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13/09/2018 | FRANCE | N°13/05592

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 13 septembre 2018, 13/05592


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre A



ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05592







Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 JUIN 2013

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 10/00986









APPELANTE :



Madame Jacqueline X... épouse Y...

née le [...] à Sète (34) de nationalité française

[...]
>représentée par Me Marie-José Z..., avocat au barreau de Montpellier







INTIMES :



Monsieur Michel X...

né le [...] à Sète (34) de nationalité française

[...]

[...]

représenté par Me Vincent A... de la SCP DORIAVOCATS, avoca...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05592

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 JUIN 2013

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 10/00986

APPELANTE :

Madame Jacqueline X... épouse Y...

née le [...] à Sète (34) de nationalité française

[...]

représentée par Me Marie-José Z..., avocat au barreau de Montpellier

INTIMES :

Monsieur Michel X...

né le [...] à Sète (34) de nationalité française

[...]

[...]

représenté par Me Vincent A... de la SCP DORIAVOCATS, avocat au barreau de Montpellier

Madame Marie-Christine X... épouse B...

née le [...] à Sète (34) de nationalité française

[...]

[...]

représentée par Me Céline C... substituant Me Charles D..., avocat au barreau de Montpellier

ORDONNANCE DE CLÔTURE du 06 Juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 JUIN 2018, en audience publique, Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

en présence de Madame Manon CHABERT, greffier stagiaire

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE':

Gabriel Louis X..., né à Sète le [...] et Marie E... M..., née à Prunella F... Fiumorbo le [...], se sont mariés le [...] sous le régime légal de la communauté, modifié en régime de communauté universelle par jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 31 janvier 1991.

Trois enfants sont issus de leur union :

-Jacqueline X..., épouse Y..., née le [...];

-Michel X..., né le [...] ;

-Marie-Christine X..., épouse B..., née le [...].

De leur vivant, les époux N... ont consenti plusieurs donations, en avancement d'hoirie à leurs enfants :

À Jacqueline X..., épouse Y... :

* le 13 janvier 1987, un appartement de type 3 situé [...], évalué au jour de la donation à la somme de 250 000 francs ;

*le 29 juin 1990, une propriété agricole située à Canac près de Lacaune, évaluée au jour de la donation à la somme de 350 600 francs ;

* le 26 novembre 1991, une villa située [...], évaluée au jour de la donation à la somme de 600 000francs ;

*le 4 octobre 1992, un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble [...], évalué au jour de la donation à la somme de 600 000 francs ;

*le 1er décembre1992, un fonds de commerce d'institut de beauté exploité [...], évalué au jour de la donation à la somme de 200 000 euros ;

À Michel X... :

*un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble [...] ;

À Marie-Christine X..., épouse B... :

*en 1982, une donation d'une somme d'argent de 300 000 francs (46 000 euros) ;

*en 2004, un appartement situé au 1er étage de l'immeuble [...], évalué dans l'acte de donation à la somme de 1 200 000 francs (182 940 euros).

Une donation de sommes d'argent de 15 000 euros a été également consentie par acte notarié du 25 novembre 2002 par Gabriel X... à chacun de ses petits-enfants : Caroline B..., Nicolas B..., Nathalie Y..., Valérie Y... et Mailyn X....

Gabriel Louis X... a également financé en partie l'acquisition du fonds de commerce de pharmacie de M. Michel X....

Au cours de l'année 1982, Mme Marie-E... M... a par ailleurs fait donation, en avancement d'hoirie à sa fille Marie Christine X..., épouse B... d'une villa située [...] lui appartenant en propre, dans lequel réside la donataire, évaluée au jour de la donation à la somme de 600 000 francs.

Marie-E... M..., épouse X... est décédée le [...].

Gabriel Louis X... est décédé à son tour le [...], laissant un testament olographe fait le 12 juillet 2002 à Sète, par lequel il partageait ses biens entre M. Michel X..., Mme Marie Christine B..., Mme Valérie Y..., sa petite fille et fille de Mme Jacqueline X... Y..., et le conjoint de Valérie Y.... Il indiquait dans ce testament que Jacqueline X... Y... et son mari avaient déjà été servis antérieurement.

Dans un codicille reçu le 10 août 2004 en l'étude de Maître Dominique O..., notaire à Sète, Gabriel X... indiquait avoir donné à Michel pour l'achat de sa pharmacie 1 314 146 francs, soit plus de la moitié de la valeur d'achat, et 500 000 francs versés à G.... Il indiquait également vouloir que la maison donnée par sa femme à Christine rentre dans sa part dans le partage à égalité, et que chacun de ses 3 enfants ait la même part des biens de sa femme et de lui-même.

Lors de son décès, Gabriel Louis X... était propriétaire d'un appartement situé [...], et de plusieurs appartements et villas situés [...] et Résidence des Pinèdes.

Par ordonnance du 7 juillet 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier a, à la demande de Mmes Jacqueline X... et Marie Christine X..., ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Henri H..., lequel a déposé son rapport le 13 juin 2007.

Par acte d'huissier du 17 février 2010, Jacqueline X..., épouse Y... a fait assigner Michel X... et Marie Christine X..., épouse B... devant le tribunal de grande instance de Montpellier, lequel a, par jugement du 4 juin 2013 :

-Déclaré recevable l'action de Mme Jacqueline X..., épouse Y... à l'encontre de M. Michel X... et de Mme Marie Christine X..., épouse B... ;

-Déclaré irrecevable Mme Jacqueline X..., épouse Y... de sa demande tendant à la nullité du rapport d'expertise judiciaire H... ;

-Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision résultant du décès de M. Gabriel Louis X... et de Mme Marie E... M..., épouse X..., ainsi que de la communauté matrimoniale préexistante.

-Dit que Mme Jacqueline X..., épouse Y..., M. Michel X... et de Mme Marie Christine X..., épouse B... y seront admis en qualité d'héritiers réservataires (...) ;

-Déclaré nul et de nul effet le codicille du 10 août 2004 signé par M. Gabriel Louis X... ;

-Dit que M. Michel X... a reçu de M. Gabriel Louis X... la somme en numéraire de 800 000 francs à titre de prêt en vue de l'acquisition de sa pharmacie ;

-Dit que cette somme ne donnera pas lieu à rapport dans les termes de l'article 843 ancien du code civil ;

-Condamné M. Michel X... à payer à l'indivision successorale la somme de 121 959 euros en remboursement du prêt susvisé ;

-Fixé la valeur, au jour des opérations de partage, de la villa Le Tamaris située [...], reçue de Mme Marie-E... M... épouse X... par préciput et hors part par Mme Marie-Christine X..., épouse B... à la somme de 900 000 euros ;

-Fixé ainsi qu'il suit le montant des rapports à effectuer au titre des avancements d'hoirie consentis en pleine propriété par les époux défunts, étant rappelé que ces biens étaient des biens communs des époux défunts ;

Pour Marie-Christine X..., épouse B... :

*une donation d'une somme d'argent de 46 000 euros ;

*un appartement situé au 1er étage de l'immeuble [...] : 543 000 euros ;

Pour Michel X... :

*un appartement situé au 2ème étage de l'immeuble [...] : 380 000 euros ;

Pour Jacqueline X..., épouse Y... :

* un appartement de type 3 situé rue Henri Mares : 140 000 euros ;

*une propriété agricole située à Canac près de Lacaune :

160 000 euros ;

* une villa située [...] : 545 000 euros ;

*un appartement situé au 1er étage de l'immeuble [...] : 380 000 euros ;

*un fonds de commerce d'institut de beauté : 30 490 euros.

-Constaté que les héritiers ont procédé à un partage amiable s'agissant des biens mobiliers, liquidités et assurances-vie ;

-Fixé la valeur des biens immeubles inclus dans la succession ainsi qu'il suit en vue des opérations de compte, liquidation et partage :

* un [...] : 120 000 euros ;

* un [...] : 200 000 euros :

* une villa située résidence des Pinèdes, [...] : 190 000 euros ;

* une villa située résidence des Pinèdes, [...] : 205 000 euros ;

*une villa située résidence des Pinèdes, [...] : 205 000 euros ;

*un [...] : 172 000 euros ;

*un [...] : 80 000 euros ;

*un [...] : 172 000 euros ;

*un [...] : 80 000 euros ;

*un [...] : 172 000 euros

Soit un total de 1 596 000 euros.

-Débouté Mme Jacqueline X..., épouse Y... de de sa demande d'indemnité de jouissance ;

-Rejeté les demandes formulées par les parties au titre du recel successoral ;

-Rappelé que les donations aux petits enfants devront s'imputer sur la quotité disponible ;

-Dit que la partage des biens meubles inclus dans la succession se fera par la constitution de trois lots composés et attribués conformément aux dernières volontés du défunt telles qu'elles résultent du testament du 12 juillet 2002, sauf meilleure volonté des parties ;

-Dit qu'en application des volontés du défunt, si la part de l'un ou l'autre des héritiers devait excéder sa part dans la succession, cet excédent s'imputera sur la quotité disponible et il n'y aura pas lieu à versement d'une soulte, sous réserve d'une éventuelle atteinte à la réserve héréditaire, auquel cas seul l'excédent sera sujet à réduction dans le respect des dispositions des articles 843 et 844 du code civil ;

-Dit qu'il appartiendra au notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage de procéder à un nouveau projet liquidatif en tenant compte des points en litige déjà tranchés par le présent jugement, et procéder le cas échéant aux éventuelles réductions pour atteinte à la réserve ;

-Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

-Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Ordonné l'exécution provisoire ;

-Fait masse des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de M. H..., et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.

Mme Jacqueline X..., épouse Y... a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la cour le 18 juillet 2013.

Vu les conclusions récapitulatives de l'appelante, remises au greffe le 30 mars 2018;

Vu les conclusions récapitulatives de Michel X... remises au greffe le 25 mai 2018';

Vu les conclusions récapitulatives et d'appel incident de Mme Marie-Christine X..., épouse B..., remises au greffe le 4 juin 2018';

Vu l'ordonnance de clôture du 6 juin 2018,

MOTIFS':

-Sur l'application de la loi de 2006 sur les successions et du décret du 23 décembre 2006 sur les modalités du partage :

Gabriel X... et son épouse sont tous deux décédés avant l'entrée en vigueur de la loi ° 2006-728 du 23 juin 2006, laquelle n'a en principe d'effet rétroactif pour les décès intervenus [...].

Toutefois, certaines dispositions de la loi nouvelle s'appliquent aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2007 si, à cette date et comme tel est le cas en l'espèce, l'instance en partage n'était pas engagée. Il s'agit notamment des dispositions suivantes :

-L'ensemble des dispositions nouvelles relatives au régime légal de l'indivision, régies par les articles 815 à 815-18 du code civil ;

-L'ensemble des dispositions nouvelles relatives au partage et à l'action en nullité du partage et en complément de part, régies par les articles 816 à 892 nouveaux du code civil.

Enfin, les articles 1359 et suivants du code civil, créés par le décret du 23 décembre 2006, s'appliquent aux indivisions existantes et aux successions non encore partagées au 1er janvier 2007 dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 leur est également applicable.

L'assignation en partage de la succession de M. Gabriel X... a été initiée le 17 février 2010, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, de sorte que ses dispositions relatives au partage, ainsi que celles du décret du 23 décembre 2006 sur les modalités de partage, ont vocation à s'appliquer en l'espèce.

-Sur la demande de nullité du rapport d'expertise H... :

L'appelante demande l'annulation du rapport d'expertise de M. H..., qui aurait selon elle violé le principe du contradictoire en ce que l'expert n'a pas visité l'ensemble des biens immobiliers dont il a proposé une évaluation et n'a pas répondu aux dires de l'appelante.

Si elle est soumise au régime des nullités de procédure en application de l'article 175 du code de procédure civile, la demande de nullité de l'expertise ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du même code, qui relèverait de la compétence exclusive du juge de la mise en état ; il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 4 juin 2013 en ce qu'il a débouté Mme Jacqueline X..., épouse Y... de sa demande tendant à la nullité du rapport d'expertise de M. H....

Il s'évince des énonciations du rapport d'expertise que l'expert a visité, le 21 octobre 2005, la pharmacie de Michel X... et les appartements situés dans l'immeuble situé [...] et la villa de la rue de Loriot donnée à Jacqueline X... ; le 24 octobre 2005, la propriété de Lacaune ; le 30 novembre 2005, l'appartement situé [...], sans toutefois que cette visite ait été réalisée contradictoirement ; le 9 décembre 2005, la villa de la rue Jean Vilar donnée par sa mère à Marie-Christine X..., épouse B....

Si l'expert n'a pas personnellement visité les villas et les appartements situés dans la [...] (à l'exception d'une villa), l'appartement de la [...], et l'appartement de la [...], il a proposé une évaluation de ces divers biens immobiliers au vu de leur description telle qu' effectuée par M. Rémi P..., expert immobilier de l'appelante, de la situation des immeubles et des transactions réalisées dans le secteur, en tenant compte d'un abattement pour vétusté de 20% ; ce faisant il a rempli la mission qui lui avait été confiée par le tribunal. Il y a lieu en conséquence de débouter l'appelante de sa demande de nullité du rapport d'expertise.

-Sur la prescription de l'action en annulation du codicille du 10 août 2004 :

Jacqueline X..., épouse Y... soutient que la demande d'annulation du codicille du 10 août 2004, formée pour la première fois par conclusions signifiée le 19 mai 2009, est irrecevable comme prescrite.

La demande de nullité du codicille a été formée par M. Michel X... par voie d'exception, pour faire échec à un codicille qui n'a pas encore été exécuté, et qui est invoqué pour faire échec aux prétentions de la partie adverse, n'est enfermée dans aucun délai et est perpétuelle.

Il convient en conséquence de débouter l'appelante de sa demande en ce sens.

-Sur la validité du codicille du 10 août 2004 :

Le codicille daté du 10 août 2004, écrit de la main de Gabriel X..., et rédigé devant maître Dominique O..., notaire, en son étude, est ainsi libellé : «'J'ai donné à Michel pour l'achat de sa pharmacie 1 314 146 francs, soit plus de la moitié de la valeur d'achat, 500 000 francs en espèces versés directement à G... (vendeur de la pharmacie).

Son rapport dans sa part pour ma succession sera fait en fonction de la valeur de la pharmacie au jour de mon décès.

Il faudra pour tous les enfants que l'on se rapporte aux documents ci-joints, la maison donnée par ma femme à Christine doit rentrer dans sa part du partage à égalité.

Je veux que mes enfants aient chacun la même part que ce soit des biens de ma femme ou des miens.'»

À ce codicille était annexé un document dactylographié récapitulant le montant des donations faites à chaque enfant.

Le tribunal de grande instance de Montpellier a annulé ce codicille, intervenu sept mois avant le décès de Gabriel X..., au motif que les documents médicaux versés aux débats attestent de troubles cognitifs évidents depuis le début de l'année 2003, et que les termes utilisés par le défunt dans l'acte litigieux paraissent manifestement incompatibles avec une rédaction spontanée, tout particulièrement au vu de son état de santé.

Il résulte néanmoins de l'ensemble des pièces et attestations versées aux débats par l'appelante que Gabriel X..., qui a rédigé plusieurs testaments successifs et a fait de nombreuses donations à ses enfants, connaissait les termes juridiques et le sens du rapport à la succession ; que bien qu'atteint du cancer de la prostate évoluant à bas bruit compte tenu de son âge avancé, il est resté jusqu'au printemps 2004 parfaitement autonome, jouant au golf plusieurs fois par semaine, conduisant sa Mercédès sur les routes et autoroutes, et se tenant au courant de l'actualité politique et économique.

Il a été victime d'un accident domestique au mois de juin 2004 et a présenté, à compter de cette date des troubles moteurs. L'altération de ses facultés cognitives n'est intervenue qu'au mois de février 2005, quelques jours avant son décès. M. I..., qui a personnellement fréquenté M. Gabriel X... au cours des années 2002 à 2004, atteste l'avoir revu mi-août [...], à l'occasion d'une soirée passée chez ses petits-enfants, il était heureux, car il revenait d'une soirée à Lacaune, conduit par Jean-Luc J... ; Il était parfaitement lucide, cohérent, précis, ses facultés intellectuelles étaient intactes.

Maître Dominique O..., qui a reçu le 10 août 2004 le codicille litigieux, atteste que lors de ce rendez-vous, M. Gabriel X... lui est apparu parfaitement lucide.

Il convient en outre de rappeler que le même jour, Maître O... a reçu l'acte de donation par M. Gabriel X... à sa fille Marie-Christine X..., épouse B... de la pleine propriété d'un appartement situé au premier étage de l'immeuble situé 1, qui Merle à Sète, donation qui n'est pas remise en cause par les intimés.

Il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent que c'est par une appréciation inexacte des faits de l'espèce que le tribunal de grande instance de Montpellier, se basant sur la seule appréciation par le docteur Patrick K..., médecin généraliste, des facultés cognitives de Gabriel X..., dont il n'était pas le médecin traitant, qui est contredite par de nombreux témoignages de proches et par l'attestation du docteur D. L..., médecin urologue, qui atteste avoir reçu régulièrement M. Gabriel X... jusqu'au mois de juin 2004 pour sa prise en charge urologique, et n'avoir jamais constaté le moindre problème de syndrome confusionnel ou démentiel chez ce patient qui est resté lucide jusqu'au bout, a déclaré nul et de non effet le codicille signé par M. Gabriel X... le 10 août 2004.

Il y a lieu en conséquence de dire et juger que le codicille du 10 août 2004 annule les dispositions testamentaires antérieures et doit produire ses entiers effets.

-Sur les sommes ayant servi à financer l'achat de la pharmacie :

Michel X... a acquis sa pharmacie des époux G... suivant acte notarié du I7 novembre 1976, au prix de 1 609 292 francs, sur laquelle Michel X... a payé au comptant 1 259 292 francs. Pour financer l'achat de la pharmacie et le paiement des droits d'enregistrement et honoraires du notaire, son père lui a donné une somme de 1 314 000 francs, ainsi que cela ressort des termes du codicille du 10 août 2004. Gabriel X... a également versé directement à M. G... une somme de 500 000 francs, ce qui correspond à un dessous de table.

Ces sommes ont été versées à son fils ou à son profit, ainsi qu'il ressort clairement des termes du codicille. Le fait qu'il s'agisse d'un don, et non d'un prêt, résulte du fait que Michel X... a reçu en donation un seul appartement situé [...], alors que ses s'urs ont reçu plusieurs biens immobiliers, afin de compenser la valeur des sommes données par Gabriel X... à son fils pour financer l'achat de sa pharmacie.

Lorsqu'une donation porte sur un bien déterminé, la valeur à prendre en compte est celle du bien au moment du partage mais d'après son état à l'époque de la donation.

L'expert H... estime dans son rapport, la valeur de la pharmacie au jour du partage, sans tenir compte des extensions réalisées par Michel X... après 1977, à la somme de 1 033 490 euros ;

Michel X... devra rapporter 65% du montant de cette somme, soit 671 768 euros, par moitié à la succession de chacun de ses parents.

-Sur le recel successoral :

Selon l'ancien article 792 du code civil, les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession sont déchus de la faculté d'y renoncer ; ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.

En l'espèce, Mme Jacqueline X..., épouse Y..., soutient que son frère s'est rendu coupable de recel successoral sur la somme de 500 000 francs réglée directement par son père à M. G..., à titre de «'dessous de table'» lors de l'acquisition de la pharmacie.

Si le fait pour un héritier de ne pas faire état spontanément d'une donation rapportable peut suffire à caractériser le recel successoral, c'est à la condition que les circonstances de la cause et notamment la nature de l'opération ou son montant ne laissent aucun doute sur la volonté de l'héritier de rompre l'égalité du partage au détriment de ses cohéritiers ;

En l'espèce, la preuve n'est pas rapportée de l'intention frauduleuse de Michel X... de dissimuler cette somme, dont l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'il en avait connaissance, puisqu'elle a été directement versée par son père, médecin retraité à Sète, à Emile G..., pharmacien de la même génération, qui entretenait avec Gabriel X... des liens professionnels. Il convient en outre de rappeler l'ancienneté de cette donation, datant de 1976, et sa relative modicité au regard du patrimoine des époux X... qui ont par la suite, plus largement gratifié leurs deux filles pour tenir compte de l'avantage procuré à leur fils Michel à l'occasion de l'achat de sa pharmacie, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer à cette somme la sanction du recel successoral.

-Sur la valeur des biens immobiliers :

Concernant les biens immobiliers ayant fait l'objet de donations avant le décès de M. Gabriel X..., leurs valeurs s'entendent de celles proposées par l'expert H... et retenues par le tribunal de grande instance de Montpellier dans son jugement du 4 juin 2013.

-L'appartement de type 3 situé [...], évalué au jour de la donation à la somme de 250 000 francs : 140 000 euros ;

-La propriété agricole située à Canac près de Lacaune, évaluée au jour de la donation à la somme de 350 600 francs : 160 000 euros ;

-La villa située [...], évaluée au jour de la donation à la somme de 600 000francs : 550 000 euros ;

-L'appartement situé au 2ème étage de l'immeuble [...], évalué au jour de la donation à la somme de 600 000 francs : 410 000 euros ;

-Le fonds de commerce d'institut de beauté exploité un [...], évalué au jour de la donation à la somme de 200 000 euros : 30 490 euros.

-L'appartement situé au 2ème étage de l'immeuble [...], donné à Michel X... : 380 000 euros ;

-La villa située [...], évaluée au jour de la donation à la somme de 600 000 francs : 900 000 euros ;

-L'appartement situé au 1er étage de l'immeuble [...], évalué dans l'acte de donation à la somme de 1 200 000 francs : 543 000 euros.

Concernant les autres biens immobiliers dépendant de la succession, leur valeur doit être fixée au jour du partage aux sommes suivantes :

-[...] : 120 000 euros.

-[...] : 200 000 euros ;

-Villa située résidence des Pinèdes, [...] : 190 000 euros ;

-Villa située [...] : 205 000 euros ;

-Villa située [...] : 205 000 euros ;

-[...]: 172 000 euros;

-[...]: 80 000 euros,

- [...] : 172 000 euros ;

-[...]: 80 000 euros

-[...]: 172 000 euros.

-Sur la procédure de partage :

Selon l'article 1364 du code de procédure civile applicable en l'espèce, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage, et commet un juge pour surveiller ces opérations.

Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord par le tribunal.

L'article 1365 du même code précise que le notaire convoque les parties et demande la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission.

Il rend compte au juge commis des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement.

Il peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s'adjoindre un expert, choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis.

S'agissant d'un partage complexe, il y a lieu de désigner le Président de la chambre des notaires de l'Hérault, avec faculté pour lui de se substituer le notaire de son choix, à l'exclusion de Maître Dominique O..., notaire à Sète et de Maître Jacques D..., notaire à Montpellier, afin de dresser le projet de partage successoral.

L'article 700 sera réservé en fin d'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe en application de l'article 451, alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-Déclaré nul et de nul effet le codicille du 10 août 2004 signé par M. Gabriel Louis X... ;

-Dit que M. Michel X... a reçu de M. Gabriel Louis X... la somme en numéraire de 800 000 francs à titre de prêt en vue de l'acquisition de sa pharmacie ;

-Dit que cette somme ne donnera pas lieu à rapport dans les termes de l'article 843 ancien du code civil ;

-Condamné M. Michel X... à payer à l'indivision successorale la somme de 121 959 euros en remboursement du prêt susvisé ;

Et, statuant de nouveau :

Dit et juge que les dispositions de la loi du 23 juin 2006 relatives au partage, ainsi que celles du décret du 23 décembre 2006 sur les modalités de partage, ont vocation à s'appliquer en l'espèce.

Dit et juge que l'action en annulation du codicille du 10 août 2004 n'est pas prescrite.

Dit et juge que le codicille du 10 août 2004 annule les dispositions testamentaires antérieures et doit recevoir son plein effet.

Dit que M. Michel X... a reçu, à l'occasion de l'achat de sa pharmacie en 1976, une donation de ses parents d'un montant de 1 814 000 francs (276 543 euros).

Ordonne le rapport par Michel X... à la succession de chacun de ses deux parents de la somme de 335 884 euros.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant :

Ordonne le renvoi de l'affaire devant le notaire commis.

Dit que le notaire convoquera les parties et leur demandera la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission, conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile.

Dit que le notaire rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement.

Dit que le notaire commis pourra s'adjoindre un expert, désigné d'un commun accord entre les parties ou à défaut, désigné par le juge commis.

Dit que dans le délai d'un an suivant sa désignation, le notaire dressera un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ;

Dit que ce délai sera suspendu en cas de désignation d'un expert et jusqu'à remise de son rapport. Dit qu'en raison de la complexité des opérations, une prorogation du délai, ne pouvant pas excéder un an, pourra être accordée par le juge commis saisi sur demande du notaire ou sur requête d'un copartageant ;

Dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif établi par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif

Dit que si un projet de partage amiable est établi, le notaire en informera la cour qui constatera la clôture de la procédure ; qu'à défaut, la cour, qui demeure saisie, statuera sur les points de désaccord.

Passe les dépens en frais privilégiés de partage.

Réserve l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE

NB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 13/05592
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°13/05592 : Décision tranchant pour partie le principal


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;13.05592 ?
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