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01/02/2018 | FRANCE | N°14/5042

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0694, 01 février 2018, 14/5042


Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 01 FEVRIER 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05042

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MAI 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 10/01209

APPELANT :

Monsieur Robert X...
né le [...]           à Agde (34300) - de nationalité française
[...]                       
représenté par Me Ouiçal MOUFADIL substituant Me François-Régis VERNHET, avocat au barreau de MON

TPELLIER

INTIMEE :

Madame Carmen X... veuve B...
née le [...] à Agde (34300) - de nationalité française
[...]                              
représentée par M...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 01 FEVRIER 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05042

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MAI 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 10/01209

APPELANT :

Monsieur Robert X...
né le [...]           à Agde (34300) - de nationalité française
[...]                       
représenté par Me Ouiçal MOUFADIL substituant Me François-Régis VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame Carmen X... veuve B...
née le [...] à Agde (34300) - de nationalité française
[...]                              
représentée par Me Jean-François ANDUJAR de la SELARL ANDREU JAOUL LE MOUEL ANDUJAR PARGOIRE, avocat au barreau de BEZIERS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/10945 du 17/09/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier)

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 06 Juin 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 DECEMBRE 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Caroline CHICLET, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Thierry JOUVE, Conseiller
Monsieur Hervé LAGARRIGUE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par Madame Caroline CHICLET, Président, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********** EXPOSE DU LITIGE :

Amélia G...        veuve X... est décédée à Agde le [...]          en laissant pour lui succéder ses deux enfants Carmen et Robert.

La défunte avait institué comme légataire de sa quotité disponible son fils, Robert X..., par un testament reçu le 19 décembre 2007 en la forme authentique par Maître Gérard E..., notaire à Agde.

Soutenant que ce testament avait été rédigé par sa mère à une époque où elle n'en avait plus la capacité physique et psychique et reprochant à son frère d'avoir fait un usage abusif des procurations détenues sur les comptes de leur mère, Carmen X... veuve B... a fait citer son frère, par acte d'huissier en date du 26 mars 2010, devant le tribunal de grande instance de Béziers en nullité du testament et, subsidiairement, en rapport à la succession de 41.732,50 €.

Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 7 avril 2011, une expertise a été confiée à Jean-Luc F... lequel a déposé son rapport le 18 septembre 2012.

Par jugement contradictoire en date du 12 mai 2014, ce tribunal a :
• rejeté la demande d'annulation du testament authentique du 19 décembre 2007 ;
• homologué le rapport d'expertise de Luc F... ;
• condamné Robert X... à payer à Carmen B... la somme de 39.365,87€ ;
• rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires des parties ;
• condamné Robert X... aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise et à payer à Carmen B... la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
• rejeté la demande d'exécution provisoire.

Robert X... a relevé appel de cette décision le 4 juillet 2014.

Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 2 octobre 2014 ;

Vu les conclusions de Carmen B... remises au greffe le 10 novembre 2014 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 juin 2017 ;

MOTIFS :

Sur la nullité du testament :

Carmen B..., formant appel incident, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation du testament.

Il appartient à celui qui invoque l'insanité d'esprit d'un testateur pour conclure à la nullité du testament d'en rapporter la preuve.

Carmen B... soutient que le discernement de sa mère, âgée de 88 ans, était inexistant ou, pour le moins, altéré le jour du testament puisqu'elle s'est rendue chez le notaire à 14 heures après avoir dû se rendre aux urgences pendant la nuit pour des hémorragies du nez persistantes depuis deux jours et qu'elle a été hospitalisée pour une durée de 4 jours dès la fin de ce rendez-vous.

S'il ne fait pas de doute que la journée du 19 décembre 2007 a dû être fatigante pour Amélia X... en raison de son passage aux urgences à 2h11 du matin et de son hospitalisation vers 18h le même jour pour un épistaxis par intermittence depuis deux jours (rapport hospitalier de 17h54), ni le rapport d'intervention des services d'incendie et de secours de l'Hérault du 19 décembre 2007 ni le compte rendu du service des urgences ni le dossier de soins hospitaliers ne signalent des pertes de repères spatio-temporaux, un état confus ou des troubles mnésiques ou cognitifs chez la patiente qui a été traitée par méchage Netcell le matin puis mise en observation en raison de ses antécédents hémorragiques connus en fin de journée.

Le dossier médical d'Amélia X... ne révèle, outre ces antécédents connus, qu'une hypertension artérielle et une fibrilation atriale pour laquelle elle était traitée.

Même si ces hémorragies persistantes et la nuit écourtée ont dû certainement provoquer un état de fatigue chez Amélia X... le 19 décembre 2007, jour du rendez-vous chez le notaire, aucune des pièces médicales produites par Carmen B... ne prouve que son discernement était altéré lors de la rédaction du testament authentique, les aides à domicile (pièces 6 et 7 de l'appelant) qui se sont occupées d'elle jusqu'à son admission en long séjour en décembre 2008 attestant qu'elle « avait toutes ses idées » et qu'elle avait « tous les jours des discussions plausibles et (...) un suivi de conversation tout à fait normal ».

La demande de nullité du testament sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande de rapport :

Selon l'article 1993 du code civil, le mandataire doit, quelle que soit l'étendue de son mandat, rendre compte de sa gestion et faire raison de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration.

En l'espèce, Robert X... ne discute pas avoir détenu une procuration sur les comptes de sa mère ouverts dans les livres de la Caisse d'Epargne (no[....]) et de la Poste (no[...]) à compter du 27 octobre 2000 et jusqu'à son décès survenu le [...]          mais il conteste avoir utilisé à des fins personnelles toutes les sommes recensées par l'expert et il demande de ramener le montant du rapport à la somme de 52.000€.

Carmen B... demande à la cour de condamner son frère à rapporter à la succession la somme de 125.197,52 € sur laquelle elle demande le bénéfice de sa part réservataire correspondant à un tiers de l'actif net successoral soit 41.732,50 €.

Il résulte des investigations menées par l'expert judiciaire que les dépenses courantes d'Amélia X... n'excédaient pas 1.500 € par mois entre novembre 2000 et février 2009 (100 mois) en y incluant les frais de nourriture, d'entretien, de loisirs et de déplacements puisque son loyer était très faible (275€ par mois), qu'elle avait un prélèvement mensuel France Télécom de 76 €, un prélèvement EDF tous les deux mois de 76 € et des dépenses d'aide ménagère et de portage de repas très raisonnables (4.080,60 € au total sur la période de 100 mois) pour un revenu mensuel moyen de 2.360,06 € entre novembre 2000 et mars 2009 (238.366,34 € sur 101 mois).

Or, sur la période comprise entre novembre 2000 et février 2009, les dépenses mensuelles moyennes se sont élevées à 2.463,98 € (246.398,72 € sur 100 mois) sur le compte de la Caisse d'Epargne et le compte de la Banque Postale a été débité de toutes les rentrées d'argent soit 29.492,25 € entre novembre 2001 et mars 2005.

Une somme totale de 125.890, 97 € {[246.398,72 € - (1.500 € X 100 mois = 150.000€) = 96398,72 €] + 29.492,25 €} n'a donc pas été appliquée au traitement courant d'Amélia X... sur la période
considérée alors que Robert X..., qui avait des procurations sur ces deux comptes, depuis fin octobre 2000, ne conteste pas les avoir utilisées pendant cette période pour régler des dépenses par chèques, carte bleue ou virement et procéder à des retraits d'espèces.

Robert X... soutient qu'une somme de 18.508,42 € a été affectée, selon la volonté d'Amélia X..., au financement de l'achat d'un véhicule Renault Clio pour son petit fils (7.636,42€), au paiement des frais notariés d'un compromis de vente pour sa petite fille (4.150€) et à des dons manuels pour ses petits enfants (6.722,45€).

Ces donations au bénéfice des petits enfants, dont la réalité a été vérifiée par l'expert judiciaire, n'étant pas soumises au rapport, elles doivent être déduites des sommes non justifiées.

En outre, les sommes versées au crédit du compte de sa mère par Robert X... pour un montant de 17.564,52 € viendront en déduction de la somme précitée, ainsi que l'a retenu le premier juge, étant présumées constituer des restitutions d'emprunts.

Il reste par conséquent une somme de 89.728,03€ (125.890,97 € - 18.508,42 € - 17.654,52 €) que Robert X... ne justifie pas avoir utilisée dans l'intérêt de sa mère alors que les analyses très poussées de l'expert révèlent, sur la période considérée, de nombreuses dépenses en restaurants, fast food, magasins d'habillement et de décoration, frais d'autoroute et d'essence, billets d'avion et bricolage qui sont sans rapport avec l'âge et le mode de vie de la défunte ainsi que des virements et chèques encaissés par Robert X... sur son compte personnel ou sur un contrat d'assurance vie lui appartenant.

Robert X..., qui ne justifie pas de l'emploi de ces fonds, devra par conséquent les rapporter à la succession.

Il appartiendra au notaire chargé de procéder aux comptes de liquidation et partage de la succession de calculer les masses actives et passives de la succession et de déterminer la part qui doit revenir à Carmen B... tenant les dispositions testamentaires de la défunte au bénéfice de son fils.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le principe d'un rapport dû par Robert X... consécutivement à sa gestion des comptes de sa mère mais il sera infirmé sur le quantum de ce rapport et en ce qu'il a condamné Robert X... à payer à Carmen B... la somme de 39.365,87€.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du testament ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Dit que Robert X... doit rapporter à la succession de sa mère, Amélia X..., la somme de 89.728,03€ € ;

Rappelle qu'il appartiendra au notaire chargé de procéder aux comptes de liquidation et partage de la succession de calculer les masses actives et passives de la succession et de déterminer la part devant revenir à Carmen B... tenant les dispositions testamentaires de la défunte au bénéfice de son fils ;

Rejette le surplus des prétentions des parties ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par les parties ;

Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0694
Numéro d'arrêt : 14/5042
Date de la décision : 01/02/2018

Analyses

Même si une personne âgée de 88 ans était en état de fatigue au jour du rendez-vous chez le notaire pour y rédiger un testament après une nuit passée aux urgences suivie d'une hospitalisation pour des hémorragies nasales, la preuve de son insanité d'esprit n'est pas rapportée dès lors que ni les comptes-rendus hospitaliers ni le rapport d'intervention des services de secours ne signalent chez elle des pertes de repères spatio-temporaux, un état confus ou des troubles mnésiques ou cognitifs, que son dossier médical ne révèle aucun antécédent à cet égard, qu'aucune des pièces médicales produites ne prouve que son discernement était altéré lors de la rédaction du testament et que ses aides à domicile attestent qu'elle « avait toutes ses idées » et avait « tous les jours des discussions plausibles et (...) un suivi de conversation tout à fait normal ». La demande de sa fille en nullité du testament léguant la quotité disponible à son frère doit être en conséquence rejetée.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 12 mai 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2018-02-01;14.5042 ?
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