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11/04/2018 | FRANCE | N°18/06757

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0717, 11 avril 2018, 18/06757


SD/GLCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 11 Avril 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06757

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 AOUT 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE
No RGF13/00251

APPELANTE :

SOCIETE SIGMA MEDITERRANEE venant aux droits de la SARL ABAC INFORMATIQUE
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Marine SPANGHERO de la SCP CABEE-BIVER-SPANGHERO, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur [L] [M]
[Adresse 2]


[Adresse 2]
Représentant : Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE

COMPOSITION...

SD/GLCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 11 Avril 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06757

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 AOUT 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE
No RGF13/00251

APPELANTE :

SOCIETE SIGMA MEDITERRANEE venant aux droits de la SARL ABAC INFORMATIQUE
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Marine SPANGHERO de la SCP CABEE-BIVER-SPANGHERO, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIME :

Monsieur [L] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MARS 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre, chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre
M. Olivier THOMAS, Conseiller
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES:

Le 3 décembre 2012, M. [M] était engagé par la SARL ABAC INFORMATIQUE (la société SIGMA MEDITERRANEE vient aux droits de la SARL ABAC INFORMATIQUE) en qualité de commercial des systèmes d'impression numérique, sans signature de contrat de travail.

Par mail du 2 juillet 2013 le salarié demandait à son employeur la remise d'une copie de son contrat de travail, ce à quoi la société SIGMA MEDITERRANEE répondait qu'il lui avait été remis en main propre au jour de son embauche.

Par courrier du 12 juillet 2013, l'employeur convoquait M. [M] à un entretien préalable fixé au 19 juillet 2013 et lui notifiait une mise à pied conservatoire dans l'attente de l'issue de la procédure disciplinaire.

Par courrier du 26 juillet 2013, l'employeur notifiait à M. [M] son licenciement pour faute grave.

Le 13 septembre 2013, M. [M] saisissait le Conseil des Prud'hommes de Narbonne afin que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse, et pour obtenir l'octroi de rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et d'indemnités relatives au préavis, au licenciement sans cause réelle et sérieuse mais aussi le rappel de commissions, de primes, des congés payés afférents ainsi que le remboursement des frais.

Par jugement du 27 août 2014, le Conseil des prud'hommes disait que le licenciement de M. [M] était sans cause réelle et sérieuse, et condamnait la SARL ABAC INFORMATIQUE au paiement des sommes de:

- 298,61 euros brut au titre des commissions, outre 29,86 euros brut de congés payés afférents,

- 350 euros brut au titre des primes sur commissions, outre 35 euros de congés payés afférents,

- 886,13 euros au titre du rappel de salaire relatif à la mise à pied, outre 88,61 euros de congés payés afférents,

- 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.078,59 euros brut au titre de l'indemnité de préavis, outre 207,86 euros brut de congés payés afférents,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il ordonnait la remise des bulletins de paie et de l'attestation Pôle emploi dûment modifiés, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ième jour suivant la notification de la décision.

Le 3 septembre 2014, la société SIGMA MEDITERRANEE interjetait appel du jugement.

La société SIGMA MEDITERRANEE sollicite la réformation totale du jugement, sauf en ce qu'il déboute M. [M] de sa demande relative au paiement du remboursement des frais pour les mois de juin et juillet 2013.

Elle demande qu'il soit jugé que M. [M] connaissait les conditions d'exécution de sa relation de travail, qu'il s'est abstenu de signer son contrat de travail, que les stipulations du contrat du 3 décembre 2012 régissent la relation de travail entre la société SIGMA MEDITERRANEE et le salarié, qu'il soit dit que les manquements de M. [M] sont constitutifs d'une faute grave et qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise tout au long de la procédure disciplinaire et du préavis, que la mise à pied conservatoire et le licenciement pour faute grave sont justifiés par les manquements du salarié, que les demandes relatives au remboursement de frais, aux rappels de commissions et de primes sur ventes sont infondées.

Elle sollicite que M. [M] soit débouté de l'intégralité de ses demandes et sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise foi et procédure abusive ainsi que 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'employeur rappelle les dispositions des articles L 1221-1 et L 1221-2 du Code du travail selon lesquelles un contrat écrit et signé n'est pas nécessaire pour être créateur d'obligations à l'égard des parties dans le cadre d'une relation de travail.

Il précise que cette absence est imputable au salarié, produit une attestation et indique que le salarié avait notamment attendu 7 mois avant de réclamer le contrat.

Il soulève également que si le salarié ignorait les termes du contrat, il ne comprenait pas sur quel fondement il se basait pour réclamer des primes et commissions.

De plus, l'employeur fait remarquer qu'il ressort du projet du contrat de travail que les conditions de la relation contractuelle étaient définies dès le 16 novembre 2012.

La société dit que les attestations produites par la partie adverse ont été faites pour les besoins de la cause et qu'elles sont rédigées de façon imprécise.

Sur les manquements, l'employeur dit qu'ils sont suffisamment précis et datés et fait valoir l'insuffisance de résultats du salarié, son refus délibéré d'exécuter ses tâches professionnelles, le fait qu'il faisait ses démarches personnelles pendant ses horaires de travail, le non-respect des horaires de travail et des rendez-vous clientèle, des absences régulières et injustifiées ainsi que le fait qu'il colportait des informations mensongères sur ses conditions d'emploi et de paiement.

Pour cela, la société fournit notamment un tableau récapitulatif des ventes réalisées par le salarié, des échanges de courriels avec M. [M], des attestations, un courriel de la société adressé aux commerciaux, les justificatifs des frais du salarié, ses plannings et les listings de relevé téléphonique de sa ligne professionnelle.

La société indique qu'au regard des bulletins de paie de décembre 2012 à juillet 2013, le salaire moyen du salarié était de 1.885,43 euros, que les frais de déplacement et de restauration faisaient l'objet d'un remboursement forfaitaire dont le salarié avait connaissance.

Elle produit un mail de ce dernier, le compte rendu de l'entretien préalable et les bulletins de paie.

Elle précise que si la société avait, par deux fois, remboursé au salarié ses frais professionnels sur la base des frais réellement engagés, ce n'était que sur demande insistante de M. [M] et en raison de ses difficultés financières.

Enfin, l'employeur affirme que les tableaux récapitulatifs de commissions et de prétendues affaires en cours versés par le salarié ne sont pas datés, qu'ils ont été établis pour les besoins de la cause et que pour plusieurs dossiers, il s'attribue la conclusion de contrats passés par d'autres commerciaux.

M. [M] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il octroie la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il demande le rejet de l'appel principal de la SARL ABAC INFORMATIQUE, l'accueil de son appel incident, la condamnation de la société au paiement de la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il soit dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal avec capitalisation pour les intérêts dus au moins pour une année entière à compter de la convocation de l'employeur devant le Conseil des prud'hommes, ainsi que la remise des documents de rupture dûment modifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Le salarié fait état de décomptes relatifs à ses commissions, à ses primes sur vente et à ses remboursements de frais.

Il affirme que l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il aurait commis des faits fautifs et précise qu'il ne pouvait lui reprocher d'être absent de l'entreprise dès lors que sa mission était de prospecter mais aussi qu'il ne pouvait pas lui reprocher d'appeler avec sa ligne professionnelle, un numéro étranger ou un avocat dès lors qu'ils étaient dans le cadre de la prospection toujours, de potentiels clients.

Il produit notamment un contrat de vente pour un photocopieur avec un avocat.

Sur le contrat, le salarié produit le projet qu'il avait reçu en indiquant qu'il était incomplet, qu'il devait être renseigné et finalisé par la SARL ABAC INFORMATIQUE et produit des attestations qui démontrent, selon lui, qu'il avait relancé la direction pour obtenir son contrat de travail.

Enfin, le salarié dit avoir apporté un important fichier de clients lors de son embauche et affirme en produisant notamment des propositions de service, avoir prospecté ses relations personnelles et de nouveaux clients mais aussi avoir assuré le suivi de la clientèle.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites des parties et soutenues oralement à l'audience du 7 mars 201, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'opposabilité des dispositions contractuelles:

L'employeur dit que M. [M] avait connaissance des dispositions de son contrat de travail depuis le 3 décembre 2012 et produit l'attestation du directeur de la société dans laquelle ce dernier affirme que "Mr [O] à remis à Mr [M] un exemplaire de son contrat de travail".

Il précise également que le salarié avait eu un projet de contrat le 16 novembre 2012.

De plus, la société se prévaut des dispositions des articles L 1221-1 et L 1221-2 du Code du travail qui précisent que dans le cadre d'une relation de travail, un contrat écrit et signé n'est pas nécessaire pour créer des obligations à l'égard des parties; il faut rechercher la commune intention des parties.

Le salarié, s'il ne conteste pas avoir eu un projet d'embauche, produit un mail du 2 juillet 2013 dans lequel il réclamait à son employeur la régularisation de sa situation contractuelle "...je suis toujours en attente de la signature de mon contrat de travail depuis le 03 décembre 2012 date à laquelle j'ai commencé à travailler pour votre entreprise..." afin de clarifier ses conditions de revenus : "Dans un soucis de transparence totale par rapport à mon travail de commercial ou interviennent sans cesse des chiffres d'affaires et des marges ainsi liés aux rémunérations d'un commercial je vous demande de me faire parvenir mon tableaux de bord commercial depuis mon entrée dans l'entreprise pour ainsi régulariser l'avance des commissions..."

Ainsi, il apparaît que M. [M] n'avait pas signé son contrat de travail.

Il appartenait à l'employeur qui avait présenté le contrat à la signature et constaté que le salarié n'avait pas signé, de le mettre en demeure de le faire, ce dont il s'est abstenu.

En l'absence de la signature du contrat par le salarié, les dispositions du projet de contrat n'ont pas de valeur contractuelle et ne sont pas opposables au salarié qui de son côté, ne sauraient s'en prévaloir.

Afin de déterminer les conditions contractuelles en matière de rémunération et en l'absence de contrat écrit, le juge doit rechercher la commune intention des parties au travers notamment, de l'application du contrat qu'en ont faite les parties.

Sur les commissions et primes:

L'employeur se prévaut des dispositions de la convention non signée datée du 3 décembre 2012 qui prévoyait un taux de commissionnement de 15% sur la marge brute dégagée sur le mois commercial, à compter du premier euro et produit un tableau intitulé "Facture comptabilisée; Facture de retour comptabilisée; Facture avoir comptabilisée" qui fait état des ventes faites par M. [M].

L'employeur dit que l'objectif commercial mensuel était fixé à 5.000 euros.

La société produit également les fiches de paie du salarié sur lesquelles il est relevé que le salarié avait perçu une avance sur prime de 741 euros sur ses trois premiers mois de travail.

Enfin, l'employeur fait valoir un courrier d'acceptation de marché par la mairie [Établissement 1] du 13 décembre 2013 puis un courrier de résiliation daté au 28 avril 2014.

Le salarié demande le paiement de ses commissions de vente en se fondant sur un calcul de 15% de la marge brute dégagée, produit un tableau récapitulatif des ventes qu'il avait faites, dégageant un total de commissions de 2.521,61 euros et un total de primes sur vente de 350 euros. M. [M] ne conteste pas avoir bénéficié d'une avance sur commission de 2.223 euros.

En l'espèce, le contrat n'étant pas signé, l'objectif mensuel de 5000 ? n'était pas contractuel et ce dernier ne peut être opposable à M. [M]

La cour constate que les parties sont d'accord sur l'assiette des commissions et leur pourcentage.

De jurisprudence constante, lorsque le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Il apparaît que le salarié produit un tableau (pièce 6) comportant l'indication d'une liste de clients et de marchés avec indication de prix, rendant sa prétention plausible.

L'employeur, seul à détenir les éléments comptables utiles à l'établissement des comptes, produit un tableau ( pièce 9) qui ne correspond pas à l'ensemble des contrats visés par M. [M].

Il produit des bons de commande relatifs aux ventes office CUXAC, YILBAT, JPP, ECC, VAYSSIE, CDA, ARENALES, ESQUIROL et CATHAR sur lesquels M. [M] apparait être intervenu comme consultant ou "auteur".

Seul le contrat AVD SHOES ne mentionne pas le nom du commercial.

L'employeur n'établit que M. [M] ne serait pas à l'origine de ces ventes ou se serait attribué des contrats négociés par d'autres.

Son tableau pièce 9, de surcroît surchargé de manière manuscrite, n'établit pas l'annulation du dossier AMPG et la pièce 23 de l'employeur ne permet pas d'identifier un lien avec un dossier AMPG.

En conséquence, au vu des pièces produites par les deux parties, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [M] concernant le paiement des commissions et de condamner la société SIGMA MEDITERRANEE au paiement de la somme de 298,61 euros, outre 29,86 euros de congés payés afférents.

Concernant les primes sur ventes revendiquées à hauteur de 350 ?, le salarié ne justifie d'aucun fondement tiré de l'exécution du contrat justifiant cette demande.

Sur le remboursement des frais:

Il est de principe que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.

En l'absence de contrat signé, il n'existait aucune convention de forfait.

Le mail de la directrice financière adressé au salarié le 11 avril 2013 dans lequel elle lui rappelait "...qu'il est obligatoire de justifier les frais même s'il s'agit de forfait" ne vaut pas davantage convention de forfait et est de surcroît ambigu dans la mesure où l'exigence de justification qui n'est pas motivée apparaît contredire le principe de forfait.

Dès lors, le salarié est fondé à demander paiement des frais engagés.

Le salarié produit des justificatifs et feuilles de frais pour juin et juillet 2013.

L'employeur rappelle que la société opère un remboursement forfaitaire et produit un mail de la directrice financière adressé au salarié le 11 avril 2013 dans lequel elle lui rappelait "...qu'il est obligatoire de justifier les frais même s'il s'agit de forfait", ainsi que le compte-rendu de l'entretien préalable du 19 juillet 2013 effectué par Mme [G], conseiller salarié, dans le quel le salarié avoue avoir un forfait mensuel.

De plus, les fiches de paie des mois de décembre 2012, janvier, février, avril, mai et juin 2013 mentionnent deux remboursements de frais d'un montant de 305 et 168 euros.

Au regard des justificatifs de frais pour juin 2013, il ressort que la feuille de frais du salarié fait état de frais pour le carburant qui ne correspondent à aucun événement, des allers-retours qui ne mentionnent aucun prix pour le carburant, des tickets illisibles ainsi que notamment un ticket autoroute daté au 3août 2013, des fiches de restaurant non nominatives.

Pour les frais de juillet 2013, le salarié fournit des tickets de caisse ou de péages sans établir de lien avec son activité professionnelle.

Il ressort de l'ensemble de ces documents que le salarié ne saurait justifier ses allégations en produisant des justificatifs imprécis et que les bulletins de paie font état d'un remboursement forfaitaire dont le montant est sensiblement supérieur au montant des frais réellement justifiés : la demande de M. [M] sera donc rejetée; le jugement sera sur ce point infirmé.

Sur le licenciement:

Selon les dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui entend s'en prévaloir et qui prétend être libéré du paiement de l'indemnité de préavis et de licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du débat, est motivée ainsi qu'il suit:

" Nous vous notifions par conséquent, par la présente, votre licenciement pour faute grave et ce, pour les raisons explicitées ci après.

Alors que nous vous avons remis en présence de votre Directeur Monsieur [T] [E], le jour même de votre entrée au sein de notre société le 3 décembre 2012, un exemplaire du contrat de travail à durée indéterminée en qualité de commercial des systèmes d'impression numérique sur le secteur du narbonnais contrat parfaitement identique à celui de tous les commerciaux du Groupe SIGMA vous n'avez jamais retourné contre signé par vos soins, ce contrat."

Le salarié produit une lettre du 2 juillet 2013 dans laquelle il sollicite l'employeur afin de pouvoir signer son contrat de travail et produit deux attestations de clients qui témoignent que M. [M] demandait auprès de sa direction une régularisation de sa situation contractuelle "J'atteste que MR [M] dans une conversation avec son directeur qui était présent également lui a demandé si il pouvait s'occuper de son contrat de travail qui n'était toujours pas à jour par rapport aux accords passés et la réponse a été de la part du directeur (ce n'est pas moi qui gère l'administratif chez ABAC tu vois cela avec le siège à [Localité 1])".

Il appartenait à l'employeur de réclamer auprès du salarié la signature du contrat de travail, tout comme il lui incombait de répondre aux attentes de son salarié quant à la régularisation et les informations sur sa relation contractuelle.

En tout état de cause, la signature d'un contrat ne présente pas un caractère obligatoire en cas de contrat à durée indéterminée et il appartenait à l'employeur qui entendait faire accepter des conditions particulières de faire signer le contrat lors de l'embauche.

Dès lors, le défaut de signature d'un contrat écrit par le salarié ne peut présenter un caractère fautif.

En conséquence, ce grief est infondé.
La lettre de licenciement poursuit ainsi:

"... dès le 3 décembre 2012, vous saviez que vous deviez réaliser un minimum de 5.000 ? de marge mensuelle, comme tous les commerciaux et nous vous avons, sur les trois premiers mois, fait une avance de prime commerciale de 741 ? qui correspond effectivement à 15 % d'une marge commerciale théorique de 5.000 ? !

Or depuis le 3 décembre 2012, vous n'avez réalisé qu'un chiffre d'affaires de 62 230 ?,dégageant une marge de 12.870 ? autrement dit, le tiers de ce que nous étions en droit d'attendre de vous au bout de sept mois ! ...

Vous connaissiez parfaitement vos objectifs commerciaux et vous ne sauriez vous retrancher sur une absence de signature qui met en évidence votre mauvaise foi."

Comme vu précédemment, les dispositions ne sont pas opposables au salarié et dès lors, le non-accomplissement d'un objectif unilatéralement fixé par l'employeur ne peut présenter un caractère fautif

La lettre de licenciement fait état des trois griefs suivants:

"Alors que tout le personnel constate que vous n'êtes quasiment jamais au bureau, le peu de temps que vous passez au sein de ce même bureau...

Votre Directeur, Monsieur [T] [E] a constaté à de très nombreuses reprises le non respect des horaires de travail...

...vous vous permettez d'indiquer à ces mêmes collègues ou fournisseurs que vous ne seriez pas payé normalement par l'entreprise..."

L'employeur fournit des attestations de salariés ainsi que des mails de la directrice financière et du directeur de la société faisant état de l'absence régulière de M. [M] dans les locaux de l'entreprise, du non-respect de ses horaires de travail mais aussi des propos tenus par ce dernier: "Il m'a également été rapporté par des connaissances communes que je ne lui remboursais pas ses frais...", notamment lorsqu'il disait "à des fournisseurs ou au reste du personnel qu'il ne serait pas payé. Qu'il n'attend que d'être licencié...".

Concernant le respect des horaires de travail, en l'absence de dispositions contractuelles et de preuve quant à l'affichage des horaires de travail au sein de l'entreprise par l'employeur, il ressort que M. [M] n'avait pas d'obligation relative à des horaires de travail précis.

Sur les absences régulières, force est de constater que l'emploi de commercial nécessite des déplacements liés notamment à la prospection, que les temps en dehors du bureau sont ainsi justifiés et ne peuvent pas être reprochés au salarié.

Sur les informations mensongères colportées, les personnes qui attestent ne sont que des témoins indirects ou font état de faits non datés et imprécis.

En conséquence, l'ensemble de ces griefs sont infondés.

La lettre de motivation poursuit ainsi motivée:

"... vous avez refusé d'établir les rapports d'activité..."

L'employeur produit un courriel du Président de la société du 5 avril 2013 envoyés à l'ensemble des commerciaux dans lequel il demande "...merci de préparer vos rapports d'activité" ainsi qu'un mail du 2 juillet 2013 dans lequel il disait à M. [M] "...j'attends toujours vos différents rapports d'activités".

Il fournit également une attestation du Directeur qui reproche au salarié "De ne pas faire de rapport ni de compte rendu de son travail" ainsi que le compte-rendu de l'entretien préalable dans lequel il est inscrit que le salarié s'était sur ce point expliqué ainsi: "Je n'ai rien refusé, pas de contrat signé, rien reçu par écrit. Vous ne m'avez jamais demandé de rapport d'activités depuis le 03/12/2012".

Enfin, l'employeur fait état des tableaux de relevés kilométriques établis par le salarié qu'il définit comme fantaisistes notamment au regard d'un trajet de 120 kilomètres pour un aller-retour NARBONNE-LEZIGNAN.

L'employeur dans le cadre de son pouvoir d'organisation et de direction, est légitime à demander au salarié de rendre compte de l'exécution de sa prestation de travail .

En particulier, s'agissant d'un emploi de commercial consistant pour l'essentiel à prospecter et conclure des contrats avec des clients en dehors des locaux de l'entreprise et donc hors du contrôle direct de l'employeur, celui-ci est tout à fait fondé à demander qu'il lui soit rendu compte des prospections effectuées et des résultats obtenus.

Le salarié produit des tampons de sociétés, des demandes de financement pour des clients, des propositions de services passés avec ses relations personnelles et des copies de son agenda.

De l'ensemble de ces documents, il ressort que l'employeur avait à deux reprises demandé au salarié d'établir ses rapports d'activité, que les tampons de société collés sur des feuilles non datées ne constituent pas une preuve de prospection et qu'enfin, les données inscrites dans les tableaux kilométriques sont manifestement erronées; ces griefs sont établis et fondés.

De plus, la lettre de licenciement indique:

"Quand vous avez enfin daigné remplir des plannings, sont apparus de très nombreuses démarches personnelles pendant les heures de travail..."

L'employeur se réfère au planning du salarié et en produit la copie qui fait notamment état d'un rendez-vous au Conseil des prud'hommes le 17 juin 2013 ou encore de plusieurs rendez-vous à la banque populaire, des attestations de salariés et de fournisseurs dans lesquelles il est précisé que M. [M] "...avait beaucoup de problèmes personnels à régler et que cela lui prenait beaucoup de temps" mais aussi les listings de relevés téléphoniques de la ligne professionnelle dans lesquels il est notamment relevé des appels à la banque populaire du sud le 20 juin 2013 à 9h51 et 9h50, des appels à M. [M] [N] le 19 juin 2013 à 11h31 ou encore à son avocat le 14 juin 2013 à 9h09.

La société fournit également le justificatif de propriété des lignes téléphoniques en produisant des extraits des pages blanches.

Enfin, la société fait valoir le compte-rendu de l'entretien préalable où le salarié ne niait pas les faits: "oui, dans la journée, on peut travailler et on a le loisir de s'occuper de ses affaires personnelles, cela n'empêche pas de prospecter...".

Le salarié produit un bon de commande et une demande de financement au nom de la SCP [D] pour l'achat d'un photocopieur Develop Ineo 283 ainsi que l'attestation d'une personne qui se décrit comme celle qui lui "loue un appartement" et qui précise que "...mon numéro de téléphone est bien le XXXXXXXXXX

En l'espèce, s'il apparaît que la SCP [D] était bien un client de la société, au regard de l'entretien préalable et du listing téléphonique de la ligne professionnelle, il est établi que le salarié malgré demandes réitérées de l'employeur a refusé de rendre compte de son activité pour le compte de celui-ci , tout en accomplissant à de nombreuses reprises des tâches personnelles durant son temps de travail;

Ce grief est établi et fondé.

Enfin, la lettre de licenciement énonce un dernier grief:

"Vous n'avez pas honoré le rendez vous avec la société DEVELOP du mardi 2 juillet à 9 heures à CARCASSONNE.

De la même façon, vous n'avez pas honoré le rendez vous pris avec la Mairie de MIREPEISSET le mercredi 10 juillet à 18 heures".

L'employeur produit un mail du directeur de la société dans lequel il est indiqué qu'il avait dû, le 2 et le 10 juillet, se rendre seul à des rendez-vous que M. [M] avait oubliés.

Le salarié ne produit aucun élément.

En l'espèce, il y a lieu de considérer au vu du mail que les faits sont établis et que le fait de ne pas honorer des rendez-vous en qualité de commercial constitue, de fait, un manquement à ses obligations professionnelles de nature à nuire gravement à l'image de la société auprès des clients prospectés; ce grief est établi et fondé.

Il apparaît en conséquence, que le défaut de rapports d'activités malgré sollicitations réitérées de l'employeur, les démarches personnelles pendant le temps de travail et le non-respect des rendez-vous sont établis et constituaient une cause réelle et sérieuse et sérieuse de licenciement .

En l'absence d'avertissement préalable ou de rappel à l'ordre, ces fautes ne présentaient toutefois un caractère de gravité justifiant la privation de l'indemnité de préavis.

Sur les indemnités de rupture :

En conséquence de l'absence de gravité des faits fautifs, le salarié est en droit de prétendre à l'indemnité de préavis.

Il y a lieu de condamner la société SIGMA MEDITERRANEE au paiement de la somme de 2.020,26 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 202,02 euros bruts de congés payés afférents.

La faute grave n'étant pas établie, la mise à pied à titre conservatoire n'était en conséquence pas justifiée et M. [M] est fondé à demander paiement des salaires et congés payés afférents, relatifs aux jours de mise à pied.

Sur les demandes accessoires :

Les sommes ayant le caractère de salaires produisent intérêts à compter de la demande en justice

En conséquence, les sommes allouées au titre des commissions, de l'indemnité de préavis, du rappel de salaire pour la mise à pied et des congés payés afférents porteront intérêts à compter de la demande en justice.

Les intérêts échus dès lors qu'ils sont dus au moins pour une année entière, produiront intérêts.

Il y a lieu d'ordonner à la société SIGMA MEDITERRANEE la délivrance à M. [M] de l'attestation Pôle emploi, des bulletins de paie et du certificat de travail dûment modifiés et ce, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Il apparaît équitable de ne pas faire droit aux demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement;

Statuant à nouveau:

DIT que le licenciement de M. [M] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais que la faute imputable au salarié ne présentait pas les caractères de la faute grave;

CONDAMNE la société SIGMA MEDITERRANEE au paiement des sommes de:

- 298,61 euros brut au titre des commissions, et 29,86 euros brut de congés payés afférents,

- 2.020,26 euros brut au titre de l'indemnité de préavis, outre 202,02 euros brut de congés payés afférents;

- 886,13 euros bruts au titre du rappel de salaire relatif à la mise à pied, outre 88,61 euros brut de congés payés afférents;

DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation , soit le 16 septembre 2013.

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code civil;

ORDONNE à la société SIGMA MEDITERRANEE de remettre à M. [M] les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard;

REJETTE les demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Condamne la société SIGMA MEDITERRANEE aux dépens de l'instance;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe de la chambre sociale le 11 avril 2018.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0717
Numéro d'arrêt : 18/06757
Date de la décision : 11/04/2018

Analyses

La signature d'un contrat de travail à durée indéterminée ne présente pas un caractère obligatoire et il appartient à l'employeur qui entend faire accepter des conditions particulières de le faire signer lors de l'embauche. Dès lors, le défaut de signature d'un contrat écrit par le salarié ne peut présenter un caractère fautif. En revanche, le non-respect des rendez-vous avec la clientèle, de nature à nuire gravement à l'image de la société auprès des clients prospectés, le défaut de rapports d'activités malgré sollicitations réitérées de l'employeur, les démarches personnelles pendant le temps de travail constituent, pour un commercial, une cause réelle et sérieuse et sérieuse de licenciement .


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Narbonne, 27 août 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2018-04-11;18.06757 ?
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