SD/JF/RB
4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 30 MAI 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 18/00372
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 FEVRIER 2013 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PYRENEES-ORIENTALES - N° RG 20901079
APPELANT :
Monsieur X... Y...
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Comparant en personne
INTIMES :
CPAM DES PYRENEES ORIENTALES
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Représentant : Mme Claire Z... (Repésentante de la CPAM) en vertu d'un pouvoir du 3 avril 2018
Société CONFORT LOISIRS VERGES
BP 4117 -
875, Avenue de l'Industrie
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Représentant : Maître Marine BONNET substituant Sylvain A... de la B..., avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur I... C... venant aux droits de la D... (AUDIO VIDEO SERVICE)
[...]
Représentant : Maître H... de la SELARL SAINT-MICHEL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 AVRIL 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffière
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Le 9 janvier 2004, M. X... Y..., salarié de la société E... I... C... en qualité d'électrotechnicien adresse à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Pyrénées-orientales une déclaration de maladie professionnelle mentionnant une « diplopie ».
Le 11 mai 2006, M. Y..., salarié de la société Confort loisirs Verges en qualité de technicien du service après vente, adresse à la CPAM des Pyrénées-orientales une seconde déclaration de maladie professionnelle mentionnant une 'Diplopie exotropie'.
Le 13 septembre 2006, la CPAM refuse de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle au motif que la maladie hors tableau bénéficie d'un taux d'incapacité permanente inférieure à 25 % excluant de facto, dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, l'examen du dossier par le comité de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Le 16 juin 2008, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier saisi d'un recours en contestation de M. Y... dit que sa maladie justifie un taux d'IPP de 25 % à la date du 13 septembre 2006 et doit être soumise à l'examen du CRRMP de ce fait.
Par avis du 27 février 2009, le CRRMP de Montpellier conclu que : « il n'existe pas de lien, ni direct ni essentiel, de causalité entre la profession habituellement exercée par M. X... Y... et la pathologie sévère dont il se plaint, à savoir une diplopie ».
Le 24 mars 2009, la CPAM notifie a Monsieur X... Y... le refus de prise en charge de sa maladie au titre de l'article L461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale.
Le 23 octobre 2009 sur saisine du 22 avril 2009, la commission de recours amiable de la caisse rejette la contestation de M. Y... portant sur le caractère professionnel de sa maladie du 11 mai 2006.
Le 29 juillet 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées-orientales saisi le 17 novembre 2009, désigne avant-dire droit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Toulouse lequel a par avis du 8 novembre 2011 conclut qu'il n'existe pas de lien direct et essentiel entre la pathologie présentée par M. Y... et l'exercice habituel de sa profession.
Le 1er février 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées orientales déboute M. Y... de l'intégralité de ses demandes, met hors de cause la SA Confort loisirs verges et condamne M. Y... à payer à I... C... la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 13 mars 2013, M. Y... interjette régulièrement appel.
Le 16 septembre 2015, par arrêt avant dire droit, la Cour d'Appel de Montpellier désigne pour avis, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Marseille.
Le 26 octobre 2016, l'affaire est radiée du rôle en raison d'un défaut de diligence de l'appelant et indique qu'il appartient à la CPAM de réinscrire cette affaire dès réception du rapport du CRRMP sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse.
Le 22 janvier 2018, l'affaire est réinscrire au rôle suite à une correspondance de l'appelant. Il demande à la Cour:
- à titre principal, de dire qu'il est en droit de bénéficier de la prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle au regard de ses fonctions d'électrotechnicien au sein de la société E... (I... C...) et condamner la CPAM des Pyrénées orientales sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- à titre subsidiaire, de désigner un troisième comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle.
La CPAM des Pyrénées orientales demande à la Cour:
- à titre principal, de débouter M. Y... de l'ensemble de ses demandes au regard, notamment, des avis du CRRMP de Montpellier et de Toulouse, et confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
-à titre subsidiaire, de demander injonction de la Cour au CRRMP de communiquer le rapport ou de s'exécuter si la diligence n'a pas été accomplie et prononcer un sursis à statuer sur le fond dans l'attente d'un nouvel avis du CRRMP.
La SAS Confort Loisirs Verges, employeur de M. Y... lors de la déclaration de maladie professionnelle du 11 mai 2006, demande à la Cour :
- à titre principal, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'avis rendu par le CRRMP de Marseille ;
- à titre subsidiaire, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et prononcer la mise hors de cause de la société Confort Loisirs en faisant valoir que, d'une part, l'appelant ne formule aucune demande à son encontre et, d'autre part, qu'il n'existe aucun lien entre la pathologie présentée par l'appelant et l'exercice de sa profession exercée en son sein ;
- en tout état de cause, de condamner M. Y... à lui payer la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. I... C... venant aux droits de la société (sarl) Audiovidéo services (E...), employeur de M. Y... du 1er juillet 1999 au 19 août 2005 et mis en cause par ce dernier, demande à la Cour :
- à titre principal de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- à titre subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer sur le fond dans l'attente d'un nouvel avis du CRRMP ;
- en tout état de cause, de condamner M. Y... à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault et aux conclusions notifiées par les parties, auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats du 5 avril 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Sans pouvoir mettre hors de cause une partie assignée, il sera observé que les parties ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Confort Loisirs Vergés.
1) sur le caractère professionnel de la « diplopie »
Selon l'article L461-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L434-2 et au moins égal à 25 %.
Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse. Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.
Les avis rendus par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne s'imposant pas aux juges du fond, ils doivent nécessairement apprécier la valeur et la portée de l'ensemble des éléments soumis à leur examen.
En l'espèce, M. Y... conteste les avis du CRRMP de Montpellier et de Toulouse concluant qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et essentiel entre sa pathologie dénommée « diplopie » et son travail habituel au motif qu'ils n'auraient pas tenu compte de l'intégralité de son dossier médical et administratif.
Il soutient, en premier lieu, que le CRRMP de Montpellier se serait prononcé qu'au seul regard de ses fonctions de technicien de service après vente exercées au sein de la société Confort Loisirs Vergés sans prendre en considération les éléments relatifs à son activité d'électrotechnicien au sein de la société E... I... C... du 1er juillet 1999 au 19 août 2005.
S'il ressort de l'enquête médico-administrative diligentée par la CPAM des Pyrénées-orientales que seule la société Confort Loisirs Vergés, employeur de M. Y... lors de la déclaration de maladie professionnelle du 11 mai 2006, a été interrogée par l'agent enquêteur, le dossier médical de l'assuré transmis au CRRMP de Montpellier comportait, notamment :
- la reconstitution de carrière faisant mention des précédentes activités exercées par Monsieur X... Y... l'ayant exposé aux risques :
* Employeur: Labo TVC, Poste de travail : Atelier de maintenance et de clientèle , période du 1er mars au 31 octobre 1989 ;
* Employeur : Labo service TV, Poste de travail : atelier de maintenance électronique, période du 30 octobre 1989 au 22 novembre 1994 ;
* Employeur : Aime (Insa), Poste de travail : salle blanche de microélectronique, période de juin 1995 au 13 juillet 1997 ;
* Employeur : E... C..., poste de travail : atelier de maintenance et chantiers du 1er juillet 1999 au 19 août 2005 ;
- la fiche du colloque médical établie le 24 août 2006 par le médecin conseil de la CPAM fixant la date de première constatation médicale de la pathologie au 17 novembre 2003 soit, une date à laquelle M. Y... était salarié de la société E... I... C....
Par ailleurs, l'avis du CRRMP de Montpellier révèle que pour apprécier le rapport de causalité de l'affection soumise à instruction et les expositions incriminées, les éléments suivants ont été pris en compte :
- le questionnaire du salarié aux termes duquel il précise que ses missions consistent à rechercher des pannes sur des cartes électroniques avec pointes fines et matériel adéquat et remplacer les composants électroniques avec poste à souder, flux décapant, soudure et flux de nettoyage ce qui nécessitait un travail de minutie et de précision avec une observation de très près (10cm) ;
- l'avis du Docteur F... médecin du travail indiquant, notamment, que le salarié « était exposé au risque dans l'entreprise C... = démontage de cartes électronique et soudure de précision avec utilisation d'une grosse loupe. Commentaires : devrait être reconnu comme MP (les établissement VERGES ont reclassé ce salarié en tant que travailleur handicapé et ne sont pas à l'origine de cette MP) » ;
- l'avis de l'ingénieur conseil indiquant notamment que si « la description du travail habituel met en évidence des sources de fatigue visuelle (minutie des travaux, taille des objets) »,« aucun élément du dossier ne permet d'établir que la victime ait été exposée à des agents chimiques dont le rôle dans la maladie déclarée apparaît dans la bibliographie : le monoxyde de carbone et le plomb».
Au travers de l'ensemble de ces éléments médico-administratifs, il est donc établit que le CRRMP de Montpellier a bel et bien pris en considération les données relatives au poste d'électrotechnicien exercé par l'assuré au sein de la société E... I... C..., dernier employeur l'ayant exposé au risque avant la constatation médicale de sa pathologie.
Il n'y a donc pas lieu d'écarter l'avis émis par le CRRMP du 27 février 2009 concluant qu'il n'existe pas de lien ni direct ni essentiel de causalité entre la profession habituellement exercée par M. Y... et la pathologie sévère dont il se plaint.
En outre, l'assuré ne démontre pas que le CRRMP de Toulouse se serait prononcé le 8 novembre 2011, dans le même sens que le CRRMP de Montpellier, sans prendre connaissance de l'intégralité des éléments qui lui étaient soumis, le certification établi par le professeur W. G... du 24 mai 2012 ayant été produit, postérieurement, à cet avis.
En tout état de cause, lorsque le professeur W. G... déclare, au sein du certificat précité, que l'affectation de M. Y... serait d'origine professionnelle il ne se prononce qu'eu égard à la description du poste effectuée par la victime elle-même et, reprend, en substance les éléments mentionnés au sein du certificat du 11 décembre 2003, déjà pris en considération par le CRRMP de Montpellier et de Toulouse.
Dès lors, cet élément ne peut suffire à remettre en cause les avis clairs, précis et non ambiguës rendus par le CRRMP de Montpellier et de Toulouse concluant qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel de M. Y... et sa pathologie.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner la saisine d'un troisième CRRMP de Montpellier et l'assuré sera débouté de sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu l'arrêt avant dire-droit de la Cour d'Appel de Montpellier du 16 septembre 2015 ;
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Hérault du 1er février 2013 sauf en ce qu'il a condamné M. Y... à verser 500 € à M. I... C... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT