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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère Chambre D
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2017
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/03427
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 JANVIER 2017
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/31971
Dossier 17/00740 joint
APPELANTS :
Monsieur [G] [O]
de nationalité Roumaine
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représenté par Me Elise DE FOUCAULD, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/1700 du 05/04/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
Madame [F] [E]
née le [Date naissance 1] 1989 à
de nationalité Roumaine
[Adresse 3]
[Adresse 2]
représentée par Me Elise DE FOUCAULD, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [Q] [B]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représenté par Me Elise DE FOUCAULD, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/1697 du 05/04/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMES :
Madame [T] [T] [S]
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 2]
représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [P] [T]
né le [Date naissance 3] 1946 à [Adresse 2]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 6]
représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [V] [T]
né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 8]
représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [S] [T] [H]
née le [Date naissance 5] 1965 à
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 8]
représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [M] [T] [Z]
née le [Date naissance 5] 1991 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 10]
représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [R] [T] [Z]
né le [Date naissance 6] 1994 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 10]
représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [M] [T] [Z]
née le [Date naissance 5] 1991 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 10]
représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 Août 2017
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 SEPTEMBRE 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie CONTE, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre en remplacement de Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre empêché, et Madame Myriam GREGORI, Conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre
Madame Marie CONTE, Conseiller
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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[S] [T], [P] [T], [T] [T], [V] [T], [M] [T] [W] et [R] [T] [Z] sont propriétaires indivis d'une parcelle située sur la commune de [Localité 1] cadastrée section [Cadastre 1] occupée sans droit ni titre depuis l'année 2014 par une centaine de personnes appartenant à la communauté des roms.
Suivant ordonnance du 22 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de Grande instance de Montpellier, saisi par [T] [T] aux fins d'expulsion des occupants de la parcelle a dit n'y avoir lieu à référé.
Invoquant des circonstances nouvelles résidant dans l'apparition de cas de shigellose au sein du campement en Septembre 2016 et d'un risque de pollution généré par des dépôts divers effectués sur le site par ses occupants, l'ensemble des copropriétaires indivis a saisi à nouveau le juge des référés du tribunal de Grande instance de Montpellier qui, par ordonnance du 12 janvier 2017 a :
- ordonné l'expulsion des défendeurs ainsi que de tous occupants de leur chef de la parcelle litigieuse à compter du 1er avril 2017 et au besoin avec le concours de la force publique.
- ordonné aux défendeurs et à tous occupants de leur chef d'enlever tous objets, biens, meubles présents sur cette parcelle à compter du 1er août 2017.
Par déclarations reçues les 8 février 2017 et 20 juin 2017 et assignation à jour fixe du 27 juillet 2017, [G] [O] et [B] [Q] puis [F] [E] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions notifiées le 4 septembre 2017 les appelants demandent à la cour au visa des articles 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de l'article 3 de la convention de New-York sur les droits de l'Enfant, des articles 5,12,488,808 et 809 du code de procédure civile et L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de débouter les intimés de leur demande d'expulsion, à titre subsidiaire accorder aux appelants et à tous occupants de leur chef un délai de trois années pour se reloger et débouter les intimés de leur demande d'indemnité provisionnelle d'occupation.
Ils font valoir que :
- 45 familles, soit 130 personnes environ, sont installées depuis l'été 2014 sur le terrain des consorts [T].
- l'urgence sanitaire invoquée par ces derniers n'est pas caractérisée, aucun nouveau cas de shigellose n'étant diagnostiqué depuis un an.
- le bail produit n'est pas un élément nouveau, le projet de stockage de bennes et bateaux ayant été invoqué lors de la première procédure de référé.
- le risque de pollution des sols n'est pas démontré.
- un contrôle de proportionnalité s'impose entre la violation alléguée par les consorts [T] de leur droit de propriété et la violation alléguée par les occupants de leur droit au respect de leur domicile et de leur vie privée
- ce contrôle de proportionnalité doit être effectué même en présence d'une atteinte à la propriété d'une personne privée
- en l'espèce le trouble allégué par les consorts [T], à savoir l'impossibilité de mettre en oeuvre un prétendu projet de location de la parcelle, est sans mesure avec la gravité des conséquences d'une éventuelle expulsion pour les familles concernées, impliquant l'expulsion d'enfants en bas âge et la rupture du travail social en cours sans solution de relogement.
- à titre subsidiaire un délai à expulsion de trois ans est justifié par la précarité des occupants, la recherche active par ces derniers de solutions d' hébergement pérennes, et l'investissement des enfants dans leur scolarité.
Par conclusions notifiées le 2 août 2017, les consorts [T] sollicitent la confirmation de l'ordonnance déférée, sauf à ordonner l'expulsion dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision sous astreinte de 1000€ par jour de retard et par personne concernée , et à prescrire la remise en état de la parcelle [Cadastre 1] dans un délai de 48 heures sous astreinte de 1000€ par jour de retard, et à condamner en outre les occupants illicites au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils objectent que :
- des éléments nouveaux sont établis justifiant que soit rapportée la précédente ordonnance de référé.
- la violation du droit de propriété privée constitue en soi un trouble manifestement illicite.
- les consorts [T] subissent en outre, du fait de l'occupation illicite de leur parcelle, une perte de revenus locatifs
- cette occupation génère des problèmes de salubrité publique et des troubles avérés à l'ordre public, se manifestant par les plaintes pénales déposées par les propriétaires voisins pour injures, menaces de mort, violences, vols et détériorations.
- la carence de l'Etat et des collectivités territoriales ne peut avoir pour conséquence les troubles répétés occasionnés aux particuliers.
- il n'incombe pas aux personnes privées de prendre en charge le relogement et la politique d'accueil, la jurisprudence des juridictions européennes invoquée par les appelants concernant non pas des particuliers mais des propriétaires de droit public.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la jonction
Il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances enrolées sous les n°17/740 et 17/3427.
Sur la recevabilité de la demande
L'article 488 du code de procédure civile dispose que ' l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.'
L'ordonnance de référé du 22 décembre 2015 qui sur la demande d'expulsion, a dit n'y avoir lieu à référé a été prononcée entre [T] [T] [S], demanderesse agissant pour le compte de l'indivision, et les occupants de la parcelle [Cadastre 1].
Il ressort des termes de cette décision que l'un des motifs du rejet de la demande d'expulsion réside dans le fait que [T] [T], qui n'a pas mandat de représenter les autres copropriétaires dans la présente instance, ne justifie pas alors qu'elle n'est propriétaire que d'un 7ème indivis du terrain, d'une atteinte à son droit de propriété.
L'instance en référé dont est saisie la cour a été intentée par l'ensemble des copropriétaires indivis de la parcelle litigieuse.
L'ordonnance de référé du 22 décembre 2015, et l'instance en référé ayant donné lieu à la décision dont appel, ayant certes le même objet mais ne concernant pas les mêmes parties, les dispositions du 2ème alinéa de l'article 488 du code de procédure civile ne sont pas applicables en l'espèce, aucune autorité ne s'attachant à l'ordonnance antérieurement rendue.
Sur le fond
Selon l'article 544 du code civil, le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.
Ce droit fondamental de valeur constitutionnelle et protégé par la Convention Européenne des Droits de l'Homme a un caractère absolu conduisant à ce que toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui soit considéré comme un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d'obtenir en référé, en application de l'article 809 1er alinéa du code de procédure civile l'expulsion des occupants sans qu'il soit imposé auxdits propriétaires de démontrer l'existence d'un préjudice autre que celui résidant dans l'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui, et sans que puisse leur être opposée la légitimé du but poursuivi d'atteindre l'objectif de valeur constitutionnelle de disposer d'un logement décent ; la nécessité de satisfaire à cet objectif étant opposable, non pas aux particuliers, mais à la personne publique.
Les consorts [T] justifient de plus de préjudices générés par l'occupation illicite depuis environ 3 ans, de leur parcelle, résidant d'une part dans l'impossibilité de donner à bail celle-ci, d'autre part dans l'injonction qui leur a été faite par courrier du 20 septembre 2016 du Service communal hygiène et Santé de la ville de Montpellier, d'engager des mesures 'afin de mettre un terme à cette situation d'occupation illégale' de leur terrain, ce courrier relevant des dépôts divers (électroménager, ferraille, carcasses de voitures) entraînant un risque de pollution du milieu et précisant à ses destinataires qu'ils sont civilement responsables de l'entretien de la parcelle, enfin dans les réclamations de propriétaires riverains dénonçant des troubles anormaux de voisinage, voire des troubles à l'ordre public.
Le trouble manifestement illicite invoqué par les consorts [T] étant caractérisé, l'ordonnance entreprise sera confirmée, s'agissant de l'expulsion ordonnée, par substitution de motifs étant observé que le prononcé d'une astreinte, sollicitée par les intimés n'apparaît ni utile, ni efficace, les consorts [T] étant en droit de solliciter le concours de la force publique pour mettre à exécution la présente décision.
Les appelants tenus aux dépens d'appel doivent être condamnés in solidum à payer aux consorts [T] la somme de 2000€ au titre des frais non taxables exposés dans le cadre du présent recours.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la jonction des instances enrolées sous les n°17/740 et 17/3427.
Confirme l'ordonnance déférée.
Condamne [G] [O], [Q] [B] et [F] [E], in solidum, à payer aux consorts [T] la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne [G] [O], [Q] [B] et [F] [E] aux dépens d'appel.
Constate que [G] [O], [Q] [B] et [F] [E] bénéficient de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
MC