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06/09/2018 | FRANCE | N°12/06791

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 06 septembre 2018, 12/06791


Grosse + copie


délivrées le


à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER





1ère Chambre A





ARR'T DU 06 SEPTEMBRE 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06791








Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUIN 2012


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE


N° RG 09/01523








APPELANTS :





Madame Danielle D... E...


née le [...] à

Batna (Algérie) de nationalité française


[...]


représentée par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de Montpellier





Monsieur Sylvain D... E...


né le [...] à Mers-el-kebir (Algérie) de nationalité française


[...]


représenté...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARR'T DU 06 SEPTEMBRE 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06791

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 JUIN 2012

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 09/01523

APPELANTS :

Madame Danielle D... E...

née le [...] à Batna (Algérie) de nationalité française

[...]

représentée par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de Montpellier

Monsieur Sylvain D... E...

né le [...] à Mers-el-kebir (Algérie) de nationalité française

[...]

représenté par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de Montpellier

INTIMES :

Monsieur Z... A...

né le [...] à Danemark - de nationalité danoise

[...]

et actuellement [...]

représenté par la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de Montpellier, postulant

et par Me Estelle CONQUET de la SCP CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de Narbonne, plaidant

Madame Karen A...

[...]

et actuellement [...]

représenté par la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de Montpellier, postulant

et par Me Estelle CONQUET de la SCP CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de Narbonne, plaidant

ORDONNANCE DE CL TURE du 18 Avril 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MAI 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, chargée du rapport et Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

le délibéré prononcé au 28/06/2018 est prorogé au 06/09/2018

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Présidente, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE :

Les époux Danielle et Sylvain D... E... ont interjeté appel, le 5 septembre 2012, d'un jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 21 juin 2012, rendu dans une affaire les opposant aux époux Karen et H... A... , qui a':

- Condamné M. H... A... et son épouse, Karen A... à poser un pare-vue complètement obscur mais translucide sur leur balcon selon les préconisations de l'expert aux fins de parer la vue directe sur le fonds de M. Sylvain E... et de son épouse';

- Condamné M. H... A... et son épouse, Karen A... à payer à M. Sylvain E... et son épouse une somme de 20'000 euros au regard des nuisances créant un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage apportées par la surélévation';

- Autorisé M. H... A... et son épouse, Karen A... et toute entreprise mandatée par elle à pénétrer sur le fonds de M. Sylvain E... et son épouse pour réaliser les travaux d'imperméabilisation et de peinture sur façade appartenant à ces derniers, étant précisé qu'il appartient aux bénéficiaires du tour d'échelle d'informer par tous moyens utiles 10 jours auparavant M. Sylvain E... et son épouse de leur venue';

- Condamné en tant que de besoin M. Sylvain E... et son épouse à laisser libre accès à leur propriété dans les conditions sus énoncées';

- Rejeté le surplus mal fondé de toute autre demande';

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';

- Condamné M. H... A... et son épouse, Karen A... à payer à M. Sylvain D... E... et son épouse la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamné M. H... A... et son épouse, Karen A... aux entiers dépens, en ce compris la somme de 2'988,72 euros exposée à titre de frais d'expertise provisionnels.

Par arrêt du 15 septembre 2016, auquel il est fait expressément référence pour l'exposé de la procédure antérieure, la cour d'appel de céans a':

- Reçu les époux D... E... en leur appel et l'a déclaré régulier en la forme';

- Au fond, par arrêt avant dire droit, dit que l'expert F..., commis par ordonnance de référé en date du 13 janvier 2009, devra compléter son rapport ainsi qu'il suit': «'indiquer de manière précise, par surcharge ou autre moyen permettant de faire une comparaison sur les pièces 2-1, 2-2, et 2-3 de son rapport, l'état d'ensoleillement et donc l'ombre portée existant sur les deux parties (cour et terrasse) de la propriété des époux D... E... avant la construction litigieuse;'»

L'expert F... a déposé son rapport complémentaire le 28 octobre 2016.

Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 20 décembre 2017,

Vu les conclusions des époux A... remises au greffe le 11 avril 2018,

Vu l'ordonnance de clôture du 18 avril 2018,

MOTIFS :

Les époux A..., propriétaires d'une maison à usage d'habitation située [...] dans la commune de [...], cadastrée section [...] , ont entrepris une surélévation et une extension de cette maison autorisée par permis de construire du 24 août 2006.

Leur propriété est riveraine de la maison appartenant aux époux D... E..., située [...] , cadastrée section

[...].

Ceux-ci ont dans un premier temps, contesté la validité du permis de construire consenti aux époux A... devant la juridiction administrative, et ont été débouté de leur demande d'annulation dudit permis.

Ils ont engagé, par acte d'huissier du 29 octobre 2009, une action à l'encontre des époux A... fondée sur les dispositions de l'article 544 du code civil et l'existence de troubles anormaux du voisinage résultant de la création d'ouvertures dans le mur perpendiculaire non mitoyen joignant le fonds D... E... et de la perte d'ensoleillement causée à leur propriété par la surélévation de la maison des époux A....

- Sur la perte de vue':

Les époux D... E... se plaignent de la création de vues droites sur leur fonds et ce faisant, d'une atteinte à leur intimité et leur vie privée.

Le litige concerne la porte-fenêtre avec balcon située sur la partie gauche de la propriété judiciaire, dont l'expert indique que l'ouverture pratiquée est distante de 1m20, le bacon se trouvant à 80 cm de la limite séparative.

Il ressort de l'ensemble des photographies versées aux débats qu'il existe une vue droite sur le fond D... E..., qui n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 678 du code civil, en partie droite du balcon.

L'expert judiciaire, en page 21 de son rapport, préconise la mise en place d'un pare vue sur la droite du balcon de la hauteur totale de la porte fenêtre et de la largeur complète du balcon. Il sera nécessaire de déterminer un pare vue complètement obscure mais également qui s'intègre parfaitement dans l'ensemble des habitations du village, par exemple un pare vue en bois. Ceci est une solution qui permettrait de ne pas modifier l'ouverture et de ne pas supprimer le balcon et qui supprimerait les vues droites.

Les époux A... s'engagent, à titre subsidiaire, à installer un pare vue conforme aux préconisations de l'expert. Il y a lieu de leur en donner acte et de confirmer sur ce point le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté les époux D... E... de leur demande indemnitaire, dès lors qu'il est établi que les intimés ont posé dans le temps de l'expertise un brise vue et que les époux D... E... ne justifient pas de l'existence du préjudice qu'ils allèguent.

- Sur la perte d'ensoleillement':

En droit, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en oeuvre suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de voisinage, en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

Il résulte des conclusions de l'expert F..., commis par ordonnance de référé du 13 janvier 2009 et de son rapport d'expertise complémentaire qu'il existe une perte d'ensoleillement manifeste du fonds D... due à l'extension de la maison des époux A..., une partie de leur cour étant totalement privée d'ensoleillement à partir de 16 h au mois de juin, tandis que l'ombre portée sur leur terrasse à la même heure est de 3 mètres, alors qu'avant la surélévation et l'extension de la maison voisine, elle était seulement de 1, 65 mètre. L'expert a d'ailleurs estimé que la perte d'ensoleillement due à l'extension de la maison A... engendre une perte de value vénale du fonds D... de l'ordre de 25 à 30% de la valeur vénale d'origine.

Sans remettre en cause les constatations de l'expert, les époux A... font valoir que cette perte d'ensoleillement n'excède pas les inconvénients normaux du voisinage'; qu'en effet, la perte d'ensoleillement est limitée à 3 à 4 mois dans l'année'; elle est moindre durant les périodes de printemps et d'automne, et quasiment nulle pendant les mois d'hiver'; qu'elle ne touche pas la maison d'habitation, mais seulement la cour des époux D... E... , qui mesure environ 30 m2, et leur terrasse au premier étage, qui mesure environ 12 m2'; que la maison des appelants est une maison de rue mitoyenne, présentant à l'arrière une cour intérieure bordée de murs, qui se trouve en plein coeur du village de [...] et est entourée de bâtisses dont celle de Mme G... qui s'élève à 10 mètres de haut et surplombe la cour des époux D... E...'; qu'elle est située en zone U du plan d'occupation des sols de la commune qui stipule qu'il s'agit d'une zone de forte densité'; qu'au demeurant, la commune de [...] connaît un développement démographique accru depuis les dix dernières années compte tenu notamment de la proximité des plages.

Mais il résulte des photographies produites que la maison des époux D... E... est une bâtisse ancienne, située au coeur d'un petit village ancien et typique des Corbières, dont la population est de l'ordre de 1'000 habitants, accroché à la colline et entouré de végétation et de vignobles.

La maison n'est donc pas située dans une zone en voie d'urbanisation, contrairement à ce que soutiennent les intimés, mais dans un environnement rural avec une faible densité de populations et d'habitations.

Le fait que leur maison soit accolée en partie aux autres maisons anciennes du village n'empêchait pas les époux D... E... de bénéficier d'un bon ensoleillement de leur cour et de la terrasse située au premier étage durant les mois d'été.

La surélévation et l'extension litigieuse prive en grande partie les époux D... E... de cet ensoleillement, la cour ne bénéficiant plus d'aucun ensoleillement à partir de 16 h en plein coeur de l'été.

La circonstance que la maison des appelants constitue une résidence secondaire dans laquelle ils ne résideraient que quelques semaines dans l'année ne sont pas de nature à écarter la notion de trouble anormal de voisinage, dans la mesure où les appelants résident précisément dans cette maison l'été et subissent un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage qu'il convient de faire cesser.

Il y a lieu en conséquence d'ordonner la démolition partielle de la surélévation de la maison des époux A... pour revenir aux ombres portées d'origine telles que décrites par l'expert F... et matérialisées dans le rapport d'expertise complémentaire du 6 octobre 2016 (ombres du mur séparatif et de la maison A... matérialisées par un encadré hachuré en rouge sur les pièces 2-1, 2-2, et 2-3 du rapport).

Compte tenu de la nécessité pour les époux A... de s'adjoindre l'assistance d'un maître d'oeuvre ou d'un architecte et de l'obtention éventuelle d'un permis de démolir, il n'y a pas lieu, en l'état de la présente procédure d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Les époux D... E... subissent depuis le 15 octobre 2009, date de l'achèvement du chantier des époux A..., un préjudice de jouissance lié à la perte d'ensoleillement de leur cour intérieure et de la terrasse de leur maison en été, préjudice qui sera compensé par la condamnation des époux A... à leur payer une somme de 13'500 euros (soit 1'500 euros par an).

- Sur la demande de destruction du mur en briques rouges créé par les époux A...':

Il ressort très clairement des constations de l'expert F..., en page 23 de son rapport, que le mur en briques rouges créé par les époux A... et joignant immédiatement le fonds D... n'est pas mitoyen et appartient aux intimés, de sorte que les appelants seront déboutés de leur demande en ce sens.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':

Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais exposés non compris dans les dépens'; il y a lieu, en cause d'appel, de faire droit à leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à concurrence d'une somme de 2'500 euros.

Les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du rapport d'expertise, seront laissés à la charge des époux A....

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe en application de l'article 451, alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 21 juin 2012 en ce qu'il a débouté les époux D... E... de leur demande de démolition partielle de la surélévation et de l'extension de la maison des époux A..., autorisée par arrêté de permis de construire du 24 août 2006, et en ce qu'il a condamné les époux A... à payer aux époux D... E... une somme de 20'000 euros au regard des nuisances créant une trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage apportés par la surélévation.

Et, statuant de nouveau':

Ordonne la démolition partielle de la surélévation de la maison des époux A... pour revenir aux ombres portées d'origine telles que décrites par l'expert F... et matérialisées dans le rapport d'expertise complémentaire du 6 octobre 2016 (ombres du mur séparatif et de la maison A... matérialisées par un encadré hachuré en rouge sur les pièces 2-1, 2-2, et 2-3 du rapport).

Condamne les époux A... à payer aux époux D... E... une somme de 13'500 euros à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la privation d'ensoleillement subie depuis l'achèvement des travaux.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne les époux A... à payer aux époux D... E..., en cause d'appel, une somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les époux A... aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

NB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 12/06791
Date de la décision : 06/09/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°12/06791 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-06;12.06791 ?
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