faisait pas partie de cette liste d'éligibles, que l'absence d'augmentation n'était donc pas liée à une décision de son management et se trouvait objectivement justifiée.

Au soutien de ses allégations, l'employeur produit un courrier électronique du 30 novembre 2015 décrivant la manière dont étaient attribuées les augmentations du programme MBA. En revanche, l'employeur ne produit pas le document désignant les salariés éligibles à ce programme au titre de l'année 2015. En conséquence, il n'est pas démontré , contrairement à ce qu'affirme l'employeur, que le salarié avait été exclu de ce programme pour des raisons objectives puisque les raisons de cette exclusion ne ne sont pas matériellement démontrées.

A défaut pour l'employeur de rapporter cette preuve, la discrimination est caractérisée à l'encontre du salarié en raison de son appartenance syndicale.

En conséquence, il y a lieu de réparer le préjudice subi par le salarié. Compte tenu des circonstances sus-évoquées et des conséquences subies par le salarié tant sur le plan matériel que sur le plan moral en raison des agissements fautifs de l'employeur, il lui sera alloué la somme de 3000€ à titre de dommages et intérêts .

II] Sur la demande du syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants au titre de la discrimination

Les faits de discrimination syndicale dont a été victime le salarié, adhérent du syndicat, ont porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

En conséquence, il y a lieu d'allouer au syndicat intervenant la somme de 1000€ à titre de dommages-intérêts.

III] Sur les autres demandes

L'équité commande de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 1500€ et au syndicat intervenant la somme de 150€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Montpellier du 28 juillet 2015 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a statué sur les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Dit l'action de Monsieur Gilles X... partiellement recevable,

Condamne la sasu Compagnie IBM France à payer à Monsieur Gilles X... la somme de 3000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et moral subi du fait de la discrimination syndicale et la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la sasu Compagnie IBM France à payer au syndicat CGT de la Métallurgie IBM Montpellier et sous traitants la somme de 1000€ de dommages et intérêts au titre de l'atteinte portée aux intérêts de la profession et la somme de 150€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare les autres demandes de Monsieur Gilles X... irrecevables.

Condamne la sasu Compagnie IBM France aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/02255
Date de la décision : 24/10/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°16/02255 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-24;16.02255 ?
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