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19/09/2018 | FRANCE | N°14/06586

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 19 septembre 2018, 14/06586


SD/RN/SA

























































4ème B chambre sociale



ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 14/06586



Arrêt n° :



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JUILLET 2014 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER - N° RG 21301619




>APPELANT :



Monsieur Jean Paul X...

[...] Bt 22

[...]

Représentant : Me Frédéric Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



CPAM DE L'HERAULT

29 Cours Gambetta

CS49001

[...]

Mme Claire Z... (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 11/06/18





COMPOSITION DE LA COUR :

...

SD/RN/SA

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 14/06586

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JUILLET 2014 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MONTPELLIER - N° RG 21301619

APPELANT :

Monsieur Jean Paul X...

[...] Bt 22

[...]

Représentant : Me Frédéric Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

CPAM DE L'HERAULT

29 Cours Gambetta

CS49001

[...]

Mme Claire Z... (Représentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 11/06/18

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 JUIN 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller

Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Le 15 juillet 2011, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault (la CPAM) a réceptionné un certificat médical initial d'arrêt de travail pour accident du travail, établi le 8 juillet 2011 par le docteur A..., concernant M. Jean-Paul X..., alors employé par la société AUCHAN en qualité de chef de rayon charcuterie traiteur, après avoir été promu à ce poste au mois de janvier 2011.

Le certificat faisait état des constations suivantes : 'état réactionnel dépressif suite à une convocation pour entretien d'évaluation'.

En parallèle, le 13 juillet 2011, l'employeur a établi une déclaration d'accident de travail (assortie de réserves), réceptionnée par la caisse le 19 juillet 2011, laquelle précise, s'agissant des circonstances de l'accident :'Dépôt par l'épouse de la victime du certificat d'arrêt de travail pour accident de travail le Mardi 12 juillet 2011 matin à l'accueil du magasin (VOIR LETTRE DE RESERVE)'.

La déclaration mentionne par ailleurs que l'accident a été connu de l'employeur le 12 juillet 2011 à 12 heures et ne fait état d'aucun témoin.

En outre, aux termes du courrier de réserves adressé à la CPAM, l'employeur précise, notamment, :

' (...) Nous pouvons (...) constater qu'il y a tardiveté de la déclaration puisque Monsieur Jean-Paul X... nous a demandé sa déclaration d'accident plus de 24 heures après la date supposée de l'accident soit le 8 juillet.

De plus, les faits décrits par Monsieur Jean-Paul X... ne répondent pas à la définition de l'accident, puisqu'il ne s'agit en rien :

- d'un événement soudain et inattendu, puisqu'il n'existe aucun événement soudain et inattendu le 8 juillet.

- d'un événement survenu à une date certaine, puisque entre le 8 juillet et le 11 juillet, Monsieur X... a travaillé sans déclarer aucun événement à aucun moment précis.

- d'une lésion soudaine car déclarée le 12 juillet soit 4 jours après.

De plus, en l'absence de témoin, la matérialité de l'accident n'est pas rapportée par des éléments objectifs corroborés par la présence d'autres salariés de l'entreprise.

Au regard de ces éléments, nous émettons des doutes sur l'origine professionnelle de l'information déclarée.

C'est dans ces conditions qu'il nous est apparu utile qu'une enquête soit effectuée par vos services (...)'.

Dans ce contexte, l'assuré s'est vu délivrer un arrêt de travail pour la période comprise entre les 8 et 22 juillet 2011, choisissant toutefois de ne quitter son poste de travail que le lundi 11 juillet 2011.

Il a bénéficié du versement d'indemnités journalières au titre de l'assurance maladie jusqu'au 25 août 2012.

Par courrier du 27 septembre 2011, à l'issue d'une enquête administrative conclue par un rapport en date du 2 septembre 2011, la CPAM a notifié à l'assuré une décision de refus de prise en charge d'un accident, pour le motif suivant : 'absence de fait accidentel précis'.

Le 21 novembre 2011, le salarié a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Par décision du 5 janvier notifiée par courrier du 19 janvier 2012, la commission l'a débouté de sa demande.

Le 15 mars 2012, il a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault, lequel, par jugement du 30 juillet 2014, a confirmé la décision de la CPAM.

Par déclaration déposée au greffe le 28 août 2014, M. X... a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la cour de :

- dire qu'il doit bénéficier de la présomption d'imputabilité ;

- dire remplies les conditions de l'article L. 411-1 du code du travail ;

- dire que l'accident dont il a été victime le 8 juillet 2011 doit être considéré comme un accident du travail et pris en charge au titre de la législation professionnelle avec toutes les conséquences de droit ;

- condamner la CPAM à lui verser une somme de 1 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- les conditions de survenance de l'accident qu'il a subi au cours de son entretien d'évaluation, non programmé, avec son supérieur hiérarchique, sur ses temps et lieu de travail, lequel lui a causé choc psychologique, sont conformes aux prescriptions de l'article L. 411-1 du code du travail;

- alors qu'il a été victime de son accident du travail le vendredi 8 juillet 2011, il a finalement 'craqué' le lundi suivant, 'au bout de 10 minutes d'activité' ;

- les éléments versés aux débats par la CPAM ne suffisent pas à faire tomber la présomption d'imputabilité posée par l'article L. 411-1 du code du travail.

La CPAM demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault le 30 juillet 2014 ;

- dire que c'est à bon droit qu'elle a refusé à l'appelant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré survenu le 8 juillet 2011 ;

- débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes.

Elle soutient que :

- la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ne saurait s'appliquer en l'espèce, au vu du délai de trois jours entre le fait accidentel déclaré et la constatation médicale établie, de la déclaration d'accident faite à l'employeur au-delà du délai de 24 heures prévu par les textes et des réserves émises par l'employeur;

- s'il résulte de l'enquête administrative qu'elle a diligentée qu'un entretien, au cours duquel le salarié a été informé par son responsable hiérarchique de ce que sa formation n'était pas validée, a été organisé le 8 juillet 2011, les événements que l'assuré estime constitutifs d'un accident du travail ne répondent pas aux exigences de soudaineté et de brutalité imposées par les textes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 21 juin 2018.

MOTIFS :

Sur la matérialité et le caractère professionnel de l'accident :

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il en résulte que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

En outre, en application de ce texte, est présumé imputable au travail tout accident survenu au temps et au lieu de travail .

La mise en oeuvre de cette présomption suppose toutefois que le salarié rapporte la preuve de ce que l'accident qu'il invoque est bien survenu dans ces conditions.

En l'espèce, il est constant que le 8 juillet 2011, au cours d'un entretien avec sa hiérarchie, le salarié, jusqu'alors en formation pour une période de six mois après avoir été promu au poste de chef de rayon, a été informé de ce qu'il n'avait pas validé sa période de formation.

Bien que les témoignages de M. B... et de M. C..., respectivement responsable hiérarchique du salarié et responsable des ressources humaines de la société, recueillis dans le cadre de l'enquête administrative de la CPAM, suggèrent que l'appelant avait été informé de la tenue de l'entretien, l'argument, hypothétique, selon lequel 'il se doutait que sa formation ne serait pas validée' n'est pas de nature à démontrer que cet entretien n'a pas pu causer un choc émotionnel au salarié.

Ainsi, la circonstance, au demeurant contestée, selon laquelle un point était régulièrement réalisé avec l'appelant durant sa formation n'est pas de nature à remettre en cause le choc émotionnel causé par l'entretien, les affirmations de son responsable hiérarchique en ce sens n'apportant pas la preuve que les reproches qui lui ont prétendument été adressés au cours de sa formation lui auraient permis d'anticiper le contenu de son entretien d'évaluation.

En outre, si les parties divergent quant à la tonalité de l'entretien, il n'est pas contesté que le salarié a pleuré lorsque son responsable hiérarchique lui a annoncé qu'il ne validait pas sa formation, comme l'a reconnu ce dernier dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par la CPAM, cet élément caractérisant un choc psychologique subi par le salarié.

A cet égard, les circonstances selon lesquelles, d'une part, le responsable hiérarchique du salarié lui aurait proposé de rencontrer le responsable des ressources humaines de la société postérieurement à l'entretien et, d'autre part, la société aurait pris diverses mesures pour le rassurer quant à son avenir au sein de l'entreprise ne sauraient suffire à démontrer que l'annonce au salarié de sa non-validation de sa période de formation au poste de chef de rayon n'a pu, en elle-même, lui causer un choc émotionnel.

Le lien entre les troubles dont fait état le salarié et son entretien d'évaluation est par ailleurs démontré par le certificat médical initial d'arrêt de travail établi le jour dudit entretien par le docteur A..., lequel fait état d'un 'état réactionnel dépressif suite à une convocation pour entretien d'évaluation'.

Cette constatation médicale est confortée par le certificat médical établi le 4 avril 2012 par le docteur D..., médecin psychiatre, lequel précise que l'assuré 'ne présente pas d'antécédent psychiatrique connu' et que ce dernier 'met en relation son effondrement actuel avec une grande déconvenue professionnelle'. Le médecin précise qu' 'il y a manifestement eu effet de traumatisme psychique, renforcé d'une part par le côté inattendu de l'événement qui n'a donc pu anticipé, d'autre part en raison de l'investissement affectif, très favorable jusque là, de ce patient pour son emploi'.

Ainsi, indifféremment de l'établissement des manquements prêtés au salarié dans l'exercice de ses fonctions de chefs de rayon, il est établi que la teneur de l'entretien d'évaluation du salarié lui a causé l'apparition soudaine d'une lésion, à l'occasion de son travail.

De façon générale, bien que le salarié n'ait informé son employeur que le 12 juillet 2011 de l'accident qu'il estime avoir subi le 8 juillet 2011 et qu'il ait travaillé la journée du samedi 9 juillet ainsi que durant quelques minutes le 11 juillet sans rapporter ses troubles à son employeur et en justifiant a posteriori son choix par sa volonté d' 'affronter son sentiment de mal être', cette déclaration tardive au regard de l'article R. 441-2 du code de la sécurité sociale ne saurait le priver du bénéfice de la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 441-1 du code précité, dès lors qu'il démontre qu'il a été victime d'un accident survenu au temps et au lieu de travail.

Sur ce point, il y a lieu de relever que la lésion dont fait état l'appelant, outre le fait qu'elle est liée au contenu de son entretien d'évaluation, avait été médicalement constatée le 8 juillet 2011, la circonstance selon laquelle la CPAM n'aurait reçu une demande de remboursement d'un acte médical que le 11 juillet 2011 ne pouvant suffire à remettre en cause la crédibilité de la date d'établissement du certificat initial par le médecin traitant de l'appelant.

Au vu de ces éléments objectifs, bien que la CPAM argue de ce que l'enquête qu'elle a diligentée n'a pas permis d'identifier de fait accidentel précis, il est établi qu'un événement de nature à provoquer une lésion psychique au salarié est survenu le 8 juillet 2011.

Ainsi, dès lors, d'une part, qu'il est établi que le contenu de l'entretien d'évaluation organisé le 8 juillet 2011 par l'employeur de l'appelant lui a causé un choc émotionnel, lequel a été médicalement constaté le jour de l'événement, et d'autre part, que la CPAM n'apporte pas d'élément de nature à écarter la présomption d'imputabilité découlant de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il dit la CPAM non tenue de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnel.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre au salarié la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Réforme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault du 30 juillet 2014 ;

Et statuant à nouveau :

Dit que l'accident dont a été victime M. Jean-Paul X... le 8 juillet 2011 relève de la législation relative aux accident du travail;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault à verser à M. Jean-Paul X... la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article R. 144-10, alinéa 2 du Code de la sécurité sociale.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/06586
Date de la décision : 19/09/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°14/06586 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-19;14.06586 ?
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