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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre C
ARRET DU 16 JANVIER 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02873
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 AVRIL 2013
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DRAGUIGNAN -
Arrêt du 26 juin 2014 - COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE-
Arrêt du 11 février 2016 COUR DE CASSATION
APPELANTES :
Madame [N] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Emmanuel BONNEMAIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant
Madame [U] [V] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Emmanuel BONNEMAIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant
INTIMES :
Maître [X] [J] ès qualités de commissaire au plan de la SARL LE SEYMAZ
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant
SARL LE SEYMAZ
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant
INTERVENANTE :
SCP [W] agissant par Me [I] [W] en remplacement de Maître [X] [J] selon jugement du Tribunal de Commerce de Fréjus du 27 février 2017
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 30 Octobre 2017 révoquée avant l'ouverture des débats par une NOUVELLE ORDONNANCE DE CLOTURE DU 20 Novembre 2017
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2017, en audience publique, Madame Leïla REMILI, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte signé le 18 février 1993, Madame [Q] [Z] et son époux Monsieur [M] [Z] ont cédé à la SARL LE SEMAZ leur fonds de commerce d'hôtel, restaurant, café, connu sous le nom de « HOTEL RESTAURANT BELLEVUE » situé [Adresse 6].
Selon cet acte de cession, le fonds de commerce était exploité en vertu d'un bail commercial du 2 juillet 1986 pour une durée de 9 ans, portant sur toute une maison d'habitation de trois étages avec caves en sous-sol.
Par acte d'huissier en date du 17 mai 2005, Madame [N] [L] et Monsieur [E] [V], propriétaires bailleurs ont signifié à la SARL LE SEYMAZ un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, en visant un bail commercial conclu le 6 juin 1991 avec Madame [Z].
Par actes d'huissier des 28 juillet et 19 août 2005, la SARL LE SEYMAZ a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan afin de voir prononcer la nullité du congé délivré.
Monsieur [E] [V] est décédé le [Date décès 1] 2007.
Madame [N] [L] et les héritiers de Monsieur [V] ont exercé un droit de repentir et consenti un renouvellement du bail en proposant un loyer déplafonné de 27 000 € par acte signifié le 11 décembre 2007.
Par courrier du 13 décembre 2007, la SARL LE SEYMAZ a accepté le principe du renouvellement du bail mais s'est opposée au loyer demandé.
Par jugement du 25 avril 2013, le tribunal de grande instance de Draguignan
Prononce la mise hors de cause de Madame [Y] [V] et Monsieur [V] [V],
Déclare recevable les demandes formées par la société LE SEYMAZ à l'encontre de Madame [N] [L] et Madame [U] [V] épouse [H],
Dit que les baux du 6 juin 1991 sont nuls et de nul effet et inopposables à la société LE SEYMAZ,
Dit que le bail liant les parties est un bail conclu le 2 juillet 1986 avec effet au 1er octobre 1986,
Dit que l'acceptation du principe de renouvellement est nulle,
En conséquence,
Déclare nul et de nul effet le congé délivré par les bailleurs à la société LE SEYMAZ le 18 mai 2005,
Déboute Madame [N] [L] et Madame [U] [V] épouse [H] de leur demande en paiement des arriérés de loyers fondée sur le bail de 1991,
Condamne Madame [N] [L] et Madame [U] [V] épouse [H] à payer à la SARL LE SEYMAZ la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [N] [L] et Madame [U] [V] épouse [H] aux dépens avec application de l'article à recouvrer au bénéfice de l'article à recouvrer au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal de grande instance de Draguignan a considéré que la SARL LE SEYMAZ n'était pas intervenue dans la conclusion des trois baux qui avait eu lieu entre les consorts [V] et Madame [Z] (à savoir le bail du 2 juillet 1986 et les deux baux du 6 juin 1991).
Il a ensuite estimé que la cession du fonds de commerce de février 1993 ne visait que le bail de 1986, que les bailleurs n'avaient formulé aucune réserve ni observation à la signification à cette cession et que les deux baux du 6 juin 1991, faute d'avoir été cédés, étaient inopposables à la SARL LE SEYMAZ. En outre, le premier juge considère les baux de 1991 comme irréguliers pour avoir été signés par Madame [Z] seule alors qu'ils portaient sur un bien commun et ressortait de l'actif de la liquidation judiciaire de son époux Monsieur [Z].
Enfin, le premier juge a considéré qu'il était démontré que les consorts [L]/[V] avaient renoncé à exécuter les baux de 1991 et que c'est bien dans l'ignorance du bail de 1991 et par erreur que la SARL LE SEYMAZ a accepté le repentir du congé.
Les consorts [L]/[V] ont relevé appel de ce jugement par acte du 19 juin 2013.
Par un arrêt du 26 juin 2014, la cour d'appel d'Aix en Provence :
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Rejette les demandes de la SARL LE SEYMAZ portant sur la nullité des baux du 6 juin 1991,
Dit que les baux du 6 juin 1991 sont opposables à la SARL LE SEYMAZ,
Dit que les consorts [L]/[V] n'ont pas renoncé au bénéfice de ces baux,
Dit que par l'effet de l'exercice du droit de repentir du bailleur, le bail du 6 juin 1991 portant sur les locaux situés [Adresse 6] s'est renouvelé à compter du 11 décembre 2007,
Dit n'y avoir lieu à fixation de l'indemnité d'éviction,
Constate qu'une procédure est pendante devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Draguignan pour la fixation du loyer du bail renouvelé,
Constate que ce loyer a été provisoirement fixé à la somme annuelle de 27 000 €,
Fixe au passif de la procédure collective de la SARL LE SEYMAZ la créance des consorts [L]/[V] ainsi qu'il suit :
- pour le bail Hôtel Pension Restaurant à la somme de 19 969,65 € à titre privilégié représentant les échéances arrêtées au 30 juin 2013,
- pour le bail activité Bar PMU et autres à la somme de 34 331,01 € à titre privilégié représentant les mensualités arrêtées au 30 juin 2013 avec intérêt légal à compter du 27 novembre 2007 au fur et à mesure des échéances jusqu'au 15 avril 2013,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne les consorts [L]/[V] aux dépens avec application de l'article à recouvrer au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La SARL LE SEYMAZ a formé un pourvoi en cassation, reprochant notamment à la cour d'avoir dit que les bailleurs n'avaient pas renoncé à se prévaloir des baux de 1991.
Par un arrêt du 11 février 2016, la Cour de cassation, sur ce moyen, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 juin 2014 par la cour d'appel d'Aix en Provence, remis, en conséquence les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Montpellier.
La Cour de cassation estime que la cour d'appel ne peut retenir que la renonciation à se prévaloir des baux de 1991 était « teintée d'équivoque » dans la mesure où cette renonciation ne peut être appréciée « qu'au regard des faits et actes émanant du titulaire du droit à l'encontre duquel elle est invoquée », c'est-à-dire les bailleurs en l'espèce. Or précisément la cour constatait que les bailleurs avaient de 1993, date de la cession du fonds de commerce incluant spécialement le bail de 1986, jusqu'en 2005, appelé le montant des loyers résultant du bail de 1986, qu'ils avaient visé dans un commandement de payer délivré en 2002, la clause résolutoire figurant dans ce même bail de 1986. Enfin ils faisaient référence à ce seul bail de 1986 dans leurs écrits ou ceux de leurs mandataires.
Ainsi la cour d'appel, au vu des actes émanant des bailleurs qui ne faisaient référence qu'au bail de 1986, ne pouvait par ailleurs considérer que la renonciation aux baux de 1991 était équivoque.
Il convient d'indiquer également que par ordonnance du 31 décembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, dans une décision confirmée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 21 janvier 2016, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée aux contrats de bail conclus le 1er juillet 1991, condamné la SARL LE SEYMAZ à payer aux consorts [L]/[V] une provision de 29 760,20 € à valoir sur le montant des loyers des deux baux impayés au 31 octobre 2014, ordonné l'expulsion de la SARL LE SEYMAZ et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation de 2 885,20 €.
Une procédure collective a été ouverte à l'encontre de la SARL LE SEYMAZ. Les consorts [L]/[V] ont assigné en intervention le commissaire au plan, le 21 juillet 2016 Me [X] [J] puis le 25 octobre 2017, la SCP [W].
La clôture de la procédure devant la cour d'appel de Montpellier a été prononcée par ordonnance du 30 octobre 2017.
L'affaire a été fixée pour les débats devant la cour d'appel de Montpellier à l'audience collégiale du 20 novembre 2017.
Les dernières écritures prises par les consorts [L]/[V] ont été déposées le 29 août 2017.
Les dernières écritures avant clôture prises par la SARL LE SEYMAZ ont été déposées le 20 octobre 2017.
Le 11 novembre 2017, le conseil de la SARL LE SEYMAZ a déposé de nouvelles conclusions, indiquant qu'elles étaient identiques aux précédentes, sauf à y viser le bon commissaire au plan (Me [W]) assigné en intervention par Me NEGRE.
A l'audience du 20 novembre 2017, aucune difficulté n'est soulevée s'agissant de ces dernières conclusions.
Le dispositif des écritures des consorts [L]/[V] énonce :
Réformant le jugement dont appel,
Vu les articles 1413, 1421 et 1427 du code civil,
Vu l'article L. 622-9 du code de commerce (aujourd'hui L. 641-9),
Dire et juger valables les baux conclus par Madame [Z] seule en 1991,
En tant que de besoin, dire et juger prescrite l'action en annulation des actes accomplis par l'un des époux en dépassement des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi sur les biens communs,
Débouter la SARL LE SEYMAZ de sa demande en nullité de ce chef,
Vu l'article L. 145-60 du code de commerce,
Dire et juger prescrite l'action en nullité intentée par la SARL LE SEYMAZ à l'encontre des baux commerciaux conclus le 6 juin 1991,
En tout état de cause, dire et juger cette demande en nullité des baux de 1991 mal fondée,
Vu les articles 6, 1134 et 1165 du code civil,
Vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce,
Dire et juger opposables à la SARL LE SEYMAZ les baux commerciaux conclus le 1er juillet 1991,
Dire et juger qu'aucune renonciation aux baux de 1991 n'a pu juridiquement intervenir,
Constater en tout état de cause que les concluants n'ont pas entendu renoncer au bénéfice des baux conclus en 1991,
Constater en tant que de besoin que la SARL LE SEYMAZ a entendu renoncer au bénéfice du bail de 1986 au profit des baux de 1991,
Vu l'article 1109 du code civil,
Constater qu'aucune nullité ne peut être prononcée s'agissant d'une acceptation du repentir des bailleurs à laquelle la loi n'attache aucun effet juridique,
Dire et juger en tout état de cause qu'aucune conséquence ne saurait être tirée de cette prétendue nullité de l'acte d'acceptation quant à la validité des baux de 1991,
Constater à titre subsidiaire que la SARL LE SEYMAZ était parfaitement informée de l'existence des baux conclus en 1991 lors de son acte d'acquiescement au repentir délivré par les concluants,
La débouter de sa demande en nullité de ce chef.
S'agissant des conséquences de l'application des baux de 1991,
Vu le droit de repentir exercé par le bailleur par acte extra judiciaire en date du 11 décembre 2007,
Vu les dispositions de l'article L. 145-58 du code de commerce (ancien article 32 du décret du 30 septembre 1953),
Dire et juger sans objet la procédure en annulation du congé sans offre de renouvellement du bail et sans paiement d'indemnité d'éviction à effet du 16 avril 2006 signifié le 18 mai 2005 par le bailleur au preneur,
Ledit congé devenant inexistant par l'effet du droit de repentir, dire n'y avoir lieu à fixation d'une indemnité d'éviction au profit du preneur.
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Fixer au passif de la procédure collective de la SARL LE SEYMAZ, à titre privilégié en vertu du privilège de bailleur commercial, les sommes de :
- pour le bail à usage d'hôtel restaurant : 19 959,65 € au titre des arriérés de loyers majoré par jugement avant-dire droit du juge des loyers commerciaux du 13 juillet 2010,
- pour le bail à usage de bar/PMU : 34 331,01 € selon le décompte produit au débat (pièce n° 52), outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 novembre 2007 jusqu'à la date du prononcé du redressement judiciaire du 15 avril 2013, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil.
Ordonner la capitalisation de ces intérêts par application de l'article 1154 du code civil.
A titre subsidiaire, si le bail de 1986 devait être appliqué
Vu les articles 524 et 633 du Code de procédure civile,
Dire et juger recevable la demande de résolution judiciaire formée par les concluants devant la cour,
Vu les articles 1134, 1153, 1154, 1184 et 1728 du code civil,
Constater que la SARL LE SEYMAZ ne règle aucun loyer en contrepartie de son occupation depuis le mois de septembre 2014,
Prononcer la résolution judiciaire du bail liant les parties aux torts exclusifs de la SARL LE SEYMAZ,
Ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
La condamner au paiement d'une indemnité d'occupation de 2 250 € par mois,
Condamner la SARL LE SEYMAZ au paiement de la somme de 88 571,66 € au titre de son arriéré de loyers à compter du mois de juillet 2013 sauf à parfaire outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
Ordonner la capitalisation des intérêts,
Fixer la créance des concluants au passif de la procédure collective à la somme de 19 959,65 € au titre des arriérés de loyers majorés par jugement avant-dire droit du juge des loyers commerciaux du 13 juillet 2010,
En tout état de cause
Condamner la SARL LE SEYMAZ au paiement de la somme de 13 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens postérieurs à la signification de leurs droits de repentir le 11 décembre 2007, ceux d'appel sur renvoi de la Cour de cassation étant distraits au profit de la SCP NEGRE PEPRATX-NEGRE avocat sous ses offres et affirmations de droit par application de l'article 699 du même code.
Dans leurs écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, les consorts [L]/[V] indiquent que la question essentielle est aujourd'hui de savoir si les baux de 1991 signés par les auteurs de la SARL LE SEYMAZ sont ou non valables. Ainsi, soit ils sont nuls et seul le bail commercial de 1986 sera applicable ; soit ils sont valables, parce que le bail de 1986 a été remplacé et annulé par les baux de 1991, les époux [Z] ne pouvaient alors valablement transmettre juridiquement à la SARL LE SEYMAZ que ces deux baux.
Les consorts [L]/[V] précisent qu'il importe peu que les dispositions de l'acte de cession du fonds de commerce du 18 février 1993 n'aient visé que le bail de 1986 dans la mesure où les bailleurs n'étaient pas partie à ce contrat.
Sur l'absence de nullité des baux de 1991, les consorts [L]/[V] font valoir qu'à supposer qu'en raison de la liquidation des biens de son mari qui était maçon, Madame [Z] ait été dessaisie de ses propres biens et ne pouvait donc conclure les baux sur le fonds de commerce, la sanction serait non la nullité des actes mais l'inopposabilité à la procédure collective, seul Maître [Q] en qualité de syndic aurait en conséquence la qualité pour agir sur ce fondement. En tout état de cause, toute action en inopposabilité ou en nullité serait forclose ou prescrite.
Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation ne signifie pas que les bailleurs auraient renoncé au bénéfice des baux de 1991, les consorts [L]/[V] font valoir l'impossibilité d'une telle renonciation s'agissant d'un contrat synallagmatique et prétendent qu'il n'est pas démontré l'existence d'actes clairs et non équivoques témoignant de leur intention certaine de renoncer aux baux de 1991 au profit du bail de 1986 (les seuls actes visés émanant de tiers). Au contraire, le comportement de la SARL LE SEYMAZ témoigne de sa volonté de soumettre la relation contractuelle aux dispositions des baux de 1991.
Sur les conséquences de l'application des baux de 1991, les consorts [L]/[V] font valoir que l'acceptation du repentir, qui n'a aucun effet juridique, ne saurait être nulle.
Subsidiairement, les consorts [L]/[V] sollicitent la résolution judiciaire du bail de 1986 en raison de la méconnaissance par le locataire de son obligation de régler le loyer. Elles prétendent qu'il ne s'agit nullement d'une demande nouvelle en application des articles 564 et 633 du code de procédure civile, s'agissant d'un fait nouveau résultant du défaut de paiement des loyers à compter du mois de septembre 2014.
Le dispositif des écritures de la SARL LE SEYMAZ et de la SCP [W], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société, énonce :
Vu les articles L. 145'4, L. 145'9, L. 145'17, L. 145'34, L. 145'47, L. 145'60, L. 115'14 du code du commerce,
Vu la loi du 13 juillet 1967,
Vu les articles 143, 144 et 564 du code de procédure civile,
Vu les articles 778 et suivants du Code civil,
Vu l'article 1134 du Code civil,
A titre principal,
Confirmer le jugement rendu le 25 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Draguignan en toutes ses dispositions et en ce qu'il a,
Dit que les baux du 6 juin 1991 sont nuls et de nul effet et inopposables à la SARL LE SEYMAZ,
Dit que le bail liant les parties est le bail conclu le 2 juillet 1986 à effet du 1er octobre 1986,
Dit que l'acceptation du principe de renouvellement est nulle,
En conséquence, en ce qu'il a :
Déclaré nul et de nul effet le congé délivré par les consorts [V] à la SARL LE SEYMAZ le 18 mai 2005,
Débouté les consorts [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
Prendre acte du renoncement au refus de renouvellement sans indemnité d'éviction des bailleurs,
Prendre acte de l'acceptation de la SARL LE SEYMAZ quant au renouvellement du bail du 1er juillet 1991 à compter du 11 décembre 2007,
Prendre acte du refus de la SARL LE SEYMAZ du loyer proposé par les bailleurs au terme du droit de repentir signifié le 11 décembre 2007
En conséquence,
Dire et juger que le bail du 1er juillet 1991 se trouve renouvelé à compter de la date du repentir sans augmentation du loyer,
Débouter les bailleurs de la proposition aux fins que le loyer soit fixé à la somme de 27 000 € hors-taxes par an,
Débouter les consorts [V] du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause, condamner solidairement les consorts [L]/[V] au paiement de la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Denis Bertrand sur ses offres de droit.
Dans leurs écritures, auxquelles la cour invite les parties à se référer pour un exposé complet, la SARL LE SEYMAZ et le commissaire au plan font valoir que la société n'a jamais été liée par les deux baux en date du 6 juillet 1991 mais uniquement par le bail du 1er octobre 1986 qui seul est mentionné à l'acte de cession du fonds de commerce qui a été signifié au bailleur, lequel n'a à aucun moment indiqué qu'il n'y aurait non pas un bail mais deux baux avec un loyer de 50 000 FF chacun.
La SARL LE SEYMAZ prétend par ailleurs que les deux baux signés le 6 juin 1991 sont nuls et inopposables compte tenu de la liquidation judiciaire de Monsieur [O] et ce, en application des dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 alors en vigueur. En vertu de ces dispositions, le débiteur à la liquidation de biens est dessaisi dès le prononcé de la liquidation, seul le syndic désigné en l'espèce Maître [Q] pouvant agir et disposer des biens dépendant de la liquidation. Ainsi le fonds de commerce cédé à la SARL LE SEYMAZ, dès lors qu'il dépendait de la communauté existante entre les époux [Z], dépendait de l'actif de la liquidation.
Elle prétend également que les baux sont nuls en application du statut des baux commerciaux, dans la mesure où les parties ne pouvaient mettre fin au bail de 1986 avant l'expiration d'une période de 9 ans et conclure de nouveaux baux, avec deux nouvelles destinations, deux désignations et surtout deux loyers alors en outre qu'aurait dû s'appliquer la procédure de déspécialisation prévue à l'article L. 145'47 du code de commerce.
S'agissant de la prétendue prescription de l'action en nullité sur le fondement de l'article L. 145'60 du code de commerce, la SARL LE SEYMAZ indique qu'elle pouvait toujours la soulever par voie d'exception et donc au-delà du délai de deux ans.
La SARL LE SEYMAZ liste ensuite les divers actes positifs émanant des bailleurs, qui ne peuvent se cacher derrière leurs mandataires, actes desquels il ressort qu'ils n'ont jamais entendu exécuter les baux de 1991 jusqu'à la délivrance du congé.
Quant à l'activité de BAR PMU dont les consorts [L]/[V] indiquent qu'elle n'était pas prévue par le bail de 1986 mais uniquement par celui de 1991, l'intimée fait valoir qu'elle était exercée par Monsieur [O] bien avant l'acquisition par la SARL LE SEYMAZ et nonobstant l'absence de précision dans le bail de 1986.
La SARL LE SEYMAZ en déduit qu'elle a toujours été liée par le seul bail de 1986 et que c'est donc par erreur et dans l'ignorance d'un bail conclu en 1991 qu'elle a accepté le repentir des bailleurs. Son acceptation du repentir étant nulle, elle est bien fondée à demander la nullité du congé qui lui a été délivré et qui vise un bail inexistant.
A titre subsidiaire, si la cour devait considérer valables les baux de 1991 et l'acceptation du repentir, l'intimée demande à la cour de prendre en compte son acceptation du principe du renouvellement du bail à effet au 11 décembre 2007 tout en refusant le prix du loyer proposé par les bailleurs.
Enfin, s'agissant des demandes de résolution judiciaire, d'expulsion et d'indemnité d'occupation, la SARL LE SEYMAZ qui conteste ne pas régler les loyers depuis septembre 2014, prétend qu'il s'agit de demandes nouvelles qui doivent être rejetées car n'ayant été exposées ni devant le tribunal de grande instance de Draguignan ni devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
MOTIFS
Sur les baux du 6 juin 1991
- Sur la nullité
Il est constant que Madame [Z] a signé les deux baux du 6 juin 1991 alors que son époux était en liquidation de biens.
Si effectivement, en cas de liquidation judiciaire d'un débiteur marié sous le régime de la communauté, les biens inclus dans l'actif de la procédure collective sont administrés par le seul liquidateur qui exerce pendant toute la durée de la liquidation les droits et actions du débiteur dessaisi, les pouvoirs de gestion des biens communs normalement dévolus au conjoint in bonis ne pouvant plus s'exercer, il reste en l'espèce que seul Maître [Q], ès qualités de syndic, aurait eu qualité pour agir en nullité ou en inopposabilité des baux signés par l'épouse seule.
Par ailleurs, aucun texte ne s'oppose à ce que les parties concluent un nouveau bail respectant les dispositions protectrices du statut des baux commerciaux et ce, avant l'expiration du bail initial de neuf ans.
Il y a donc lieu d'écarter les moyens tirés de la nullité des baux de 1991 et de déclarer ces derniers valables.
- Sur la renonciation des consorts [L]/[V] à se prévaloir des baux du 6 juin 1991
Contrairement à ce que prétendent les appelantes, la renonciation aux baux de 1991, en tant que contrats synallagmatiques n'est pas impossible, en revanche, elle ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.
Elle doit en outre, en l'espèce, être appréciée au regard des faits et actes émanant du titulaire du droit à l'encontre duquel elle est invoquée, soit des bailleurs ou de leurs mandataires et non de ceux émanant du preneur.
Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que les montants des loyers appelés pendant douze ans, soit depuis 1993, date de l'acquisition par la SARL LE SEYMAZ du fonds de commerce, jusqu'en 2005, ne sont pas ceux résultant des baux de 1991 mais ceux à hauteur du montant mentionné dans le seul bail du 2 juillet 1986. Les bailleurs ne peuvent sérieusement faire valoir l'existence d'une erreur pendant une aussi longue période alors qu'ils ont encaissé finalement moins de la moitié des loyers prévus aux baux de 1991.
En outre, par courriers des 13 février 1995, VAR LOCATIONS écrivait à ses mandants, les consorts [V]/[L], qu'il convenait de faire signifier une offre de renouvellement au bail commercial arrivant à expiration au 30 septembre 1995, soit bien celui de 1986 et non les baux de 1991.
En janvier 1997, la SARL LE SEYMAZ réclamait la copie du bail renouvelé, relayé en cela par l'agence VAR LOCATIONS le 24 novembre 1997. Par courrier du 28 novembre 1997, le conseil des consorts [V]/[L] confirmait qu'avant d'établir le bail commercial, il convenait d'établir l'état des lieux de l'hôtel et du bar en l'état d'aménagements qui n'auraient pas été autorisés. Par un nouveau courrier du 12 octobre 1998, le conseil des consorts [V]/[L] faisait mention d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Draguignan et désignant un huissier de justice afin de « dresser un état des lieux de l'hôtel et de faire un descriptif des aménagements effectués par comparaison à la désignation de l'immeuble tel que figurant dans le bail commercial de juillet 1986 ».
La seule référence, de manière totalement isolée, au demeurant à un seul bail du 6 juin 1991 dans un courrier du 12 janvier 2000 émanant du conseil des consorts [V]/[L], lequel ignorait manifestement jusqu'alors l'existence des contrats de 1991, est sans incidence alors que le loyer a continué à être encaissé en application du bail de 1986 sans subir d'autre variation que l'indice applicable et qu'il n'a été donné aucune suite aux courriers successifs de l'Agence A2i VAR LOCATIONS qui s'interrogeait dans le cadre de sa gestion et n'avait également aucune connaissance d'un ou de baux signés en 1991.
Comme l'étaient les mandataires des bailleurs, la SARL LE SEYMAZ, qui a acquis en 1993 un fonds de commerce dont l'acte de cession visait le seul bail de 1986, était dans l'ignorance de l'existence des deux autres baux de 1991.
De plus, le 3 mars 2006, les consorts [V]/[L] ont fait délivrer par huissier de justice un commandement de payer visant la clause résolutoire au titre de loyers restant dus pour la période d'octobre 2001 à janvier 2006 selon encore le bail commercial du 2 juillet 1986.
Il ressort donc suffisamment de ces éléments que les consorts [V]/[L] ont renoncé à se prévaloir et à exécuter les baux de 1991.
Dès lors, ces contrats ne sauraient être déclarés opposables à la SARL LE SEYMAZ et les appelants doivent être déboutés de toutes leurs demandes fondées sur ces contrats ou en découlant, en ce compris celles afférentes au droit de repentir et à son acceptation.
Sur le bail du 2 juillet 1986
Le seul contrat applicable aux relations entre les parties est le bail du 2 juillet 1986 par lequel était donné en location pour une durée de 9 ans du 1er octobre 1986 au 30 septembre 1989, « pour exercer le commerce de café'hôtel'restaurant », « toute une maison d'habitation élevée de trois étages dont le troisième est mansardé, sur rez-de-chaussée et caves », moyennant un loyer annuel de 46 250 FF charges comprises.
Or, l'obligation principale du locataire est celle de régler les loyers dus en raison de son occupation des lieux.
Il ressort du courrier du 25 août 2016 et des décisions issues de la procédure de référé en date des 31 décembre 2014 et 21 janvier 2016 que la SARL LE SEYMAZ n'a effectué aucun paiement depuis le dernier versement de 16 400 € effectué en septembre 2014.
L'intimée qui conteste ne pas verser de loyer depuis cette date, ne produit toutefois aucune preuve de paiement, ce qui ne saurait résulter de l'absence de demande de résolution du plan de sauvegarde par les bailleurs.
Le non paiement des loyers depuis trois ans constitue un motif grave justifiant la résolution judiciaire du bail, étant constaté que la demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où le défaut de paiement est intervenu après l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence censuré par la Cour de cassation.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande de résolution judiciaire, d'expulsion (sans astreinte toutefois) et de paiement d'une indemnité d'occupation.
Le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Draguignan a, par jugement du 13 juillet 2010, retenant que la SARL LE SEYMAZ ne produisait aucun élément de preuve lui permettant de critiquer la valeur locative retenue par l'expertise produite par les bailleurs, fixé à titre provisionnel le loyer annuel à la somme de 27 000 € HT et ce, quel que soit le bail retenu par la juridiction saisie au fond. L'intimée ne conteste pas plus utilement aujourd'hui cette évaluation.
Il sera fait droit à la demande de condamnation au paiement de la somme de 88 571,66 €, cette somme qui ressort du décompte produit en pièce 64 n'étant pas sérieusement contestée au subsidiaire, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation.
En revanche, la demande de fixation de la somme de 19 959,65 € n'a plus d'objet dans la mesure où elle correspond en réalité à la déclaration de créance concernant l'un des baux de 1991.
Sur les frais non remboursables et les dépens
Le jugement de premier ressort sera confirmé en ce qui concerne les frais non remboursables et les dépens.
L'intimée qui succombe en appel supportera les dépens dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
En revanche, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 25 avril 2013 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que les baux du 6 juin 1991 sont nuls et de nul effet,
y ajoutant,
CONSTATE que la SARL LE SEYMAZ ne règle aucun loyer en contrepartie de son occupation depuis le mois de septembre 2014,
PRONONCE la résolution judiciaire du bail conclu le 2 juillet 1986,
ORDONNE l'expulsion de la SARL LE SEYMAZ et celle de tous occupants de son chef au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
FIXE l'indemnité d'occupation à la somme de 2250 € HT par mois,
CONDAMNE la SARL LE SEYMAZ au paiement de la somme de 88 571,66 € au titre des arriérés de loyers à compter du mois de juillet 2013 avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils sont dus au moins pour une année,
REJETTE le surplus des demandes,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la SARL LE SEYMAZ aux dépens de l'appel dont distraction au profit de la SCP NEGRE PEPRATX-NEGRE.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
LR/SS