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16/01/2018 | FRANCE | N°16/02340

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1ère chambre c, 16 janvier 2018, 16/02340


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délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1ère Chambre C



ARRET DU 16 JANVIER 2018



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02340





Décision déférée à la Cour de renvoi :

Arrêt du 17 FEVRIER 2016 de la COUR DE CASSATION - N° RG 138 f-d qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu le

13 février 2014 par la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt (

jugement du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN du 6 décembre 2012 et l'Arrêt rectificatif de la COUR DE CASSATION du 15 JUIN 2016 - N° RG 708 f-d qui a rapporté par...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 16 JANVIER 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02340

Décision déférée à la Cour de renvoi :

Arrêt du 17 FEVRIER 2016 de la COUR DE CASSATION - N° RG 138 f-d qui a cassé et annulé partiellement l'arrêt rendu le

13 février 2014 par la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt (jugement du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN du 6 décembre 2012 et l'Arrêt rectificatif de la COUR DE CASSATION du 15 JUIN 2016 - N° RG 708 f-d qui a rapporté partiellement son arrêt n° 138 f-d du 17 février 2016.

APPELANTS :

Madame [B] [U] Veuve [G]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (SUEDE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée de Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-LAREDJ-SPANGHERO, avocats au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

Mademoiselle [J] [G]

née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 2] (ITALIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée de Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-LAREDJ-SPANGHERO, avocats au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

Monsieur [Q] [G] représenté par Madame [B] [U] Veuve [G] selon ordonnance du Juge des Tutelles du 12 février 2008

né le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et assisté de Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-LAREDJ-SPANGHERO, avocats au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

Madame [U] [X] Veuve [G]

née le [Date naissance 4] 1940 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée de Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-LAREDJ-SPANGHERO, avocats au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

Monsieur [L] [G]

né le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 2]

représenté et assisté de Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-LAREDJ-SPANGHERO, avocats au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

INTIMEES :

SARL SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE PARTICIPATION HOTELIERE 'SEPH' anciennement dénommée SARL [D] HOTELS FRANCE inscrite au RCS de FREJUS sous le N° 412 327 843 représentée en la personne de son gérant en exercice Monsieur [M] [D]domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et assistée de Me Philippe PLANTADE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

SA GENERALI IARD immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 552062663 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Lola JULIE avocat au barreau de MONTPELLIER et assistée de Me Julie VERDON du CABINET HASCOËT et Associés, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 31 Octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2017, en audience publique, monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée auprès du Premier président de la cour d'appel de Montpellier par ordonnance n° 5/2017 du 2 janvier 2017

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Le 7 juillet 2004, le personnel de l'hôtel de la SARL [D] Hôtels France a retrouvé mort en bas d'une falaise à l'aplomb de sa chambre un client [F] [G].

L'enquête de police a permis de déterminer que se trouvant enfermé sur le balcon de sa chambre en raison d'une défectuosité du système de fermeture et d'ouverture des portes-fenêtres, celui-ci avait tenté de se glisser sur le balcon d'une autre chambre et probablement perdu l'équilibre.

Sa veuve [B] [U] et ses enfants mineurs [J] et [Q], sa mère [U] veuve [G], son frère [L] [G], ont assigné la SARL [D] Hôtels France et son assureur la SA Generali Assurances Iard, en réparation de leur préjudice consécutif au décès.

Dans un arrêt rendu le 13 février 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement de première instance rendu le 6 décembre 2012 sur la fixation des préjudices, et infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré que la SARL [D] Hôtels France avait commis une faute qui la rendait entièrement responsable des préjudices, et statuant à nouveau dit que la SARL [D] Hôtels France et [F] [G] ont commis chacun une faute qui a concouru pour moitié au préjudice.

Sur un pourvoi formé par les consorts [G], la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 17 février 2016 dispose :

Casse et annule, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de [J] [G], dit que les consorts [G] sont bien fondés à demander réparation de leurs préjudices à la SARL [D] Hôtels France et fixe le montant du préjudice économique subi par [B] [U], [J] et [Q] [G], l'arrêt rendu le 13 février 2014 ;

Au motif énoncé :

Attendu que pour dire que la société et [F] [G] ont commis chacun une faute ayant concouru pour moitié au préjudice subi, l'arrêt retient que la défectuosité du système de fermeture de la chambre était établie et connue de longue date par l'hôtelier, qui s'était abstenu d'y remédier, mais qu'il existait d'autres solutions pour la victime que de tenter de passer d'une chambre à l'autre par l'extérieur au moyen d'une man'uvre périlleuse, et que celle-ci caractérisait une faute d'imprudence ;

Qu'en se déterminant pas de tels motifs, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si l'hôtelier n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de sécurité, non seulement en ne réparant pas ou en ne remplaçant pas le système de fermeture défectueux, mais aussi en omettant d'avertir [F] [G] des difficultés qu'il était susceptible de rencontrer lors de l'utilisation de la porte-fenêtre, de sorte que dûment informé il n'aurait pas fermé celle-ci et ne se serait pas trouvé dans l'impossibilité de regagner sa chambre, l'hôtelier étant dès lors susceptible d'être tenu à réparation intégrale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

La cour d'appel de Montpellier désignée cour de renvoi a été saisie par une déclaration des consorts [G] déposée le 18 mars 2016.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du

31 octobre 2017.

Les dernières écritures pour [B] [U] veuve [G], [J] [G], [Q] [G], [U] veuve [G], [L] [G], ont été déposées le 3 mai 2017.

Les dernières écritures pour la SARL [D] Hôtels France, aujourd'hui dénommée SARL SEPH, ont été déposées le

31 mars 2017.

Les dernières écritures pour la société d'assurance Generali Iard ont été déposées le 26 octobre 2017.

Le dispositif des écritures des consorts [G] énonce :

'Dire que la société [D] Hôtels France est seule responsable du décès d'[F] [G].

'Fixer le préjudice économique pour [B] [U] et ses enfants [J] et [Q] [G] aux sommes suivantes :

° pour [B] [U] à titre principal 2 277 207,13 €, à titre subsidiaire en l'absence de distinction de la période où elle a les enfants à charge 1 869 040,34 €, à titre infiniment subsidiaire la somme retenue par le premier juge de 1 233 406,82 € ;

' pour [J] [G] 311 039,29 € comme fixé par le premier juge et la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

' pour [Q] [G] 342 097,06 € comme fixé par le premier juge et la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

'Condamner la société [D] Hôtels France à payer à [B] [U] veuve [G], [J] [G], [Q] [G] ces sommes assorties des intérêts de droit à compter de l'assignation initiale du 16 mai 2007.

'Fixer le préjudice moral des consorts [G] aux sommes suivantes :

° [B] [U]60 000 €

' [J] [G]40 000 €

' [Q] [G]40 000 €

' [U] [G]25 000 €

' [L] [G]15 000 €

'Condamner la société [D] Hôtels France à payer ces sommes, et dire n'y avoir lieu à subrogation au profit de la CPAM et de CAPAVES Prévoyance.

'Dire que la société Generali Iard sera tenu de garantir la société [D] Hôtels France de toutes les condamnations son encontre.

'Condamner la société [D] Hôtels France à payer à chacun des consorts [G] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

'Condamner la société [D] Hôtels France et la compagnie Generali Iard aux dépens dont distraction au profit de la SCP Cabee-Biver-Laredj-Spanghero sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [G] exposent que par un arrêt de rabat partiel du 15 juin 2016, la Cour de cassation a rectifié le dispositif de son arrêt du 17 février remplacé par la disposition suivante :

Casse et annule sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de [J] [G] et dit que les consorts [G] sont bien fondés à demander réparation de leurs préjudices à la SARL [D] Hôtels France ;

supprimant ainsi de l'exclusion de l'annulation de l'arrêt d'Aix-en-Provence la mention : et fixe le montant du préjudice économique subi par [B] [U], [J] et [Q] [G].

Sur la responsabilité de l'hôtelier ils invoquent au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil le manquement à l'obligation de sécurité de la clientèle en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter tout danger, possible et prévisible, alors que dans l'espèce il savait que le système de fermeture de la chambre était défectueux, que le rapport d'expertise mise en 'uvre par l'enquête de police a relevé que la serrure avait été plusieurs fois réparée, que le personnel de l'hôtel a reconnu un problème récurrent de verrouillage des portes-fenêtres des chambres et que d'autres personnes avaient été auparavant bloquées par ce dysfonctionnement, que ce client n'avait jamais été alerté sur ce risque.

Ils fondent également une responsabilité de plein droit de l'hôtelier sur la responsabilité de l'article 1384 du Code civil du fait des choses qu'il a sous sa garde, la porte-fenêtre dont le dysfonctionnement caractérise un comportement anormal ayant joué un rôle actif dans la réalisation du dommage, mais aussi du fait de ses préposés parmi lesquels le responsable technique de l'hôtel qui avait opéré des réparations insuffisantes sur le système de fermeture.

Ils demandent la garantie de l'assureur de l'hôtelier qui avait été écartée en première instance et dans l'arrêt de la cour appel d'Aix-en-Provence au motif de l'exclusion contractuelle de garantie pour les dommages résultant d'un dysfonctionnement du matériel connu de l'assuré, au motif que Generali ne démontre pas l'acceptation formelle de cette clause d'exclusion de garantie par son assuré, que la déchéance de garantie postérieure au dommage n'est pas opposable aux victimes.

Les consorts [G] argumentent le montant de leurs prétentions au titre de leur préjudice économique moral dans des développements circonstanciés (perte de ressources de la famille et répartition parmi ses membres affecté du barème de capitalisation du taux de rente pour [B] [U] ; calcul du premier juge pour [J] et [Q] ; nombreuses attestations sur l'effectivité du préjudice moral dans le contexte familial) dans leurs écritures auxquelles la cour renvoie les parties pour un exposé complet.

Ils contestent le droit de subrogation reconnu à tort par les juridictions au profit de la CPAM et de CAPAVES Prévoyance pour le montant du capital décès et de la rente éducation n'ayant pas un caractère indemnitaire mais contractuel forfaitaire, subrogation par ailleurs spécialement écartée dans le contrat avec CAPAVES Prévoyance en cas de décès.

Le dispositif des écritures de la SARL [D] Hôtels France aujourd'hui SARL SEPH énonce :

'Débouter les consorts [G] de leurs conclusions sur le fondement des articles 1382, 1383, 1384 du Code civil.

'À titre subsidiaire, dire qu'aucune somme n'est due à [B] [U] agissant pour elle-même et pour son fils [Q], ni à [J] [G] au titre du préjudice économique, et limiter la responsabilité de l'hôtel à la seule réparation du préjudice d'affection, à hauteur de 20 000 € pour [B] [U], 20 000 € pour [J] [G], 20 000 € pour [Q] [G], 6000 € pour [U] [G].

'Condamner la société Generali Iard à garantir [D] Hôtels France de toute condamnation.

'Condamner in solidum les consorts [G] à verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de la SCP d'avocats postulants par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société gérant l'hôtel relate longuement des éléments qu'elle prétend troublants dans l'organisation de la vie de la victime au moment des faits, que la société dans laquelle il était cogérant traversait des périodes difficiles, puis la succession des événements judiciaires et des prétentions dans ce litige, notamment en termes de difficultés de communication de pièces.

Sur la responsabilité quasi -délictuelle pour faute, elle soutient que la preuve de la défaillance du système de verrouillage de la serrure dans la chambre concernée et de défectuosité identique pour d'autres chambres n'est pas suffisamment établie par un rapport technique sollicité dans le cadre de l'enquête préliminaire non contradictoire à son égard, que n'est pas établi davantage le lien de causalité certain entre une éventuelle défectuosité et le décès alors que la victime a choisi la voie périlleuse d'une tentative de passage sur un balcon voisin de nuit par un temps de pluie et de vent au-dessus d'une corniche au lieu d'utiliser une chaise disponible pour briser la vitre ou d'attendre en sécurité la fin de l'orage ou l'arrivée du personnel de service.

Elle en déduit que l'imprudence extrême du comportement de la victime est à l'origine exclusive du décès, et fait observer que le médecin légiste conclut « aucun élément ne permet de dire si la chute était d'origine accidentelle ou le fait d'un geste suicidaire ».

Sur la responsabilité du gardien de la chose, elle soutient que la porte-fenêtre a été fermée manuellement par la victime, de sorte que le système de verrouillage n'a joué aucun rôle actif dans le choix périlleux de la victime qui a conduit à son décès.

Sur la responsabilité des préposés, elle expose que la réparation du système de fermeture de la chambre concernée avait été correctement effectuée et qu'il n'est donc pas démontré la preuve d'une faute du préposé de l'hôtel.

La même argumentation sur le défaut de lien de causalité doit être reprise sur la responsabilité de l'article 1384 du Code civil.

Enfin la société soutient un caractère imprévisible et irrésistible du comportement de la victime.

Sur les prétentions des préjudices économiques, la société critique l'appréciation excessive de l'avenir professionnel de la victime et des revenus du foyer au moment du décès, soutient que l'attitude judiciaire dilatoire des consorts [G] ne leur permet pas d'appliquer un coefficient d'érosion monétaire, et développe un calcul établissant une perte économique pour l'épouse [B] [U] limitée à 210 568,66 € et une absence de perte économique pour les enfants [J] et [Q].

Elle indique que l'époux a perçu en 2005 la somme de 706 752 € de garantie décès et une somme supplémentaire du même montant sur une condamnation de CAPAVES Prévoyance prononcée par la cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 17 juin 2010, montants largement supérieurs à celui du préjudice économique éventuellement établi.

Elle soutient que les montants réclamés au titre du préjudice moral sont excessifs au regard de la jurisprudence dans les circonstances d'un décès immédiat sans longue maladie.

Elle soutient pour demander la garantie de l'assureur qu'elle avait pris toutes mesures pour assurer le bon fonctionnement du système de verrouillage qui n'avait présenté dans les mois précédents aucune défaillance.

Le dispositif des écritures de la société Generali Iard énonce :

'À titre principal, juger que les dysfonctionnements de la porte étaient connus et répétés, constitutif d'un dysfonctionnement dont l'hôtel avait connaissance, et que le dommage qui en a résulté est exclu de la garantie d'assurance.

'Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société [D] Hôtels France dans la survenance du sinistre, et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le prétendu dysfonctionnement des portes vitrées et le décès.

'Débouter en conséquence les requérants de l'ensemble de leurs demandes.

'Juger en tout état de cause que les fautes commises par la victime revêtent les caractéristiques de la force majeure exonératoire de responsabilité pour l'hôtel.

'À titre subsidiaire dire que les fautes commises sont de nature à réduire dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50 % le droit à indemnisation des consorts [G].

'Juger que le préjudice économique de [B] [U] ne saurait excéder la somme de 210 568,66 €.

'Juger que les enfants [J] et [Q] [G] sont suffisamment indemnisés de leurs pertes de revenus par la pension de réversion.

'Limiter les demandes de préjudice moral à 20 000 € chacun pour l'épouse et les deux enfants, à 6000 € chacun pour le frère et la mère de la victime.

'Condamner tout succombant à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

La société d'assurance fonde sur les éléments de l'enquête de police la preuve suffisante d'un dysfonctionnement du système de verrouillage de la porte-fenêtre connu de l'hôtel de nature à constituer l'exclusion contractuelle de garantie par la mention suivante :

« dommage résultant d'un défaut, un dysfonctionnement de travaux, biens, produits, marchandises, dont vous aviez connaissance à la conclusion du contrat, ou pendant la période de validité si dans ce cas aucune mesure n'est prise pour empêcher le dommage ».

L'assureur soutient que la clause était à la connaissance de l'assuré qui ne le conteste pas, alors qu'il a signé les conditions particulières qui renvoient à la lecture des conditions générales comportant la clause.

L'assureur soutient également l'argumentation du défaut de lien de causalité certaine entre l'éventuelle faute de l'hôtel et le décès en raison de la prise de risque de la victime, du caractère imprévisible et irrésistible de son comportement.

Il reprend également l'argumentation de l'hôtel sur la réduction des préjudices économiques et d'affection, et la déduction nécessaire des prestations versées par CAPAVES Prévoyance.

MOTIFS

Les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 17 février 2016 et le 15 juin 2016 ont annulé entièrement l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sauf sur la recevabilité de l'action de [J] [G], et remis en conséquence les parties en l'état du jugement de première instance du 6 décembre 2012 concernant la responsabilité de l'accident, la charge et le montant de l'indemnisation des préjudices.

Sur la responsabilité de l'accident

Les consorts [G] fondent leurs prétentions sur les articles 1382, 1383, 1384 alinéa 1 du Code civil, aujourd'hui devenus 1240, 1241, 1242 alinéa 1.

Ces dispositions énoncent la responsabilité de celui par la faute duquel est arrivé le dommage, par son fait, sa négligence ou son imprudence, ou par le fait de ses préposés ou de la chose qu'il a sous sa garde.

Le premier juge a retenu par des motifs pertinents qui ne sont pas sérieusement critiqués que l'enquête de police a mis en évidence la défectuosité du système de fermeture et d'ouverture des portes-fenêtres des chambres entraînant l'impossibilité pour la personne se trouvant sur la terrasse derrière la porte-fenêtre fermée de rentrer dans la chambre, que plusieurs incidents avaient déjà été relevés causant l'enfermement involontaire d'un client ou d'un personnel ayant dû appeler au secours, de sorte que l'hôtelier a effectivement manqué à son obligation contractuelle de moyens pour assurer la sécurité des clients.

L'hôtelier n'est pas fondé à s'exonérer de sa responsabilité à ce titre de gardien de la porte-fenêtre au motif qu'elle aurait été fermée manuellement par la victime, alors que l'existence même d'une situation d'impossibilité de rouvrir de l'extérieur pour rentrer dans la chambre caractérise un comportement anormal de la chose conduisant à un enfermement d'un client à l'extérieur, situation dans l'espèce en lien de causalité directe avec l'accident.

La connaissance établie par l'enquête et de nombreux témoignages de situations précédentes identiques, même si elles n'ont heureusement pas conduit à un décès, suffit à ajouter à la responsabilité de l'hôtelier le fondement d'une négligence à ne pas avoir recherché à pallier ce risque pour l'avenir par une modification du système de fermeture.

Dans cette configuration de risque évident d'enfermement sur une terrasse extérieure à la chambre positionnée au-dessus d'un précipice, le manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de l'hôtelier est ici aggravé par l'absence d'information du client sur le risque en cas de verrouillage de la fermeture de la porte-fenêtre.

Les considérations développées par l'hôtelier sur une analyse propre de l'organisation supposée troublante de la vie de la victime dans les temps précédant immédiatement l'accident, sur le caractère périlleux et imprudent du choix de la victime de tenter de passer sur un balcon voisin de nuit par temps de pluie et de vent au-dessus d'une corniche abrupte, au lieu de tenter de briser la vitre avec une chaise disponible sur la terrasse, ou d'attendre l'arrivée d'un personnel de service, ne permettent pas de retenir une faute de la victime à l'origine du dommage alors que celle-ci avait fait seulement un usage normal de la terrasse sans devoir supposer se trouver confrontée à l'impossibilité de retourner dans la chambre.

Le choix probablement effectivement périlleux et imprudent de la victime pour tenter de réintégrer l'intérieur de l'hôtel n'exonère pas, même partiellement, l'hôtel de la responsabilité résultant de sa défaillance dans son obligation de moyens pour assurer la sécurité des clients, à l'origine exclusive de la situation d'enfermement à l'extérieur d'[F] [G] qui a conduit celui-ci à une tentative malheureuse pour essayer de rentrer à l'intérieur et à son décès.

La formulation par le médecin légiste « aucun élément ne permet de dire si la chute était d'origine accidentelle ou le fait d'un geste suicidaire » écarte justement la preuve certaine d'un comportement suicidaire qui pourrait être imputé à la victime.

La cour confirme en conséquence l'appréciation du premier juge de retenir la responsabilité entière de l'établissement hôtelier.

Sur la garantie de la société Generali

L'article 18 des dispositions générales du contrat d'assurance, auxquelles renvoie explicitement les conditions particulières signées par l'assuré, énonce une exclusion de garantie dans les cas:

d'un vice, un défaut, un dysfonctionnement, dont vous aviez connaissance, soit à la conclusion du contrat, soit pendant la période de validité du contrat, si dans ce dernier cas aucune mesure n'est prise pour empêcher le dommage.

La cour observe comme le premier juge que l'enquête de police réalisée a mis en évidence que la société de gestion de l'hôtel avait connaissance du défaut du système de fermeture des portes-fenêtres, alors que plusieurs employés et clients avaient été enfermés à l'extérieur, au moins au cours de la validité du contrat antérieurement à l'accident du 7 juillet 2004 sans avoir pris de mesures efficaces pour remédier aux risques, alors qu'il est par ailleurs établi que les systèmes de fermeture ont été modifiés postérieurement au sinistre.

La cour confirme en conséquence également le rejet de la prétention de la société de gestion de l'hôtel et des consorts [G] à la garantie de la société d'assurance Generali.

L'opposabilité à l'assuré de la clause d'exclusion résulte suffisamment de sa signature portée sur les dispositions particulières du contrat renvoyant expressément aux conditions générales comportant la clause d'exclusion de garantie.

Les consorts [G] ne sont pas recevables à demander pour le compte d'un tiers la société de gestion de l'hôtel le bénéfice de la garantie de son contrat d'assurance.

Sur l'indemnisation des préjudices

La cour adopte les motifs pertinents du premier juge pour fixer le cadre d'appréciation du préjudice économique des consorts [G], sur la base d'un revenu annuel net du ménage avant le décès, d'une part des dépenses personnelles de la victime à 20 %, puis une répartition de la perte annuelle dans le groupe familial de 60 % pour la veuve, et 20 % pour chacun des deux enfants.

' Préjudice économique

Le premier juge avait retenu pour les revenus professionnels annuels de référence de la victime un revenu net avant imposition résultant des bulletins de salaire produit d'un montant de 162 665,36 €, augmenté pour la même période des revenus de son épouse pour un montant de 9501,83 €.

Les consorts [G] reprennent cette base de référence dans leurs écritures, soit un montant total des revenus salariaux du couple de 172 167,19 €.

La société de gestion de l'hôtel oppose à juste titre que le calcul du premier juge se base sur une période de 13 mois (juillet 2003 à juillet 2004).

La cour retiendra cependant comme le premier juge dans l'appréciation du revenu annuel au moment du décès le montant de la prime annuelle dont l'attestation du directeur européen de la société mentionne la prévisibilité d'un caractère permanent et en probable augmentation, de sorte qu'il convient de retirer seulement de la base de référence le montant du salaire de juillet 2003 de 8200,51 €, soit un revenu annuel ramené à :

172 167,19 ' 8200,51 = 163 966,68 €.

Les consorts [G] sont fondés à appliquer à ce montant un coefficient d'érosion monétaire pour actualiser les sommes au moment de la décision, sans que la société hôtelière puisse utilement opposer une responsabilité des requérants dans la durée de la procédure judiciaire qui résulte de l'exercice légitime de leur droit d'agir.

Le premier juge n'était pas fondé à écarter l'application du coefficient d'érosion monétaire au motif inopérant de l'application d'un taux de rente viagère pour l'épouse.

La cour appliquera le coefficient d'érosion monétaire le plus proche de la date du décès, soit pour l'année 2004 de 1,12, portant ainsi la base de référence annuelle à la somme de :

163 966,68 x 1,12 = 183 642,68 €.

La part d'autoconsommation du défunt sera retenue comme apprécié en première instance pour un couple avec deux enfants à 20 %, soit un montant de 183 642,38 x 20 % = 36 728,53 €.

La perte annuelle du foyer s'établit ainsi à la somme de :

183 642,68 - ( 36 728,53 + 9501,83) = 137 412,32 €.

Il convient ensuite de procéder à la répartition du préjudice économique entre le conjoint survivant et les enfants.

L'affectation retenue de 20 % de perte patrimoniale pour chacun des deux enfants conduit à leur affecter chacun une part de perte patrimoniale annuelle de 137 412,32 x 20 % = 27 482,46 €.

Cependant, il n'est pas contesté qu'ils perçoivent chacun une rente annuelle de la CPAM de 14 790,54 € et de la CAPAVES Prévoyance de 18 846,72 €, soit un montant total annuel supérieur à la perte patrimoniale retenue, de sorte qu'ils ne peuvent bénéficier d'un solde positif pour chiffrer un préjudice supplémentaire affecté d'un coefficient d'euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de 25 ans.

Les consorts [G] prétendent dans leurs écritures écarter le caractère subrogatoire indemnitaire de ces montants sans toutefois le démontrer.

Le fait que ces organismes ne soient pas parties dans l'instance n'a pas d'incidence sur le caractère indemnitaire déductible des montants versés.

La cour adopte le motif du premier juge concernant le versement de la CAPAVES Prévoyance « qu'il s'agit d'un revenu de substitution dont les modalités de calcul sont en relation directe avec les revenus salariaux de la victime et non forfaitaires, l'indemnité versée pouvant faire l'objet d'une subrogation contractuelle contre le tiers responsable (page 4 &3 du contrat) ».

L'indication dans une simple notice d'information annexée au contrat que « les ayants droits de la victime donnent de plein droit subrogation à CAPAVES Prévoyance dans leur action contre le responsable à l'exclusion du cas de décès » n'est pas de nature à empêcher le choix de l'organisme d'exercer directement dans ce cas son droit de subrogation résultant d'une disposition spécifique du contrat.

La cour écarte comme le premier juge en conséquence la prétention des enfants de la victime [J] et [Q] [G] à la condamnation de la société d'exploitation de l'hôtel au paiement d'un préjudice économique supplémentaire.

Le préjudice économique du conjoint [B] [U] est constitué sur une base de référence de perte patrimoniale annuelle de 60 %, soit le montant de 137 412,32 x 60 % = 82 447,39 €.

Doit être déduit de ce montant de référence la pension de réversion d'un montant annuel non contesté de 23 684,84 €, soit un solde de 82 447,39 - 23 684,84 = 58 762,55 € qui sera affecté d'un euro de rente viagère.

La cour fait application dans l'expression d'une jurisprudence de sécurité juridique du dernier barème de capitalisation publiée en 2016 par la Gazette du Palais, soit pour une femme âgée de

42 ans au décès de son époux le taux de 33,944, soit un préjudice économique total de 58 762,55 x 33,944 = 1 994 635,99 €.

Mais doit être également déduit pour les motifs déjà exposés concernant le préjudice économique des enfants le montant du capital décès qui lui a été versé par la CAPAVES Prévoyance pour le montant non contesté de 1 413 504 €,

Il en résulte que le préjudice économique du conjoint [B] [U] s'établit à la somme suivante :

1 994 635,99 - 1 413 504 = 581 131,99 €.

' Préjudice moral

Les consorts [G] prétendent à des augmentations substantielles des montants alloués par le premier juge, et la société d'exploitation de l'hôtel offre des montants diminués.

La cour doit faire une appréciation au regard de la réalité et la régularité de la proximité et des liens affectifs avec le défunt.

La cour retiendra dans le contexte d'une vie familiale soudée traduit par plusieurs témoignages versés au débat les montants suivants :

'[B] [U] conjoint survivant :30 000 €

'[J] [G] âgée de 10 ans au décès

de son père :30 000 €

'[Q] [G] âgé de 8 ans au décès

de son père :30 000 €

'[U] [G], mère du défunt :20 000 €

'[L] [G], frère du défunt : 12 000 €.

Sur les autres prétentions

Il est équitable de mettre à la charge de la société d'exploitation de l'hôtel, la SARL SEPH, déclarée entièrement responsable du dommage à la suite de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel qui avait retenu une faute de la victime ayant concouru pour moitié au préjudice, une part des frais non remboursables exposés par les consorts [G] devant la cour d'appel de renvoi, pour un montant global de 5000 €.

Il est également équitable de mettre à la charge de la SARL SEPH une part des frais non remboursables exposés par la société d'assurances Generali dont la garantie contractuelle n'a pas été retenue, pour un montant de 2500 €.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société SARL SEPH, et concernant ceux exposés par les consorts [G] devant la cour de renvoi, dont distraction au profit de la SCP Cabee-Biver-Laredj-Spanghero sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Vu les arrêts rendus par la Cour de cassation le 17 février 2016 et le 15 juin 2016 ;

Confirme le jugement rendu le 6 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de Draguignan, sauf en ce qui concerne les montants d'indemnisation du préjudice économique d'[B] [U] conjoint du défunt, et des préjudices moraux des consorts [G] ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la SARL SEPH à payer à [B] [U] au titre de son préjudice économique une somme de 581 131,99 € ;

Condamne la SARL SEPH à payer au titre du préjudice moral d'affection des proches de la victime décédée les sommes suivantes :

'[B] [U] conjoint survivant :30 000 €

'[J] [G] âgée de 10 ans au décès

de son père :30 000 €

'[Q] [G] âgé de 8 ans au décès

de son père :30 000 €

'[U] [G], mère du défunt :20 000 €

'[L] [G], frère du défunt :12 000 €

Condamne la SARL SEPH à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d'appel de renvoi, à [B] [U] veuve [G], [J] [G], [Q] [G], [U] veuve [G], [L] [G], ensemble une somme de 5000 €, et à la société d'assurance Generali Iard une somme de 2500 € ;

Condamne la SARL SEPH aux dépens, et concernant ceux exposés par les consorts [G] devant cette cour de renvoi, dont distraction au profit de la SCP Cabee-Biver-Laredj-Spanghero sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

MM/PG


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1ère chambre c
Numéro d'arrêt : 16/02340
Date de la décision : 16/01/2018

Références :

Cour d'appel de Montpellier 1D, arrêt n°16/02340 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-16;16.02340 ?
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