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18/01/2018 | FRANCE | N°14/00982

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre a, 18 janvier 2018, 14/00982


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre A



ARRET DU 18 JANVIER 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00982







Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 FEVRIER 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 07/04359







APPELANTS :



Monsieur [D], [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (Tunisie) - de nationalité française

[Ad

resse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Maurice HALIMI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, plaidant



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Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 18 JANVIER 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/00982

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 FEVRIER 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 07/04359

APPELANTS :

Monsieur [D], [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (Tunisie) - de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Maurice HALIMI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, plaidant

Mademoiselle [L] [V]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3] (66) - de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Maurice HALIMI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, plaidant

INTIMEES :

SCP [N] [C] [H]

et pour elle son représentant légal domicilié ès qualités

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL PECH-DE LACLAUSE ESCALE KNOEPFFLER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

SCI DU CERCLE anciennement SCI BOMPAS SALANQUE et pour elle son représentant légal domicilié ès qualités

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE GARRIGUE LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant

et par Me Joël JUSTAFRÉ de la SCP SAGARD CODERCH HERRE JUSTAFRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Janvier 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 NOVEMBRE 2017, en audience publique, Madame Caroline CHICLET, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Nadia BERGOUNIOU-GOURNAY, Président, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE':

Par actes du 28 février 2007 rédigés par [B] [N], notaire associé à [Localité 5], la Sci Bompas Salanque, devenue la Sci du Cercle, a vendu à [D] [I] et [L] [V] divers lots de copropriété dépendants d'un ensemble immobilier situé à Perpignan et destinés à un usage commercial, professionnel ou d'habitation.

Ayant découvert que les lots sont situés en zone inondable et qu'ils ne peuvent être destinés qu'à une exploitation agricole d'entrepôt ou de magasin, les consorts [I] [V] ont fait citer leur venderesse et le notaire, par actes du 2 octobre 2007, devant le tribunal de grande instance de Perpignan en réparation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 2 mars 2010, ce tribunal a dit que la société Bompas Salanque avait commis un dol et que le notaire avait manqué à son devoir de conseil et, avant dire droit sur l'existence d'un préjudice, a ordonné une expertise confiée à [T] [Q].

L'expert a déposé son rapport le 30 mars 2012.

Par jugement en date du 4 février 2014, le tribunal de Perpignan a':

débouté les consorts [I] [V] de l'intégralité de leurs prétentions,

condamné solidairement les consorts [I] [V] à payer la taxe foncière de 1.552 € du lot n° 7 prorata temporis avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2009,

condamné [D] [I] à payer prorata temporis la taxe foncière de 640 € du lot n° 8 avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2009,

condamné solidairement les consorts [I] [V] aux dépens,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [I] [V] ont relevé appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties le 10 février 2014.

Par arrêt mixte en date du 30 mars 2017, la cour d'appel de Montpellier a':

dit que le jugement du 2 mars 2010 n'a pas statué sur l'existence des préjudices ;

confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [I] [V] de leurs demandes au titre des pertes locatives

avant-dire droit sur le préjudice de perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses, invité l'expert judiciaire [T] [Q], sans frais, à compléter et préciser les conclusions du rapport déposé le 30 mars 2012 en application de l'article 245 du Code de procédure civile en :

- communiquant toutes les ventes de référence lui ayant permis d'aboutir à un prix proposé de 250 €/m2 ;

- justifiant, au regard des méthodes admises d'évaluation de la valeur vénale des biens immobiliers et tenant la spécificité des locaux examinés, le recours à la surface pondérée plutôt qu'à la surface utile ;

dit que l'affaire sera rappelée à l'audience collégiale de plaidoirie du mardi 28 novembre 2017 à 9h00';

réservé toutes les autres demandes incluant les dépens et les frais irrépétibles.

L'expert [Q] a déposé sa note complémentaire le 2 août 2017.

Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 31 octobre 2017';

Vu les conclusions de la Sci du Cercle remises au greffe le 20 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de la Scp [N] [C] [H] remises au greffe le 3 octobre 2017';

MOTIFS':

Sur le préjudice des consorts [I] [V]':

Les consorts [I] [V], respectivement musicien et photographe, comptaient installer leur domicile et leur atelier dans une partie des locaux acquis et amortir le remboursement de leur prêt grâce aux revenus tirés de la location des espaces restants.

Ainsi que cela a déjà été expliqué dans l'arrêt du 30 mars 2017, c'est à tort que les intimés soutiennent que les acquéreurs ont renoncé dans les actes de vente à utiliser ce bien pour un usage d'habitation.

En effet, la clause par laquelle les acquéreurs ont déclaré que «'le bien n'est pas à usage d'habitation et qu'en conséquence, les dispositions protectrices de l'acquéreur immobilier prévues par l'article L.271-1 précité n'étaient pas applicables à la promesse de vente qui aurait précédé les présentes et ne sont pas applicables à la vente'» a seulement vocation à rappeler que le droit de rétractation prévu par l'article L.271-1 du Code de la construction et de l'habitation n'est pas ouvert à l'acquéreur de locaux mixtes, non affectés exclusivement à l'habitation.

Ainsi, cette clause, malgré sa rédaction maladroite, ne signifie nullement que les acquéreurs n'entendaient pas affecter les locaux à l'habitation, contrairement à ce qui est soutenu.

Les consorts [I] [V] comptaient financer une partie de leur investissement en donnant à bail le reste des locaux (rez-de-chaussée du lot 8 et intégralité du lot 7) à l'instar de ce que leur venderesse avait fait avant eux (baux précaires consentis par la Sci depuis 2002 à diverses sociétés en annexe 2 du rapport d'expertise).

Le fait que les consorts [I] [V] n'aient pas conditionné la vente à l'obtention d'un certificat d'urbanisme et d'un permis de construire ne signifie nullement, contrairement à ce qui est soutenu, qu'ils avaient renoncé à exploiter les locaux conformément à la destination professionnelle, commerciale et d'habitation indiquée dans les contrats par la venderesse.

Il est donc évident que si les consorts [I] [V] avaient su que les locaux dont ils se portaient acquéreurs étaient situés en zone inondable et ne pouvaient être exploités, sauf à s'exposer à un risque de fermeture administrative, que pour un usage agricole d'entrepôt et de magasin, ils auraient choisi de réaliser un autre investissement ou auraient négocié un meilleur prix.

Les appelants ne sollicitant pas la nullité de la vente ni sa résolution consécutivement au dol de leur venderesse, leur préjudice consiste en une perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses.

Cette perte de chance est très sérieuse et doit être estimée à 90'% puisque si les acquéreurs avaient su qu'aucune exploitation professionnelle ou commerciale n'était possible sans s'exposer à un risque de fermeture administrative et qu'ils ne pouvaient même pas habiter dans les locaux dont la destination était limitée à l'entrepôt ou au magasin agricole, la venderesse n'aurait pas pu mettre en avant la rentabilité du bien (baux précaires) ni son potentiel d'exploitation pour convaincre les acquéreurs qu'ils réalisaient une bonne affaire et elle aurait été contrainte de revoir ses prix fortement à la baisse.

Il résulte des explications données par l'expert judiciaire dans sa note d'août 2017 que, lors de l'exécution de sa mission en 2012, il n'avait trouvé aucune vente portant sur des biens similaires compte tenu de la spécificité du présent immeuble consistant en deux corps de bâtiments distincts de plusieurs milliers de m² construits en 1965, dans un état moyen à vétuste, à usage d'entrepôt et de magasin et situés en zone inondable.

Le rapport d'expertise amiable [B] se révèle tout aussi inexploitable, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, puisque les ventes comparées portent toutes sur des biens ayant une destination professionnelle, commerciale et d'habitation alors qu'il s'agit d'évaluer la valeur vénale de locaux à usage agricole.

L'expertise privée de [U] [J] ne repose sur aucun élément de comparaison ni sur aucune analyse précise du bien de sorte que le prix proposé de 400 € le m² ne sera pas retenu.

Les prix de vente des autres lots de l'ensemble immobilier, vendus comme locaux à usage professionnel, commercial ou d'habitation alors qu'il s'agit en réalité d'entrepôt ou de magasins à usage agricole situés en zone inondable, ne peuvent servir d'éléments de comparaison, contrairement à ce que soutiennent les intimés.

Il résulte de ces diverses expertises judiciaire ou privées que la comparaison n'est pas possible puisqu'il n'existe pas un maché de biens similaires en fait et en droit.

La méthode qui reste à appliquer est celle de l'abattement.

La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants, compte tenu de l'état de vétusté des biens, de leur emplacement et de leur destination, pour appliquer un abattement de 40'% de la valeur vénale de ces biens ce qui fait ressortir un trop-versé de 58.000 € pour le lot n°7 (40'% de 145.000 €) et de 64.000 € pour le lot n°8 (40'% de 160.000 €).

Le préjudice des appelants est donc de 52.200 € pour le lot n°7 (90'% de 58.000 €) et de 57.600 € pour le lot n°8 (90'% de 64.000 €).

La Sci du Cercle et la Scp [N] [C] [H] seront condamnées in solidum à payer, en réparation de leurs préjudices, à [D] [I] et [L] [V], pris ensemble, d'une part, la somme de 52.200 € et à [D] [I], seul, d'autre part, la somme de 57.600 €.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de réparation des acquéreurs.

Sur les demandes de garantie':

La Sci du Cercle, qui a commis un dol en dissimulant la réelle destination agricole du bien, sera condamnée à garantir le notaire à concurrence de 80'% des condamnations prononcées contre lui par le présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens.

La demande de garantie formée par la Sci du Cercle sera rejetée pour le surplus.

PAR CES MOTIFS':

La cour';

Vu l'arrêt mixte de cette cour en date du 30 mars 2017';

Infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions';

Condamne la Sci du Cercle et la Scp [N] [C] [H] in solidum à payer à [D] [I] et [L] [V], pris ensemble, d'une part, la somme de 52.200 € et à [D] [I], seul, d'autre part, la somme de 57.600 € en réparation de leur préjudice de perte de chance';

Condamne la Sci du Cercle à garantir la Scp [N] [C] [H] à concurrence de 80'% des condamnations prononcées contre elle par le présent arrêt en principal, intérêts, frais et dépens';

Rejette le surplus des prétentions des parties';

Condamne la Sci du Cercle et la Scp [N] [C] [H] in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais taxés de l'expertise judiciaire et à payer aux consorts [I] [V], pris ensemble, la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 14/00982
Date de la décision : 18/01/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier A1, arrêt n°14/00982 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-18;14.00982 ?
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