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17/01/2018 | FRANCE | N°14/02763

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0717, 17 janvier 2018, 14/02763


SD/GL

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 17 Janvier 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/02763

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 FEVRIER 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

No RGF 12/00218

APPELANTE :

LA SOCIETE GRANT THORNTON

[...]

Représentant : Me Joséphine GUERCI MICHEL, avocat au barreau de LYON substituant la SELARL PETREL etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur T... U...

[...

]

Représentant : Me Agnès BOTELLA, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2017, en ...

SD/GL

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 17 Janvier 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/02763

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 FEVRIER 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

No RGF 12/00218

APPELANTE :

LA SOCIETE GRANT THORNTON

[...]

Représentant : Me Joséphine GUERCI MICHEL, avocat au barreau de LYON substituant la SELARL PETREL etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur T... U...

[...]

Représentant : Me Agnès BOTELLA, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

M. Olivier THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société GRANT THORNTON est une société d'expertise comptable-commissaire aux comptes.

M. T... U..., expert comptable, gérant de la société OC EXPERTS, concluait avec la société GRANT THORNTON le 11 septembre 1996, un protocole d'accord par lequel il cédait ses parts de la société OC EXPERTS. A la même date, par convention, il devenait associé mandataire de la société GRANT THORNTON et devait exercer son activité professionnelle pour le compte de celle-ci. Il acquérait également 15 actions de la société FIDULOR devenue GRANT THORNTON.

Il se voyait, à compter du 1er octobre 1996, reconnaître la qualité de salarié de la société GRANT THORNTON.

Le 2 avril 1997, M. U... se voyait notifier une mise au point. Il recevait une lettre d'observations le 25 mars 2005 suite à des plaintes de ses collaborateurs sur son absence d'encadrement et de supervision.

Le 1er janvier 2007, un avenant au contrat de travail soumettait M. U... en sa qualité de cadre autonome, à un forfait annuel de travail de 218 jours. Par avenant du 16 juillet 2008, il se voyait confier la responsabilité du département expertise du bureau de Montpellier avec une rémunération brute de 7500 € par mois.

Il recevait un avertissement par courrier du 26 février 2010 concernant le non suivi des procédures applicables au sein de la société.

Suite à la menace d'un gros client de changer d'expert comptable en septembre 2011, il était convoqué à un entretien de mise au point.

Par lettre le plaçant en mise à pied conservatoire, M. U... était convoqué le 13 décembre 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé au 20 décembre 2011. Il était licencié pour faute grave par lettre du 28 décembre 2011.

Contestant son licenciement, M. U... saisissait le 6 février 2012 le conseil de prud'hommes de Montpellier qui par jugement du 24 février 2014 disait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait la société GRANT THORNTON à payer à M. U... les sommes de :

- 151.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 4213,20 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied et 421,32 € au titre de congés payés afférents

- 26.456,49 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2645,49 € au titre de congés payés afférents

- 33.805,51 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes condamnait la société GRANT THORNTON au remboursement d'un mois d'allocation de chômage et déboutait M. U... du surplus de ses demandes.

La société GRANT THORNTON interjetait appel de ce jugement le 11 avril 2014.

Elle sollicite, dans le dernier état de ses conclusions reprises à l'audience, l'infirmation du jugement et le débouté de l'ensemble des demandes adverses.

A titre subsidiaire, elle sollicite que le licenciement soit dit fondé sur une cause réelle et sérieuse, que le montant de l'indemnité de préavis soit cantonné à 26.456,49 € et les congés payés afférents à 2.645,49 € et que l'indemnité de licenciement soit cantonnée à 33.805,51 € bruts, outre le débouté du surplus des demandes et la condamnation de M. U... au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir les graves erreurs professionnelles qu'elle impute à M. U..., le refus de la part de celui-ci d'appliquer les procédures de la société, l'absence de supervision de ses collaborateurs.

Elle soutient que la convention de forfait-jours était licite au regard du statut de cadre supérieur, de la responsabilité du département expertises du bureau de Montpellier, du niveau de la rémunération, de son autonomie en particulier dans la prise de congés.

Sur la demande au titre du travail dissimulé, elle relève l'incapacité du salarié de justifier de la réalisation d'heures supplémentaires.

M. U... demande la confirmation partielle du jugement en ses dispositions sur le licenciement abusif et demande à la cour de :

- condamner la SA GRANTTHORTON au paiement des sommes suivantes:

* Rappel de salaire période mise à pied conservatoire : 4 213,20 €

* Congés payés sur rappel de salaire : 421,32 € * Indemnité de licenciement : 34 270,79 €

* Indemnité compensatrice de préavis (6 mois) : 52 500,00 €

* Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 5 250,00 €

* Dommages-intérêts pour licenciement abusif : 210 000,00 €

* Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 26 250,00 €

* Dommages-intérêts pour absence de suivi effectif du temps de travail du salarié : 10 000 €

* 52 500 € au titre de l'indemnité de l'article L.8223-1 du Code du travail

* 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Outre les intérêts au taux légal à compter sauf exigibilité plus lointaine, de la saisine du conseil de prud'hommes.

M. U... fait notamment valoir dans les divers dossiers où des erreurs lui sont imputées, le fait que ces erreurs ne peuvent lui être imputées personnellement, le caractère tardif de certains griefs et la prescription pour certains faits remontant à plus de deux mois par rapport à l'engagement de la procédure de licenciement. Il se prévaut de l'imprécision du grief tenant au refus d'appliquer les procédures et de l'absence de remarques antérieures à ce sujet, de l'incompatibilité de rendre compte régulièrement avec l'autonomie de son statut.

Il affirme que son licenciement est en lien avec son refus de la rupture conventionnelle et relève le caractère vexatoire de la mise à pied.

Il prétend que la convention de forfait était illicite, contestant la notion d'autonomie au regard des exigences de rendre compte figurant dans la lettre de licenciement. Il fait valoir l'illicéité des dispositions de la convention collective qui n'assurent pas le caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail et la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il relève l'imprécision du courrier du 1er janvier 2007 sur le système du forfait jours et le fait qu'il n'était pas mentionné la possibilité de dénoncer la convention, ainsi que l'absence d'entretien portant sur les conséquences du forfait en jours imposé par l'article L.3121-46 du Code du travail.

Il considère qu'en raison du défaut de convention forfait-jours individuelle valable et du non-respect de l'accord collectif, l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi est caractérisé.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat quant aux motifs de celui-ci, vise en premier lieu, plusieurs manquements dans des dossiers clients qu'il convient d'examiner successivement.

- Pharmacie CASES/ROUVIERE

Il est visé le défaut d'enregistrement de 59 K€ dans le compte de résultat 2011, occasionnant un surplus d'imposition de 20K€ au titre de l'impôt sur les sociétés.

M. U... admet dans ses conclusions l'erreur, en indiquant que les comptes ont été corrigés avant leur transmission par M. N... qui a découvert l'omission, lors de la revue des dossiers dans le cadre de la double signature qu'il a imposée. Il est établi la réalité du défaut d'imputation au vu du bilan erroné en date du 6 décembre 2011 signé par M. U....

Si M. U... affirme que l'erreur vient de la collaboratrice comptable en charge du dossier, il n'en reste pas moins qu'il relevait de sa responsabilité d'expert-comptable de vérifier et de valider les travaux de cette collaboratrice.

Par contre, le préjudice du client n'est pas établi, l'erreur ayant été rectifiée à temps. Il reste que cette erreur était susceptible d'engendrer pour le client le paiement de cinq fois l'impôt dû. La rectification à temps de l'erreur a évité l'atteinte à l'image et à la crédibilité de la société.

Il en résulte que le défaut d'imputation était bien imputable à M.U..., mais que la société GRANT THORNTON n'en a subi aucun préjudice.

- Sarl POLE SANTE LUNEL

Il est reproché d'avoir fait payer à cette société deux fois la CFE, une fois par chèque et une fois par TIP pour un montant de 1584 € à chaque paiement, ainsi que d'avoir dû procéder à une régularisation sur les salaires payés deux fois au GIE pour un montant de 20.161 €.

Sur ce grief, M.U... invoque son caractère tardif, l'employeur faisant état d'une découverte des faits le mois dernier lors de la revue des comptes, ainsi que la prescription de deux mois prévue à l'article L.1332-4 du Code du travail.

Si l'employeur dans le cadre disciplinaire doit engager les poursuites dans un délai restreint et si en vertu de l'article susvisé, aucun fait fautif ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, l'article L.1332-4 ne s'oppose toutefois pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

En l'espèce, la faute intervenue dans le dossier pharmacie Case/Rouvière permettait à l'employeur de se prévaloir de cette faute sans que le caractère tardif du grief ou sa prescription puissent être invoqués.

M.U... affirme que la difficulté vient de la secrétaire du client qui a adressé le paiement par chèque sans avoir consulté le cabinet comptable et l'en avoir informé, alors que le TIP a été comme habituellement utilisé.

L'employeur sur qui pèse la charge de la preuve ne réplique pas sur ce point. La note établie par M. U... (pièce 33 employeur) ne précise pas l'origine du double paiement. Il n'est ainsi pas établi que ce double paiement lui est imputable.

Par contre, la production du grand livre des comptes généraux montre bien un double paiement en mars et avril 2009 de salaires payés deux fois au GIE pour 20161,25 €. M U... qui assurait le suivi de ce dossier, n'apporte aucune explication sur ce double paiement.

Il en résulte que dans ce dossier, seul le double paiement des salaires apparaît imputable à M. U....

- Centre de radiologie et de physiothérapie

Il est reproché d'avoir présenté à la signature un virement d'un montant de plusieurs milliers d'euros, destiné à un GIE ne faisant plus partie du groupe.

M. U... admet qu'un tel virement avait bien été préparé en juillet 2011, mais indique avoir lui-même corrigé cette erreur et bloqué les ordres de virement.

Comme précédemment et pour les mêmes motifs, pour ces faits de juillet 2011, M. U... est mal fondé à invoquer la prescription de l'article 1332-4 ou le caractère tardif.

La pièce 36, qui n'est qu'un écrit établi par le représentant de l'employeur, ne fait que relater le mécontentement des deux gérants du centre de radiologie sans apporter d'éléments sur l'auteur du blocage du virement.

Il en résulte que si M. U... avait bien préparé le virement erroné, il n'est pas établi qu'il n'aurait pas de lui-même corrigé l'erreur.

Dès lors, ce grief n'apparaît pas établi.

- Tomodoc

Il est reproché une omission de demande de dégrèvement de taxe professionnelle à hauteur de 57 K€ qui aurait dû être faite avant le 31 décembre 2010 et n'a été réalisée qu'en mars 2011 suite au constat de M.N..., responsable du cabinet, omission qui allait conduire à une mise en jeu de responsabilité professionnelle à hauteur de 57K€.

Pour les motifs ci-dessus exposés, M. U... est mal fondé à invoquer la prescription résultant de l'article 1332-4 ou le caractère tardif du grief.

Il est produit la décision de l'administration fiscale rejetant la réclamation formulée hors délais.

M. U... qui ne conteste aucunement l'imputabilité de l'erreur fait toutefois valoir que M. N... a signé les comptes annuels de 2010, entérinant l'erreur. L'employeur ne conteste pas la validation des comptes 2010.

M.N... ayant choisi de signer les documents comptables dans les dossiers suivis par M. U... et entérinant ainsi les données fournies par ce dernier, il apparaît ainsi que la responsabilité finale de l'erreur lui est imputable.

Sur le refus d'appliquer les procédures du cabinet et d'exécuter les ordres

Il est reproché à ce titre au salarié le défaut de création et d'alimentation de dossiers informatiques par mission, le défaut de communication de son planning, un comportement et un défaut de supervision, d'encadrement et de soutien dénoncés par ses collaborateurs.

Mme F..., Assistante, atteste que « Monsieur U..., malgré mes demandes réitérées, ainsi que celles de Monsieur N..., n'a jamais pris le soin de me communiquer son planning. »

De l'entretien d'évaluation de Monsieur U... 2009/2010, il ressort: « Peu d'encadrement et les collaborateurs s'en plaignent, pas de réunions techniques organisées malgré mes demandes récurrentes. »

De l'entretien d'évaluation 2010-2011, il ressort une absence de sens de l'organisation, un manque d'investissement, une non-prise en compte des consignes, un «manque évident d'encadrer et de capacité d'encadrement », ainsi qu'un défaut de supervision suffisante des collaborateurs.

M.U... était responsable du département expertises.

Madame D... , Responsable de missions, atteste : « Monsieur U..., malgré les demandes faites par Monsieur N... lors des réunions d'organisation du département expertises comptables n'a :

- jamais été intéressé par la mise en place des outils mis à la disposition par GRANT THORNTON pour gérer les dossiers d'expertise comptable (logiciel informatique) et n'a jamais imposé aux collaborateurs de les mettre en place contrairement à ce qui lui avait été demandé à plusieurs reprises,

- jamais organisé de réunions techniques malgré les demandes qui lui avaient été faites par la Direction. »

Au vu de ces éléments produits par l'employeur non contredits par des pièces adverses, il apparaît que sont ainsi établis le défaut de création et d'alimentation de dossiers informatiques par mission, le défaut de communication de son planning, et le défaut d'encadrement des collaborateurs.

L'exigence de communication du planning dans une entreprise n'est nullement incompatible avec un statut de cadre autonome : être autonome ne veut pas dire être électron libre sans lien avec sa hiérarchie et ses collaborateurs.

Enfin, le listing de formations intervenues entre 2005 et 2012 montre que M. U... a bénéficié à de nombreuses reprises de formations.

M. U... prétend que le véritable motif du licenciement serait lié à son refus d'une rupture conventionnelle.

S'il est établi que le 11 octobre 2011, le DRH national de la société est venu dans les bureaux de Montpellier, M. U... n'établit pas qu'il lui a été alors proposé une rupture conventionnelle. En effet, M. U... prétend que la société s'est envoyée à elle-même un courrier recommandé relatant les tentatives de l'employeur pour négocier un départ amiable. Or, l'examen de l'avis de réception montre que M. U... est à la fois l'expéditeur et le destinataire de cette lettre manuscrite et en tout état de cause, l'envoi de cette lettre par la société pour se relater à elle-même une prétendue négociation sur une rupture conventionnelle serait incohérente.

De ce qui précède, il résulte que sont établis à l'encontre de M. U... deux erreurs comptables grossières pour des montants conséquents, ainsi que le refus caractérisé d'appliquer les procédures du cabinet et la non-exécution de ses missions d'encadrement. L'ensemble de ces manquements constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par contre, l'ensemble des griefs n'étant pas établi et vu l'ancienneté du salarié, ces fautes ne présentaient toutefois pas le caractère de la faute grave privative des indemnités de rupture.

En conséquence, il sera dit que le licenciement reposait seulement sur une cause réelle et sérieuse et qu'il ne présentait pas de caractère vexatoire.

M. U... est ainsi fondé en ses demandes relatives au salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de licenciement.

Le rappel de salaires relatif à la période de mise à pied conservatoire est de 4213,20 € outre 421,32 € au titre des congés payés afférents.

Les parties conviennent que le contrat de travail a commencé au 1er octobre 1996. De la convention d'associé-mandataire prenant effet à cette date et seul document contractuel caractérisant les éléments du contrat de travail, il ressort en son article 6, un délai de préavis de rupture d'une durée de six mois. Cette disposition étant plus favorable que les dispositions conventionnelles, M. U... est fondé à demander paiement d'une indemnité de préavis à cette hauteur, soit sur la base d'un salaire mensuel de 8818,63 €, une somme qui ne saurait être inférieure au montant de 52500 € réclamé par M. U..., outre 5250 € de congés payés afférents.

Le montant de l'indemnité de licenciement calculé suivant les dispositions légales plus favorables, doit être fixé suivant le calcul retenu par le conseil de prud'hommes que la cour adopte au montant de 33.805,51 €.

Sur la convention de forfait-jours

Par courrier du 1er janvier 2007, M. U... en sa qualité de « cadre autonome » était soumis pour le calcul de la durée du travail à un forfait annuel de 218 jours.

M. U... prétend qu'il ne disposait pas de l'autonomie mise en avant par l'employeur.

Le fait que l'employeur lui demande de rendre compte de ses actions, de communiquer son planning et qu'il contrôle ses travaux ne constitue que l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle dans le cadre du lien de subordination. Il n'est pas antinomique avec l'autonomie dont disposait le salarié qui avait le statut de cadre supérieur, était responsable du département expertises du bureau de Montpellier et encadrait une équipe de cinq personnes.

Il est constant que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie de la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

L'accord collectif applicable en l'espèce est la convention collective nationale des entreprises d'expertise comptable.

Or, les dispositions de l'article 8. 1. 2. 5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, se bornent à prévoir, en premier lieu, que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à dix heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à quarante-huit heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre. En deuxième lieu, elles laissent à l'employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires. En troisième lieu, elles disent que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées. Ainsi, ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Dès lors, la convention de forfait qui était fondée sur des dispositions conventionnelles ne garantissant pas pour le salarié, le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et la protection de sa sécurité et de sa santé, était nulle.

En conséquence, du fait de la mise en œuvre de cette convention de forfait illicite, M. U... s'est vu privé du droit au décompte de la durée du travail chaque année par récapitulation du nombre de journées travaillées, tel que prévu par l'article D.3171-10 du Code du travail et d'un suivi effectif et vérifiable de son temps de travail.

En l'absence de tout élément fourni par le salarié de nature à caractériser l'exécution d'heures supplémentaires mais prenant en compte, le fait que l'absence de décompte a duré cinq années, il convient d'indemniser le préjudice subi par le salarié par l'allocation d'une indemnité d'un montant de 4000 €.

L'article L.8223-1 du Code du travail tel qu'alors applicable prévoyait « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

Des dispositions des articles 8221-3 et 8221-5 alors applicables, il ressort qu'était réputé travail dissimulé, le défaut d'immatriculation de l'employeur, le défaut de déclaration aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, le défaut de déclaration d'embauche ou de délivrance de bulletin de paie et la minoration ou le défaut de déclaration des heures de travail accomplies.

Faute d'établir l'un de ces éléments et notamment en l'espèce, l'existence d'heures de travail non rémunérées ou non déclarées, le travail dissimulé n'est pas établi, la seule mise en place d'une convention de forfait dans le cadre de dispositions conventionnelles illicites ou l'absence de respect desdites dispositions étant insuffisant pour caractériser des manquements aux dispositions des articles 8221-3 et 8221-5.

La demande au titre du travail dissimulé doit être rejetée.

Sur les autres demandes

Les intérêts seront dus pour les sommes ayant le caractère de salaire ou d'indemnité légale à compter de la convocation devant le bureau de conciliation et pour celles ayant le caractère d'indemnités fixées par la juridiction, à compter du présent arrêt.

Il apparaît équitable d'allouer à M. U... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions relatives au licenciement et statuant à nouveau : dit que la faute grave n'était pas caractérisée mais que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Infirmant sur l'indemnité compensatrice de préavis et statuant à nouveau,

condamne la société GRANT THORNTON à payer à M. U... la somme de 52.500 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 5.250 € brut à titre de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2012,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la condamnation de la société GRANT THORNTON au rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et à l'indemnité de licenciement, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 20 février 2012,

Infirmant le jugement, constate l'illicéité de la convention de forfait-jours et condamne la société GRANT THORNTON à payer à M. U... la somme de 4000 € en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives au travail dissimulé,

Condamne la société GRANT THORNTON à payer à M. U... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société GRANT THORNTON aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0717
Numéro d'arrêt : 14/02763
Date de la décision : 17/01/2018

Analyses

1) Le fait que l'employeur demande à un cadre de rendre compte de ses actions, de communiquer son planning et de contrôler ses travaux ne constitue que l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle dans le cadre du lien de subordination. Il n'est pas antinomique avec l'autonomie dont disposait le salarié qui avait le statut de cadre supérieur, était responsable du département expertises du bureau de Montpellier et encadrait une équipe de cinq personnes. 2) Le droit à la santé et au repos étant au nombre des exigences constitutionnelles, est nulle une convention de forfait fondée sur des dispositions conventionnelles ne garantissant pas pour le salarié, le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et la protection de sa sécurité et de sa santé.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 24 février 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2018-01-17;14.02763 ?
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