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21/06/2018 | FRANCE | N°16/03071

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 21 juin 2018, 16/03071


Grosse + copie


délivrées le


à











COUR D'APPEL DE MONTPELLIER





1ère Chambre A





ARRET DU 21 JUIN 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03071











Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JANVIER 2016


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER


N° RG 14/04179











APPELANTS :





Monsieur Pierre X...

r>né le [...] à ORAN (ALGERIE)


de nationalité Française


[...]


représenté et assisté de Me Jean Luc ENOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant





Madame Gisèle Y... épouse X...


née le [...] à CONSTANTINE (ALGERIE)


de nationalité Française


[...]
...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 21 JUIN 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03071

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 JANVIER 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 14/04179

APPELANTS :

Monsieur Pierre X...

né le [...] à ORAN (ALGERIE)

de nationalité Française

[...]

représenté et assisté de Me Jean Luc ENOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame Gisèle Y... épouse X...

née le [...] à CONSTANTINE (ALGERIE)

de nationalité Française

[...]

représentée et assistée de Me Jean Luc ENOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES MEDITERRANEE dite GROUPAMA MEDITERRANEE,

prise en la personne de son représentant légal domicilié [...] et le siège administratif

Maison de l'Agriculture, Bâtiment 2

[...]

[...]

représentée par Me Arnaud Z... de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Emilie F... de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 Février 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le LUNDI 19 MARS 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-José TEYSSIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; le délibéré prévu pour le 31mai 2018 ayant été prorogé au 7 juin 2018 puis au 21 juin 2018

- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Président de chambre, et par Madame Marie-José TEYSSIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

Les époux X..., propriétaires d'un immeuble sis [...] , ont confié à Monsieur A..., entrepreneur, assuré en responsabilité décennale auprès de la société Groupama, la réfection complète de la charpente et de la couverture avec réalisation d'un plancher bas au niveau des combles du dernier étage.

Ces travaux ont été tacitement réceptionnés le 23 décembre 2000.

Ayant constaté des désordres, les époux X... ont obtenu, par ordonnance de référé, la désignation de Monsieur B... en qualité d'expert le 20 septembre 2001, qui a préconisé une reprise des pannes faîtières par moisage et ces travaux ont été effectués par Monsieur A....

Les désordres sont réapparus en 2004 et l'expert de la société d'assurances Groupama a organisé une expertise amiable et contradictoire courant 2008.

Les époux X... n'ayant pas donné leur accord sur les travaux de réparation proposés, ont obtenu, par ordonnance de référé du 30 décembre 2008, la désignation de Monsieur C... qui a déposé son rapport le 20 mai 2009.

Par exploit du 26 février 2010 les époux X... ont assigné la société Groupama devant le tribunal de grande instance de Montpellier qui, par jugement du 23 janvier 2012, a de nouveau missionné Monsieur C... pour procéder à de nouvelles opérations en l'état des constatations de Madame D..., expert intervenu à la demande des époux X....

Par jugement du 13 mai 2013 le tribunal a rejeté les demandes relatives à la réfection des désordres de la charpente.

Les désordres persistant les époux X... ont à nouveau assigné la société Groupama Méditerranée le 9 juillet 2014 et le juge de la mise en état a désigné Monsieur C... par ordonnance du 27 janvier 2015.

En lecture du rapport déposé le 30 juillet 2015 le tribunal, par jugement du 8 janvier 2016, a rejeté la demande des époux X..., a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné les époux X... aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Les époux X... ont relevé appel de cette décision le 15 avril 2016.

Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 13 juillet 2016,

Vu les conclusions de la société Groupama Méditerranée remises au greffe le 25 août 2016,

Vu l'ordonnance de clôture du 26 février 2018,

MOTIFS

Le premier juge a constaté que les époux X... avaient assigné la société Groupama Méditerranée le 9 juillet 2014, soit quatre ans après l'expiration du délai de garantie décennale puisque la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 2000.

Il a relevé que le jugement du 13 mai 2013 avait décidé que les désordres affectant la charpente n'entraient pas dans le champ d'application de la garantie décennale et qu'ainsi les désordres actuellement constatés ne pouvaient être considérés comme de nature décennale puisqu'ils n'avaient pas revêtu ce caractère antérieurement à l'expiration du délai.

En conséquence les désordres objets de la présente instance ne constituaient pas des aggravations de désordres décennaux antérieurs.

Il convient de déterminer si les désordres, objets de l'assignation du 9 juillet 2014, constituent de nouveaux désordres pour lesquels la prescription de l'action est acquise ou s'ils sont l'aggravation de désordres déjà constatés.

Dans ce dernier cas il s'agirait de désordres évolutifs réalisés et dénoncés dans le délai d'épreuve décennal mais qui se sont aggravés et ont provoqué de nouveaux dommages postérieurement à l'expiration de ce délai et donc à un moment où la prescription aurait été acquise.

La prise en compte de désordres évolutifs dans le cadre de la garantie décennale suppose la réunion de trois conditions :

'les désordres initiaux doivent avoir été dénoncés dans le délai de garantie.

'La condition de gravité de l'article 1792 du code civil doit avoir été satisfaite avant l'expiration de garantie pour ces désordres initiaux.

' les nouveaux désordres doivent être l'aggravation ou la suite des désordres antérieurs.

Les désordres initiaux affectant la charpente et la couverture de l'habitation ont bien été dénoncés dans le délai de 10 ans à compter de la réception du 23 décembre 2000 et ce, par assignation de la société Groupama par les époux X... en date du 26 février 2010.

Il importe d'analyser le rapport d'expertise déposé par Monsieur C... le 30 juillet 2015 pour déterminer si ces désordres avaient une nature décennale avant l'expiration du délai d'épreuve et si les désordres actuellement constatés en sont l'aggravation ou la suite.

Le tribunal de grande instance de Montpellier, dans les motifs du jugement rendu le 13 mai 2013, a relevé que les désordres concernant la charpente ne portait pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et n'entraient pas dans le champ d'application de garantie décennale.

Mais dans le dispositif de sa décision le juge a seulement rejeté « comme irrecevables ou mal fondées toutes prétentions plus amples ou contraires » de ce qu'il a jugé concernant des désordres affectant la salle de bains et la noue.

Cette formule générale ne distingue pas les différentes demandes écartées et les motifs qui ont conduit à leur rejet.

Or l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et a été tranché effectivement dans son dispositif, les motifs de la décision n'ayant pas autorité de la chose jugée fussent-ils décisoires ou décisifs.

En conséquence la question de la nature des désordres affectant la charpente et la couverture de l'immeuble n'a pas été définitivement tranchée.

L'expert C..., dans son rapport déposé en 2015, affirme que les désordres entraînent une atteinte à la solidité de l'ouvrage et une impropriété à sa destination.

Il expose que précédemment l'expert B... et lui-même ne s'étaient pas interrogés sur le détail du mode constructif et notamment sur le support du pignon bâti en siporex et ne s'étaient donc pas préoccupés des charges appliquées sur cette ossature.

Cette vérification a été fournie par l'institut FC BA et le maître d''uvre Chantre qui ont relevé un sous-dimensionnement généralisé de cette charpente hors norme, non conforme aux règles de l'art, expliquant l'origine des désordres et leur aggravation.

Monsieur C... explique qu'il n'avait pas conclu à l'atteinte à la solidité de l'ouvrage dans ses précédents rapports puisqu'aucun calcul de charge pesant sur l'ossature n'avait été réalisé. Le sous- dimensionnement de la charpente n'a été révélé qu'au mois de juin 2014 lors du dépôt du rapport de l'institut FC BA.

L'expert précise que la maçonnerie en siporex est fracturée en raison de ce sous-dimensionnement et que les désordres ne sont pas liés à l'insuffisance des travaux de reprise préconisés par le premier expert M. B....

La poutre en bois du pignon est scellée dans la maçonnerie et n'a aucun support béton armé, ni linteau, ni chaînage.

L'atteinte à la solidité de l'ouvrage a imposé la prise de mesures conservatoires et donc la mise en place de nombreux étais à l'intérieur des pièces d'habitation.

En réponse aux dires des parties Monsieur C... précise qu'il n'y a pas lieu de distinguer la charpente proprement dite et le mur pignon siporex qui la supporte, lequel est une partie inséparable de la couverture.

L'ouvrage complet se compose de tuiles, de pannes mais également du pignon en siporex, lequel repose sur une structure bois, le tout constituant bien une seule couverture indissociable.

Ainsi cette charpente était sous-dimensionnée et non conforme aux règles de l'art depuis l'origine . Cette malfaçon avait déjà entraîné, en 2004,2006 et 2008, des déformations et des fléchissements de la couverture qui auraient conduit l'expert C... à conclure à une atteinte à la solidité et à une impropriété de l'ouvrage à sa destination s'il avait fait procéder utilement à un calcul des charges.

Les désordres constatés en 2015 par l'expert judiciaire ne sont donc pas des désordres nouveaux mais des désordres évolutifs qui sont l'aggravation et la conséquence des désordres initiaux de gravité décennale au sens de l'article 1792 du code civil et dénoncés dans le délai d'épreuve.

Ils sont imputables à l'entrepreneur A...,assuré en responsabilité décennale auprès de la société Groupama qui doit donc être condamnée au paiement des travaux de reprise.

L'expert a chiffré ces travaux à la somme non discutée par les parties de 66'271,83 €.

Dans ce montant l'expert a prévu la reprise des embellissements de 4 chambres mais la société Groupama, par jugement du 13 mai 2013, avait déjà été condamnée à payer au titre de ces travaux de reprise des dommages consécutifs aux infiltrations la somme de 2710,40 €TTC. L'intimée soutient que les travaux n'ont pas été engagés par les époux X..., ce que ces derniers ne contestent pas.

Il convient donc de déduire cette somme du coût global des reprises et la société Groupama sera condamnée à payer aux appelants la somme de 63'561,43 €TTC (66'271,83 €-2710,40 €) assortie de l'indexation en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 de la construction.

Elle devra également supporter au titre des préjudices matériels la somme de 450 € hors-taxes par mois au titre de la location des étais (somme prévue dans la facture de l'entreprise Villeneuve annexée au rapport d'expertise) à compter du 2 août 2015 jusqu'au 31 octobre 2018 afin de tenir compte d'un délai raisonnable pour la réalisation des travaux de reprise de la charpente.

Au titre des préjudices immatériels les appelants réclament la somme de 17'970 € en réparation du préjudice de jouissance résultant des traces d'infiltrations dans les pièces d'habitation et des mesures conservatoires mises en place.

L'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée par la société Groupama puisque le dispositif du jugement rendu le 13 mai 2013 ne tranche pas la question de la garantie des dommages immatériels.

La police d'assurance responsabilité décennale des constructeurs souscrite par François A... précise que la cotisation correspond à l'assurance décennale obligatoire et ne prévoit pas les montants de garantie des dommages immatériels.

Or il résulte des articles L241'1 et A 243'1 du code des assurances que l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages immatériels consécutifs aux désordres de l'ouvrage.

François A... n'avait pas souscrit cette garantie et en conséquence la demande de dommages et intérêts au titre des préjudices immatériels doit être rejetée.

Les époux X... demandent paiement de la somme de 25'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris les frais et honoraires de Monsieur Chantre, maître d''uvre et du bureau d'études FC BA, soit 5360 € et le coût des travaux de confortation réalisés par AG ingénierie pour la somme de 3360 €.

Les interventions de Monsieur Chantre et du bureau d'études FC BA ont été indispensables à la solution du litige. Les travaux de confortation réalisés par AG ingénierie en août 2014 ont empêché des dégradations supplémentaires de l'immeuble.Leur coût doit donc être intégré dans la somme allouée aux époux X... en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche le coût des étais installés par la société Villeneuve a déjà été comptabilisé par l'expert, en page 32 de son rapport,dans le montant des travaux de reprise, au titre des mesures conservatoires, et cette demande sera écartée.

Ainsi il conviendra d'allouer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 15'000 € aux époux X... pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Le jugement sera en conséquence infirmé en totalité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau,

Dit que les désordres affectant la charpente et constatés en 2015 sont des désordres évolutifs de nature décennale.

Dit que François A..., entrepreneur, est décennalement responsable des désordres affectant la charpente et la couverture de l'immeuble appartenant aux époux X....

Condamne en conséquence la société Groupama Méditerranée à payer aux époux X... les sommes suivantes :

- 63'561,43 €TTC au titre des travaux de reprise avec indexation de cette somme en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 de la construction depuis la date de dépôt du rapport d'expertise jusqu'au jour du paiement.

- 450 € hors-taxes par mois du 2 août 2015 au 31 octobre 2018 au titre de la location des étais.

Déboute les époux X... de leur demande en paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices immatériels de jouissance.

Condamne la société Groupama Méditerranée à payer aux époux X... la somme de 15'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel en ce compris le coût des interventions de Monsieur Chantre, du bureau d'études FC BA et d'AG ingénierie.

Condamne la société Groupama Méditerranée aux dépens de première instance et d'appel y compris le coût du constat d'huissier de la pose des étais et le coût taxé de l'expertise judiciaire et dit que ces dépens seront recouvrés par les avocats de la cause conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

BD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 16/03071
Date de la décision : 21/06/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°16/03071 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-21;16.03071 ?
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