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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre A
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00427
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 NOVEMBRE 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 12/04888
APPELANTS :
Monsieur H... X...
né le [...] à Bagnères de Bigorre (65000)
de nationalité française
[...]
Madame Patricia Y... épouse X...
née le [...] à Lavelanet (09000)
de nationalité française
[...]
Tous deux représentés par Me Florent Z..., avocat au barreau des Pyrénées Orientales
INTIMEES :
SA F...
[...]
[...]
SARL OCEANIS OUTRE-MER
venant aux droit de la société LE JARDIN COLONIAL
[...]
97490 SAINTE-CLOTILDE
Toutes deux représentées par Me Jean-Christophe A... de la B... G... I..., avocat au barreau de Montpellier
SAS IFB FRANCE
[...]
représentée par la SCP COSTE BERGER DAUDE VALLET, avocat au barreau de Montpellier, postulant
et par Me Mathieu C..., avocat au barreau de Toulouse, plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 Juin 2018
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 JUILLET 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, chargée du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**********
EXPOSE DU LITIGE':
Les époux Patricia J... Noël X... ont envisagé de réaliser un investissement locatif dans un département d'outre-mer bénéficiant d'une défiscalisation au titre de la loi Girardin du 21 juillet 2003.
Pour ce faire, ils ont conclu le 1er avril 2005 avec la SA IFB France, titulaire d'un mandat exclusif confié par la SCCV «'Le Jardin Colonial'» pour vendre en l'état futur d'achèvement les lots d'un ensemble immobilier situé au Tampon (Réunion) , dénommé «'le Jardin Colonial'» , un contrat de réservation d'un appartement T3 au sein de ce programme. Selon le tableau annexé au contrat de réservation, le logement, d'une superficie de 69,95m2 (dont 8,55m2 de varangue), était éligible à la loi Girardin intermédiaire 50%, et devait être loué au prix de 648 euros mensuels.
Le même jour, ils ont donné à la société Gessy OI, filiale de la société F..., mandat de gérer ce bien, avec adhésion au contrat «'garantie des loyers impayés, détériorations, vacances locatives'», souscrit par la Gessy OI auprès de l'assureur D... France SA.
Suivant acte authentique reçu le 30 juin 2005 par Maître Xavier E..., notaire associé à Nice, les époux Patricia K... X... ont acquis de la SCCV «'Le Jardin Colonial'», appartenant au groupe Equalliance, en l'état futur d'achèvement, un appartement destiné à la location situé au sein de la Résidence «'Jardin Colonial'», commune du Tampon (Réunion) avec parking en sous sol, constituant les lots n° 251 et 38 de la copropriété, au prix de 207 700 euros TTC ( dont 201 200 euros pour l'appartement et 6 500 euros pour le parking). L'achat du bien était financé par un prêt d'une durée de quinze ans souscrit auprès de la Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées.
La livraison de l'appartement est intervenue le 29 décembre 2006; afin de bénéficier des avantages de la loi Girardin, le bien devait être loué en location non meublée à usage d'habitation principale dans les six mois de l'achèvement, et ce pendant cinq ans.
La première location de l'appartement est intervenue le 30 juin 2007, au prix de 537,50 euros hors charges, étant précisé que la locataire ne commencerait à payer les loyers qu'à compter du mois de décembre 2007. Il convient en outre de préciser que l'occupation du logement n'a été effective qu'à compter du mois de novembre 2017, date à laquelle les services d'Electricité de France ont procédé à l'ouverture du compteur électrique.
Par courrier du 24 juillet 2009, l'Administration fiscale informait les époux X... que les conditions de la réduction d'impôt n'étaient pas remplies dès l'origine et que cet état de fait entraînait la remise en cause de la réduction d'impôt pour l'année 2006, soit la somme de 14 162 euros.
Les démarches des époux X... auprès de la société Equalliance afin que celle-ci prenne en charge le montant de la perte fiscale outre les pénalités de retard et les majorations sont restées vaines, de même que leurs démarches aux mêmes fins auprès de la société IFB.
Par acte d'huissier des 10, 11 septembre 2012 et 14 juin 2013, les époux X... ont fait citer la société Equalliance, aux droits de laquelle vient la société F..., la société IFB France et la SCI «'Le Jardin Colonial'» devant le tribunal de grande instance de Montpellier qui a, par jugement du 20 novembre 2014 :
-rejeté les fins de non recevoir tirées du défaut de publication de l'assignation et de la prescription de l'action en nullité pour dol ;
-déclaré les époux X... recevables en leur action ;
Au fond :
-débouté les époux X... de l'ensemble de leurs demandes;
-débouté la société IFB France de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
-condamné solidairement les époux X... à payer à la société Le Jardin Colonial la somme de 1 500 euros, à la société F... la somme de 1 500 euros, à la société IFB France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné solidairement les époux X... aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 16 janvier 2015, les époux X... ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties.
Vu les conclusions récapitulatives des appelants reçues au greffe le 30 juillet 2015,
Vu les conclusions de la SARL M. F... et de la société Oceanis Outre-mer, venant aux droits de la société Le Jardin Colonial, reçues au greffe le 8 juin 2015,
Vu les conclusions de la société IFB France reçues au greffe le 20 août 2015,
Vu l'ordonnance de clôture du 11 juin 2018,
MOTIFS':
-Sur la demande d'annulation de la vente pour dol :
Les premiers juges ont estimé, par des motifs pertinents que la cour adopte, que l'action en annulation de la vente pour dol intentée par les époux X... à l'encontre de la société Le Jardin Colonial par acte d'huissier du 14 juin 2013 n'était pas prescrite, les époux X... n'ayant eu connaissance de la perte de l'avantage fiscal au titre de la loi Girardin qu'à réception du courrier de l'Administration fiscale du 24 juillet 2009.
Selon l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que les époux X... ont souhaité réaliser un investissement locatif afin de se constituer un patrimoine en partie financé par une économie d'impôt. L'éligibilité du programme «'résidence Jardin Colonial'» au Tampon au bénéfice de la défiscalisation de la loi Girardin du 21 juillet 2003 a été dès lors, un élément déterminant le consentement des époux X... à contracter.
Ils ont acquis le bien immobilier objet du litige par l'intermédiaire de la société IFB France, qui se présente comme créateur de patrimoine, dans un secteur décrit comme particulièrement attractif et au vu d'une estimation du montant du loyer escompté, lequel est annexé au contrat de réservation et a donc valeur pré-contractuelle.
L'opération, vendue par la SCCV Le Jardin Colonial, constituée des sociétés Oceanis Outre-mer et Oceanis Promotion faisant partie du groupe Equalliance, et son éligibilité au bénéfice de la loi Girardin du 21 juillet 2003 s'analyse en une opération juridique complexe, les contrats de réservation, de vente en l'état futur d'achèvement et de mise en gestion formant un tout indivisible.
Il s'est avéré que le programme «'le Jardin Colonial'», qui est un gros ensemble immobilier comprenant 137 logements répartis sur 5 étages, appartenant à la gamme médiane, n'a pas répondu aux attentes des investisseurs, qui n'ont pas trouvé de locataire au prix annoncé par le mandataire chargé de la commercialisation du programme.
La plaquette de présentation de la Résidence Jardin Colonial et l'évaluation du montant du loyer escompté témoignent d'une estimation exagérément optimiste de la rentabilité de l'opération escomptée.
Les données 2006 fournies par l'Observatoire des loyers privés à la Réunion démontrent que les mesures de défiscalisation mise en place dans le cadre de la loi Girardin, si elles ont contribué au soutien de l'activité économique du bâtiment et à la dynamisation de la promotion immobilière, ont dans le même temps participé à la fragilisation du marché, avec des difficultés potentielles de mise en location et de revente, un décalage entre les besoins locaux et l'offre de produits proposés ; par ailleurs, les risques de dégradation progressive du patrimoine ne doivent pas être négligés.
Selon ces mêmes données, le loyer moyen au m2 d'un appartement dans le sud de l'île est de 8 à moins de 9 euros dans la commune du Tampon, soit un loyer compris entre 496 euros et moins de 558 euros pour 62 m2 habitables
Il s'avère que le logement n'a trouvé preneur qu'à compter du mois de novembre 2007, à un prix nettement inférieur que le loyer prévisionnel annoncé (537,50 euros au lieu de 648 euros), étant précisé que la perception du loyer ne commencerait qu'à compter du mois de décembre 2007. Il est ainsi démontré que le gestionnaire a volontairement antidaté au 30 juin 2006 le contrat de location, afin de laisser croire aux époux X... qu'ils bénéficieraient de la réduction fiscale de la loi Girardin au titre de l'année 2006 et des quatre années suivantes.
La location du bien a été intermittente au cours de la période comprise entre décembre 2007 et juillet 2015, les époux X... ayant perçu au titre des loyers la somme de 32 556,50 euros, en ce compris les indemnités de carence locative, alors qu'ils avaient espéré percevoir une somme de 54 432 euros pour 7 années de loyers.
Enfin, il est démontré par les avis de valeur établis par deux agences immobilières, l'un en date du 9 mars 2015, l'autre du 11 juin 2018, que le prix de revente de l'appartement ne saurait excéder la valeur de 79 000 euros net vendeur, soit une diminution de plus de 50% par rapport au prix d'acquisition.
C'est donc à partir d'affirmations mensongères de la société IFB France, mandataire de la SCI Le Jardin Colonial, aux droits de laquelle vient la société Oceanis Outre-mer, promoteur constructeur et de la société F..., appartenant comme cette dernière au groupe Equalliance, chargée de la mise en location du bien, toutes trois professionnelles averties de l'immobilier et de la défiscalisation, que les époux X..., profanes en ces matières, ont été amenés à contracter, dans la mesure où elles leur ont vanté une opération de défiscalisation sous un jour flatteur mais fallacieux, les incitant à acquérir un bien immobilier présenté comme un pur produit financier tout en sachant que les acquéreurs ne le verraient pas avant de signer la vente, en manquant de les avertir loyalement des facteurs défavorables pesant sur cette opération vouée d'emblée à l'échec, dès lors que le montant du loyer annoncé comme pouvant être obtenu était surévalué (648 euros au lieu de 544,42 euros obtenus), qu'il serait inéluctablement amputé des frais de gestion et d'assurance locative totalisant 15% du montant du loyer, des charges de copropriété et taxes afférentes à l'immeuble ainsi que des frais d'entretien à engager entre deux locations.
Ces affirmations vont bien au delà de la simple exagération publicitaire tolérable et sont constitutives d'un dol à l'égard des acquéreurs, dont le consentement a été vicié; ce faisant, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de vente signé le 30 juin 2005.
-Sur les conséquences de l'annulation de la vente :
Les époux X... n'articulent leurs demandes qu'à l'encontre de la société Oceanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI le Jardin Colonial.
Eu égard à la nullité du contrat du 30 juin 2015, les parties doivent être remises en l'état où elles se trouvaient antérieurement à la vente.
Les restitutions consécutives à la nullité du contrat doivent être réciproques et concomitantes.
Par conséquent, la restitution de l'appartement à laquelle doivent être condamnés les époux X... devra dans les quinze jours de l'encaissement du montant du prix de vente, déduction faite de la somme de 32 556,50 euros qu'ils ont perçus au titre des loyers, que la société Oceanis Outre-mer, venant aux droits d ela SCI Le Jardin Colonial, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice.
-Sur la demande de dommages-intérêts :
Les difficultés induites pour les époux X... par l'opération litigieuse, ceux-ci ayant dû engager une procédure longue et coûteuse pour voir reconnaître leurs droits, sont à l'origine d'un préjudice financier et moral, qu'il convient d'indemniser par la condamnation de la société Océanis Outre-mer venant aux droits de la SCI Le Jardin Colonial à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge des époux X... les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de faire droit à leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à concurrence de la somme de 3000 euros qu'ils réclament à ce titre.
-Sur la demande des sociétés IFB France et la société F...:
Ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, l'opération litigieuse s'analyse en une opération juridique complexe, à laquelle les sociétés M. F..., appartenant comme la SCI Le Jardin Colonial et son mandataire, la société IFB France étaient étroitement associés, de sorte qu'elle sont participé au dol commis par le vendeur à l'encontre des époux X... ; il y a lieu en conséquence de les débouter de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe en application de l'article 451, alinéa 2 du code de procédure civile,
Donne acte à la société F... de son intervention aux lieu et place de la société Equalliance.
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré les époux X... recevables dans leur action en nullité de la vente pour dol.
Et, statuant de nouveau :
Dit que le consentement des époux X... a été vicié par le dol de la SCI Le Jardin Colonial, aux droits duquel vient la société Océanis Outre-mer, et les dols subséquents de ses mandataires, la société IFB France et de la société F....
Prononce en conséquence la nullité du contrat de vente immobilière en l'état futur d'achèvement signé le 30 juin 2005 devant Maître Xavier E..., notaire associé à Nice, entre d'une part la SCCV «'Le Jardin Colonial'», dont le siège social est à Saint-Denis (Réunion) [...], et, d'autre part, M. H..., né le [...] à Bagnères de Bigorre X... (65), de nationalité française, et Mme Patricia Y..., son épouse, née le [...] à Lavelanet (09), de nationalité française, domiciliés [...], portant sur les biens et droits immobiliers dépendant d'un ensemble immobilier divisé en copropriété au Tampon (Réunion) dénommé «'Résidence Le Jardin Colonial'» rue Hubert Delisle, assis sur un terrain cadastré section [...] pour une superficie de 3066m2:
[...]
Un appartement situé au premier étage du bâtiment, corps de bâtiment B1, portant le n° 2010 sur le plan du premier étage, comprenant:
hall d'entrée, séjour, deux chambres, cuisine, salle de bains, WC, varangue,
avec soixante treize/dix millièmes des parties communes générales;
[...]
Un parking situé au troisième sous-sol du bâtiment, corps de bâtiment Plateau, escaliers A-B1-B2 et C, portant le n° 38 sur le plan du troisième sous-sol,
avec quatre/dix millièmes des parties communes générales.
Ordonne à la société Océanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI «'Le Jardin Colonial'» de restituer aux époux X... le prix de vente de l'appartement et du parking (207 700 euros), amputé de la somme de 32 556,50 euros représentant le montant des loyers perçus, avec intérêts au taux légal au taux légal à compter de l'assignation et ordonne aux époux X... de restituer les lots acquis, cette restitution devant intervenir dans les quinze jours de l'encaissement par les époux X... de l'intégralité du prix de vente de l'appartement et du parking, diminué du montant des loyers perçus.
Condamne la société Océanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI «'Le Jardin Colonial'», à payer aux époux X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice moral.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la société Océanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI «'Le Jardin Colonial'», à payer aux époux X... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques territorialement compétente aux frais de la société Océanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI «'Le Jardin Colonial'».
Condamne la société Océanis Outre-mer, venant aux droits de la SCI «'Le Jardin Colonial'», aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLA PRESIDENTE
NB