AV/GL
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème A chambre sociale
ARRÊT DU 09 Mai 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07070
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MAI 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RGF12/00019
APPELANTE :
Société HYDROKARST, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me CHARBIT, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Laetitia POUJAUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
Monsieur [W] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me MENVIELLE, avocat au barreau d'AVIGNON substituant Me Serge BILLET, avocat au barreau d'AVIGNON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 FEVRIER 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre et Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Georges LEROUX, Président de chambre
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;
- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
M. [S] [W] était engagé par la Société HYDROKARST par contrat à durée indéterminée le 3 juillet 2000 en qualité de conducteur de travaux, position V, échelon I, catégorie A, coefficient 680.
Il était affecté dans un premier temps au sein d'un établissement secondaire à [Localité 1] » puis dans un autre établissement situé [Adresse 3].
L'avenant du 13 août 2002 le positionnait au poste de « chargé de projet» échelon 2, catégorie B, position II, coefficient 120 de la grille conventionnelle des salaires des travaux publics, et il était chargé d'exécuter les tâches figurant à la « fiche de fonctions rattachée au poste» et percevait un salaire brut mensuel de 2532.03 ?.
Par avenant en date du 24 février 2004, M. [W] [S] était affecté au poste de «directeur d'agence » avec prise d'effet rétroactive au 1er janvier 2004 et un salaire de 3392 ? bruts mensuels pour 151, 66 heures.
Le 7 février 2011, M. [W] [S] faisait l'objet d'un licenciement pour motif économique.
M. [S] saisissait le conseil de prud'hommes de CARCASSONNE le 27 janvier 2012 pour notamment contester son licenciement.
Par jugement du 14 mai 2014, le conseil de prud'hommes disait que la procédure de licenciement était nulle et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il condamnait la société HYDROKARST à payer à M. [S] les sommes de 51000 ? à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite et dépourvu de cause réelle et sérieuse et de 1500 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ordonnait la remise des documents légaux, déboutait M. [S] de sa demande d'indemnisation pour non respect des critères d'ordre de licenciement et déboutait les parties de leurs autres demandes.
La SA HYDROKARST a interjeté appel de ce jugement le 17 septembre 2014.
La SA HYDROKARST demande, par infirmation du jugement, le débouté de la demande adverse pour licenciement nul et à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En tout état de cause, elle demande le débouté des demandes pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, et du surplus des demandes.
Elle demande, le cas échéant, le prononcé de condamnations brutes dont seront déduits la CSG-CRDS et les cotisations sociales salariales incombant à l'intimé. Elle demande la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 2000 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA HYDROKARST fait notamment valoir :
- L'absence d'obligation de proposer à ses salariés l'application de son nouveau dispositif conventionnel par le biais d'une proposition de modification de contrat de travail,
- Le respect de ses obligations en matière de procédure et de contenu du plan de sauvegarde de l'emploi,
- Que les observations de la DIRECCTE n'emportaient pas obligation de recommencer intégralement le processus de consultation,
- La prise en compte des observations de l'administration et des représentants du personnel,
- Qu'en tout état de cause, la tenue d'une seule réunion au lieu de deux ne pourrait constituer qu'une simple irrégularité de forme ne pouvant entraîner la nullité du PSE,
- Les mesures de reclassement interne et externe mises en oeuvre,
- L'environnement économique de plus en plus concurrentiel, une baisse d'activités et un volume de chiffre d'affaires insuffisant,
- La procédure d'alerte du commissaire aux comptes,
- Le transfert de l'activité Plongée du centre de profits [Établissement 1] et non son arrêt,
- Les difficultés sur le chantier ST BEAT dont le démarrage a été suspendu et une part importante des travaux a été supprimée,
- La recherche loyale de reclassement,
- Que pour l'application des critères d'ordre de licenciement, le centre de profits était le cadre le plus cohérent et juste.
M. [S] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement nul, sa réformation pour le surplus et la condamnation de la SA HYDROKARST au paiement des sommes de :
- 80.000 ? à titre d'indemnité en réparation de son préjudice.
- 10.000 ? à titre d'indemnité pour non-respect des critères de l'ordre des licenciements.
Il demande la remise de l'ensemble des documents légaux conformément à la décision à intervenir, sous le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100? par jour de retard et que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte.
Subsidiairement, il demande que le licenciement, soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse et la condamnation de la Société HYDROKARST au paiement de la somme de 80.000 ? à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il demande la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, la somme de 5.000 ? au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et qu'il soit dit que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un Huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'Huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 no96/1080 (tarif des Huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700.
Le salarié fait notamment valoir :
- Que la société ayant procédé à la fermeture de l'établissement [Établissement 1] entraînant la suppression de douze emplois, le licenciement s'inscrivait dans le cadre d'un licenciement collectif de plus de dix salariés sur trente jours, la société aurait dû respecter l'article L.1235-10 du code du travail et la procédure lui imposant un plan de sauvegarde de l'emploi,
- Les irrégularités relevées par l'inspecteur du travail et que la carence du plan de sauvegarde de l'emploi imposait la reprise de la procédure à son début,
- La tenue d'une seule consultation de la délégation unique du personnel, au lieu de deux,
- L'absence et l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement et l'absence de caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées,
- Que les difficultés économiques n'ont pas été appréciées au niveau de l'entreprise mais de l'établissement,
- Que la société a occulté avoir obtenu le marché de [Localité 2],
- L'absence de justifications d'éléments comparatifs avec la concurrence,
- Que la baisse d'activité est due principalement à l'arrêt de l'activité «plongée » au sein du centre de profit [Établissement 1],
- Le non-respect de l'obligation de reclassement,
- Le périmètre de mise en oeuvre des critères d'ordre de licenciement qui est l'entreprise.
Vu l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer à l'audience.
MOTIFS
Sur la demande tendant à la nullité du licenciement
Il est constant que le licenciement collectif pour motif économique concernait dix salariés ou plus dans une même période de trente jours dans une entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés et était soumis aux dispositions des articles L.1233-28 et suivants du Code du travail, dans leur version alors applicable.
L'article L.1233-30 du code du travail dans ses dispositions alors applicables prévoyait :
« Dans les entreprises ou établissements employant habituellement cinquante salariés et plus, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise.
Il peut procéder à ces opérations concomitamment à la mise en oeuvre de la procédure de consultation prévue par l'article L.2323-15.
Le comité d'entreprise tient deux réunions séparées par un délai qui ne peut être supérieur à :
1o Quatorze jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent;
... Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise et qu'un procès-verbal de carence a été transmis à l'inspecteur du travail, le projet de licenciement est soumis aux délégués du personnel. »
L'article L.1233-31 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif.
Il indique :
1o La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;
2o Le nombre de licenciements envisagé ;
3o Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ;
4o Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ;
5o Le calendrier prévisionnel des licenciements ;
6o Les mesures de nature économique envisagées. »
L'article L.1233-32 du code du travail en ses dispositions alors applicables y ajoutait : « l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité.
Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs. »
L'article L.1233-61 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. »
L'article L.1233-57 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « L'autorité administrative peut présenter toute proposition pour compléter ou modifier le plan de sauvegarde de l'emploi, en tenant compte de la situation économique de l'entreprise.
Ces propositions sont formulées avant la dernière réunion du comité d'entreprise. Elles sont communiquées à l'employeur et au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.
En l'absence de représentants du personnel, ces propositions ainsi que la réponse motivée de l'employeur à celles-ci, qu'il adresse à l'autorité administrative, sont portées à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur les lieux de travail. »
L'article L.1233-62 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :
1o Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;
2o Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;
3o Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;
4o Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
5o Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;
6o Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. »
L'article L.1233-52 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « En l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi au sens de l'article L.1233-61, alors que l'entreprise est soumise à cette obligation, l'autorité administrative constate et notifie cette carence à l'entreprise dès qu'elle en a eu connaissance et au plus tard dans les huit jours suivant la notification du projet de licenciement prévue à l'article L.1233-46. »
L'article L.1235-10 du code du travail en ses dispositions alors applicables, prévoyait : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciements concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L.1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe? »
Le moyen tendant au constat de la nullité du PSE est fondé sur le seul défaut de reprise intégrale de la procédure de consultation de la délégation unique du personnel (DUP) après le constat de carence de l'inspection du travail ayant relevé l'inadéquation du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, l'insuffisance des mesures de reclassement interne et externe et l'absence de définition des modalités de mise en place d'un cabinet de reclassement : selon ce moyen, après le constat de carence, l'employeur aurait dû procéder à deux consultations de la représentation du personnel.
Il est constant que lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi amendé après le constat de carence de l'inspecteur du travail ne contient pas de modification importante par rapport au projet antérieurement soumis aux représentants du personnel, le plan n'est pas nouveau et qu'il n'est pas alors nécessaire de reprendre la procédure consultative à ses débuts.
La première réunion de consultation sur le PSE a eu lieu le 26 novembre 2010 et la représentation du personnel a donné un avis favorable sur le projet de compression des effectifs et les critères d'ordre de licenciement soit en l'espèce, la proposition de l'employeur de ne pas appliquer de critères d'ordre de licenciement pour les salariés des centres de profit Sud- ouest et [Établissement 2] au motif que tous les postes de ces centres allaient être supprimés.
Suite à la transmission du PSE, la DIRECCTE formulait des remarques reprises dans un courrier que l'inspecteur du travail adressait à M. [S] en date du 7 juin 2011 où il écrivait notamment :
« ?Par deux courriers du 02/12 no795 et no798 nous avons souligné plusieurs irrégularités (une copie a été envoyée au secrétaire de le D.U.P).
* Absence de signature du secrétaire du CE de l'ordre de jour de la réunion du 26/11/10,
* Absence de critères précis pour déterminer l'ordre de jour de la réunion du 26/11/10,
* Application illégale des critères aux seuls salariés d'un "centre de projet" (agence [Établissement 1]) alors que les mesures auraient du s'appliquer à l'ensemble du personnel de l'entreprise.
* j'énonçais également le fait que des mesures avaient été prises préalablement à l'annonce de la fermeture de l'agence [Établissement 1]) : telles que la réduction des horaires collectifs des ouvriers, l'augmentation du nombre de jours travaillés des ETAM, sans qu'une négociation d'accord d'entreprise ait été engagée avec les délégués syndicaux, et sans que des propositions de modification de contrat ait été adressées à chaque salarié préalablement, avec un délai de réflexion d'un mois (article L. 1233-3 du code du travail).
Contrat de carence notifié par l'administration concernant le PSE
Par courrier du 02/12/10 puis du 18/01/11, le Directeur de ITJT 38 de la DIRECCTE notifiait un constat de carence concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) transmis le 27/12/10, en application de l'article L.1233-52 du code du travail. Une copie de ces constats de carence était envoyée aux représentants de la D.U.P.
Ce constat de carence s'appuyait entre autre sur le fait que :
- les critères de licenciement s'appliquaient uniquement "à chaque centre de profit" concerné par le projet de licenciement économique, or la jurisprudence rappelle que c'est dans le cadre de l'entreprise qu'il convient d'appliquer les critères d'ordre de licenciement
- les mesures envisagées pour les reclassements internes n'étaient pas suffisantes. De même les mesures de reclassement externes étaient trop succinctes, les modalités de mise en place d'un cabinet de reclassement n'étaient pas définies?. »
Les courriers cités dans cette lettre et le constat de carence qui y est visé ne sont pas produits.
La « note sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi de la société HYDROKARST » est présentée par l'employeur comme le « PSE définitif ». Elle n'est certes pas signée mais le salarié demandeur qui pouvait consulter le PSE par l'intermédiaire de la représentation du personnel, ne conteste pas qu'il s'agit du PSE définitif.
La seconde réunion de consultation sur le PSE a eu lieu le 23 décembre 2010 et il a été repris la même position concernant l'application des critères d'ordre de licenciement après exposé des observations de la DIRECCTE, position approuvée par la représentation du personnel.
Du PSE définitif et du procès-verbal de la réunion du 23 décembre 2010, il ressort que l'employeur a réduit de deux le nombre de salariés concernés par le plan. Il a proposé deux cabinets pour une cellule de reclassement externe et a pris en compte les demandes de la DIRECCTE relatives au reclassement, le cabinet ALTEDIA finalement retenu proposant au moins trois offres valables d'emploi. Concernant les mesures de reclassement interne, l'employeur a prévu la proposition à chaque salarié des centres de profits [Établissement 1] et [Établissement 2] d'un transfert vers le siège ou une autre agence, une proposition de réorganisation du département commercial, des recherches auprès des différentes entités de l'entreprise en France ou à l'étranger. Il s'est engagé à adresser des courriers individuels aux salariés pour les éventuels reclassements à l'étranger, et a prévu la prise en charge des frais de déménagement.
L'employeur apparaît ainsi avoir pris en compte les observations de la DIRECCTE quant aux carences du premier projet de PSE relatives au plan de reclassement.
L'exigence d'une dualité de réunion de consultation de la représentation du personnel a précisément pour objet de permettre à l'employeur, en cas d'insuffisance du projet présenté lors de la première réunion et au vu des observations formulées soit par la représentation du personnel soit par l'autorité administrative, d'améliorer les dispositions du PSE.
Il apparaît ainsi qu'il y avait seulement des insuffisances lors de la présentation du PSE à la première réunion avec la représentation du personnel et que le plan de sauvegarde de l'emploi amendé après les observations de l'inspecteur du travail ne contenait pas de modification importante par rapport au projet antérieurement soumis aux représentants du personnel et notamment n'aggravait en aucun point les conséquences sur l'emploi. Ce plan n'était donc pas nouveau et il n'était pas nécessaire de reprendre la procédure consultative à ses débuts.
La procédure relative au PSE a en conséquence été régulière par la tenue de deux réunions successives de consultation de la représentation du personnel et le plan présenté était conforme aux dispositions de l'article L.1233-62.
Dès lors, vu les dispositions susvisées de l'article 1235-10 du code du travail et les propositions de reclassement présentées par l'employeur le 23 décembre 2010, il convient de constater que la procédure de consultation relative au PSE était valide et la demande de nullité du licenciement doit être rejetée.
Sur les motifs du licenciement
L'article 1233-3 du code du travail en ses dispositions applicables jusqu'au 1er décembre 2016 prévoyait que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. »
La nécessité de réorganisation de l'entreprise peut être mise en oeuvre afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou être la conséquence de difficultés économiques.
La lettre de rupture du 7 février 2011 mentionne une dégradation des résultats de l'établissement [Établissement 1] sur l'année 2010, avec dégradation du chiffre d'affaires et des marges, une dégradation des marges dans les autres entités en dépit d'un chiffre d'affaires en progression, un résultat d'exploitation en forte baisse pour l'année 2010 à hauteur de - 3 millions d'euros, d'importantes difficultés de trésorerie, la nécessité d'une réorganisation avec allègement des coûts et la fermeture de l'établissement [Établissement 1] et la nécessité de la rupture du contrat de travail en résultant.
Au regard des dispositions susvisées et de celles de l'article 1233-16 du code du travail, cette lettre satisfait ainsi aux exigences de motivation de la lettre de rupture, énonçant des faits suffisamment précis et vérifiables tant sur les difficultés économiques que sur la suppression de l'emploi.
L'entreprise n'appartenant pas à un groupe, les difficultés économiques devaient s'apprécier au niveau de l'entreprise, et non au niveau d'un ou plusieurs établissements.
L'employeur justifie par ses prévisions et documents comptables 2010 d'une baisse du chiffre d'affaires de son centre de profit [Établissement 1] de 47% et d'une baisse de sa marge brute de 5,76 % à - 25%.
Pour son centre de profit Cordes, il justifie d'une hausse du chiffre d'affaires de 2,29% mais d'une baisse de marge brute moyenne par affaires de 11% et d'une baisse de marge brute globale de 18% à 7%.
Concernant le centre de profits [Établissement 2], le chiffre d'affaires progressait certes de 129% mais la marge brute baissait de 3 % à -3,3%.
Le centre de profits Sud montrait une augmentation du chiffre d'affaires de 60% et une augmentation de la marge brute moyenne de 6,6 à 10%.
Le résultat d'exploitation global de l'entreprise hors produits financiers passait de 69.867 ? en 2009 à - 2.363.363 ? en 2010 avec une hausse du chiffre d'affaires net de 5,75 % mais une hausse des charges d'exploitation de 19,53%.
Le commissaire aux comptes avait lancé une procédure d'alerte le 25 octobre 2010 relevant les points suivants à partir de la situation comptable au 30 juin 2010 :
- Un résultat courant montrant une perte de 1608 K? par rapport à un bénéfice 2009 de 58 K?- Une légère progression du chiffre d'affaires prévisionnel 2010 de 15.507 à 16.750 K? mais une perte d'exploitation prévisionnelle pour 2010 estimée à 3.300 K?,
- Une situation de trésorerie très tendue avec allongement de délais de paiement des fournisseurs.
Il faisait état du risque de compromettre la continuité de l'exploitation.
Dans une lettre du 29 novembre 2010, le commissaire aux comptes indiquait que les réponses apportées par la société ne paraissaient pas suffisantes pour assurer la continuité de l'exploitation à court terme, faisant état d'une situation financière à court terme incertaine et envisageant d'engager la phase suivante de la procédure d'alerte.
Certes, la société avait remporté le marché public de [Localité 2] représentant un chiffre d'affaires HT de 1340 K? en août 2010, mais la société justifie de retards dans la mise en oeuvre de ce chantier qui ne débutait finalement qu'en mars 2012 : à la date de mise en oeuvre du licenciement, elle n'avait aucune lisibilité quant à la date de début de ce chantier. Le comptable de la société atteste par ailleurs qu'il a bien été fait état de ce marché lors de la réunion avec la DUP du 6 octobre 2010.
Quant à la cessation de l'activité plongée au centre de profits [Établissement 1], il apparaît qu'il s'agissait en réalité d'un transfert de cette activité vers le siège social, décision qui relevait du pouvoir de gestion et d'organisation de l'employeur : si ce transfert a généré une baisse du chiffre d'affaires de l'établissement, il n'est pas démontré qu'il est à l'origine même partielle, des difficultés de l'entreprise en terme de rentabilité de l'exploitation.
Il apparaît ainsi qu'au-delà de résultats disparates en terme d'évolution de chiffre d'affaires et de marge brute d'un établissement à l'autre, l'entreprise au travers de ses résultats globaux, connaissait de réelles difficultés économiques qui se traduisaient par une chute très sensible du résultat d'exploitation global et une perte d'exploitation en lien avec une forte augmentation de ses charges d'exploitation sans augmentation corrélative du chiffre d'affaires.
Ces difficultés économiques avérées nécessitait une réorganisation de l'entreprise afin notamment de diminuer les charges d'exploitation.
L'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction a choisi d'opter pour la fermeture de deux sites, décision dont le juge prud'homal n'a pas à apprécier l'opportunité. Cette décision de fermeture impliquait la suppression de l'ensemble des emplois de ces sites, dont celui de M. [S].
L'article L..1233-4 du code du travail précise que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement doivent être écrites et précises.
Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, il appartient à l'employeur à qui en incombe la charge, de prouver d'une part qu'il a mis en oeuvre tous les moyens pour y parvenir et d'autre part, en cas d'échec, d'établir l'impossibilité de procéder au reclassement.
L'employeur qui n'appartenait pas à un groupe, justifie de courriers adressés à ses différentes structures comportant les informations relatives aux quatorze personnes susceptibles d'être licenciées et sollicitant des postes compatibles avec leur profil. Il justifie également des réponses négatives obtenues pour des postes relevant de la catégorie de celui occupé par M. [S]. Il ne disposait pas ainsi de postes de reclassement de la même catégorie que celui occupé par le salarié. Les seuls postes de catégorie inférieure proposés par l'agence Sud n'étaient pas en rapport avec les compétences et aptitudes de M [S] qui était directeur d'agence, catégorie cadre.
L'employeur justifie ainsi avoir mis en oeuvre de manière loyale tous les moyens pour parvenir à un reclassement du salarié.
Il est ainsi établi que le licenciement pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les critères d'ordre de licenciement
L'article 1233-5 du code du travail en ses dispositions alors applicables prévoyait : « Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
Ces critères prennent notamment en compte :
1o Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2o L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3o La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;4o Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. »
En l'état des dispositions applicables à la date du licenciement, sauf lorsque l'employeur ne devait opérer aucun choix parmi les salariés à licencier ou sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères d'ordre des licenciements pour motif économique devaient être mis en oeuvre au niveau de l'entreprise à l'égard de l'ensemble du personnel appartenant à la même catégorie professionnelle.
Nonobstant le rappel pertinent de cette règle par l'inspecteur du travail, l'employeur a choisi de ne pas appliquer de critères d'ordre de licenciement à l'ensemble des salariés de l'entreprise et de considérer que la fermeture du centre de profits [Établissement 1] impliquait nécessairement le licenciement de tous les salariés de cet établissement.
L'accord des représentants du personnel ne permettait pas à l'employeur de déroger à la règle et contrairement à ce que soutient l'employeur, l'application des critères d'ordre au niveau de l'entreprise ne conduisait pas à supprimer des postes de travail nécessaires au sein d'autres centres de gestion. En effet, la fermeture de l'établissement choisi par l'employeur impliquait nécessairement la suppression de tous les postes de travail existant dans l'établissement mais la mise en oeuvre de critères d'ordre dans le périmètre de l'entière entreprise n'impliquait pas le licenciement de tous les salariés de l'établissement supprimé, mais seulement que le choix des salariés devant être licenciés se fasse selon des critères prédéfinis et objectifs appliqués à tous les salariés de l'entreprise.
L'employeur a ainsi méconnu l'application des critères d'ordre de licenciement à l'égard de M. [S].
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé.
M. [S] a subi la perte de son emploi alors qu'il comptait plus de dix ans d'ancienneté. Il était âgé de 35 ans et avait un salaire brut moyen de 4128,32 ?. Son ancienneté et l'application des critères d'ordre de licenciement à l'ensemble de l'entreprise pouvaient lui permettre de conserver son emploi. Il indique avoir dû vendre sa maison et faire déménager sa famille. Il est devenu co-gérant d'une société depuis octobre 2011 à [Localité 3]. Au regard de l'ensemble de ces éléments et dans les limites de la demande, il convient d'allouer à M.[S] une indemnité de 10.000 ? pour le préjudice résultant du non-respect des critères d'ordre de licenciement.
Sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu à modification des documents de fin de contrat.
Les intérêts relatifs à une indemnité ne courent qu'à compter de la décision qui en fixe le montant et il sera ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions désormais fixées par l'article 1343-2 du code civil.
Il apparaît équitable d'allouer à M. [S] la somme de 1500 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'article 10 du décret no96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret no 2001-212 du 8 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile a été abrogé par l'article 10 du décret no2016-230 du 26 février 2016.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Rejette la demande de nullité du licenciement,
Dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS HYDROKARST à payer à M. [S] la somme nette de 10000 ? à titre d'indemnité pour non-respect des critères d'ordre de licenciement, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code civil,
Condamne la SAS HYDROKARST à payer à M. [S] la somme nette de 1500 ? sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS HYDROKARST aux dépens de l'instance.
LE GREFFIERLE PRESIDENT