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30/05/2018 | FRANCE | N°14/03377

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème b chambre sociale, 30 mai 2018, 14/03377


SD/SA

























































4ème B chambre sociale



ARRÊT DU 30 MAI 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03377



Arrêt n° :



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2014 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PERPIGNAN - N° RG 21100784





APPELANTE :



SARL EXPRESSO COURSES

[...]

Représentant : Maître Joseph X..., avocat au barreau D'ESSONNE







INTIMEE :



URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON

[...]

Représentant : Maître Franck Y... de la SCP DORIAVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 05 AVRIL ...

SD/SA

4ème B chambre sociale

ARRÊT DU 30 MAI 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03377

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 AVRIL 2014 - TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PERPIGNAN - N° RG 21100784

APPELANTE :

SARL EXPRESSO COURSES

[...]

Représentant : Maître Joseph X..., avocat au barreau D'ESSONNE

INTIMEE :

URSSAF LANGUEDOC ROUSSILLON

[...]

Représentant : Maître Franck Y... de la SCP DORIAVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 AVRIL 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet

Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller

Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffière

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, exerçant les fonctions de Président, spécialement désigné à cet effet et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

La SARL EXPRESSO COURSES qui exerce une activité de transport routier de fret interurbain, au sein de trois établissements situés respectivement à Cabestany, Narbonne et Colomiers, a fait l'objet d'un contrôle diligenté par les services de l'URSSAF portant sur la période 2007 et 2008.

À l'issue de ce contrôle, une lettre d'observation a été établie, le 30 décembre 2009, au titre de chacun des établissements vérifiés et notifiée à la société le 5 janvier 2010.

Cette dernière a contesté les redressements envisagés par courrier du 26 février 2010.

L'URSSAF a notifié à la société deux mises en demeure concernant son [...] :

-la première en date du 12 novembre 2010, pour un montant de 39.998 € correspondant à un rappel de cotisations dues au titre des années 2007 et 2008 et aux majorations de retard ;

-la deuxième en date du 25 novembre 2010, pour un montant de 145.013 € portant sur un rappel de cotisations dues au titre de l'année 2009 et majorations de retard.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2010, la SARL EXPRESSO COURSES a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF des Pyrénées Orientales, laquelle, par décision du 15 septembre 2011, a confirmé le redressement.

Le 6 décembre 2011, la société a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées Orientales, lequel, par jugement du 18 avril 2014, a :

-confirmé la décision implicite de la commission de recours amiable de l'URSSAF Languedoc-Roussillon ;

-dit régulières les mises en demeure des 12 et 25 novembre 2010 ;

-condamné la SARL EXPRESSO COURSES à payer à l'URSSAF Languedoc-Roussillon la somme de 39.998 € ;

-débouté la SARL EXPRESSO COURSES de ses demandes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue au greffe le 2 mai 2014, la SARL EXPRESSO COURSES a interjeté appel de ce jugement.

Au soutien de son appel, elle expose qu'elle a répondu dans les délais à la lettre d'observation que lui a notifiée l'URSSAF le 30 décembre 2009 ; que celle-ci ne pouvait pas lui adresser de mise en demeure de payer tant qu'elle n'avait pas répondu aux remarques formulées dans son courrier du 26 février 2010, de sorte que la mise en demeure du 12 novembre 2010 est nulle et de nul effet, ainsi que les opérations de contrôle et de redressement elles-mêmes.

Elle ajoute que la mise en demeure du 25 novembre 2010 porte sur l'année 2009, laquelle n'a fait l'objet d'aucun contrôle ; qu'elle ne mentionne pas la cause, ni la nature de ce redressement, de sorte qu'elle était dans l'impossibilité de savoir à quoi correspondent les cotisations complémentaires qui lui sont réclamées et encore moins de connaître les modalités de calcul de ces cotisations.

Elle considère donc qu'en raison de l'imprécision du motif de mise en recouvrement, cette mise en demeure est également nulle, ainsi que les opérations de contrôle et de redressement elles-mêmes. Subsidiairement, elle soutient qu'elle remplit les conditions d'activité pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique de 20 % pour son établissement exploité dans les Pyrénées Orientales.

Elle demande par conséquent à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de :

-déclarer nulle et de nul effet la mise en demeure du 12 novembre 2010, laquelle a été adressée en violation des dispositions du 5ème paragraphe de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale ;

-déclarer nulle et de nul effet la mise en demeure du 25 novembre 2010 comme ayant été établie en violation des dispositions des articles L 244-2 et R 244-1 (dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2017) du code de la sécurité sociale ;

-en conséquence, déclarer nulle et de nul effet, l'ensemble des opérations de contrôle et de redressement elles-mêmes ayant conduit à l'envoi des dites mises en demeure;

Subsidiairement et si par impossible la Cour devait conclure à la validité des dites mises en demeure :

-dire et juger que les conditions d'activité pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifiques sont remplies par la société EXPRESSO COURSES pour son établissement exploité dans les Pyrénées Orientales ;

-en tirer toutes les conséquences de droit, notamment au regard de la détermination des réductions Fillon pour son établissement exploité dans les Pyrénées Orientales;

-en conséquence, dire et juger mal fondés l'ensemble des redressements notifiés par l'URSSAF des Pyrénées Orientales en date du 30 décembre 2009 ;

-débouter l'URSSAF des Pyrénées Orientales de l'ensemble de ses demandes ;

-condamner l'URSSAF des Pyrénées Orientales au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au dépens.

En réplique, l'URSSAF de Languedoc-Roussillon indique que la lettre observation du 30 décembre 2009 a été notifiée à l'appelante le 5 janvier 2010 ; que celle-ci disposait d'un délai de 30 jours expirant donc le 5 février 2010 pour contester cette lettre et qu'en l'absence de réponse de la société dans le délai de 30 jours, elle pouvait engager la mise en recouvrement des cotisations, de sorte que la mise en demeure du 12 novembre 2010 est parfaitement régulière.

Surabondamment, elle fait remarquer qu'elle a répondu à la société par courriers des 8 avril et 29 septembre 2010.

S'agissant de la mise en demeure du 25 novembre 2010, elle précise qu'elle concerne le calcul erroné de la réduction Fillon par la société au cours de l'année 2009 et qu'elle est régulière, puisqu'elle précise la cause, le montant des cotisations réclamées en principal et majoration de retard, de même que la nature et la période concernée, le tout permettant au débiteur d'avoir une parfaite connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations.

Sur le fond, elle estime que les contestations de la société ne sont pas justifiées.

Elle demande par conséquent à la cour de :

-confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

-débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner l'appelante au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs écritures auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 5 avril 2018.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur la validité de la mise en demeure du 12 novembre 2010 :

Conformément à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment du contrôle, l'employeur ou le travailleur indépendant dispose d'un délai de 30 jours pour répondre aux observations des inspecteurs de l'URSSAF. Lorsqu'il a répondu avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, majorations et pénalités faisant l'objet du redressement, ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

En l'espèce, la lettre d'observation du 30 décembre 2009 a été notifiée à la société le 5 janvier 2010.

Celle-ci établit que par courriel du 29 janvier 2010, son conseil a sollicité un délai jusqu'au 26 février suivant pour répondre aux observations de l'URSSAF, délai qui lui a été accordé par l'inspecteur du contrôle, suivant courriel du 8 février 2010.

Ainsi, la lettre que la société a adressée à l'URSSAF le 26 février 2010 pour contester le redressement envisagé est intervenu dans les délais, de sorte que la mise en recouvrement des cotisations, majorations et pénalités de retard faisant l'objet du redressement ne pouvait pas intervenir avant que l'inspecteur ait répondu aux observations de l'employeur.

Or, le 12 novembre 2010, l'URSSAF a mis en recouvrement les cotisations faisant l'objet du redressement sans avoir répondu aux observations de la société, dans la mesure où les courriers qu'elle lui a adressées les 8 avril et 29 septembre 2010 ne sauraient être considéré comme des réponses aux observations de la société.

En effet, la lettre du 8 avril 2010 est ainsi rédigée : «[']J'accuse réception de votre courrier du 26/02/2010 aux termes duquel vous faites part de vos observations suite au contrôle de votre entreprise.

J'ai pris bonne note que vous remettez en cause :

-la régularisation effectuée au titre de la déduction forfaitaire spécifique de

20% appliquée sur les rémunérations des chauffeurs

-les primes de paniers allouées aux manutentionnaires du site de Toulouse.

Pour faire suite à ma visite du 6 avril 2010, je vous précise que je vous communiquerai dès que possible la décision qui sera prise sur la suite à donner à vos observations.[']»

Ainsi, si l'inspecteur du recouvrement a noté dans ce courrier les observations de la société, il n'y répond pas.

S'agissant de la lettre du 29 septembre 2010, elle est rédigée en ces termes : «[']Suite à mon appel téléphonique de ce jour et suite à votre contestation concernant l'application de l'abattement forfaitaire sur les rémunérations des livreurs, je dois examiner la situation des personnes concernées.

En conséquence, je vais faire un sondage sur le mois d'octobre 2018 sur leurs déplacements.

Il convient donc pour chacun des livreurs concernés et payés en octobre 2008 de me produire les états détaillés de leurs déplacements avec les justificatifs à l'appui soit notamment les fiches de déplacement remplies par le salarié comportant le kilométrage effectué par jour, à compléter par les lieux de déplacements, la tournée effectuée si elle est identique tous les jours, le contrat avec le fournisseur confirmant la tournée, les justificatifs des frais de déplacement (péages, restaurant, fiches clients, etc....).

Sur ce dernier point j'ai bien noté que le carburant était fourni par une cuve sur place à Cabestany et qu'ils ne prenaient pas l'autoroute pour se rendre à Narbonne.

A toutes fins utiles, et compte tenu des délais nécessaires à l'examen de votre dossier, je vous précise que nous devons vous adresser la mise en demeure se rapportant à la dette intialement chiffrée, et ce, à titre conservatoire.

Je vous tiendrais informé dès que possible de la suite donnée à votre dossier.[']»

Il ressort de ce courrier que l'inspecteur de contrôle n'a pas répondu aux observations de la société, puisqu'il a indiqué qu'il souhaitait préalablement effectuer des investigations supplémentaires. Or, aucune réponse n'a été donnée aux observations de la société, postérieurement à cette lettre.

Il s'ensuit que la mise en demeure de payer notifiée à la société le 12 novembre 2010, sans qu'aucun élément de réponse n'ait été préalablement opposé à ses observations, est nulle, ainsi que le contrôle et la procédure subséquente qui ont donné lieu à la mise en demeure entachée de nullité.

La décision déférée sera donc infirmée.

Sur la validité de la mise en demeure du 25 novembre 2010 :

Selon l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au moment des faits, la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

En l'espèce, il est indiqué dans la mise en demeure du 25 novembre 2010 à la rubrique 'motif de mise en recouvrement' la mention suivante : «cotisations complémentaires suite conditions d'exonération non remplies» et à la rubrique 'période' : 'année 09".

Ces mentions ne sauraient être considérées comme suffisantes pour permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et ce, d'autant plus que cette mise en demeure n'a pas été notifiée suite à un contrôle et n'a pas été précédée de l'envoi d'une lettre d'observation.

Il convient par conséquent de constater que la mise en demeure du 25 novembre 2010 est nulle et d'infirmer la décision déférée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Pyrénées Orientales en date du 18 avril 2014.

Statuant à nouveau,

Déclare nulles et de nul effet la mise en demeure du 12 novembre 2010 et celle du 25 novembre 2010.

Annule les opérations de contrôle et de redressement opérées par l'URSSAF du Languedoc-Roussillon auprès de la SARL EXPRESSO COURSES, ayant conduit à l'envoi des dites mises en demeure.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispense l'URSSAF du Languedoc-Roussillon du paiement du droit prévu à l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème b chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/03377
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 40, arrêt n°14/03377 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;14.03377 ?
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