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13/02/2018 | FRANCE | N°15/06514

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 13 février 2018, 15/06514


Grosse + copie

délivrées le

à





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 13 FEVRIER 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06514







Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 14/01131





APPELANTE :



BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Association régie par la loi du 1er juillet 1901 prise en la personne de son représentant légal en exercice domi

cilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Frédéric PINET de la SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et assistée de Me Marlène CASTE...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 13 FEVRIER 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/06514

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 14/01131

APPELANTE :

BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Association régie par la loi du 1er juillet 1901 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Frédéric PINET de la SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et assistée de Me Marlène CASTELBOU de la SELARL PINET ET ASSOCIES, avocats au barreau de NARBONNE, avocat plaidant

INTIMES :

Madame [O], [R], [J] [K] agissant à titre personnel et ès qualités de représentante légale de ses 3 enfants mineurs :

- [Y], [Q], [N] [J] née le [Date naissance 1] 2007 à [Localité 1]

- [T], [I], [V] [J] né le [Date naissance 2] 2009 à [Localité 2]

- [A], [O], [G] [J] née le [Date naissance 3]

2011 à [Localité 2]

demeurant ensemble au domicile de leur mère

née le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée de Me Paola BELLOTTI de la SCP BELLOTTI/CAUNEILLE, avocats au barreau de NARBONNE avocat postulant et plaidant substituée par Me CAUNEILLE de la SCP BELLOTTI/CAUNEILLE, avocat au barreau de NARBONNE

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT domicilié ès qualité

Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi

Direction des Affaires Juridiques

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté et assisté de Me Catherine GUILLEMAIN de la SCP DORIAVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 20 DECEMBRE 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 JANVIER 2018, en audience publique, monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée auprès du Premier président de la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n° 17/247-vpp du 11 décembre 2017

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[S] [J] est décédé dans un accident de la circulation le

9 janvier 2012.

Sa veuve [O] [K], agissant en son nom personnel et au nom de ses trois enfants mineurs [Y], [T], [A] [J], a assigné le Bureau Central Français représentant l'assurance Allianz Espagne du véhicule impliqué, et l'agent judiciaire de l'État organisme social du défunt, pour obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident.

Le jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Narbonne énonce dans son dispositif :

'Dit bien fondé la demande d'indemnisation des ayants droits de [S] [J].

'Condamne le Bureau Central Français au paiement des sommes suivantes :

au titre de la perte de revenu

' à [O] [K] en son nom personnel648 421,50 €

' au nom de [Y] [J] 78 340,50 €

' nom de [T] [J] 85 309,80 €

' nom de [A] [J] 92 261,02 €

' au titre du préjudice extra patrimonial

' à [O] [K] en son nom personnel 25 000 €

' au nom des trois enfants mineurs, à chacun 25 000 €

' au titre des frais d'obsèques 1654,13 €

'Condamne le Bureau Central Français à payer à l'Agent judiciaire du Trésor la somme de 131 445, 45 € avec les intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2014.

'Condamne le Bureau Central Français à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 1500 € à [O] [K] en son nom personnel, une somme de 2000 € en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs.

'Condamne le Bureau Central Français aux dépens de l'instance.

Le jugement retient le bien-fondé de la demande d'indemnisation au motif que le fait pour la victime d'avoir emprunté à pied la voie de circulation réservée aux véhicules sans avoir remarqué l'arrivée d'un poids-lourd, après avoir régulièrement rangé son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence à hauteur d'un refuge comportant une borne d'appel d'urgence en laissant tourner le moteur et fonctionner son clignotant, ne caractérise pas une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité de nature de faute inexcusable susceptible d'exclure tout droit à indemnisation.

Il retient pour l'indemnisation du préjudice économique le calcul des ayants droits du défunt qui n'a pas été critiqué par le Bureau Central Français, avec notamment une part d'autoconsommation du défunt dans le ménage de 18 %, et une répartition individuelle des parts de préjudice à hauteur de 55 % pour la veuve, et 15 % pour chacun des trois enfants, et une capitalisation pour le

préjudice futur selon le barème publié en 2013 à la Gazette du Palais ( rente viagère pour la veuve ; rente temporaire jusqu'à 25 ans pour les enfants).

Le Bureau Central Français a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 27 août 2015.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 20 décembre 2017.

Les dernières écritures pour le Bureau Central Français ont été déposées le 8 janvier 2016.

Les dernières écritures pour [O] [K], en son nom personnel et au nom de ses trois enfants mineurs [Y], [T], [A], ont été déposées le 30 novembre 2017.

Les dernières écritures pour l'Agent judiciaire de l'État ont été déposées le 3 novembre 2015.

Le dispositif des écritures du Bureau central Français

énonce :

'Vu la faute inexcusable de [S] [J], débouter ses ayants droits de l'intégralité de leurs demandes.

'À titre subsidiaire, déduire des sommes allouées à [O] [K] au titre de l'indemnisation sur la perte de revenu la pension de réversion versée par l'organisme social du défunt à hauteur de 99 857 €.

'En toute hypothèse, allouer au Bureau Central Français

1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner les ayants droits de [S] [J] aux dépens d'appel et de première instance.

Le Bureau Central Français relève dans l'enquête pénale que le chauffeur de l'ensemble routier a expliqué s'être déporté après avoir vu la victime à côté de son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence, mais que celle-ci s'est soudainement jetée sans raison sous les roues du camion, que le conducteur du véhicule suivant le camion confirme que la victime s'est dirigée sur la voie de circulation d'un pas décidé et que l'ensemble routier a tenté de freiner en se déportant le plus à gauche possible, déclarant le choc a été inévitable, que le véhicule de la victime s'était arrêté sans aucune panne mécanique ou technique.

Il soutient que cette situation caractérise la faute inexcusable,

« volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir

conscience ».

Le dispositif des écritures pour [O] [K] et ses trois enfants mineurs énonce :

'Confirmer la décision sauf sur le montant alloué.

'Condamner le Bureau Central Français au règlement à [O] [K] au titre de la perte de revenus de la somme de 1 006 467 €.

'Condamner le Bureau Central Français au paiement de

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à [O] [K] en son nom personnel, et de la même somme aux enfants, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les ayants droits de la victime demandent la confirmation du rejet de la faute inexcusable en ce qu'il n'est pas démontré une exceptionnelle gravité du choix de déplacement de la victime, alors que l'accident s'est produit vers 14 heures en toute visibilité, que la victime pouvait raisonnablement penser avoir le temps de traverser la voie, que le vent en sens inverse de la circulation pouvait atténuer la possibilité d'entendre l'arrivée du véhicule.

Elles ne critiquent pas les sommes attribuées à chacun des enfants, et au titre du préjudice d'affection de la veuve, mais seulement par appel incident le préjudice économique propre de [O] [K] en ce que le juge dit qu'il n'y a pas lieu à réintégrer pour la veuve la part des enfants à compter de leurs 25 ans.

[O] [K] calcule cette réintégration à partir du coefficient de rente viagère à compter de son âge propre aux 25 ans de chacun des enfants.

Les ayants droits soutiennent que l'Agent judiciaire de l'État ne peut formuler une demande qu'à l'égard du Bureau Central Français dans la mesure où les pensions servies ne sont pas répétibles.

Le dispositif des écritures pour l'Agent judiciaire de l'État énonce :

'Confirmer la décision en toutes ses dispositions.

'Condamner le Bureau Central Français au paiement de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

'Le condamner aux dépens.

Il demande la confirmation de sa créance qui s'établit aux montants suivants :

Frais d'obsèques 2114,24 €

capital décès (6824,31 x3) 29 474,21 €

pension de réversion 99 857 €.

MOTIFS

Sur le droit à indemnisation des ayants droits de [S] [J]

L'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que la victime piéton d'un accident de la circulation est indemnisée des dommages résultant des atteintes à sa personne sans que puisse lui être opposé sa propre faute à l'exception de sa faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident (alinéa 1), ou lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage (alinéa 3).

La jurisprudence commune et constante en tire la définition de la faute inexcusable comme :

« la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».

La synthèse de l'enquête pénale effectuée sur les circonstances de l'accident permet de constater les faits suivants.

Un véhicule semi-remorque circule sur sa voie de droite sur l'autoroute lorsqu'il aperçoit à la sortie d'une courbe à droite à une distance d'environ 50 m un véhicule stationné dans un refuge, et un piéton debout devant le véhicule à côté du muret en béton.

Il se déporte vers la gauche pour éviter de passer trop près du véhicule arrêté.

Soudain la personne traverse les voies de circulation en direction de son camion. Il effectue un freinage d'urgence tout en se déportant au maximum vers la gauche, mais n'a pas suffisamment de distance pour s'arrêter et le percute.

Les auditions effectuées dans le cadre de l'enquête pénale sur les circonstances de l'accident apportent les explications suivantes sur les circonstances précises.

[K] [R], le chauffeur du semi-remorque indique exactement :

Je circulais normalement sur la voie de droite. À la sortie d'une courbe à droite j'ai aperçu à une distance d'environ 50 m un véhicule stationné dans un refuge. J'ai aperçu une personne seule qui se trouvait debout devant son véhicule à côté du muret en béton. J'ai commencé à me déporter vers la gauche pour éviter de passer trop près du véhicule arrêté. Soudain la personne s'est mise à courir sur les voies de circulation vers mon camion. J'ai effectué un freinage d'urgence tout en me déportant au maximum vers la gauche, mais je n'ai pas eu suffisamment de distance pour m'arrêter sans le percuter.

Dans mes derniers souvenirs, il me semble qu'il tentait de plonger les bras vers l'avant en direction de l'avant-bras de mon camion. Matériellement il m'était impossible d'arrêter mon ensemble routier sur une distance aussi courte.

[L] [F], le seul témoin extérieur entendu déclare :

Je circulais dans mon véhicule sur la voie la plus à droite, devant moi il y avait un autre véhicule léger qui était précédé par un camion. Nous circulions tous les trois sur la voie de droite. Le véhicule léger a effectué le dépassement de l'ensemble routier. Après ce dépassement, alors que je suivais le camion à environ 150 m, ce dernier a effectué un léger écart avant d'arriver à hauteur d'un véhicule arrêté dans un refuge.

Alors que le poids-lourd se déporte sur la gauche, je me trouve sur la voie de droite à une vitesse d'environ 90 km. J'ai aperçu devant moi une personne se diriger sur l'autoroute d'un pas décidé, droit sur les voies de circulation. L'ensemble routier a freiné brusquement et s'est déporté le plus à gauche possible. Le choc a été inévitable.

L'enquête pénale établit que le conducteur de l'ensemble routier avait respecté avant l'accident la réglementation sur les temps de repos et de conduite et sur la vitesse, que les traces de freinage sur le sol avec déport sur la voie de gauche confirment la tentative du chauffeur d'éviter le piéton, heurté par la roue avant droite.

L'enquête établit également que le véhicule stationné sur le refuge était en bon état de marche.

Il doit être déduit de ces éléments que le comportement du piéton a constitué un acte volontaire d'une exceptionnelle gravité (traversée à pied de la chaussée d'une autoroute à la sortie d'une courbe masquant la visibilité pour les véhicules arrivant sur la voie), exposant sans raison valable identifiable (véhicule en bon état de marche stationné dans un refuge) son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience (traversée à pied d'une autoroute alors qu'il était garé en sécurité sur un refuge).

Les circonstances connues de la circulation, et notamment du comportement de l'ensemble routier, établissent à l'évidence que le comportement du piéton a été la cause exclusive de l'accident.

En application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 le droit à indemnisation des ayants droits de la victime de l'accident de circulation doit être en conséquence écarté.

Sur les autres prétentions

Il résulte de l'exclusion du droit à indemnisation des ayants droits de [S] [J] l'infirmation de l'ensemble des dispositions du jugement de première instance.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non remboursables exposés.

Les ayants droits de [S] [J] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement rendu le 18 juin 2015 par le tribunal d'instance de Narbonne ;

Dit que la faute inexcusable de la victime exclut le droit à indemnisation de ses ayants droits ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [O] [K], en son nom personnel et au nom de ses trois enfants mineurs [Y], [T], [A], aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

MM/PG


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 15/06514
Date de la décision : 13/02/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°15/06514 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-13;15.06514 ?
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