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04/07/2018 | FRANCE | N°17/05018

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 04 juillet 2018, 17/05018


CB/SA



















































4ème B chambre sociale



ARRÊT DU 04 Juillet 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05018



ARRÊT n° 18/794



Sur arrêt de renvoi de la Cour de Cassation en date du 14 septembre 2017 qui casse, annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'Appel de Nimes en date 15 décembre 2015 statuant su

r appel du jugement du conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du 10 avril 2014.





APPELANTE :



EDF CNPE CRUAS MEYSSE

BP 30

RN 86

07350 CRUAS

Représentant : Me Géraldine X... substituant Me Yann Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMES :



Monsie...

CB/SA

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 04 Juillet 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/05018

ARRÊT n° 18/794

Sur arrêt de renvoi de la Cour de Cassation en date du 14 septembre 2017 qui casse, annule en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'Appel de Nimes en date 15 décembre 2015 statuant sur appel du jugement du conseil de prud'hommes d'Aubenas en date du 10 avril 2014.

APPELANTE :

EDF CNPE CRUAS MEYSSE

BP 30

RN 86

07350 CRUAS

Représentant : Me Géraldine X... substituant Me Yann Y..., avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur Christian Z...

[...]

Représentant : M. Pierre A... (Délégué syndical ouvrier)

Syndicat CGT MINES ENERGIE DROME ARDECHE

24 av de la Marne

[...]

Représentant : M. Pierre A... (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 MAI 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BOURBOUSSON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M.CLUZEL Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

FAITS ET PROCÉDURE

M. Christian Z... est entré au service d'EDF le 14 mars 1983, d'abord en qualité d'ouvrier en chaudronnerie, puis d'agent technique en laboratoire. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de technicien au sein de la Centrale Nucléaire de Production d'Electricité de Cruas Meysse. Il relevait des dispositions du statut national des industries électriques et gazières.

En décembre 2005, il a été informé de sa mise en inactivité à compter du 1er mai 2007 au motif qu'il remplissait les conditions posées par le décret n° 54-50 du 16 janvier 1954 et la circulaire [...] complétant l'annexe III du statut applicable au sein d'EDF-GDF, à savoir : 55 ans d'âge, 25 ans de service et 15 ans de services actifs. Sa demande de prolongation a été refusée.

Le 27 mai 2013, contestant la validité de sa mise en inactivité, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Aubenas, section industrie, lequel a, par jugement en date du 10 avril 2014, :

-dit que la mise en inactivité d'office de M. Z... est un acte nul au titre des articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail ;

-condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

*31.259 € au titre de la perte de revenu ;

*54.018,90 € au titre de la perte de chance de percevoir des pensions revalorisées;

*3.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit que les demandes du syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche, section des Retraités, sont recevables.

-condamné l'entreprise à verser au syndicat CGT les sommes suivantes :

*850 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice à l'intérêt collectif de la profession ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-mis les dépens à la charge de l'employeur.

Suivant arrêt du 15 décembre 2015, la cour d'appel de Nîmes a infirmé cette décision, débouté le salarié et le syndicat de l'ensemble de leurs prétentions, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le salarié aux dépens de première instance et d'appel.

Selon arrêt du 14 septembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a :

-cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 15 décembre 2015 entre les parties par la cour d'appel de Nîmes, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé les parties devant la cour d'appel de Montpellier ;

-condamné l'employeur aux dépens et à payer au salarié et au syndicat la somme globale de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience du 15 mai 2018, la SA EDF expose que les dispositions statutaires relatives à la mise à la retraite des agents EDF excluent les dispositions du code de travail pour les agents soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières ; que ces dispositions réglementaires forment un ensemble indissociable et fixent les conditions dans lesquelles intervient la mise en inactivité d'office des agents à savoir, avoir atteint l'âge d'ouverture du droit à pension (soit 55 ans) et totaliser 25 ans de service, dont 15 ans de services actifs ; que ce dispositif n'a jamais fait l'objet d'une remise en cause par les organisations syndicales et qu'il repose sur un équilibre entre considérations politiques, économiques, sociales, démographiques et/ou budgétaires. Elle fait remarquer que la Cour de cassation a validé à plusieurs reprises la mise en inactivité à partir d'un âge déterminé, par application d'un texte, en considérant qu'il n'y avait pas violation des principes posés par la directive européenne du 27 novembre 2000 ; que le Conseil constitutionnel a considéré que le principe d'une mise à la retraite fondé sur l'âge était conforme à la constitution et que le Conseil d'État a jugé du caractère régulier des mesures de mise en inactivité en application des dispositions réglementaires.

Elle ajoute que la réglementation querellée de mise à la retraite ne se fonde pas uniquement sur l'âge, puisqu'elle prend en considération l'ancienneté de l'agent et son appartenance, pendant une certaine durée, aux services actifs et/ou insalubres ; qu'elle répond ainsi à un objectif de protection de la santé des travailleurs lequel est légitime ; que les moyens mis en 'uvre pour atteindre cet objectif sont appropriés et nécessaires ; que l'appréciation du caractère légitime et approprié de la mesure de mise en inactivité applicable au sein d'EDF ne saurait s'effectuer agent par agent, mais doit être faite globalement en considération de l'objectif qu'elle s'efforce d'atteindre et que le fait de savoir si la carrière du salarié a comporté des périodes de pénibilité doit également être apprécié globalement et non en

fonction de la seule éventuelle répercussion de cette pénibilité sur l'état de santé du salarié à la fin de sa carrière ; qu'en l'espèce, le salarié a appartenu aux services actifs pendant plus de 24 ans sur la totalité de sa carrière professionnelle et qu'il a également relevée de la catégorie des services insalubres pendant cette période ; qu'il n'a jamais contesté son classement en 'services actifs ou insalubres' et que ce classement était justifié par le fait qu'en sa qualité de technicien, il était assujetti à un système d'astreinte et qu'il était exposé à des nuisances liées au bruit. Elle ajoute que le dispositif de mise à la retraite des salariés âgés de 55 ans poursuit également un objectif d'emploi, notamment des jeunes, des plus légitimes, ainsi que cela ressort de l'accord de réduction du temps de travail signé le 25 janvier 1999, lequel prévoit, notamment, la compensation intégrale des départs par des embauches au niveau global de l'entreprise.

Elle indique ensuite que la mise à la retraite ne peut être prononcée qu'à l'égard d'un agent remplissant les conditions de perception d'une pension, ce qui justifie de sa proportionnalité ; que les agents perçoivent une pension au demeurant plus favorable que celle du régime général ; que chacune des périodes de 'services actifs ou insalubres' bénéficie d'une compensation financière par le biais de la majoration du temps de service ; que les agents mis à la retraite continuent à bénéficier des tarifs particuliers en matière de fourniture d'énergie ; que la liquidation de leur pension au titre du régime statutaire ne leur interdit pas d'exercer une autre activité professionnelle et qu'en l'espèce, au jour de sa mise en inactivité, le salarié a bénéficié d'un taux de pension de 59 %, alors que la pension vieillesse à temps plein au sens de la sécurité sociale est de 50 % du salaire.

Enfin, elle considère que le syndicat CGT Mines et Energie ne saurait valablement soutenir qu'elle a porté une atteinte aux intérêts collectifs de la profession, alors qu'elle n'a fait qu'appliquer un texte réglementaire dont tout le monde s'est accordé à considérer, notamment la chambre sociale de la Cour de cassation qu'elle pouvait valablement le mettre en 'uvre et ce, postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive européenne du 17 novembre 2000.

Elle demande par conséquent à la cour de :

-juger que la mise en inactivité du salarié a été réalisée en application des strictes dispositions statutaires et réglementaires alors en vigueur ;

-juger que la mise à la retraite du salarié repose sur un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ;

-juger que cette mise en inactivité n'est pas discriminatoire ;

en conséquence :

-constater que la mise en inactivité d'office du salarié est parfaitement fondée ;

-infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas en ce qu'il a considéré que la mise en inactivité du salarié était nulle et alloué à ce dernier les sommes suivantes :

*31.259 € au titre de la perte de revenu ;

*54.018,90 € au titre de la perte de chance de percevoir des pensions revalorisées;

*3.500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué au syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche les sommes suivantes :

*850 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice à l'intérêt collectif de la profession ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, M. Christian Z... et le syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche indiquent que la mise en inactivité d'office du salarié est fondée uniquement sur son âge, de sorte qu'il s'agit d'une mesure discriminatoire interdite par la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000. Ils ajoutent que cette différence de traitement lié à l'âge n'est justifiée que si elle constitue un moyen approprié et nécessaire d'atteindre un objectif légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dans la mesure où les motifs invoqués par l'employeur tant du point de vue de la santé que de la prévention ne concerne le salarié que de façon très indirecte et générale, celui-ci n'ayant jamais travaillé dans des conditions très difficiles.

M. Christian Z... demande donc à la cour de :

-dire que sa mise en inactivité d'office est un acte nul au titre de l'article L1132-1 et L 1132-4 du code du travail ;

-en conséquence, condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes:

*59.104 € au titre des indemnités dues à la nullité de l'acte ;

*54.752 € au titre de la perte de chance de percevoir des pensions revalorisées ;

*42.018 € au titre d'indemnité pour préjudice moral ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche Section des RETRAITES demande à la cour de :

-juger qu'il est compétent, au titre des articles L 2132-3 et suivants du code du travail, pour intenter cette action née des articles L 2262-11 et suivants du dit code ;

-juger qu'il existe un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ;

-en conséquence, condamner l'appelante à lui verser :

*1.558 € à titre de dommage-intérêts pour le préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ;

*250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'appelante aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 15 mai 2018.

SUR CE

Sur la validité de la mise à la retraite d'office :

Jusqu'à son abrogation par le décret 2008-1072 du 20 octobre 2008, la mise à la retraite des agents EDF était régie par le décret n°54-50 du 16 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour l'application au personnel d'électricité de France et de gaz de France du décret du 9 août 1953, relatif au régime des retraites des personnels de l'État et des services publics, ainsi que par l'annexe III du statut du personnel des industries électriques et gazières et par la circulaire [...] à valeur réglementaire.

L'article 2 du décret du 16 janvier 1954 prévoit que 'l'admission à la retraite est prononcée d'office quand l'intéressé a atteint l'âge d'ouverture du droit à pension d'ancienneté, en ce qui concerne les agents ayant accompli la durée des services requis à cette fin par le statut national et en ce qui concerne les agents n'ayant pas accompli cette durée de service quand l'intéressé a atteint l'âge d'ouverture à pension d'ancienneté fixée pour les agents appartenant aux services sédentaires.'

L'article 3 de l'annexe III du statut national du personnel des industries électriques et gazières, issu du décret du 22 juin 1946, précise que : 'pour avoir droit aux prestations de pension d'ancienneté, un agent doit avoir 55 ans d'âge s'il appartient aux services insalubres ou actifs, 60 ans d'âge s'il appartient aux services sédentaires et doit totaliser 25 ans de service.'

Ainsi, le personnel des industries électriques et gazières est soumis à un statut particulier, dérogatoire du droit commun, de sorte que les dispositions de l'article L 1237-4 du code du travail prohibant les clauses couperet ne s'appliquent pas.

Quand bien même la mise à la retraite anticipée du personnel des industries électriques et gazières est autorisée par un statut particulier, encore faut-il qu'elle ne méconnaisse pas les principes posés par la directive n° 2000-78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

L'article 6 paragraphe 1er de la directive du 27 novembre 2000 considère que 'les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.'

Il appartient par conséquent à l'employeur de rapporter la preuve que la mise à la retraite d'office du salarié à l'âge de 55 ans est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

En l'espèce, l'employeur invoque deux objectifs : la protection de la santé du salarié, d'une part et la promotion de l'emploi, d'autre part.

Il est constant que la réglementation de mise à la retraite d'office applicable en l'espèce ne se fonde pas uniquement sur l'âge, mais qu'elle prend également en considération l'ancienneté de l'agent et son appartenance, pendant une certaine durée, aux services actifs et/ou insalubres.

C'est ainsi que la mise en inactivité d'office est prononcée lorsque le salarié atteint l'âge de 55 ans et qu'il a totalisé 25 ans de service, dont 15 ans au moins de services actifs et/ ou insalubres.

La circulaire PERS 226 du 21 mai 1952 définit les emplois classés en catégorie 'actifs'. Il s'agit notamment :

-des 'emplois qui requièrent, de la part des agents qui les exercent, une dépense physique importante, ou qui exposent les agents aux intempéries, ou qui comportent des conditions de travail pénibles' ;

-des 'services accomplis par les agents dont l'occupation est à l'extérieur ou astreint à de fréquents déplacements, ou appelés à travailler en permanence dans les caves ou sous-sols'.

Le classement en services 'insalubres' est défini par la circulaire PERS 169 du 26 février 1950, laquelle indique que ce classement est accordé si les agents du service considéré sont appelés à exercer une fonction dans des conditions telles qu'il puisse en résulter pour eux une altération immédiate ou lointaine de leur santé.

Elle précise ainsi que «a) sont parmi les raisons déterminantes de l'insalubrité de l'emploi, le travail effectué dans une atmosphère polluée soit par une teneur nocive en gaz ou vapeurs délétères ; soit renfermant une proportion dangereuse de poussière également nocive en suspension ; soit à une température anormalement élevée ou dans une ambiance de bruit, de trépidation ou d'humidité.»

Ainsi, le classement en services 'actifs' et / ou 'insalubres' constitue une mesure de protection des travailleurs du fait de la pénibilité de leurs conditions de travail. La légitimité de cet objectif ne peut pas être sérieusement mise en doute et ce, d'autant plus qu'une obligation de sécurité pèse sur l'employeur à l'égard des salariés qu'il emploie.

En l'espèce, le salarié a appartenu aux services 'actifs' pendant plus de 24 ans, soit pendant la totalité de sa carrière professionnelle, en raison de la pénibilité de ses conditions de travail sur un site nucléaire et notamment, son assujettissement, en qualité de technicien, à un système d'astreinte. Il n'a jamais contesté ce classement, alors qu'il avait la possibilité de le faire, comme cela lui avait été indiqué sur chacune des notifications qui lui ont été faites.

Par lettre du 17 octobre 2011, son employeur l'a informé que dans le cadre de l'examen des taux d'insalubrité pour l'ensemble des emplois et des situations de travail repérés du 1er janvier 1981 jusqu'au 30 juin 2008, sa situation individuelle avait été étudiée et qu'il s'est avéré que les emplois qu'il a occupés durant son activité professionnelle, pendant près de 20 ans, ont été reconnus insalubres et ce, en raison de l'exposition au bruit. Le salarié n'a pas non plus contesté cette décision, alors qu'il avait la possibilité de le faire.

Le salarié ne saurait valablement contester le caractère insalubre de son activité professionnelle, alors que postérieurement à sa mise en inactivité d'office, il a déclaré une maladie professionnelle au titre du tableau n° 30, à savoir celui des affections liées à l'exposition à l'inhalation de poussières d'amiante et que par jugement du 8 janvier 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence a reconnu la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie.

Dans le cadre de ce contentieux, et pour justifier sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, il a notamment indiqué dans ses conclusions qu'il se sentait 'victime d'une terrible injustice d'avoir consacré sa vie à un travail extrêmement pénible et de ne pas pouvoir accéder paisiblement à ses années de retraite'.

Il est ainsi démontré que les travaux accomplis par le salarié lorsqu'il était dans les services 'actifs' et 'insalubres'ont eu une répercussion sur son état de santé, puisqu'il a développé une maladie professionnelle liée à l'inhalation de poussière d'amiante.

La question est alors de savoir si la cessation d'activité constituait un moyen nécessaire et approprié pour réaliser cet objectif de préservation de la santé du travailleur. Il s'agit d'un contrôle de proportionnalité qui doit intervenir même si l'objectif est considéré comme légitime.

Il est constant que la mise à la retraite anticipée ne peut être prononcée qu'à l'égard d'un agent remplissant les conditions de perception d'une pension.

De plus, alors que la pension vieillesse au taux plein dans le régime général est de 50 %, le salarié a perçu un taux de pension vieillesse de 59 %, au jour de sa mise en inactivité, dans la mesure où son classement en services 'actifs' et 'insalubres' lui a permis de bénéficier d'une majoration du temps de service de deux mois par année pour le service actif et de quatre mois par année pour le service insalubre.

En outre, malgré la rupture du lien contractuel, il continue à bénéficier des tarifs particulièrs en matière de fourniture d'énergie gaz/électricité.

Enfin, la liquidation de sa pension au titre du régime statutaire ne lui interdit pas d'exercer une autre activité professionnelle.

Ainsi, la mise à la retraite d'office du salarié à l'âge de 55 ans, alors qu'il avait totalisé 25 ans de service dont 15 ans de services actifs et/ou insalubres est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et constitue un moyen approprié à l'objectif consistant à assurer la protection de la santé des travailleurs et comme n'allant pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de cet objectif.

Il convient par conséquent d'infirmer la décision déférée qui a jugé que la mise en inactivité d'office est un acte nul et condamné l'employeur à régler au salarié et au syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche diverses sommes en réparation des préjudices invoqués.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni en cause appel.

Le salarié qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aubenas le 10 avril 2014 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déboute M. Christian Z... et le syndicat CGT Mine Energie Drôme Ardèche section des retraites de toutes leurs demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. Christian Z... aux dépens de première instance et d'appel y compris ceux afférents à la décision cassée.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/05018
Date de la décision : 04/07/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°17/05018 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-04;17.05018 ?
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