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19/06/2018 | FRANCE | N°15/08943

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 19 juin 2018, 15/08943


Grosse + copie

délivrées le

à





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 19 JUIN 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08943



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 NOVEMBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/02125





APPELANTE :



Madame Anne X... Veuve Y...

née le [...] à MONTPELLIER (34000)

(DECEDEE LE [...])

de nationalité Française

[...]

reprÃ

©sentée par Me C... B... de la SCP MARTY-BENEDETTI-BALMIGERE-B..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES





INTIMEE :



Madame Corinne Z...

née le [...] à LAON (02000)

de nationalité Française

[...]

[...]

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 19 JUIN 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08943

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 NOVEMBRE 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/02125

APPELANTE :

Madame Anne X... Veuve Y...

née le [...] à MONTPELLIER (34000)

(DECEDEE LE [...])

de nationalité Française

[...]

représentée par Me C... B... de la SCP MARTY-BENEDETTI-BALMIGERE-B..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame Corinne Z...

née le [...] à LAON (02000)

de nationalité Française

[...]

[...]

représentée et assistée de Me Yann MERIC, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/2110 du 23/03/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTERVENANTS en reprise d'instance :

Monsieur Diego A... X... représenté par son père Annibal A... en qualité d'héritier de Madame Anne Y...

né le [...] à PERPIGNAN (66000)

de nationalité Française

[...]

représenté par Me C... B... de la SCP MARTY-BENEDETTI-BALMIGERE-B..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Monsieur Annibal A...

né le [...] à BUENOS AIRE ARGENTINE

de nationalité Française

[...]

représenté par Me C... B... de la SCP MARTY-BENEDETTI-BALMIGERE-B..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Avril 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MAI 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée auprès du Premier président de la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n° 2017/247-vpp du 11 décembre 2017

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 23 février 2013, Anne Y... a loué à Corinne Z... un local commercial pour une durée de neuf mois.

Par acte d'huissier du 3 mai 2014, au motif que le local loué était affecté d'humidité et impropre à son activité commerciale d'esthétique, Corinne Z... a fait assigner Anne Y... devant le Tribunal de grande instance de Perpignan en paiement de la somme de 12.000 € au titre de la perte du chiffre d'affaires et de celle de 3.000 € au titre de son préjudice distinct.

Le jugement rendu le 16 novembre 2015 par le Tribunal de grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

'Condamne Anne Y... à verser à Corinne Z... la somme de 10.000 € à titre de dédommagement du préjudice économique total subi.

'Déboute Corinne Z... de sa demande formée au titre du préjudice distinct.

'Déboute Anne Y... de ses demandes reconventionnelles formées au titre des loyers impayés et des dommages et intérêts.

'Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.

'Constate que Corinne Z... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

'Condamne Anne Y... aux entiers dépens et à verser à Me MERIC la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions de l'article 37 de la loi n°91-647.

Le jugement expose qu'en vertu des articles 1719 et 1720 du Code civil, le bailleur est tenu d'une obligation de délivrance lui imposant de livrer des biens conformes à l'usage auquel ils sont destinés, en bon état de réparations, sans qu'il soit nécessaire de le mettre en demeure de remplir cette obligation avant d'engager toute action.

Il ajoute qu'aucune clause contractuelle ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrance de la chose louée elle-même, c'est-à-dire de la chose définie au bail et de ses accessoires indispensables à une utilisation normale des lieux. Ainsi la clause du bail stipulant que « le locataire prendra les locaux loués dans l'état où ils se trouveront lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucun travail de remise en état ou de réparation » ne permet pas au bailleur de s'affranchir de son obligation de délivrance. Par ailleurs, la clause autorisant exclusivement l'activité de prothésiste ongulaire établit que la volonté des parties était la délivrance d'un local permettant une telle exploitation.

Le jugement constate qu'il résulte des photographies produites que les locaux loués étaient affectés d'importantes traces de moisissures attestant de la présence d'une très forte humidité. Dès lors, les locaux étaient incompatibles avec une activité de prothésiste ongulaire s'adressant à une clientèle féminine attentive aux conditions d'accueil.

N'étant pas en mesure d'exercer son activité professionnelle dans le local litigieux, Corinne Z... a versé inutilement la somme de 1.550 € au titre des loyers et a aménagé à pure perte les locaux loués, ce qui justifie une indemnisation de son préjudice économique à hauteur de 10.000 €.

En revanche le premier juge considère que la preuve n'est pas rapportée d'un préjudice distinct résultant d'une intrusion dans les lieux loués d'Anne Y....

Enfin il rejette la demande reconventionnelle de la bailleresse en paiement des loyers et de dommages et intérêts, considérant qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de délivrance.

Anne Y... a formé appel du jugement par déclaration au greffe du 27 novembre 2015.

Anne Y... est décédée le [...]. Son héritier Diego A... X..., représenté par son père Annibal A..., a repris l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du

16 avril 2018.

Les dernières écritures pour Diego A... X... ont été déposées le 13 avril 2018.

Les dernières écritures pour Corinne Z... ont été déposées le

13 décembre 2017.

Le dispositif des écritures pour Diego A... X... énonce :

'Réformer purement et simplement le jugement entrepris.

'Rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes présentées par Corinne Z... à l'encontre d'Anne Y....

'Condamner Corinne Z... à payer à Diego A... X..., représenté par son père Annibal A..., la somme de 2.686 € au titre des loyers impayés.

'Condamner Corinne Z... au paiement de la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédures abusives.

'Condamner Corinne Z... au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Diego A... X... soutient que Corinne Z... n'apporte pas la preuve des faits allégués et se contente de produire des photographies qu'elle a elle-même prises sans avoir fait établir de constat d'Huissier de justice. Il estime que la chaux a été grattée sur les murs pour faire croire à de la moisissure. Il conteste les attestations versées par Corinne Z... et en produit une d'un artisan commerçant de la galerie attestant qu'aucun signe d'humidité n'est constaté.

Diego A... X... soutient que Corinne Z... n'a jamais fait état de désordres durant le bail, alors même que l'article 3 des conditions du bail oblige le preneur à prévenir le bailleur sans aucun retard de toute réparation nécessaire à la charge du bailleur.

Il soutient encore que Corinne Z... ne rapporte pas la preuve d'une prétendue perte de chiffre d'affaires en ne produisant aucun document comptable.

Diego A... X... sollicite reconventionnellement le paiement des loyers impayés pour un montant total de 2.686 €, ainsi que la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au vu de la mauvaise foi de Corinne Z....

Le dispositif des écritures pour Corinne Z... énonce :

'Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné Anne Y... au paiement de la somme de 10.000 € de dommages et intérêts au titre de la perte du chiffre d'affaires.

'Confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné Anne Y... aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en faisant application de l'article 37 de la loi n°91-647.

'Constater que Corinne Z... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

'Condamner Diego A..., représenté par Annibal A... en sa qualité d'héritier d'Anne Y... au paiement des entiers dépens et de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, en faisant application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Corinne Z... soutient que dès le mois de juin 2013 des traces d'humidité ont été constatées, altérant la peinture intérieure du local et générant de fortes odeurs d'humidité. Cela a eu pour effet d'indisposer la clientèle et ainsi d'altérer directement son activité commerciale.

Elle ajoute que des chèques en paiement du loyer se sont avérés impayés en raison de ces difficultés commerciales.

Corinne Z... expose avoir informé oralement Anne Y... de ces désordres avant de se rapprocher d'un avocat en raison de l'absence de réaction de la bailleresse face à la situation.

MOTIFS

Il est constant que par un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux, Anne Y... a loué à Corinne Z... un local sis dans la galerie marchande [...] pour une durée de neuf mois débutant le 1er avril 2013 moyennant un loyer annuel de 4 186 € TTC payable en quatre fois selon les modalités suivantes:

-1 000 € le 23 février 2013,

-1 000 € le 1er mai 2013,

-1 000 € le 1er juin 2013,

-1 186 € le 1er juillet 2013.

Il n'a pas été établi d'état des lieux d'entrée.

Il n'est pas contesté que la locataire a réglé au titre de la location la somme globale de 1 5000 € en espèces outre 50 € de charges.

Sur le non respect de l'obligation de délivrance par la bailleresse:

Il est en outre constant comme rappelé par le premier juge qu'en application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée pour l'usage auquel elle doit servir, et qu'il ne peut par le biais d'une clause contractuelle stipulant que le preneur prend les lieux en l'état se libérer de cette obligation. Il appartient toutefois au preneur de rapporter la preuve du non respect de l'obligation de délivrance par son bailleur.

En l'espèce Corinne Z... soutient que la bailleresse a manqué à son obligation de délivrance en lui louant un local présentant des problèmes d'humidité et de moisissures et que ce non respect de l'obligation de délivrance lui a causé un préjudice économique.

Il ressort toutefois des pièces produites que contrairement à ce qui a été retenu par le jugement dont appel que le non respect par le bailleur de son obligation de délivrance n'est pas démontré.

En effet si Corinne Z... verse au débat des photographies dont il n'est pas contesté par la bailleresse qu'elles ont été prises dans le local il n'est pas possible de savoir à quelle date ces photographies ont été prises, ce d'autant que ce n'est que le 3 septembre 2013 par l'intermédiaire de son conseil que Corinne Z... s'est plainte pour la première fois auprès de son bailleur de problèmes d'infiltrations et du non respect de l'obligation de délivrance, date à laquelle elle avait déjà cessé son activité dans les lieux loués selon ses propres écritures.

Si Corinne Z... verse aux débats des attestations de tiers et notamment de clientes faisant état de problèmes d'humidité et de moisissures elles ne permettent pas de retenir que ces problèmes soient apparus avant juin 2013 et elles se trouvent en outre combattus par des attestations adverses.

Enfin il n'est produit par Corinne Z... aucun élément permettant de connaître l'origine et la date d'apparition de ces problèmes, et donc de déterminer si ils sont imputables au non respect par la bailleresse de son obligation de délivrance.

Enfin Corinne Z... soutient que ces problèmes d'humidité auraient engendré un préjudice économique altérant son activité commerciale dès le mois de juin et plus sérieusement dans le courant du mois de juillet et août 2013.

Cependant elle ne produit au débat aucun élément comptable et objectif sur ce point tel que par exemple le chiffre d'affaires escompté et celui réalisé.

De la même façon il a été retenu par le jugement entrepris qu'elle avait subi un préjudice en aménageant en pure perte des locaux dans lesquels elle n'avait pas pu exercer son activité, alors qu'il n'est pas produit la moindre preuve de cet aménagement des locaux et du coût engendré ni même une estimation.

Par conséquent en l'état de ces éléments la cour infirmant le jugement de première instance déboute Corinne Z... de sa demande en réparation d'un préjudice économique.

Sur la demande en paiement des loyers:

Il a déjà été observé qu'il n'est pas contesté que Corinne Z... sur un loyer contractuellement fixé à la somme de 4 186 € TTC n'a réglé qu'un montant total de 1500 €.

Contrairement à ce qui a été jugé en première instance il ne peut être considéré que la demande en paiement du solde de loyers n'est pas fondée dans la mesure où la cour n'a pas retenu le défaut de délivrance, et dans celle où il n'est pas invoquée ni démontrée l'exception d'inexécution.

Toutefois la cour relève que la somme de 4 186 € prévue contractuellement fixée correspond à une occupation du local loué pendant neuf mois alors qu'il ressort des écritures même de la bailleresse que les locaux ont été libérés au plus tard fin août 2013 et que la bailleresse ne s'est pas opposée à cette libération.

Il convient par conséquent de considérer que la locataire n'est tenue au paiement des loyers qu'au prorata de son occupation des lieux soit pendant 5 mois avec déduction de la somme de 1 500 € déjà versée et qu'elle reste donc redevable de la somme suivante:

(4 186/9) x 5 = 2 325,55 - 1 500 = 825,55€.

Par conséquent la cour infirmant sur ce point le jugement dont appel, condamne Corinne Z... à payer la somme de 825,55 € au titre de l'arriéré locatif.

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédures abusives:

L'exercice d'une action en justice ou l'exercice d'une voie de recours constitue en principe un droit ne dégénérant en abus qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En outre une procédure ne peut être abusive au seul motif qu'elle n'est pas bien fondée si l'intention de nuire n'est pas démontrée.

Or en l'espèce la preuve de la mauvaise foi ou de l'intention de nuire de Corinne Z... n'est pas suffisamment démontrée.

Par conséquent la décision de première instance déboutant Anne Y... de sa demande de dommages et intérêts ne pourra qu'être confirmée.

Sur les demandes accessoires:

La décision de première instance devra être infirmée en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par conséquent il convient de condamner Corinne Z... au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de première instance et de celle en appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe.

Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Perpignan en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Anne Y... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

S'y substituant pour le reste et y ajoutant,

Déboute Corinne Z... de sa demande en dédommagement du préjudice économique.

Condamne Corinne Z... à payer à Diego A..., représenté par Annibal A... en sa qualité d'héritier d'Anne Y... la somme de 825,55 € au titre des loyers impayés.

Condamne Corinne Z... au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Corinne Z... aux entiers dépens de la procédure de première instance et de celle en appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

MM/NA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/08943
Date de la décision : 19/06/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°15/08943 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-19;15.08943 ?
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